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4- Cryo-microscopie électronique à transmission (Cryo-MET)

a- Les principes de la Cryo-microscopie électronique à transmission

En 1984, Dubochet et ses collègues ont révolutionné la microscopie électronique des particules uniques en introduisant une nouvelle méthode de préparation des échantillons : la vitrification. Pour ces travaux Jacques Dubochet a reçu le prix Nobel de chimie en 2017 avec Joachim Frank et Richard Henderson. Cette technique consiste à congeler très rapidement des échantillons biologiques conservant ainsi leur état natif dans une glace amorphe c'est-à-dire sans cristaux. La vitrification rapide soit au-delà de 3 m/sec de l’eau liquide de l’échantillon empêche la formation des cristaux de glace (glace cubique ou glace hexagonale). Ces deux types de glace ne gênent pas l’observation mais apporte du bruit dans l’image (motif de diffraction figure 20B) et interfèrent beaucoup avec les signaux des molécules pour la reconstruction (figure 20) (389)(390). L’échantillon cryofixé ne doit subir aucune remontée de température aux risques de transformer la glace amorphe en glace cubique puis hexagonale. Il est donc stocké dans l’azote liquide. Le

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développement de nouveaux algorithmes de traitement d’images ont permis d’obtenir des structures 3D à une résolution (3-4 Å) proches de celles obtenues en cristallographie.

Figure 20: Les différents états de la glace

A : les différents type de glace, B-a : glace hexagonale, b: glace cubique et c : glace vitreuse.

b- La préparation des grilles utilisées en Cryo-TEM

Les grilles utilisées en Cryo-TEM sont des grilles de Cu recouvertes d’un fin film de carbone à trous.

Figure 21: Les grilles utilisées en Cryo-MET

a-grille cryo-MET commerciale, les carres représentent la maille élémentaire de la grille, b-zoom sur un carré, on observe les trous de taille calibrée espacés régulèrement c-on observe des trous irréguliers ressemblant à un maillage.

Il existe plusieurs types de carbone à trous : des carbones avec des trous circulaires calibrés de 0,5 à 4 µm de diamètre espacés de 1 à 4 µm (les grilles quantifoil ou les C-flat, figure 21B) et des carbones avec des trous irréguliers qui ressemblent d’avantage à un filet (grilles Lacey ou Holey, figure 21C) (391). Le choix du type de grilles dépend du type et de la taille de l’échantillon. Dans notre cas, comme nous souhaitons analyser des filaments de plusieurs µm de longueur, les grilles lacey sont les plus adaptées.

62 c- La Cryo-fixation

Les premiers cryoplongeurs étaient des systèmes entièrement manuels. Depuis une dizaine d’années, il existe deux systèmes types automatisés mais le principe n’a pas changé. La cryo-fixation est l’étape de vitrification de l’échantillon, la grille sur laquelle on dépose l’échantillon est placée au bout d’une pince et est mise en place sur le plongeur « guillotine » (389). Avec un papier absorbant, l’excès de la solution est absorbé (« blotting » en anglais) pour former une couche aqueuse mince dans les trous du film de carbone. L'appareil dispose d’un système de déclanchement qui permet de plonger la grille dans le milieu cryogénique à savoir en général de l’éthane liquide refroidi par un bain d’azote liquide. En effet on préfére l’éthane liquide à l’azote liquide car ce dernier possède une meilleure capacité calorifique que l’azote tout en étant liquide à des températures supérieures à celle de l’azote. La vitesse de trempe est très importante, c’est elle qui va conditionner la formation de glace amorphe (> à 3m/s). L’échantillon cryofixé doit être stocké à froid dans l’azote et pour tous les déplacements, il est maintenu dans les vapeurs d’azote liquide pour éviter la formation des cristaux de glace (figure 22).

Figure 22: Schéma d'un plongeur à déclenchement manuel

Après la phase de blotting, un système déclencheur permet de plonger rapidement une grille tenue par une pince dans une cuve contenant le cryogène (l’éthane liquide). Ce dernier est maintenu à l’état liquide par un bain d’azote liquide. La grille est ensuite rangée dans un réceptacle dans les vapeurs d’azote afin d’éviter tout réchauffement.

Les plonges automatiques ont été équipées d’une chambre pour le dépôt de l’échantillon sur la grille permettant ainsi de contrôler la température et l’humidité, minimisant l’évaporation de l’échantillon, et maintenant les conditions physico-chimiques des macromolécules en solution. L’étape clé du « « blotting » qui conditionne l’épaisseur du

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film de glace a été automatisé permettant de contrôler la durée et le temps de blotting et donc augmentant ainsi la reproductibilité (figure 23). Enfin un système permet de contrôler et de maintenir la température de l’éthane. Effectivement un autre point délicat consiste à maintenir la température de l’éthane entre -180 et -182°C pour que l’éthane reste liquide car au-delà, l’éthane est pateux et solide et devient impropre à la cryofixation.

Deux systèmes sont commercialisés, un système qui permet de « blotter » l’échantillon par les deux faces de la grille et un système qui permet de « blotter » l’échantillon seulement par une face (figure 23). Nous avons utilisé sur la plateforme de microscopie de l’Institut Pasteur le deuxième système.

Figure 23: Préparation des échantillons en Cryo-TEM

a- système de vitrification, b-le système « blot » la grille automatiquement en approchant le papier filtre de la grille et en appliquant la pression et le temps de contact choisis, c-le système déclenche juste après le blot, la plonge de la pince dans l’éthane liquide refroidie par un bain d’azote liquide.

d- Le cryo-transfert

L’échantillon est transféré dans un porte-objet cryo du microscope à l’aide d’une station de transfert (figure 24). Le porte objet en lui-même est équipé d’un dewar à azote liquide qui refroidit l’échantillon. La station de transfert permet de déplacer la grille de la boite de stockage au porte-objet dans les vapeurs d’azote liquide pour minimiser le contact avec l’air et la formation des cristaux de glace. Cette étape est très délicate elle nécessite l’utilisation d’un système spécifique (figure 24).

64 Figure 24: Système de transfert d'échantillons

A-schéma du système de transfert avec le porte-objet. B-Chambre de transfert des grilles vers le porte-objet cryo dans les vapeurs d’azote liquide. C- Station de transfert et porte-objet utilisé.

e- L’observation en mode low dose

L’échantillon est introduit à l’aide du porte-objet cryo dans la colonne sous vide du microscope. Les échantillons sont observés avec le mode d’illumination à faible dose d’électrons (inférieur à 10 électrons/Å2). Le choix de la dose d’électron est un compromis entre la nécessite d’avoir un bon rapport signal sur bruit et la préservation de l’échantillon des dommages du faisceau d’électron.

f- Avantages et inconvénients de la Cryo-MET

La cryo-microscopie électronique est une technique importante en biologie structurale car elle permet l’observation directe de macromolécules dans leur état natif hydraté (389)(392) (393). Ce mode de préparation élimine non seulement les distorsions dues à la déshydratation et à l'adsorption, mais aussi les contraintes de l’utilisation d’un colorant. Des structures à haute résolution peuvent être obtenues même avec des molécules assez petites dans de la glace vitrifiée (394)(395). Les molécules adoptent généralement des orientations plus au moins aléatoires dans la couche de glace amorphe offrant des vues 2D différentes de la molécule. Ces vues peuvent être exploitées pour la reconstruction 3D

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(396). Alors que ces orientations aléatoires sont un avantage pour des échantillons homogènes, elles créent un problème pour un échantillon hétérogène. Pour obtenir une reconstruction 3D fiable d'une molécule, il est essentiel que seules les images de molécules identiques soient combinées et cela nécessite un nombre d’images conséquentes (397). Cette difficulté est maintenant surmontée avec la mise en place de microscope qui peuvent prendre des photos en automatique sur plusieurs jours.

Figure 25: Les dommages observés dans les échantillons congelés après exposition à des doses croissantes d'électrons

a : 20 e-/A°2 , b : 40 e-/A°2 , c : 60 e-/A°2 et d : 80 e-/A°2 .

L’échantillon congelé peut rapidement se dégrader, si on dépasse la dose de 20 électrons/Å2, on provoque des dommages d’irradiation sur les échantillons congelés (« bubbling » des particules dans l’eau vitreuse) ainsi qu’une perte des détails des structures (398)(399)(400). Une des contraintes majeures de cette technique est donc la nécessité de travailler à la température de l’azote liquide et dans le maintien de la chaine du froid pour la préparation des échantillons jusqu'à l’observation au microscope.