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La croissance africaine a connu un ralentissement a priori passager

Dans le document PERSPECTIVES ECONOMIQUES EN AFRIQUE 2016 (Page 27-33)

Pendant les 15 dernières années, l’Afrique a connu une croissance économique impressionnante : la croissance du produit intérieur brut (PIB) en volume a plus que doublé en moyenne, passant d’un taux à peine supérieur à 2 % dans les années 1980 et 1990 à plus de 5 % entre 2001 et 2014. Confronté aux vents contraires de l’économie mondiale, le continent affiche une croissance plus modérée depuis deux ans. En 2015, les économies africaines ont enregistré une progression moyenne de 3.6 % (contre 3.7 % en 2014), un fléchissement faible mais plus net qu’escompté (d’un point de pourcentage environ) dans l’édition 2015 des Perspectives économiques en Afrique. Hors Libye, où la production de pétrole reste instable, l’Afrique a atteint un niveau global de croissance de 3.7 % en 2015, en recul par rapport à 2014 (4.2 %). Les perspectives macroéconomiques présentées ici tablent sur une reprise progressive de l’économie mondiale et un lent raffermissement des cours des produits de base. Au vu de cette conjoncture internationale, l’Afrique

Graphique 1.1. Croissance économique en Afrique (2003-17)

2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 (e) 2016 (p) 2017 (p) 0

1 2 3 4 5 6 7 8

Afrique (hors Libye) Afrique

Taux de croissance (%)

Note : (e) estimations et (p) prévisions.

Source : Département de la statistique, Banque africaine de développement.

12 http://dx.doi.org/10.1787/888933351186

Les principales causes du ralentissement de la croissance en 2015 sont à rechercher dans une demande mondiale moins soutenue et le repli des cours internationaux des produits de base, qui ont pénalisé les pays d’Afrique riches en ressources. La progression du PIB en volume et des volumes d’échange à l’échelle mondiale a atteint un point de pourcentage de moins que prévu dans l’édition 2015 des Perspectives économiques en Afrique – dont les prévisions reposaient sur des cours de pétrole inférieurs en moyenne de 40 % à leur niveau de 2014 alors qu’en réalité, ce chiffre se situe autour de 50 %. Les prix des métaux, du cuivre en particulier, ainsi que les prix à l’exportation de certains produits agricoles (comme le coton) ont eux aussi déçu les attentes.

Malgré cette conjoncture internationale défavorable, la croissance africaine est restée supérieure à la croissance mondiale. Elle a aussi été nettement plus soutenue qu’en Amérique latine et dans les Caraïbes, où les graves récessions que traversent le Brésil et le Venezuela ont fait quelque peu reculer le PIB. De sorte que, malgré ce ralentissement, l’Afrique est toujours la deuxième région la plus dynamique du monde.

Plusieurs pays africains (la Côte d’Ivoire, Djibouti, l’Éthiopie, le Mozambique, le Rwanda et la Tanzanie) se retrouvent dans le palmarès de tête, avec une croissance comprise entre 6 et environ 10 %.

Dans les pays d’Asie émergents et en développement – qui constituent la région la plus dynamique du monde – la croissance a fléchi en 2015, à 6.5 % (contre 6.8 % en 2014). Dans la plus vaste économie de la région (la Chine), la tendance baissière s’est confirmée, la croissance passant sous la barre des 7 %, contre 7.7 % en 2013 et 7.3 % en 2014. Cet essoufflement chinois sur fond de transition vers une économie ancrée dans la consommation et les services, et non plus les investissements et les exportations industrielles, a largement contribué à l’effondrement récent des cours des produits de base, signe que le « supercycle des matières premières » de ces dix dernières années a pris fin. Si les pays africains exportateurs de produits de base subissent le contrecoup de cette évolution des prix, le rééquilibrage de l’économie chinoise en faveur de la consommation pourrait jouer en faveur du continent dans les années à venir. Les pays d’Afrique les mieux placés pour y exporter des biens de consommation, y compris agricoles, sont ceux qui profiteront le plus de cette conversion du modèle économique chinois. La hausse des

salaires en Chine pourrait éroder sa compétitivité dans les industries manufacturières à faible valeur ajoutée et, ce faisant, conforter un peu plus les flux d’investissements directs étrangers (IDE) vers l’Afrique (encadré 1.1).

Un sondage réalisé auprès des participants africains à l’enquête économique mondiale de l’institut Ifo reflète bien ce tassement de la croissance économique sur le continent1 : au second semestre 2015, l’appréciation de la situation économique actuelle et les attentes pour les six prochains mois se dégradent ce qui correspond, les statistiques officielles l’ont confirmé depuis, à ce fléchissement. Début 2016, ces indicateurs ne s’étaient toujours pas redressés, la fragilité de la conjoncture internationale et l’érosion continue des prix des produits de base constituant très probablement autant de freins (graphique 1.2).

Graphique 1.2. Situation économique actuelle en Afrique et perspectives présumées des six prochains mois, 1er trimestre 2000 – 1er trimestre 2016

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 Bonne/

meilleure

À la fin des six prochains mois

Actuellement Satisfaisante/

pareille

Mauvaise/

pire

Note : Appréciations qualitatives des participants à l’enquête trimestrielle interrogés sur la situation actuelle de l’économie et leurs attentes pour les six prochains mois.

Source : Ifo institute World Economic Survey (2016).

12 http://dx.doi.org/10.1787/888933351194

Encadré 1.1. Ralentissement et rééquilibrage de l’économie chinoise : quelles conséquences pour l’Afrique ?

La décélération de la croissance de la production dans les grandes économies émergentes s’accompagne d’un recul des cours des produits de base. En plus de facteurs du côté de l’offre, la baisse marquée des investissements et de la croissance (rééquilibrée) de la Chine déprécie les prix des matières premières, en particulier pour les métaux et l’énergie. Trois grands paramètres sous-tendent les bonnes performances économiques de l’Afrique depuis le début du 21e siècle : la tenue des prix des produits de base, l’importance des flux financiers extérieurs et l’amélioration des politiques publiques et des institutions. Les revers macroéconomiques subis par les pays d’Afrique exportateurs nets de matières premières pourraient également fragiliser le deuxième

Encadré 1.1. Ralentissement et rééquilibrage de l’économie chinoise : quelles conséquences pour l’Afrique ?

La baisse des cours des matières premières pourrait déplacer le centre de gravité économique de l’Afrique d’ouest en est, vers les pays moins tributaires de ces ressources (Schaffnit-Chatterjee et Burgess, 2015). Les investissements suivront probablement, confortés par l’influence périphérique de l’initiative chinoise « Une ceinture, une route » (OBOR), qui prévoit de financer des infrastructures en Afrique de l’Est. Le nouveau Fonds de la Route de la soie cible les pays africains de la côte orientale du continent. C’est le signe d’une évolution de la Chine qui, après avoir voulu sécuriser son approvisionnement en ressources naturelles, adopte une approche plus exploratoire dans le but de constituer un pôle manufacturier en Afrique.

Le ralentissement chinois pourrait rejaillir sur le financement du développement en Afrique par plusieurs canaux :

croissance : cette décélération rejaillit sur la croissance mondiale en général et celle des pays à faible revenu en particulier, surtout s’ils sont exportateurs de produits de base ;

commerce : ce tassement se traduit par des recettes d’exportation moindres pour les pays d’Afrique et une baisse de l’épargne des entreprises et des crédits commerciaux ;

prix : la dégradation des termes de l’échange liée au recul des prix des métaux et des minéraux se répercute sur les revenus des pays exportateurs et réduit ce faisant l’épargne des ménages, des entreprises et du secteur public ;

liquidités : l’érosion des réserves officielles de change et des actifs des fonds souverains pourrait se traduire par une baisse des crédits consentis à l’Afrique.

La croissance soutenue en Chine a dopé l’économie mondiale ces dernières années (graphique 1.3) : entre 2011 et 2015, sa contribution relative était équivalente à celle des pays avancés, même si elle a stagné à des niveaux élevés pendant dix ans ; la contribution de l’Inde à l’économie mondiale est elle aussi en hausse depuis le début des années 2000. Mais la contribution chinoise ressort à pratiquement 30 % ces dernières années, soit environ 20 points de pourcentage de plus que pour l’Inde. Ce pays étant moins ouvert et nettement plus pauvre que la Chine, il ne peut encore compenser l’impact du ralentissement chinois sur la croissance et le commerce mondiaux.

Une étude récente de la Banque mondiale (2015) fait appel à un modèle d’équilibre général pour quantifier l’impact éventuel d’une croissance moins soutenue et plus équilibrée sur l’évolution future de l’Afrique (graphique 1.4). Le modèle a testé trois scénarios : celui du ralentissement, celui du rééquilibrage et une combinaison des deux.

L’effet conjugué du ralentissement et du rééquilibrage de la croissance chinoise sur l’Afrique subsaharienne est positif, puisque ce rééquilibrage compense la baisse de rythme. D’après cette simulation, la transition de la Chine aura entraîné à l’horizon 2030 une hausse du PIB de l’Afrique subsaharienne de 4.7 % par rapport au scénario de référence. Les pays les mieux placés pour exporter des biens de consommation, y compris agricoles, en Chine sont ceux qui profiteront le plus de cette conversion du modèle économique chinois. La Zambie, grand exportateur de cuivre, est le seul pays à ne pas profiter de cette évolution vers une croissance tirée par la consommation.

Mais l’exercice ne prend pas en compte les éventuels effets sur la croissance africaine d’une recrudescence des investissements directs chinois. La hausse des salaires en Chine renchérissant le coût unitaire du travail, la compétitivité du pays à l’international pour les produits manufacturés à faible valeur ajoutée va s’éroder. Pékin pourrait donc renforcer sa présence dans les zones économiques spéciales (ZES) africaines ou pousser à la constitution de nouvelles zones. Les conséquences positives des IDE sur la croissance iraient croissant à mesure que les pays africains rattraperont leur retard en termes d’infrastructures et d’approvisionnement en énergie.

(suite)

Encadré 1.1. Ralentissement et rééquilibrage de l’économie chinoise : quelles conséquences pour l’Afrique ?

Les relations commerciales ont un impact sur les flux financiers par le biais des crédits commerciaux et, indirectement, des bénéfices des entreprises. L’engagement commercial de la Chine en Afrique s’est considérablement renforcé depuis 2000. À l’exception de l’Inde, qui a triplé sa part dans les exportations africaines, la Chine a évincé les autres partenaires commerciaux en termes relatifs (tableau 1.1). En valeur absolue, les relations commerciales dynamiques avec les partenaires émergents ont joué un rôle déterminant dans les performances d’exportation du continent africain, qui ont quadruplé en valeur entre 2000 et 2014 (de 142.4 à 566.6 milliards USD).

En tant que bloc, les partenaires émergents achètent désormais plus de produits africains que les pays avancés, alors qu’il y a 15 ans, leur part représentait un cinquième du total des exportations africaines. La Chine et l’Inde fournissent dorénavant, sur le plan de la dynamique et des parts commerciales, une proportion non négligeable des recettes d’exportation des pays africains.

Le financement du commerce pourrait devenir un puissant canal de transmission entre le secteur financier et l’économie réelle. Les crédits à l’exportation et les prêts en faveur du développement accordés par les grandes économies de marché émergentes (EME), notamment le Brésil, la Chine et l’Inde, ont joué un rôle relativement important dans le financement du commerce avec l’Afrique (BAfD et al., 2011). Avec l’érosion des excédents de leurs comptes courants et de leurs réserves de change, la Chine et les autres EME risquent de réduire les crédits acheteurs à l’exportation, les lignes de crédit adossées aux ressources naturelles et les mécanismes hybrides de financement accordés à l’Afrique.

La chute des prix des matières premières pourrait compromettre la mobilisation des ressources en Afrique. Le canal des prix, par le biais duquel le ralentissement dans les EME rejaillit sur le financement de l’Afrique, vient renforcer l’impact du canal des échanges. Du point de vue du financement, l’effet de l’évolution des prix des produits de base n’a guère de chance d’être symétrique ou de constituer un jeu à somme nulle. Le recyclage des importants excédents des comptes courants des pays exportateurs de pétrole (y compris africains) qui a profité au continent n’ira pas de pair avec des excédents correspondants dans les pays importateurs.

Les recettes publiques pourraient également être affectées négativement. De nombreux pays d’Afrique comptent sur les taxes sur les échanges (les droits de douane) pour soutenir les recettes publiques de sorte que l’effondrement des exportations de produits de base va aggraver les positions budgétaires. Dans les pays riches en pétrole comme l’Algérie, l’Angola, le Congo, la Guinée équatoriale ou la Libye, les rentes tirées des ressources ont constitué plus de 80 % des rentrées fiscales en 2013 et 20 % de leur PIB (BAfD et al., 2015). À l’inverse, les pays pauvres en ressources ont élargi leur assiette fiscale et levé des impôts directs et indirects. Un marasme économique généralisé qui se répercute sur la consommation entraînera aussi une baisse des recettes fiscales dans ces pays-là.

Les apports financiers à l’Afrique risquent d’être pénalisés par l’érosion des réserves dans les EME. Le canal des excédents de liquidité a connu un net retournement depuis le milieu de l’année 2014. Les réserves mondiales de change sont passées de 1 800 milliards USD en 2000 à un record de 12 000 milliards USD mi-2014. La rapide accumulation des déséquilibres mondiaux depuis les années 2000 a entraîné un basculement significatif de la richesse en faveur des EME affichant

(suite)

Graphique 1.3. Contribution à la croissance mondiale par zones, 1991-2015 (%)

Contribution de la Chine Contribution de l’Inde Contribution des économies avancées

Source : Calculs de l’auteur d’après FMI (2015).

12 http://dx.doi.org/10.1787/888933351204

Graphique 1.4. Transition de la Chine vers une croissance moins alerte et plus équilibrée : conséquences pour la croissance en Afrique subsaharienne

%

Chine - ralentissement Chine – ralentissement + rééquilibrage

Burkina Faso

Note : Les prévisions tablent sur un ralentissement de la croissance en Chine à un taux moyen de 6 % par an sur la période 2016-30 et de 4.6 % en 2030. Le rééquilibrage devrait réduire progressivement la part des investissements dans le PIB, de 46.7 % en 2015 à 35.5 % en 2030 avec une hausse concomitante de la consommation privée. Le secteur des services devrait quant à lui passer de 50 % du PIB en 2015 à 61 % en 2030. L’approche contrefactuelle part sur un scénario sans rééquilibrage et avec un taux constant de croissance annuelle en volume en Chine de 7 % sur la période 2016-30.

Source : Banque mondiale (2015), données fournies par l’équipe d’Africa Pulse.

12 http://dx.doi.org/10.1787/888933351216

Tableau 1.1. Part de plusieurs partenaires commerciaux dans les exportations et les importations africaines, 2000 et 2014 (%)

2014 2000

Exportations Importations Exportations Importations

Partenaires traditionnels 46.7 54.3 78.3 75.4

UE-25 34.0 37.4 51.3 56.4

États-Unis 5.5 6.4 20.4 10.1

Partenaires émergents 53.3 45.7 21.7 24.6

Brésil 1.7 3.0 2.0 1.3

Chine 18.4 15.3 4.6 4.9

Inde 6.1 7.4 2.4 2.1

Fédération de Russie 1.0 0.6 0.3 1.0

Turquie 2.4 1.0 1.9 1.3

Thaïlande 1.5 0.8 0.6 1.2

Part totale (milliards USD) 566.6 531.5 142.4 104.0

Sources : données en 2000 : BAfD et al. (2011) ; données en 2014 : base de données COMTRADE des Nations Unies (2015).

La demande intérieure et l’amélioration des conditions de l’offre soutiennent

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