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Débat entre la protection intégrale et la protection optimale

Dans le document • Stratégique Doit être? (Page 101-104)

5.1 Les principaux constats sur la gouvernance de la forêt Boucher

5.1.5 Débat entre la protection intégrale et la protection optimale

En plus des enjeux majeurs non résolus, force est de constater plusieurs visions dans la protection de la forêt Boucher quoique le SAD précise la vision de la Ville sur la forêt Boucher. En effet, même si tous les participants rencontrés sont unanimes sur la nécessité de protéger au moins les 75% prévus par le SAD, d'autres insistent sur des efforts supplémentaires de protection.

16 Créé en 1978, le BAPE est né suite à la Loi sur la qualité de l’environnement. Le BAPE fut institutionnalisé et devient un moyen pour le débat public sur les questions d’aménagement et de l’environnement au Québec. Il mène des enquêtes et des audiences publiques. (Gauthier et Simard, 2007 et 2011)

Pour certains si on tient pour acquis que la Ville parviendra à protéger les trois quarts de la superficie de la forêt, cela demeure satisfaisant. Selon ces acteurs, il s’agit d’abord des raisons financières. Nul doute que la procédure d’acquisition qui a commencé n’est pas arrivée à terme à cause du coût élevé des parcelles. Or, la Ville ayant plusieurs autres contraintes, le financement pour l’achat des parcelles de la forêt Boucher devient un budget lourd pour elle. C’est pour cela selon un élu que :

Le SAD prévoit de protéger 75%, car on estime que les 25% qui restent pourraient être développables pour permettre le financement. Une des façons de protéger la plus grande partie de terre et de permettre un développement à très basse densité comme compromis. Ainsi le sacrifice est faible et le gain est plus grand (E3).

La deuxième raison est relative à la richesse écologique des parcelles. Dans ce sens, une étude de caractérisation écologique a certes confirmé la valeur exceptionnelle de la forêt Boucher, mais elle précise aussi les zones riches en biodiversité. On constate alors que la partie sud de la forêt regorge plus de milieux humides et riches comparativement à la zone nord-est constitué d’anciennes fermes et qui connaît déjà une pression due au développement résidentiel et industriel. Selon cette logique il serait plus opportun de maximiser la protection des milieux plus riches en biodiversité. En troisième lieu demeurent les possibilités de négociation pour l’acquisition des parcelles, car un professionnel de la Ville nous informe que « la concertation avec les propriétaires privés n’est pas facile. C’est vrai que certains sont ouverts au dialogue, mais d’autres par contre menacent la Ville de poursuite et profitent de l’idée de création du parc pour mettre aux enchères leurs terrains » (P2).

Dans ces circonstances, il serait prétentieux pour la Ville de pouvoir acquérir contre vents et marées toutes les parcelles. Une marge de prudence et de maniabilité était nécessaire.

De l’autre côté par contre, des participants pensent que les motifs pourraient être mieux analysés. Car si on considère l’aspect financier pour l’acquisition des parcelles, d’autres paramètres pourraient intervenir pour équilibrer le calcul. Cela consiste selon

un membre de la Fondation à comparer la valeur financière de l’acquisition des parcelles et la valeur du service écologique sur les 25% de la superficie de la forêt :

Si on pose X=la valeur du développement immobilier et Y=la valeur des services écologiques. En faisant la comparaison surtout en milieu urbain, si X et Y sont proches, il y a alors de quoi financer l’achat de la forêt. Mais oui ! Ce n’est plus une question de militantisme écologique, mais une question d’éthique surtout avec les changements climatiques (F3).

Dans le même sens, d’autres participants pensent qu’une forêt urbaine est un bien patrimonial qu’il convient d’acquérir en totalité au lieu de chercher un autofinancement. Du point de vue de la richesse écologique, certains soutiennent que la forêt Boucher a été déjà beaucoup réduite et que le peu d’espace naturel qui reste mérite d’être protégé. Un citoyen pense que « c’est une forêt riche en diversité et de tels espaces sont rares en ville. Surtout, n’importe quel espace dans un écosystème est nécessaire à protéger pour ne pas briser la chaîne alimentaire naturelle, sinon ça deviendra juste un ilot » (C1). Selon ces acteurs, même s’il y a des espaces à moindre valeur écologique, la préservation à perpétuité permettra sa régénération et un équilibre écologique. Enfin, quand bien même cette vision n’est pas partagée par tous, il faut mentionner qu’un participant justifie le problème financier de l’achat des parcelles par le nombre d’élus. Selon lui, une autre raison en serait le poids politique des élus d’Aylmer, « C’est une dynamique politique, Aylmer n’a que 3 ½ d’élus.

Lorsque vient le moment de parler [du] financement de la forêt Boucher, il faut que ces élus arrivent à convaincre les autres. Gatineau a déjà son parc (Lac Beauchamps), des services sociaux… » (F3).

Ses différentes visions de protection font appel d’une part à la conception de la nature qui fait apparaître différents degrés de durabilité dans la protection de l’environnement (Brunel, 2007 ; Gudynas, 2011). D’autre part, ceci témoigne d'une opposition entre la gestion écosystémique qui vise le maintien de l’intégrité écologique et la gestion intégrée qui adopte une démarche de négociation des différentes parties prenantes (Gauthier, 2006). Il est cependant heureux que le SAD trouve un compromis entre la préservation et la mise en valeur de la forêt. Un citoyen

ayant une position mitigée s’exprimait en ces termes : « Déjà les 75% sont une avancée, car la Ville est en conflit juridique avec des propriétaires. Peut-être qu’il faut attendre que les conflits se règlent avant que la Ville annonce les 100% de conservation » (C1).

Dans le document • Stratégique Doit être? (Page 101-104)