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Croissance conjointe et croissance externe

Dans le document Louvain School of Management (Page 94-97)

Partie 3 : Adaptation stratégique des constructeurs

1. Considérations managériales et stratégiques

1.3. Croissance conjointe et croissance externe

Pour les entreprises – y compris les constructeurs automobiles – identifier des opportunités de croissance est une manière de continuer à rester compétitives, de renforcer leur position stratégique au sein d’une industrie (Ivey Business Journal, 2004). Il existe ainsi plusieurs stratégies de croissance qui permettent aux constructeurs d’augmenter leurs capacités afin de répondre aux changements de préférence des consommateurs. Un constructeur pourra décider d’opter pour une croissance interne ou externe, voire même combiner ces deux types de stratégies.

Alors qu’une stratégie de croissance interne « consiste à développer des stratégies à partir des propres capacités de l’organisation » (Johnson et al., 2014, p.388) en réinvestissant une partie de ses profits afin d’augmenter ses ressources et compétences, au travers d’une croissance de type externe, l’entreprise va chercher à accroître ses compétences et ressources via des F&A et/ou alliances et partenariats (Johnson et al., 2014).

Il convient néanmoins de distinguer les alliances des partenariats selon la nature de la collaboration. On parlera d’alliance lorsque les deux organisations sont concurrentes et de partenariat lorsque celles-ci ne le sont pas. Nous pouvons également les qualifier de stratégies

de croissance conjointe dans le sens où l’objectif est de collaborer afin de bénéficier des ressources et expertises mutuelles.

Les principales caractéristiques de l’industrie ont été soulignées au travers de la première partie de ce mémoire ; nous faisons face à une industrie caractérisée par une forte intensité capitalistique, un niveau de concentration assez important et une incertitude technologique importante en raison des montants conséquents alloués à la R&D.

Cette forte intensité capitalistique exerce une influence positive sur l’emploi des F&A comme stratégie de croissance externe selon le modèle de Yin et Shanley (2008) dans le sens où elle implique un besoin d’engagements stratégiques important en vue de réussir. Il est, en effet, essentiel de poursuivre une stratégie de volume afin d’atteindre une échelle d’exploitation minimale pour assurer la rentabilité et compétitivité de l’entreprise. Si l’on se réfère aux profils des leaders du marché européen, c’est exactement ce que les constructeurs ont choisi de faire ces dernières années afin d’assurer leur positionnement sur le marché européen.

En ce qui concerne les deux autres caractéristiques, ces dernières ont tendance à favoriser les alliances stratégiques (Yin & Shanley, 2008). D’une part, le secteur de la construction automobile adopte une structure qui se rapproche d’un oligopole. Cette forte concentration influencera donc le niveau d’examen réglementaire nécessaire si une nouvelle F&A voit le jour ; la structure de l’industrie – c’est-à-dire son niveau de concentration – influence directement l’intensité des contraintes réglementaires auxquelles ses acteurs sont soumis. En effet, les autorités européennes stipulent que

« sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur. » (Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, 2012, art. 101, §1, p.88).

Le régulateur européen entend donc protéger le consommateur. Nous pouvons donc conclure sur cette base que l’industrie fait face à des contraintes réglementaires intenses de la part du régulateur ; les alliances stratégiques seront plus probables que les F&A dans l’industrie automobile, caractérisée par un niveau de concentration important.

Ces dernières années, les acquisitions entreprises réalisées par les constructeurs étaient principalement de type horizontal (voir section [1.3.] de la première partie), c’est-à-dire qu’elles concernent des entreprises qui produisent et vendent des biens et services similaires dans la même industrie et interagissent les mêmes clients et fournisseurs (Gomes et al., 2011).

Le premier effet de ce type d’acquisition est l’élimination d’un concurrent et donc l’augmentation de la part de marché de l’acquéreur (Gomes et al., 2011). Néanmoins, certains constructeurs commencent désormais à opérer des stratégies d’intégration verticale suite à l’émergence des nouvelles technologies, car la création de valeur repose davantage sur ces technologies.

D’autre part, l’incertitude technologique – issu des changements technologiques – qui caractérise l’industrie font des alliances stratégiques l’option la plus appropriée (Yin &

Shanley, 2008). Les constructeurs préféreront coopérer afin de se forger rapidement les capacités technologiques et innovatrices requises face à l’émergence des nouvelles technologies, de répartir le risque lié à l’incertitude et de partager les frais liés au développement de ces technologies (Aggeri, Elmquist & Pohl, 2009).

D’après McKinsey&Company (2016), l’industrie automobile évolue actuellement d’une simple compétition entre acteurs individuels vers de nouvelles interactions compétitives telles que la coopétition : coopérer avec ses concurrents directs peut créer des situations

« win-win » dans le sens où chacun va croître et capturer un nouveau marché (Osterwalder, 2004), mais aussi réduire le risque et l’incertitude.

En effet, les différents acteurs du secteur doivent former des alliances et partenariats stratégiques au sein de l’industrie ainsi qu’avec des acteurs high-tech autrefois considérés comme n’étant pas des acteurs de l’industrie automobile. La progression des VEs, des VAs et/ou connectées et des plateformes de partages ouvrent la porte à de nouveaux acteurs que les constructeurs automobiles doivent désormais considérer.

Doz et Hamel (2000) distinguent trois formes d’alliances : (1) la cooptation, permettant d’obtenir un meilleur positionnement stratégique en s’associant avec une entreprise concurrente ou complémentaire ; (2) la co-spécialisation, qui consiste en la combinaison de ressources uniques de deux entreprises alliées, créant ainsi une synergie permettant de décrocher un avantage compétitif ou l’accès à de nouvelles opportunités jusqu’alors inatteignables par les entités seules ; (3) l’apprentissage/appropriation, dans

laquelle l’alliance permet aux partenaires d’apprendre de l’autre afin de s’approprier de nouvelles compétences.

Les partenariats permettent ainsi aux entreprises concernées de bénéficier conjointement du partage des coûts sur la technologie concernée et les infrastructures nécessaires au développement de cette dernière. De même, dans le cadre d’un possible nouveau modèle de mobilité et de la croissance des phénomènes cités ci-dessus, McKinsey&Company (2016) suggère que ces partenariats devraient également inclure les gouvernements afin de développer les régulations, le cadre légal et l’architecture nécessaires à ces nouvelles solutions de mobilité. De plus, ces partenariats ne doivent pas se limiter à la production de biens et de services, mais doivent concerner et toucher les consommateurs. Un effort conjoint est nécessaire afin d’éduquer le consommateur sur les bénéfices et les coûts de ces nouvelles technologies. Toutefois, il est important que ces partenariats n’empiètent pas sur la profitabilité des entreprises. Ces dernières doivent impérativement conserver le contrôle sur leur propre création de valeur afin de garantir leur compétitivité.

En observant l’actualité ainsi qu’en parcourant les rapports annuels des principaux groupes automobiles, nous constatons des différences dans les stratégies et certains constructeurs sont plus enclins au partenariat que d’autres, préférant développer les nouvelles compétences en interne. Pour illustrer ces deux voies possibles nous pouvons, par exemple, aborder les choix de Toyota et BMW. Sur le plan des plateformes de mobilité partagée, Toyota a fait le choix du partenariat avec Getaround, une start-up développant un programme permettant aux propriétaires de voitures de louer celles-ci lorsqu’elles ne sont pas utilisées (Fortune, 2016b). A contrario, le constructeur allemand a fait le choix de créer sa propre plateforme (et donc sa propre marque) avec DriveNow (BMW, s.d.).

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