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Culture politique et culture juridique chez les Angevins de Naples

(jusqu’au milieu du  siècle)

En associant culture politique et culture juridique, nous ne faisons que rappe- ler combien l’expression de la pensée politique savante a emprunté les chemins de l’argumentation juridique. Au demeurant, même s’ils n’ont nullement le monopole de la science politique, les juristes étaient habilités à intervenir dans la définition des pouvoirs et de leur légitime exercice puisque dès la première constitution du Code justinien, qui rappelait que le pouvoir de l’empereur était universel, la sphère du droit s’ouvrait indissolublement à la sphère du politique. L’objet de cette com- munication consiste à examiner l’apport spécifique des juristes « napolitains » à la formulation de l’idéologie royale angevine sous le règne des trois premiers Angevins. Cependant, et avant toute chose, il n’est pas inutile de redire combien la construc- tion d’une image de cette royauté s’est fondée sur d’autres vecteurs que le droit, notamment la prédication — qu’elle soit laïque ou mendiante —, dont on sait qu’elle fut un instrument incomparable, et d’une large diffusion, dans l’autorepré- sentation du régime ¹.

Cependant, le rôle des juristes « napolitains », entendons par là formés dans l’ambiance du studium napolitain mais aussi des milieux de praticiens du droit

. Les études de J.-P. B s’imposent à l’évidence comme celles qui ont le plus contribué à asso- cier le régime à ce support idéologique que fut la prédication : « Prédication et état napolitain dans la première moitié du  siècle », dans L’État angevin. Pouoir, culture et société entre  et  siècle, Rome, , p. - ; et « Parler du roi et pour le roi. Deux “sermons” de Barthélémy de Capoue, logothète du royaume de Sicile », Revue des sciences philosophiques et théologiques, , , p. -. À compléter par N. P D, « Rex praedicans : Robert d’Anjou and the Politics of prea- ching », dans J. H & X. H (éd.), De l’homélie au sermon. Histoire de la prédication

 D,    ...

extra-universitaires nombreux dans la capitale ¹, mérite d’être étudié car, à de nombreuses reprises, ils ont contribué à orienter la définition de la monarchie, et ce dans une double direction : à l’égard de l’empire et à l’égard de la papauté, pour forger une identité juridique au Regnum. Leur influence est d’autant plus prépondérante que les Angevins ne bénéficiaient pas, malgré des efforts en ce sens, de cette dimension sacrée et théologique de la monarchie capétienne ². Ils avaient donc un intérêt tout particulier à faire valoir des arguments politico-juridiques pour se constituer un corps de doctrine propre. À dire vrai, il serait erroné d’y voir une réflexion continue et programmée ; dans bien des cas, ce sont les événements extérieurs qui ont amené à l’affinement de la réflexion juridique.

Reste évidemment une continuité intellectuelle avec les orientations et les préoc- cupations de l’époque souabe. uiconque s’interroge sur la culture juridique ange- vine se trouve confronté à la question des relations que la monarchie nouvellement installée entretenait avec le remarquable bouillonnement intellectuel des décennies précédentes.

Les nombreuses et récentes études sur la culture d’époque frédéricienne per- mettent de mieux vérifier les inflexions que la tradition angevine va apporter à sa devancière, même si elle en incorpore des éléments non négligeables.

Parmi les questions de nature politique que les juristes napolitains doivent affron- ter, citons en trois : à l’intérieur d’un espace monarchique composite où coexistent des groupes sociaux et ethniques jouissant de droits statutaires particuliers, dans quel sens peut-on et doit-on orienter le jus commune du Regnum ? Ensuite, fief de l’Église, le royaume possède-t-il une souveraineté particulière ou l’inféodation fait-elle du roi de Sicile un roi en sous-ordre ? Enfin, la querelle entre Henri VII et Robert d’Anjou qui a constitué un moment de paroxysme dans la mobilisation des juristes mérite à son tour d’être réexaminée, aussi bien dans ce qu’elle révèle comme volonté de se libérer de l’empire que comme effort pour s’affirmer face à la papauté.

. Sur la vie de l’université de droit et sur le milieu des juristes, voir F. S, Napoli angioina.

Cultura e società, Naples, , p. - ; et G. M. Monti, « L’età angioina », dans Storia della uni- versità di Napoli, Bologne,  (rééd., Naples, ), p. - ; sur les relations entre Studium et

pouvoir politique, voir D. P, « Studia as Royal Offices : Mediterranean Universities of Medieval Europe », dans W. C & J. M (éd.), Uniersities and Schooling in Medieval Europe, Leyde, , p. -, surtout -. uant à la culture proprement juridique des souverains napoli- tains, voir J.-P. B, « Une théologie du droit : les sermons juridiques du roi de Naples et de Bar- thélémy de Capoue », dans Saint-Denis et la royauté. Études offertes à Bernard Guenée, F. A, C. G & J.-M. M (éd.), Paris, , p. -.

. Récemment, J.-P. B a réévalué les efforts de sacralisation de la monarchie angevine : « “La foi monarchique” Royaume de Sicile et Provence (mi--mi- siècle) », dans P. C-  (éd.), Le forme della propaganda politica nel Due e nel Trecento, Rome, , p. -. Toutefois, il apparaît que les Angevins n’obtinrent jamais ce lustre sacral dont sut profiter la dynastie capétienne. Voir aussi dans le même volume, A. B, « La propaganda di Roberto D’Angio, re di Napoli (-) », spécialement, p. -, sur les sermons.

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La question de la cohabitation de populations aux droits personnels et/ou territoriaux reconnus ne peut manquer d’influencer la conception politique de l’ensemble angevin. L’existence d’un droit lombard concurrent du droit romain et du droit féodal est de celle qui a agité le plus les juristes, en tous cas pour les territoires italiens de la monarchie ¹.