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Les débats parlementaires avant la révision de la déclaration ministérielle de

« PROFESSIONS SUPERIEURES »

A. Les débats parlementaires avant la révision de la déclaration ministérielle de

NISHINE Yuka : Association pour la Restauration du Japon (Nippon Ishin no Kai

日本維新の会)

SHIINA Tsuyoshi : Le parti de tous (Minna no tō みんなの党)

Nous aborderons ici les deux thèmes principaux traités entre la période du 15 mars au 29 mai 2013 les limites du système préférentiel et le double discours du gouvernement sur les travailleurs étrangers. Ce sont les parlementaires NISHINE

Yuka et SHIINA Tsuyoshi qui les ont évoqués.

i. Système préférentiel : éliminer les facteurs discriminants

Le premier thème évoqué concerne celui de la famille et il est lancé par NISHINE Yuka138, membre de l’ancien parti politique Association pour la

Restauration du Japon. Elle revient sur certains critères du traitement préférentiel en commençant par le regroupement familial pour les parents de l’EHQ ou les parents du conjoint de l’EHQ. Elle regrette qu’ils n’aient la possibilité de rejoindre l’EHQ seulement pour s’occuper d’enfants de moins de trois ans et propose d’étendre la limite jusqu’à sept ans et d’éliminer l’obligation du lien biologique pour pouvoir en bénéficier. TANIGAKI Sadakazu, lui, rappelle tout de

138 KOKKAI KAIGIROKU 国会会議録, Shûgiin - 183 kaiji - Hômu Iin Kaigi- Hatsugensha [140 - 151] 衆

議院-183 回次-法務委員会議ー発言者 [140 - 151] (183e session parlementaire - Comité des

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même que les autres catégories de travailleurs au Japon ne bénéficient pas de ces traitements de faveur mais que sa proposition fera l’objet d’une discussion durant la table ronde prochaine.

Ensuite, elle revient sur le statut du conjoint (haigūsha 配偶者) de l’EHQ et souhaite savoir si le traitement préférentiel reconnait les conjoints homosexuels comme étant des conjoints. Le droit de la famille japonais ne reconnaît pas les mariages de couples homosexuels ; le système préférentiel prévoit-il des dispositifs pour que les couples d’EHQ homosexuels puissent contourner la loi et faire venir leur conjoint ? Après avoir insisté pour enfin obtenir une réponse claire de la part du gouvernement, le ministre de la Justice finit par lui répondre que les EHQ dans cette situation ne bénéficieront pas de traitement préférentiel à ce sujet.

Pourtant, comme le souligne NISHINE, plus d’une vingtaine de pays

reconnait le mariage homosexuel et de grandes entreprises telles que IBM ou encore Goldman Sacks défendent la lutte pour le droit au mariage de couples homosexuels et la cause LGBT en général. Selon elle, le Japon perdrait énormément à ne pas les inclure et renforcerait sa réputation de pays discriminant. Il y a donc dans le discours de NISHINE, un souci de l’image que renverrait le Japon à l’international. TANIGAKI propose de soumettre cette suggestion à l’opinion publique dans un premier temps.

NISHINE revient sur des points très important car ceux-ci interrogent non seulement sur l’attractivité du système préférentiel mais également sur les restrictions du droit de la famille japonais. Le fait que le Japon ne reconnaisse pas le mariage homosexuel mais que celui-ci soit reconnu par de nombreux pays occidentaux peut jouer en défaveur du système préférentiel. En outre, il peut apparaître très étonnant qu’un membre d’une association dont le président, ISHIHARA Shintarō,139 est surnommé dans les médias internationaux « le faucon

d’extrême droite », se prononce en faveur d’une telle mesure, mais l’Association pour la Restauration du Japon est un parti qui soutient le mariage de couples

139 Ancien gouverneur de Tokyo

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homosexuels ; de plus, ce parti réunit un ensemble assez hétéroclite de parlementaires140.

Revenons ensuite sur les interrogations de SHIINA Tsuyoshi, affilié au Parti

pour tous (Minna no tō み ん な の 党 ), qui s’est lui prononcé sur le projet d’admission des EHQ141. Il s’est concentré sur le type de travailleurs attendus à

travers le système de points.

ii. La crise démographique japonaise et le double discours du gouvernement concernant les travailleurs étrangers

A la question de SHIINA sur l’intérêt d’accueillir des EHQ, TANIGAKI

rappelle que les EHQ sont accueillis dans l’objectif principal de stimuler l’économie japonaise. SHIINA a évoqué à plusieurs reprises son inquiétude pour l’avenir et affirme que même s’il est conservateur, qu’il n’a jamais quitté le Japon et qu’il effectue souvent des visites au sanctuaire Yasukuni142, il se demande

pourquoi la révision de la Loi sur le contrôle de l’immigration n’inclut pas aussi les travailleurs étrangers (gaikokujin rōdōsha 外国人労働者), donc par extension les travailleurs étrangers non-qualifiés. Pourquoi si une si grande différence entre ces deux catégories de travailleurs ?

Plusieurs représentants du gouvernement (seifu sankōnin 政府参考人) lui répondent qu’il y a une crainte que les étrangers non-qualifiés entrent en compétition avec les personnes âgées et les femmes dans le marché du travail. Selon le représentant du METI, dans l’immédiat, la demande en main-d’œuvre non-qualifiée peut être comblée par les femmes et personnes âgées et, pour le futur, il faudra l’aval de la population. Quant au représentant du MHLW, il répète la nécessité de favoriser avant tout un environnement de travail pour les jeunes,

140 Miho INADA et Phred DVORAK, « Same-Sex Marriage in Japan: A Long Way Away? », The Wall

Street Journal, le 20 septembre 2013 [En ligne] :

https://blogs.wsj.com/japanrealtime/2013/09/20/same-sex-marriage-in-japan-a-long-way-away/

(Consulté le 11 juin 2018)

141 KOKKAI KAIGIROKU 国会会議録, Shûgiin - 183 kaiji - Hômu Iin Kaigi- Hatsugensha [78 - 97] 衆議

院-183 回次-法務委員会議ー発言者 [78 - 97] (183e session parlementaire - Commission des

affaires juridiques de la Chambre des représentants - Interventions 78 - 97), 10 mai 2013.

142 Le sanctuaire Yasukuni est dédié aux personnes mortes au combat en servant l’Empereur du

Japon. Il est au centre des controverses le Japon et ses voisins chinois et coréens car y sont honorés quatorze criminels de guerre.

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les femmes et les personnes âgées japonaises. Pour finir, TANIGAKI ajoute que

pour l’instant le Japon peut toujours s’appuyer sur la main-d’œuvre locale, il n’y a donc pas d’urgence, il ne faut pas prendre de décisions hâtives. Selon le gouvernement la différence entre un travailleur qualifié et non qualifié se situe donc entre la nécessité d’accueillir une main-d’œuvre productive et la réticence d’accueillir des populations étrangères perçues comme potentiellement dangereuses pour le travailleur japonais et pour l’ordre public (chian 治安).

SHIINA n’est pas convaincu par les explications du gouvernement et riposte en soulignant que contrairement à ce que l’avait prévu l’ancien ministre de la Justice, le nombre d’EHQ reconnus n’a pas atteint les 2 000 personnes. Surtout, il ajoute que malgré la volonté affichée du Japon de ne pas accueillir des travailleurs non-qualifiés, pour pallier le manque de main-d’œuvre, celui-ci continue à recruter des stagiaires, dans l’industrie agraire ou de la pêche, afin de profiter de cette main-d’œuvre à moindre coût. Il y voit un moyen détourné d’accueillir des travailleurs non-qualifiés.

Selon lui, même s’il existe un réel risque que ces derniers causent des troubles à l’ordre public, à cause de la baisse fulgurante de la population, s’appuyer sur les femmes ou les personnes âgées n’est plus une solution viable, il faut donc penser à un dispositif d’accueil pour cette catégorie de travailleurs.

SHIINA, malgré son affiliation à un parti conservateur, défend tout de

même l’accueil de travailleurs étrangers non-qualifiés au Japon et ce en raison des problèmes démographiques qui touchent l’Archipel. Il regrette le double discours du gouvernement concernant les politiques migratoires japonaises et conseille d’inclure dans ce projet l’accueil de travailleurs étrangers non-qualifiés.

Ces deux thèmes sont les plus importants évoqués avant la révision de la déclaration ministérielle. Après ces débats, les parlementaires se lèvent et votent le projet de loi à majorité (kiritsu tasū 起立多数) lors de la séance plénière de la Chambre des représentants le 29 mai 2013. Avant de poursuivre l’analyse des débats jusqu’à l’adoption du projet, nous allons observer les modifications effectuées sur la déclaration ministérielle.

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