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Le conflit entre le juriste et l’orateur d’après une lettre de Cosma Raimondi,

humaniste italien en Avignon

(c. -)

Vers , un humaniste italien fut nommé professeur de rhétorique au Studium d’Avignon. Cosma Raimondi ¹, tel est son nom, n’était pas un lettré des plus chan- ceux parmi le nombre toujours croissant des serviteurs des studia humanitatis dans l’Italie du uattrocento. Issu d’une famille de juristes et de notables de Crémone, il poursuit des études dans sa cité, puis se rend à Milan vers  pour y trouver la bonne fortune que ses talents littéraires lui permettent d’espérer. Las, après avoir végété un temps en Lombardie à la recherche d’un emploi stable, triste illustration des difficultés que pouvaient rencontrer les humanistes à monnayer leur savoir, il se décide à accepter la proposition avignonnaise ² où il rédigea nombre des lettres encore sauvegardées aujourd’hui ³. Son recueil épistolaire, en partie inédit à l’excep- tion de quelques pièces, est conservé principalement dans deux bibliothèques ita- liennes, l’Ambrosienne de Milan, toujours fermée aux chercheurs, et la bibliothèque

. Sur la vie de Raimondi, voir R. S, « Codici latini posseduti, scoperti, illustrati Da Guarino Veronese », Museo d’antichiti classica, , , p.  sq.

. F. N & G. L, « Le manuscrit de Lyon n C », dans Mélanges d’archéologie et

d’histoire, École ançaise de Rome  , p. -, qui discutent certains détails de la biographie

de l’humaniste de Crémone. En l’absence d’une étude précise et récente sur le Studium avignonnais au  siècle, il est difficile de savoir à la demande de qui Raimondi a pu se rendre en Avignon ; voir

ina n.  p. .

. Voir G. M, « Cenni sulla vita e sugli scritti di Cosma Raimondi » dans « Miscellanea di note storico-critiche », Studi e documenti di Storia e Diritto, , , p. - et M. C. D, « Cosma Raimondi’s Defence of Epicurus », Rinascimento  , p. -. À ces éditions ponc- tuelles, il faut rajouter le travail extrêmement criticable de S. F D Z, Un umanista epicureo

del secolo  e il ritrovamento del suo epistolario : Cosma Raimondi, Naples,  qui édite plusieurs

lettres dont celle que nous présentons aujourd’hui, mais avec nombre de coquilles et d’erreurs. Sur cet ouvrage, voir les critiques acerbes de M. C. Davies dans l’article cité supra.

 D,    ...

Classense de Ravenne qui contient deux recueils épistolaires de Raimondi (ms. 

et ms. ), bases de la lettre ici éditée ¹. Le De laudibus eloquentiae, selon le titre qui est parfois donné à cette lettre, a eu une vive postérité éditoriale ². De nom- breuses bibliothèques en conservent un ou plusieurs exemplaires ³ et il fut édité sans discontinuité au  siècle.

Il s’agit d’un court traité, adressé à Jean Cadart, ancien physicien et conseiller royal de Charles VII ⁴, sur la dignité, l’utilité et la beauté de l’éloquence compa- rée aux autres disciplines et singulièrement au droit. Le texte se présente lui-même comme un modèle de rédaction rhétorique : l’auteur développe chacune de ces trois qualités de l’éloquence en utilisant nombre de procédés littéraires classiques. Mais derrière l’argumentaire, il s’agit aussi et surtout d’un effort de revalorisation poli- tique et sociale de la fonction d’orateur (i.e. d’humaniste), alors que celle-ci perd du terrain devant l’expansion tentaculaire des juristes au sein des appareils d’État alors en pleine métamorphose.

Cette lettre présente un double intérêt : d’une part, elle illustre un point du débat toujours vif entre les humanistes et les juristes sur la nécessité de la rhéto- rique et de l’éloquence dans la direction politique de la cité (entendez de l’État) ; d’autre part, elle s’inscrit dans la dialectique très controversée des relations cultu- relles franco-italiennes au  siècle. Plus largement, elle illustre un aspect, finale- ment mal connu, de la dispute des arts si vive au  siècle, à savoir le conflit de

. Ce qui n’exclut pas la présence de lettres de notre auteur dans de nombreuses anthologies huma- nistes des - siècles ; voir F. N & G. L, art. cit., p. , qui signalent la présence, dans ce manuscrit lyonnais et à côté de nombreuses autres epistolae d’humanistes, de la lettre que nous éditons. Voir ina, n.  p. .

. Le succès fut même, d’après Raimondi, immédiat en France ; voir sa lettre de novembre  qui fournit un terminus ante quem à notre document à son ami milanais Antonio Canobio : « Plurimi [sc. Galli] enim, harum rerum insuetudine admiratique sunt a me in eo libello scripta, que quidem ego

mirumi facio, ita ad dicendi studium incensi sunt, ut nullam artem pluris quam oratoriam videantur facere », citée par N & L, art. cit., p. -.

. Signalons deux exemplaires à l’Ambrosienne de Milan, un à la Nationale de Turin, un à la B.N. de Paris fonds latin, . Novati et Lafaye ne semblent pas connaître les recueils épistolaires de la

Classense de Ravenne ; ils parlent cependant d’un manuscrit fort important ayant appartenu à Piero

Carmeti au  siècle art. cit., p.  et disparu depuis ; or P. Carmeti n’est autre que le fonda- teur de la Classense, et c’est dans cette bibliothèque que se trouve le manuscrit de Raimondi lui ayant appartenu.

. Jean Cadart était physicien et conseiller du roi ; il faisait partie de l’entourage proche de Charles, alors même que celui-ci n’était que dauphin. À la suite de la disgrâce de Louvet et de l’arrivée au pou- voir du connétable de Richemont, en , il s’est retiré en Provence, sans perdre l’amitié du roi qui continuera à lui verser une pension de   florins voir G. D  B, Histoire de

Charles VII, I Paris, , p. , et VI Paris, , p. . Sa grosse fortune le chroniqueur Cousinot parle

de  à   écus [Chronique de la Pucelle ou chronique de Cousinot, V  V et al. (éd.), Paris, , p. ] lui permit d’être un mécène local ; c’est lui qui accueillit Raimondi comme ce dernier le dit à la fin de sa lettre.

L      ’ ’  ... 

compétences entre l’orateur contemporain et le juriste : en effet, l’on sait que dès Pétrarque, un des topoi de l’humanisme fut le refus de la scolastique juridique sous laquelle les textes les plus anciens et les plus vénérables du droit étaient enfouis. Les critiques du Lauréat apparaissent dans plusieurs de ses ouvrages et jalonnent en quelque sorte sa carrière. Au demeurant, dans la reconstruction idéale de sa biographie ¹, reconstruction sous-jacente à toute son œuvre, la propre rupture de Pétrarque avec les études de droit civil (qu’il avait entreprise d’abord à Montpel- lier, puis à Bologne, à l’instigation de son père) constitue un tournant essentiel sur lequel il est plusieurs fois revenu. Dans une lettre à un certain Marco Da Genova ² qui, ayant initié des études de droit, lui avait demandé conseil, l’humaniste répond qu’il se sentait poursuivi de la vindicte des juristes : « Ils [sc. les juristes] m’appellent déserteur et me considèrent comme quelqu’un qui, initié aux autels sacrés, après les avoir violés ou abandonnés, divulguerait les mystères sacrés de Cérès Éleusine. » Il continue sa lettre en précisant que des sept années passées à l’apprentissage du droit, il dit garder le souvenir d’une perte de temps ³ :

Si je me plains du temps passé à son étude, je ne saurais le dire. Alors que je voudrais tout voir, si je le pouvais, je regrette beaucoup d’avoir perdu un si long moment de ma courte vie, et je le regretterai aussi longtemps que je vivrai.

Plus encore que les Lois dans lesquelles Pétrarque avoue reconnaître la grandeur de Rome ⁴, ce sont les juristes avides d’un savoir lucratif et ignorants des fondements de la science juridique qu’il fustige ⁵. L’image restera longtemps d’une inévitable coupure entre les studia humanitatis et le droit. Bien des années après, Leonardo Bruni, écrivant les « Commentaires de son temps ⁶ », s’inscrira dans le modèle pétrarquien en avouant avoir désobéi à l’injonction paternelle d’étudier le droit et préférer les chemins plus aventureux des études littéraires.

. P, Familiarum rerum libri, XX, , désormais Fam. dans Id., Opere, Milan, Sansoni, , p. .

. La lettre est à dater, selon les auteurs, entre  et  voir U. D, Vita di Petrarca, Bari- Rome, , p. .

. Fam., ibid. : « Cuius temporis an me hodie penitat si roger, heream ; nam et vidisse omnia, si liceat,

velim, et tantam perexigue vite partem effluxisse michi doleo dumque aliquid vite supererit dolebo. »

P, Posteritati, dans Id., Epistole, U. D (éd.), Turin, , p.  cité par U. D,

Vita, op. cit., p. .

. Voir les Familières, XX,  et .

. Pour une approche plus exhaustive sur les relations entre Pétrarque et les études de droit, voir le petit livre de M. Q. L, Petrarca e il diritto, Turin,  et le travail de M. M, Il

petrarchismo giuridico, Padoue, .

. Leonardi B, Rerum suo tempore gestarum commentarius, R.I.S., XXL , C. D P (éd.), Citta del Castello, -, p.  : « Ego per id tempus juri civili operam dabam, non rudis tamen

 D,    ...

Cependant, malgré le poids de cette tradition de défiance humaniste à l’égard des juristes ¹ (davantage qu’à l’égard du droit), il est peu de trace d’une polémique expli- cite entre les studia humanitatis et les studia juris. Dans la vaste recomposition des champs du savoir et leur place respective dans les hiérarchies sociales ou culturelles qui agite le  siècle, la « dispute des arts » a pris des formes variées ² : droit contre médecine, poésie contre droit, médecine contre poésie. Du conflit entre le juriste et l’orateur, on ne trouve guère de mention ³ avant les grandes polémiques de Lorenzo Valla ⁴. Leonardo Bruni avait certes ouvert le débat dans une lettre à Nicolas Strozzi où il comparait le droit et les studia humanitatis, comparaison tout à l’avantage de ces derniers ⁵ : le but des études d’humanité consiste à former le vir bonus à par- tir de quatre sources (philosophie, poésie, éloquence et l’histoire), or le juriste est occupé à des considérations subalternes, ponctuelles, quoique plus lucratives. Cette lettre de Leonardo Bruni ⁶ écrite alors qu’il n’est pas encore chancelier de Florence est à l’arrière-plan du traité sur l’éloquence de Cosma Raimondi. Plusieurs points en seront repris et amplifiés, comme nous le verrons ⁷.

. Défiance qui ne doit pas masquer le nombre d’humanistes qui ont fait de solides études juri- diques : Léon Baptiste Alberti est docteur in utroque de l’université de Bologne, Carlo Marsuppini donne des leçons de droit entre deux cours de rhétorique voir M. A, « Umanisti e istituzioni nel Tre-uattrocento », dans Id., Diritto medievale e moderno. Problemi del processo, della culture et

delle fonti giuridiche Rimini, , p. , et F. M, « Umanisti, giuristi et uomini di stato a

Firenze fra Trecento e uattrocento », dans Studi in memoria di Mario Condorelli, III Milan, , p. -.

. Plusieurs exemples dans E. G, La disputa delle arti nel uattrocento Florence, , notamment la seconde Disceptatio de Poggio Bracciolini, p. -, et le chapitre de L. T, « Medicine versus Law », dans son Science and ought in Fieenth Century, New York,  ; plus récemment, l’édition du De nobilitate legum et medicinae de Coluccio S, Vom Vorrang der

Jurisprudenz oder der Medizin, P. M. S (éd.), Munich, .

. Voir, par exemple, la lettre d’Enea S. Piccolomini au comte Wilhelm von Stein, de mai , dans R. W, Der Briefwechsel des Eneas Silvius Piccolomini, dans Fontes rerum austriacarum,  Vienne, , p. -.

. Encore faudrait-il ajouter que les critiques de Valla partent d’une critique philologique dénon- çant la corruption de la « science dorée », le droit, par les barbarismes médiévaux entendez les bar- tolistes ; bien sur, derrière la philologie se cachaient des enjeux politiques, notamment la possibilité de contrôler l’application des lois, voir la contribution de D. R. K, « e Law », dans e

Cambridge History of Political ought, H. B & M. G (éd.), Cambridge, , spéciale-

ment p. , mais il n’y avait pas d’attaques frontales sur la position sociale des juristes, comme ici chez Raimondi.

. L. Bruni, lettre à N. Strozzi, dans E. G, La disputa, op. cit., p.  : « Itaque non modo a

philosophis doctus, quod huius studii fundamentum, verum etiam a poetis et ab oratoribus, et ab histori- cis paratus veniat oportebit. » Voir aussi D. M, Gli inizi dell’umanesimo giuridico, Milan, ,

p.  sq., au sujet de cette lettre.

. L. B, op. cit. : « Licet etiam iuris civilis studium vendibilius sit, utilitate tamen et dignitate

longe ab istis studiis humanitatis superatur. »

. L’insistance sur la dignitas et l’utilitas de la rhétorique est au cœur de la lettre de Raimondi. Ajoutons que dans la lettre d’Enea Silvio Piccolomini citée ci-dessus (n.  p. ), l’humaniste siennois n’hésite pas à battre en brèche l’idée que les études de Lettres ne rapportent pas. Au juriste allemand

L      ’ ’  ... 

Sans déployer un argumentaire en tous points original, le De laudibus eloquentiae apporte quelques éléments neufs, moins du reste sur le fond du problème de la dis- pute des arts que dans l’expression d’une vive amertume devant le bouleversement des hiérarchies intellectuelles et politiques en cours au  siècle (et dont Raimondi lui-même se sentait la victime). Reprenons brièvement sa démonstration en regrou- pant les idées autour des deux noyaux essentiels qui la constituent : d’une part, la place indue des hommes de loi dans la société du  siècle et d’autre part, les mérites oubliés de la rhétorique tant dans la vie privée que dans la vie publique, l’ensemble du traité reposant sur la comparaison entre l’âge d’or de l’éloquence (l’Antiquité gréco-romaine) et la situation contemporaine. Jadis, les orateurs jouissaient de la première place dans la cité, alors que de nos jours, ils n’ont plus voix au chapitre ni dans l’administration de l’État, ni dans les débats sur la politique étrangère, tout ayant été accaparé par les juristes ¹. La tradition faisait pourtant de ces derniers les subalternes des orateurs. Dans un passage d’inspiration clairement cicéronienne, l’humaniste affirme qu’au Sénat, dans les grands procès, dans les assemblées, domi- naient les orateurs. La conservation et le salut de l’État reposaient sur leurs épaules ². La dégradation est aujourd’hui telle (« pro depravata nostrorum temporum consue-

tudine ») que la hiérarchie est inversée : « Non seulement les juristes règnent dans

les tribunaux, mais aussi ils dirigent seuls dans la cité ³ ».

À l’appui de cette dénonciation amère (qui s’accorde effectivement avec l’évolu- tion institutionnelle des États italiens ⁴), Raimondi invoque la faiblesse du droit par

qui méprisait la poésie car « nec panem lucratur nec vestitum », il répond que les grands humanistes italiens (Piccolomini cite Bruni, Panormitain, Guarin de Vérone, Aurispa et Loschi) se sont enrichis plus que beaucoup d’autres grace aux lettres : « hiis et patrimonia sunt ampliata et opes accumulate

quam plures, quia poesim et oratoriam sunt secuti » p. . Il est quand même rare que les humanistes

engagent le débat contre les juristes sur ce chapitre de la rémunération des studia humanitatis. Ne s’agit-il pas d’ailleurs d’une petite perfidie de Piccolomini à l’endroit de ses collègues ?

. Ms. , p. , l. - : « Non enim nunc rhetores homines ad regendas civitates nec ad forenses

admittuntur controversias, sed totum hoc defluxit ad iurisperitos negotium. »

. Ibid., l. - : « Eorumque quasi humeris totius rutebatur rei publice et salus et dignitas. » De fait tout l’argumentaire de Raimondi sur l’omnicompétence des orateurs, leur aptitude à régler toutes les causes, à défendre cité et citoyens devant les pires dangers, apparaît comme un remaniement personnel d’un long passage du De oratore dans lequel Crassus, l’un des protagonistes du dialogue, défendait la même théorie sur les capacités du vrai orateur C, De oratore, I. -, A. S. W (éd.), Hildesheim,  ; voir en particulier I,  : « sic in causis publicis iudiciorum, contionum, senatus

omnis haec et antiquitatis memoria et publici iuris auctoritas et regendae rei publicae ratio ac scientia tamquam aliqua materies eis oratoribus, qui versemtur in re publica, subiecta esse debet ».

. Ibid., l. - : « non tantum in iudiciis iurisperiti regnant, sed soli etiam in civitate imperant ». . Voir les remarques de L. M, « Firenze e Milano nel uattrocento. Il ruolo dei giu- risti », dans La crisi degli ordinamenti comunali e le origini dello stato del Rinascimento ; G. C-  (éd.), Bologne, , p. -, qui montre clairement comment « en se fondant et en s’appuyant sur les juristes, le pouvoir exécutif des États commença à réduire toute la sphère publique sous sa propre juridiction » p. , au point même que les juristes furent non seulement les architectes de l’État absolu mais qu’ils en furent le produit. Voir aussi M. A, « Giuristi », op. cit., p. -.

 D,    ...

rapport à l’éloquence : le droit est circonscrit à quelques régions (pour Raimondi, il se limite même à la langue latine), là où l’éloquence est sans limite ; il y a des peuples qui sont régis par la coutume et non par des lois ¹, mais tous les peuples connaissent les écrits des hommes éloquents, soit en latin soit en grec ². Devant l’universalité de l’éloquence, le juriste est désarmé. Non que le conflit soit insurmontable : que les juristes se mettent à l’éloquence, et leurs affaires seront mieux traitées, car cette élo- quence n’est rien d’autre que la connaissance de ce qu’il faut faire dans les affaires publiques et la capacité de le faire de façon sérieuse et élégante ³. Au demeurant, dans un long passage circonstancié, Raimondi s’extasie sur la beauté et l’élégance des textes juridiques fondamentaux, du Code justinien aux Pandectes, qui lui semblent l’œuvre des hommes les plus élégants d’alors ⁴.

. Préjugé partagé par d’autres humanistes ; voir, par exemple, un passage de la leçon inaugurale de Lorenzo Valla pour l’année académique  à Rome dans lequel l’auteur assimile la rédaction des coutumes vernaculaires dans les différents pays naguère romanisés à un rejet du droit civil romain : « nonne apud plerasque nationes latinas tam in iudiciis quam extra iudicia scribitur illiterate, idest

non latine ? Nonne singule pene civitates suum ius civile vernacula lingua condiderunt ? Quod cum fit, quid aliud quam ius civile exterminatur et pro nihilo habetur ? », dans Lorenzo V, Orazione per l’inaugurazione dell’anno accademico -, S. R (éd.), Rome, , p. .

. Ms. cit., , - : « tamen nequaquam afferre laudis parem potest cumulum neque ita diffusimi ut

eloquentia ; limitibus enim perangustis nimium, paucis admodum regionibus pervagantur leges, latinam certe non excedunt linguam ; in ea quoque non apud omnes locum et sedem obtinent. Nam sine una legum disciplina multis suis consuetudinibus suisque moribus reguntur populi. Eloquentium vero scripta, in nostram, in Grecam, in uniersas gentes, in omnes denique non solum urbes, sed vicos etiam et domos permeant ».

. Bruni allait plus loin dans sa critique en faisant valoir le côté aléatoire et finalement arbitraire des lois par rapport à l’universalité et à la fixité de ce qui est bon est vertueux « Praeterea bonitas et

virtus stabilis est, ius autem locis et temporibus variatur, ut saepe quod Florentiae legitimum est, Ferrariae contra legem est », dans E. G, op. cit., p. . L’inutilité relative des lois face aux forces sociales

dominantes est affirmée avec force par le Pogge dans son Historia tripartita c. , qui répond à l’un de ses interlocuteurs qui l’interrogeait sur la dignité des lois que celles-ci n’ont jamais empêché Romains et Grecs de spolier leurs voisins, de s’agrandir à leurs dépends et que ces violences faites au mépris du droit ont permis l’enrichissement de ces civilisations et l’essor des lettres et de la philosophie Poggio B, Historia tripartita, dans Id., Opera omnia, rééd. anastatique, Turin,  I, p. -. Ms. cité, l. - : « Nam quid est aliud eloquentia quam agendarum ornate et graviter

civilium causarum sapientia ? » L’inspiration est clairement cicéronienne De oratore, , , .

. Ibid., l. - : « Legesque omnes totius oluminis eius quod pandectas ocant, ita visquequa-

que spirant elegantiam ut facile appareat ab omnibus eas eloquentissimis fuisse constitutas. » Tout le

paragraphe mériterait d’être cité ici, tant il semble surchargé d’éloges sur la richesse des métaphores et des figures de rhétorique du Code civil. Il n’est pas exclu cependant que ces éloges puissent être sincères, tant la distinction est profonde chez les humanistes entre les sources du droit qui méritent d’être étudiées et exhumées et l’obscurantisme des glossateurs plus tardifs qui ont ensevelis les textes originels sous des amoncellements de commentaires écrits dans un latin jargonnant, au point d’en dénaturer la beauté native. Rappelons la lettre d’Ambrogio Traversari à Mariano Porcari, contempo- raine de celle de Raimondi en , dans laquelle le moine humaniste incite son jeune ami à suivre les anciens juristes plutôt que les commentateurs : « sed ea ratione ut potius jurisconsultos veteres