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4.1 L’impact des composants dermiques sur la réponse de l’épiderme au stress UV

4.1.2 Les facteurs influençant la réparation des CPD épidermiques

4.1.2.2 Les molécules diffusibles

4.1.2.2.1 CXCL5

Lors de notre analyse du sécrétome des différents modèles (Figure 2.2 a), nous avons découvert que la cytokine CXCL5 présentait un profil de présence unique. Nous avons confirmé ce résultat à l’aide d’un test ELISA (Figure 2.2 b). Le milieu de culture des peaux reconstruites ne contenait quasiment pas de CXCL5 et les kératinocytes de ce modèle présentaient la réparation des CPD la plus efficace. Nous avons donc cherché à savoir si CXCL5 pouvait avoir un effet sur la NER. Lorsqu’elle est ajoutée dans le milieu de culture de kératinocytes, CXCL5 ralentie la réparation des CPD (Figure 2.3). Alors que lorsqu’elle est inhibée, à l’aide d’un anticorps spécifique contre CXCL5 ou contre son récepteur CXCR2, la réparation des CPD est accélérée (Figure 2.3). Nos travaux ont ainsi permis de démontrer que CXCL5 agit comme un inhibiteur de la NER. Par contre, nous n’avons pas déterminé les mécanismes par lesquels CXCL5 inhibe la réparation et, dans la suite de ce projet, il serait important de mieux comprendre cet aspect.

La vitesse de réparation des CPD dans les kératinocytes dépend de plusieurs facteurs dont la quantité initiale de dommages (Greinert et al., 2000), la disponibilité de DDB2 et XPC, les protéines de détection de la NER (Fitch et al., 2003, Luijsterburg et al., 2010, Moser et al., 2005), et finalement, la localisation et l’accessibilité de ces dommages dans la chromatine (Han et al., 2016, Smerdon and Lieberman, 1978). CXCL5 pourrait donc impacter un ou plusieurs de ces mécanismes.

Nous nous sommes premièrement demandé si la présence de CXCL5 pouvait induire une formation plus importante de CPD épidermiques, car plus il y a de dommages dans les kératinocytes, plus la réparation est ralentie (Greinert et al., 2000). Cependant, lors de nos analyses, en ajoutant ou inhibant CXCL5 dans des cultures de kératinocytes, la quantité de CPD induite au temps 0 h est similaire dans toutes les conditions (Figure 2.3). CXCL5 n’agit donc pas sur la quantité de dommages induits.

CXCL5 pourrait ralentir l’efficacité de détection des dommages dans l’ADN en induisant une diminution de la production de DDB2 et XPC, les protéines de reconnaissance des CPD dans la NER. Nous avons donc analysé par RT-QPCR l’expression génique de DDB2 et XPC en présence ou non d’inhibiteur de CXCL5 après une irradiation de 400 Jm-2 d’UVB.

Nos résultats préliminaires, effectués sur une culture de kératinocytes, indiquent que l’absence de CXCL5 ne provoque pas d’augmentation de l’expression des gènes codants pour les protéines de détection des CPD (Figure 4.1). Les protéines étant les unités fonctionnelles de détection des lésions, nous avons également analysé la quantité de protéines DDB2 et XPC dans des kératinocytes exposés ou non à l’inhibiteur de CXCL5 et à une irradiation de 400 Jm-2 d’UVB. Nos résultats préliminaires montrent que l’inhibition de

CXCL5 n’augmente pas la quantité de DDB2 et d’XPC dans les fractions protéiques nucléaire et liée à la chromatine de kératinocytes (Figure 4.2). CXCL5 ne semble donc pas agir au niveau de la détection des dommages dans l’ADN.

Figure 4.1 Influence de l’inhibition de CXCL5 sur l’expression génique de XPC

et DDB2

Quantification par RT-QPCR de l’expression génique de XPC et DDB2 en présence ou non d’inhibiteur de CXCL5 après une irradiation de 400 Jm-2 d’UVB. Le gène codant pour la

GAPDH a été utilisé comme contrôle interne et l’expression génique dans le milieu de culture standard a servi de calibrateur. La méthode 2ΔΔCt a été utilisé pour la quantification relative qui correspond au fold change. Le Ct, pour cycle threshold, est la valeur à laquelle la courbe PCR croise le seuil. Et ∆∆Ct correspond à la formule suivante : ∆∆Ct = (Ct gène – Ct contrôle interne)échantillon – (Ct gène – Ct contrôle interne)calibrateur. Le calibrateur est ainsi

fixé à une valeur de 1. Les autres échantillons ont une valeur par rapport à ce calibrateur.

En présence de l’inhibiteur de CXCL5, l’expression génique de DDB2 diminue de 1,4 et 1,2 fois sans et 0h après irradiation UVB, respectivement. En présence de l’inhibiteur de CXCL5, l’expression génique de XPC diminue de 1,9 et augmente de 1,1 fois sans et 0h après irradiation UVB, respectivement. L’expérience a été réalisée sur une seule culture de

kératinocytes et montre que l’absence de CXCL5 ne provoque pas d’augmentation de l’expression des gènes codants pour les protéines de détection des CPD.

Figure 4.2 Influence de l’inhibition de CXCL5 sur le niveau protéique de DDB2

et XPC

Analyse par Western Blot de la quantité de protéines DDB2 et XPC dans les fractions nucléaire et liée à la chromatine en présence ou non d’inhibiteur de CXCL5 après une irradiation de 400 Jm-2 d’UVB.

Le bleu de Coomasie a été utilisé comme contrôle de charge. Comparativement au milieu de culture standard, avec l’inhibiteur de CXCL5, il n’y a pas d’augmentation de la quantité de protéines DDB2 et XPC, dans les différentes fractions, aux différents temps post- irradiation. L’expérience a été réalisée sur une culture de kératinocytes en triplicata.

CXCL5 pourrait finalement modifier les nombreux signaux épigénétiques permettant la décompaction de la chromatine pour faciliter la NER et pourrait ainsi induire une moins bonne accessibilité aux dommages (Deem et al., 2012). Il a été démontré, dans d’autres études, que CXCL5 peut activer certaines voies de signalisation intracellulaire comme celles contenant AKT et MAPK (Cui et al., 2018, Wang et al., 2018, Zhao et al., 2017). CXCL5 pourrait alors agir sur la compaction de la chromatine via l’activation de ces protéines, qui elles-mêmes peuvent recruter ou inhiber d’autres protéines comme l’enzyme p300 qui joue un rôle dans l’acétylation des histones lors de la NER (Wang et al., 2013). Il serait donc

intéressant d’analyser les niveaux de méthylation et d’acétylation de la chromatine en présence de CXCL5. Une méthylation plus importante de la chromatine en présence de CXCL5 conférerait une moins grande accessibilité de l’ADN et pourrait expliquer le ralentissement de la NER.

Les molécules extracellulaires de CXCL5, que l’on retrouve dans l’analyse du sécretome, transmettent leur signal dans les cellules via l’activation de voies de signalisation. Déterminer via quelles voies CXCL5 agit permettrait d’avoir une meilleure idée des mécanismes sur lesquels elle opère. Pour caractériser via quelles voies de signalisation CXCL5 transmet son signal dans les kératinocytes, il serait indiqué d’utiliser des trousses de détection permettant de mesurer le niveau de phosphorylation de nombreuses kinases intervenant dans différentes voies de signalisation. Ce screening, à l’aide de trousses comme le Proteome Profiler™ Human Phospho-MAPK Array Kit ou le Proteome Profiler Human Phospho-Kinase Array Kit de R&D Systems, pourrait permettre de déterminer quelles kinases sont préférentiellement activées et donc phosphorylées en présence de CXCL5 dans des kératinocytes. Une étude plus détaillée de la / ou des voies de signalisation ainsi identifiées pourrait permettre de décrire comment CXCL5 transmet son signal impactant la réparation NER dans les kératinocytes.

Nous avons observé que CXCL5 était quasiment absente du milieu de culture des peaux reconstruites, alors qu’elle est largement présente dans celui des fibroblastes et présente dans celui des kératinocytes. Nous n’avons pas investigué la cause de cette absence dans les peaux reconstruites, mais plusieurs hypothèses peuvent être soulevées pour l’expliquer. CXCL5 pourrait simplement ne plus être exprimée par les fibroblastes et les kératinocytes des peaux reconstruites. Nous avons fait une étude préliminaire de l’expression génique de CXCL5 par RT-QPCR dans les trois modèles. Nos résultats montrent que CXCL5 est fortement exprimée dans les cellules des peaux reconstruites, ce qui invalide cette première hypothèse. Un signal pourrait empêcher les ARNm codants pour CXCL5 d’être traduit dans les peaux reconstruites. CXCL5 pourrait aussi ne plus être sécrétée, mais plutôt gardée à l’intérieur des fibroblastes et des kératinocytes dans le contexte des peaux reconstruites. Ou encore, CXCL5 pourrait être sécrétée par les fibroblastes et séquestrée dans la MEC dermique. En effet, les composants de la MEC ont la capacité de lier des molécules de signalisation, comme des facteurs de croissance ou des cytokines, contrôlant ainsi leur diffusion à travers la matrice, leur portée d’action et leur durée de vie tout en stimulant ou inhibant leur activité de signalisation (Tobin, 2017). Nous pourrions faire des

immunohistofluorescences, avec un anticorps dirigé contre CXCL5, sur des coupes de peaux reconstruites pour déterminer la localisation de la protéine. Ceci nous permettrait de visualiser si CXCL5 est absente des coupes, si elle est trappée dans la MEC ou si elle reste contenue dans les cellules.

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