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26 Le confinement de fin d'hiver

Thompson et Euler (1987) rapportent qu'à la fin de l'hiver, la majorité des orignaux quittent les coupes totales pour se réfugier dans des secteurs non perturbés. À cette période de l'année (mi-mars — mi-avril), les orignaux réduisent considérablement leurs déplacements. A titre d'exemple, Courtois et Crête (1988) ont estimé des distances quotidiennes moyennes d'à peine 100 m dans le sud-ouest du Québec. La neige au sol, plus abondante (> 90 cm) et plus dure, ainsi que la croûte gênent les mouvements des bêtes. De plus, les orignaux sont en moins bonne condition physique. Normalement, une couche nivale inférieure à 60 cm n'entrave pas significativement les mouvements de l'Orignal, mais ils se confinent parfois dans des secteurs restreints même si la neige n'est pas très épaisse et qu'il n'y a pas de croûte. Ce comportement permet de réduire les pertes énergétiques (Joyal et Bourque 1986).

Les orignaux choisissent habituellement des sites résineux bien abrités (DesMeules 1964) et de préférence secs (Thompson et Euler 1987). Les peuplements de Proche (Tsuga canadensis), de sapin et d'Épinette blanche sont utilisés préférablement à ceux d'Épinette noire qui interceptent moins bien la neige, particulièrement dans les sites humides (Jackson et al. 1991).

Cependant, un couvert résineux dense n'est peut-être pas essentiel pour l'Orignal en fin d'hiver, particulièrement si le brout est abondant. En effet, Joyal et Bourque (1986) n'ont observé aucune tendance en fonction de la progression de l'hiver, ni dans la structure, ni dans la composition végétale des quartiers d'hiver de l'Orignal dans un milieu agro-forestier d'Abitibi. Une constatation similaire a été faite par Girard et Joyal (1984) dans des coupes à blanc du nord de l'Abitibi et par Courtois et al. (1993) sur la Côte-Nord. Crête (1988) met en doute la nécessité d'un couvert particulier en fin d'hiver en présence de brout abondant. Par contre, Timmermann

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et McNicol (1988) estiment qu'un couvert dense est essentiel en fin d'hiver pour réduire le stress thermique lorsque les températures printanières atteignent -S à 0 °C. L'augmentation des températures accroîtrait le métabolisme, les rythmes cardiaque et respiratoire et pourrait entraîner une baisse de l'alimentation, d'où accentuation des pertes de poids (Timmermann et McNicol 1988).

4.2.5 Les domaines vitaux

L'aire fréquentée par les orignaux varie considérablement d'une région à l'autre selon la nature du milieu (productivité) et selon les conditions biologiques (prédation, stress social) rencontrées par l'Orignal. Diverses études rapportent des domaines vitaux annuels variant de 19 à 296 km2 (Crête 1988). Les principaux facteurs influençant la taille des domaines vitaux sont l'âge des animaux, la productivité du milieu et la présence des prédateurs. Les jeunes animaux (< 2,5 ans) ne sont pas réellement sédentaires et ils peuvent parfois faire des déplacements d'une centaine de kilomètres en quelques mois. De même, les orignaux ont tendance à se déplacer davantage lorsque le milieu est pauvre en brout (Lynch et Morgantini 1984, Courtois et al. 1993) ou qu'ils sont harcelés par des prédateurs (Ballard et al- 1980, Courtois et Crête 1988).

Les domaines vitaux sont généralement plus petits en hiver qu'en été et il existe généralement un chevauchement important entre les sites fréquentés au cours de ces deux saisons. Compte tenu des caractéristiques de l'habitat, des densités d'orignaux et de la présence de prédateurs dans certaines régions, Courtois et Crête (1988) estiment que 40 km2 seraient une estimation convenable du domaine vital moyen de l'Orignal au Québec. Les femelles qu'ils ont suivies intensément ont toutefois passé 75 % de leur temps dans une superficie moyenne de 15 km2 ce qu'ils considèrent comme la meilleure estimation pour le sud-ouest du Québec.

Ces superficies sont beaucoup plus grandes que celles jugées représentatives des femelles de la région du lac Supérieur (6 km2; Allen et al. 1987).

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5. DESCRIPTION D'UN MODÈLE D'HABITAT

Les informations tirées de la littérature permettent de décrire les principales caractéristiques du cycle vital de l'Orignal et d'identifier les variables importantes de son habitat (tableau 3).

Il ne semble pas exister une période nettement plus critique que les autres. Des besoins spécifiques sont identifiables pour la mise bas, l'alimentation estivale, la période du rut (chasse) et la fin de l'hiver. Les mortalités s'étalent sur toute l'année, mais sont particulièrement importantes peu de temps après la naissance chez les jeunes et pendant la saison de chasse chez les adultes. Le milieu doit contenir les éléments suivants pour répondre aux besoins de l'Orignal: (1) une strate d'alimentation terrestre abondante et diversifiée (feuilles et ramilles décidues); (2) un accès à des sites humides (nourriture aquatique, régulation thermique en été); (3) un couvert de fuite (forêt peu déboisée pour réduire les pertes dues à la chasse et à la prédation); (4) un couvert de protection résineux (minimiser les pertes énergétiques, favoriser la thermorégulation en fin d'hiver);

(5) des habitats spécifiques (salines, sites de vêlage). Ces divers milieux doivent être entremêlés afin de minimiser les déplacements et permettre le broutement optimal, le repos et la rumination (OMNR 1984).

Différentes sources d'information seront utilisées pour quantifier la valeur relative des milieux identifiés sur la carte forestière 1:20 000 et ce, pour chaque besoin identifié ci-haut Des notions de distance seront introduites afin de tenir compte de rentremêlement des milieux. Les chapitres 5.1 à 5.5 décrivent les indices alors que le modèle et la séquence des calculs sont présentés aux chapitres 5.6 et 5.7.

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Tableau 3. Principales caractéristiques du cycle vital annuel de l'Orignal SAISON VERTE (mi-mai — mi-septembre)

— balance énergétique positive 1. Période de mise bas

— femelle chasse ses jeunes de Tannée précédente

— femelle recherche des sites isolés (couvert de sécurité) (îles, abords de plans d'eau, îlots dans assiettes de coupe)

* diminution du stress social

* éviter la prédation

— utilise ces sites entre quelques jours et quelques semaines 2. Alimentation estivale

— les orignaux vivent en solitaires (sauf femelles suitées)

— alimentation terrestre dominante (80 %)

— besoin en sodium (plans d'eau, salines, etc.)

— utilisation de sites humides et/ou bas

* sodium

* thermorégulation (> 14°C)

* fuir les insectes

SAISON MORTE (mi-septembre — mi-mai)

— balance énergétique négative 3. Période du rut

— délaissement graduel des sites humides

— arrêt de l'alimentation des mâles

— déplacements plus importants

— principale période de mortalité (chasse)

— regroupement des individus (2-3)

— déplacement vers des milieux secs lorsque gel des plans d'eau et neige disponible pour s'abreuver

4. Début d'hiver

— alimentation restreinte au brout

— recherche de milieux contenant une forte concentration de brout

— utilisation des parterres de coupes forestières (< 80 m du couvert) 5. Fin d'hiver

— diminution des déplacements pour limiter les pertes énergétiques

— déplacements entravés par la neige durcie et la croûte

— broutement de conifères

— protection contre le stress thermique (-5 à 0°C)

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