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Le début de la contestation organisée : la république parlementaire et la question sociale

Chapitre 2 : Un siècle de mobilisation De la fin du XIXe siècle à la post-dictature

2.1. Le début de la contestation organisée : la république parlementaire et la question sociale

Les réformes qui ont suivi la guerre civile de 1891 ont eu pour but de réduire l’influence du système présidentiel en vigueur et d’augmenter celle du système de partis. Ces réformes ont donné lieu à une période connue comme la « république parlementaire », quand le parlement a eu le pouvoir exécutif (la désignation des ministres ou son changement) et le système électoral sous contrôle (Samuel Valenzuela, 1997). Ainsi, un processus de libéralisation croissante du système politique et un effort de déconcentration ont dérivé de cette situation. Un exemple de ceci a été la loi de la « commune autonome » qui a permis l’élection libre de candidats à la mairie et a augmenté l’autonomie des municipalités (Illanes, 2003; Samuel Valenzuela, 1998).

Cependant, conformément à Salazar et Pinto, cela n’a pas impliqué une plus grande participation et représentation de la société dans la politique. Au contraire, les partis politiques se sont

homogénéisés en recréant l’oligarchie en vigueur : « La transversalité, l’indifférenciation, la

migration de politiciens à travers les factions différentes et le changement permanent des alliances et des coalitions ont été les traits dominants du système de partis entre 1891 et 1925 » (1999a,

p. 216). Ceci est confirmé par les données de Valenzuela (1997) : en dépit de l’élimination de la condition requise de revenus en 1888, seulement 7 % de la population était inscrite dans les registres électoraux. En conséquence, le système politique a continué d’être oligarchique. Malgré cela, d’après Valenzuela (1998) celui-ci rempliait les conditions minimales pour se considérer comme démocratique à partir de 189034. Cependant, à cause des luttes partisanes et des besoins

politiques de ces partis, l’État est devenu inefficace et incapable de donner une réponse aux tensions sociales croissantes. Cette situation conjointement avec l’urgence de la question sociale, la montée des mouvements sociaux modernes et les crises économiques, a été à la base de la paralysie politique qui a conduit à l’élaboration d’une nouvelle constitution et à la refondation de l’État en 1925.

Toute cette période est traversée en effet par la « question sociale » c’est-à-dire l’ensemble des problématiques sociales associées à la croissance rapide de la ville. Cette croissance est la conséquence à son tour, du processus de migration interne des péons itinérants qui s’est intensifiée après la crise du salpêtre au nord du pays.

« ... la pauvreté était mal dissimulée et se manifestait dans les énormes faubourgs et “conventillos”, dans les conditions sanitaires et urbaines inhumaines, dans les épidémies difficiles à enrayer, dans le sous-emploi et le chômage visible, et à ce moment-là, dans une inflation croissante qui a aggravé les conditions de subsistance populaire » (Garcés, 2003, p. 84).

La plupart des héritiers du métissage de la colonie, exclus socialement, invisibles dans l’itinérance et ayant perdu leurs possibilités de subsistance historique, finissent par les chercher en s’installant en ville. À cause de cette situation, les villes vivent une croissance explosive, désordonnée et ségrégée, ce qui a pour conséquence un accès déficient au logement et des conditions de vie déplorables (De Ramón, 1978). Durant la période, l’accès au logement était axé d’abord sur la location de petits terrains en périphérie de la ville, où les locataires devaient construire leurs propres demeures, en général précaires (« ranchos »), et après, la location des chambres dans les « conventillos » ou dans des immeubles détériorés (De Ramón, 1990). Ces chambres avaient généralement une seule entrée sans fenêtre et dans celles-ci, des familles complètes habitaient ainsi que des animaux qui servaient pour leur subsistance. Il en résultait des conditions importantes

d’entassement et d’insalubrité (Garcés, 2003). Il est estimé que 70 % des logements dans le pays correspondaient à ce type d’habitation (Garcés, 2003). L’insalubrité de ceux-ci a été cause de la propagation de maladies, d’épidémies et de pestes avec un taux élevé de mortalité, qui dans le cas des enfants arrivait à 50 % (Garcés, 2003). À tout cela est venu s’ajouter les conditions précaires de travail, les salaires peu élevés et l’absence de régulation :

À cette époque-là, on peut dire qu’il n’existait aucun type de prévision sociale, sauf celle dont les travailleurs se pourvoyaient à travers de leurs sociétés mutuelles et d’autre type d’organisations. Il n’y a pas eu non plus de législation sur des accidents du travail, jusqu’à 1916. Il n’y avait pas non plus une législation sur la durée de la journée de travail qui pouvait fluctuer entre 9 et 12 heures voire même davantage. Et le travail des enfants et des femmes manquait de tout type de réglementation, malgré le fait qu’ils représentaient environ de 30 % de la force de travail. Finalement, fait notoire, le Chili a manqué jusqu’à 1924 de toute sorte de législation qui réglait les relations capital - travail » (Garcés, 2003, p. 99).

Ainsi, la participation de l’État à ces questions a été pratiquement nulle et il s’en est approprié, lorsque les mouvements sociaux ont émergé et à cause de la crainte de la part de l’oligarchie gouvernante de perdre le contrôle du pouvoir. Un député de l’époque l’explique ainsi :

« Qu’il n’arrive pas, dans notre Chili, monsieur Président, ce qui est arrivé à la vieille Europe, qui s’est laissée entraîner par un optimisme libéral et par des idées fort individualistes, et qui est restée indifférente envers le mouvement ouvrier, pour s’éveiller lorsque toutes les institutions existantes étaient déjà menacées de mort et lorsque le problème épouvantable de salut social se présentait dans toute sa grandeur » (cité dans Yáñez, 1999, p. 206)

En effet, d’après Yañez (1999) cette réponse tardive de l’État a découlé de l’essor du libéralisme politique et économique à la fin du XIXe siècle dans le pays, qui, comme dans le reste de l’Amérique latine, avait eu une influence importante depuis l’indépendance (Cavieres, 2001; Jacobsen, 2007). D’un point de vue économique, cela s’est traduit par une libéralisation vers les marchés internationaux et une faible charge fiscale (Cavieres, 2001). Ce processus a aussi été accompagné de la naissance de l’industrialisation et de la prolétarisation, associée à l’exploitation minière et au travail dans les chemins de fer (Salazar, 2003). La faible charge fiscale en lien avec une crise économique, sociale et de légitimité du système politique de fins du XIXe siècle, a trouvé un État en manque de financement et sans autre marge de manœuvre que la répression historique des problématiques sociales.

En 1906, la première législation sociale est édictée. Elle cherchait à améliorer les conditions d’hygiène des logements ouvriers, mais n’a pas cependant été très efficace (Yáñez, 1999). À la suite de cela, une série de régulations sociales ont été approuvées : le droit au repos dominical et aux jours fériés, le droit à la chaise pour les employés du commerce et la mise en place des crèches dans les usines. Même si une loi d’instruction primaire existait déjà depuis 1860, ce n’est qu’en 1920 que la loi d’instruction primaire obligatoire a été approuvée. Celle-ci assurait la gratuité et le caractère obligatoire de l’école primaire publique pour toute la population35 (Illanes, 1991). En 1924, sous la

pression de jeunes officiels de l’armée, le parlement a promulgué un ensemble de lois sociales qui réglaient principalement le travail. Cependant, ce n’est qu’en 1931 que le Code du travail est né. Il regroupait l’ensemble de ces législations du travail et marquait un avant et un après dans les relations travailleur – État.

La période est également marquée par la transition de formes archaïques de la protestation, telles que l’émeute urbaine ou les formes traditionnelles d’origine coloniale et agricole, vers des formes plus modernes et organisées comme la grève (Sergio Grez, 2000, 2007a). Les formes traditionnelles de protestation étaient caractérisées par la pression directe et physique à court terme face aux patrons ou à leurs représentants. Elles avaient pour but une revendication immédiate des demandes des ouvriers et étaient souvent accompagnées d’explosions spontanées de violence ou de délinquance (pillages, vols, incendies, attaques, etc.) (Sergio Grez, 2000). Elles émergeaient fréquemment de manière imprévue, en réponse à la frustration due aux conditions de travail, aux salaires précaires ou aux mauvais traitements, et étaient habituellement dirigées par des caudillos circonstanciels (Sergio Grez, 2000). D’après Goicovic (2005b), ces manifestations spontanées étaient également une réaction aux tentatives pour discipliner une main d’œuvre peu habituée aux formes modernes de capitalisme et de prolétarisation, ayant ainsi un caractère de résistance.

En réaction à ce type d’événements, l’État faisait appel à l’armée lorsque la police locale était insuffisante pour reprendre le contrôle de la situation (Garcés, 2003). La pression directe des insurgés était aussi accompagnée de la répression directe des entreprises, lesquelles utilisaient des « gardes blanches », c’est-à-dire des hommes armés par la propre entreprise pour confronter la protestation (Sergio Grez, 2000). Il en résultait souvent un massacre des travailleurs. Ainsi, la violence d’un côté et de l’autre apparaît comme étant l’une des caractéristiques de la période.

35 La proportion d’analphabètes âgés de 6 et 14 ans en 1914 était d’environ 30 % et pour 1922, deux ans après la loi

Si les protestations traditionnelles étaient éparpillées, spontanées et directes, les formes modernes, au contraire, tendaient à la concentration des actions à partir des organisations professionnelles et syndicales naissantes. Ces organisations commençaient à diriger leurs demandes à l’État et avaient pour but des revendications à long terme, au-delà des frustrations du moment. La grève devient alors l’outil de pression de la période et les conditions et les relations du travail deviennent le conflit central. Cependant, cette transition ne fut jamais absolue. D’une part, les premières expériences des grèves ont déjà eu lieu pendant les années 1860 chez les transporteurs à chaloupe et les typographes36 (Grez, 2007a) et d’une autre part, les émeutes urbaines et les explosions spontanées

de violence ont souvent accompagné les formes organisées de protestation. C’est le cas notamment de grandes émeutes urbaines entre 1903-1907 qui ont commencé par des demandes organisées des syndicats et qui ont dérivé en des explosions de violence (DeShazo, 1983; Garcés, 2003). Ainsi, durant une grande partie de ce tournant de siècle, les formes primitives et les formes modernes ont coexisté, mais avaient une prédominance de l’une ou de l’autre conformément à la présence ou à l’absence d’une activité économique stable et au degré de sédentarisation et de prolétarisation de la main-d’œuvre. Ceux qui ont développé un plus grand degré de demandes organisées ont été les travailleurs salariés, urbains, qui avaient des postes de travail plus stables et chez qui les décennies de travail organisé avaient facilité le développement de la solidarité de classe, tels que les ouvriers portuaires, les cheminots ou les mineurs ; alors que dans les secteurs les plus précaires, associés encore au travail agricole, les formes primitives étaient encore prédominantes (Goicovic, 2005b; Sergio Grez, 2000).

La généralisation de la grève a promu le développement syndical. Si au début, elle a seulement été associée aux revendications spécifiques contre les patrons et les entreprises, au tournant du siècle, les demandes s’adressent de plus en plus à l’État et aux pouvoirs publics, ce qui impliquait un plus grand degré d’unité et d’organisation ouvrière (Sergio Grez, 2000). On observe une évolution depuis les organisations de base associées à des métiers spécifiques aux premières expériences de fédération ouvrière à la fin de la période. En effet, les premières expériences d’organisation syndicale ont été les « sociétés d’entraide » des artisans qui s’organisaient à l’intérieur d’un métier spécifique (boulangers, typographes, tailleurs, etc.). Ce type d’organisation existait déjà depuis la première moitié du XIXe siècle et à la fin du siècle elle comptait 240 associations (Garcés, 2003). Au début, les sociétés d’entraide ne cherchaient qu’à offrir des services sociaux à leurs affiliés, services qui étaient inexistants pour eux à ce moment-là (santé, éducation, prévision sociale, etc.).

Cependant au cours du siècle, elles sont devenues l’un des principaux promoteurs de la lutte ouvrière, en organisant le premier congrès ouvrier national en 1900, lequel représente la première expérience de regroupement des organisations locales (Garcés, 2003; Sergio Grez, 2007a).

Les sociétés d’entraide ont été amplement critiquées par les anarchistes, lesquels ont commencé à avoir une forte influence sur la protestation sociale. L’anarchisme à cette époque-là était considéré comme l’idéal et l’espoir des travailleurs et ainsi, il s’est répandu rapidement parmi eux (Garcés, 2003). Comme dans d’autres parties du globe, l’éducation du peuple, la diffusion (journaux), l’action directe et l’organisation sociale étaient le noyau des pratiques des anarchistes chiliens, pourtant la diversité de positions parmi eux est restée importante (Sergio Grez, 2007b). Pour certains, en raison de cette diversité, l’anarchisme chilien ne peut pas être considéré en tant que mouvement, mais doit plutôt être considéré comme un courant idéologique (Sergio Grez, 2007b). Malgré cela, l’influence de l’anarcho-syndicalisme est indéniable et, en conséquence, le renforcement des syndicats a été l’une de leurs premières actions. Les anarchistes ont également été les premiers à promouvoir la lutte des femmes et d’autres causes comme le pacifisme et l’internationalisme (Sergio Grez, 2007b). Pour les anarchistes, les sociétés d’entraide manquaient de vision politique et de conscience de classe, en se concentrant exclusivement sur les services aux travailleurs. En conséquence, ils ont commencé à organiser les « sociétés de résistance », à savoir des organisations syndicales à l’intérieur de corporations des artisans et des sociétés organisées à partir des métiers, avec une idéologie révolutionnaire et caractérisées par l’action directe. Ces sociétés ont été le noyau des grandes protestations du cycle 1902-1907. D’après De Shazo (1983), dix sur treize grèves entre 1902-1903 ont été organisées par des anarchistes. À la différence des sociétés d’entraide, les sociétés de résistance « sont nées pour développer la lutte économique des

travailleurs contre les capitalistes et c’est pour cela qu’ils ont attiré l’animosité de la classe dirigeante et de son appareil étatique » (Sergio Grez, 2007b, p. 79). Les anarchistes ont développé

les premières expériences de fédéralisme (Bastías, 2007; Sergio Grez, 2007b). Ainsi, en 1906, ils créent la Fédération de travailleurs du Chili (FTCH) et en 1926, la Fédération ouvrière régionale du Chili (FORCH). Ils ont également été à la base de « ligue des locataires » en 1914 : la première organisation qui cherchait améliorer les conditions de logements des habitants des quartiers populaires (Bastías, 2007).

Les « Mancomunales » ont été la troisième forme d’organisation de la période et sont probablement à l’origine des fédérations, des « centrales de travailleurs » futures et du parti ouvrier socialiste (Garcés, 2003). À la différence d’autres organisations, les « mancomunales » étaient des

organisations local-territoriales qui regroupaient des travailleurs provenant de différents métiers. Tout comme les sociétés d’entraide, les « mancomunales » pourvoyaient des services sociaux à ses affiliés, mais contrairement aux sociétés d’entraide, elles étaient très impliquées dans la lutte ouvrière (Garcés, 2003). Ainsi, elles regroupaient les tâches mutualistes, syndicales et celles de proto-parti politico-populaire, en regroupant à leur tour les différents courants idéologiques : dans certains cas, l’anarcho-syndicalisme prédominait alors que dans d’autres il s’agissait de courants plus socialistes. La majorité d’entre elles a été créée entre 1902-03 et a constitué la base organisationnelle des grandes protestations de la période.

Bien que l’idée d’un parti ouvrier ait été présente depuis la fin du XIXe siècle, ce n’est qu’à partir de 1912 qu’il voit la lumière, fondé par Luis Emilio Recabarren, qui le nomme le Parti ouvrier- socialiste. Sous l’influence de la révolution russe, il prendra le nom de parti communiste en 1922 (Salazar & Pinto, 1999a). Les anarchistes avaient également considéré la fondation d’un Parti socialiste, cependant ils ont changé d’avis considérant que leurs idées ne pouvaient pas être représentées par un parti, alors qu’ils critiquaient fortement le système de représentation politique (Sergio Grez, 2007b). En 1909, Recabarren avait déjà aidé à fonder la Fédération ouvrière du Chili (FOCh), laquelle a ensuite servi de base pour la conformation du parti qui finira par donner la consistance idéologique au mouvement ouvrier et qui sera très influente tout au long du XXe siècle (Barría, 1971).

Cette période peut être divise en quatre sous-étapes : l’aube de la mobilisation moderne (1890- 1900), l’essor et la chute du mouvement ouvrier initial (1902-1908), réarticulation (1908-1915), les grandes mobilisations qui finissent avec le coup d’État de 1925 et la nouvelle constitution (1915- 1925). La première période a largement été traitée dans ce texte. La deuxième période est probablement le résultat de l’organisation croissante et de la centralisation de la lutte ouvrière. Elle est aussi le résultat d’une plus grande conscience de classe chez les ouvriers, ainsi que des problématiques liées à la question sociale, laquelle sera aggravée par la crise inflationniste de principes de siècle. En effet, durant cette période se produit une vague de grandes protestations organisées tout au long du pays, tels que la grève portuaire de 1903 à Valparaiso, la grève de la viande en 1905 à Santiago, et la grande grève de Tarapacá en 1907 (Artaza, González, & Jiles, 2009; Garcés, 2003). 84 grèves ont été organisées à Santiago et à Valparaiso durant cette période (DeShazo, 1983). Une caractéristique transversale de ces protestations est justement la présence mixte de protestations et de soulèvements (Garcés, 2003). En d’autres termes, il s’agit de formes organisées au commencement de l’épisode et d’un débordement de violence vers la fin. Ces

protestations ont également été liées à la présence mixte d’ouvriers et de secteurs populaires et marginaux de la ville. Une autre caractéristique de ces événements protestataires est la réaction répressive de l’État. De nombreuses protestations ont été massacrées par l’armée ou par les « gardes blanches » des patrons, comme c’est le cas de la tuerie emblématique de l’École de « Santa Maria

de Iquique » en 1907, où des centaines de mineurs du salpêtre engagés dans une grève générale ont

été assassinés avec leurs familles (Artaza et al., 2009; Sergio Grez, 2007b).

Suite aux meurtres massifs et à la répression de la période antérieure, la mobilisation sociale subit un fort recul. En 1909, plusieurs organisations créées durant le cycle 1902-1908 ont disparu et la plupart des leaders sociaux de l’époque ont subi la persécution de l’État. Les organisations qui restaient sont retournées aux pratiques du mutualisme (DeShazo, 1983). Seules six sociétés de résistance survivaient en 1909 à Santiago et malgré la résurgence des grèves durant la période de 1912-14, elles n’atteignent pas la taille de la période antérieure (DeShazo, 1983). Quant aux anarcho-syndicalistes, ils ont continué d’alimenter le travail syndical avec difficulté, surtout au travers de leurs publications périodiques (Sergio Grez, 2007b).

La période 1915-1924 est une période de consolidation et de reconnaissance de la protestation sociale, notamment l’urbaine. Si pour la période 1902-1908 De Shazo (1983) a comptabilisé 84 grèves à Valparaiso et à Santiago, pour la période 1917-1921 elles atteignent le chiffre de 229. Dans le cas de l’anarcho-syndicalisme, les sociétés de résistance se multiplient. De nombreux intellectuels se joignent aux idées libertaires et, vers les années 1920, la Fédération d’étudiants de l’Université du Chili (FECH) est clairement influencée par cette idéologie, laquelle joue un rôle éminent notamment dans les protestations de cette période et dans la chute de la dictature d’Ibañez en 1931 (DeShazo, 1983 ; Salazar & Pinto, 1999b). Entre 1919 et 1926, une filiale de l’IWW (Industrial Workers of the World) apparaît au Chili, laquelle sera cependant fort affaiblie, suite au schisme d’un groupe de dissidents qui organisera ce qui sera la deuxième Fédération ouvrière régionale du Chili en 1926 (Bastías, 2007). Pour sa part, la FOCh continue à se renforcer sous l’influence du Parti communiste (le Parti ouvrier socialiste jusqu’à 1922), en fonctionnant plutôt comme le bras syndical de celui-ci (DeShazo, 1983). Les organisations syndicales sont plus nombreuses et stables qu’auparavant et grâce à leur capacité croissante de pression sur le gouvernement et les entrepreneurs, elles commencent à occuper une place en tant qu’acteurs reconnus (DeShazo, 1983).

Tant au niveau législatif et politique qu’en relation aux demandes spécifiques aux patrons, les succès se multiplient. Sous la menace d’un coup d’État de la part des jeunes officiels de l’armée,

l’ensemble de lois sociales, longuement attendues par le mouvement, est approuvé en 1924 au parlement, y compris la « Direction du travail », l’institution qui promouvra la création de syndicats légaux dans les années à venir (Rojas Flores, 1993 ; Salazar & Pinto, 1999a). En 1925, le parti communiste réussissait à faire élire 5 députés et un sénateur, et le président élu à cette époque-là

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