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La discussion sur les critères de sélection des États à siéger au Conseil de sécurité est primordiale dans l’analyse de la représentativité de cet organe restreint, et ce, nonobstant du fait de l’aboutissement d’une réforme sur l’élargissement telle que discutée dans les deux sous-sections précédentes, puisqu’une révision de ces méthodes et critères peuvent également s’opérer sans l’intervention d’une réforme formelle de la Charte.

Encore faut-il s’entendre sur la définition de représentation ou de représentativité,69 en prenant en compte les responsabilités premières incombant aux membres du Conseil, indépendamment de leur statut respectif. D’une part, cela pourrait impliquer que ces États sont investis par le groupe électoral du pouvoir d’accomplir ses fonctions au nom de ce groupe.70 D’autre part, la notion de représentativité d’un ensemble géographique implique que les États, tout en étant désigné par cet ensemble, ne l’engagent pas, et

69. Pour une discussion détaillée, voir Fassbender (1998) p.294-301, ainsi que Bailey (1969) P.11 s.

70. Définition deReprésentation dans Salmon (2001) p.981

participent aux travaux du Conseil dans leur propre qualité.71 Au vue des fonctions,72 il n’est pourtant pas indiqué que les membres soient liés par des instructions de leur groupe géographique. Dans ce sens, bien qu’il puisse être utile de reconsidérer le nombre et l’étendu des groupes géographiques afin de permettre une meilleure représentativité, l’indépendance du Conseil est primordial pour lui permettre de répondre de ses fonctions sans contraintes extérieures.

La Charte73 prévoit deux critères principaux distincts et hiérarchisés à considérer lors de l’élection des dix membres non-permanents.

CONUArticle 23 § 1 (extraits)

1. [. . .] Dix autres Membres de l’Organisation sont élus, à titre de membres non permanents du Conseil de sécurité, par l’Assemblée générale qui tient spécialement compte, en premier lieu, de la contribution des Membres de l’Organisation au maintien de la paix et de la sécurité internationales et aux autres fins de l’Organisation, et aussi d’une répartition géographique équitable. [. . .] (emphase ajoutée)

La prééminence apparente du critère decontribution au maintien de la paix a été érodée par la pratique des États depuis le début des Nations Unies, au profit d’une répartition selon des groupes géographiques. Ce n’est qu’au sein des cinq groupes respectifs que les États considèrent éventuellement le critère de contribution, même si, en pratique, ces élections sont influencées par des considérations diverses,74 dont des priorités géostraté-giques.

Pour parfaire un éventuel élargissement ou pour améliorer le système actuel, il est primordial de s’interroger sur la signification de répartition géographique équitable avant de se pencher sur la notion de contribution au maintien de la paix et de la sécurité internationales et aux autres fins de l’Organisation.

2.3.1. Répartition géographique équitable

Déjà en 1963, la sous-représentation des pays décolonisés a poussé l’Organisation à adapter non seulement le nombre de membres non-permanents, mais également de redé-finir la clé de distribution en fonction des développements géopolitiques. Outre de fixer

71. Définition deReprésentativitédans Salmon (2001) p.984 72. Voir CONU article 24 et Chapitre VI, VII, VIII et XII

73. CONU article 23 § 1, voir commentaire de Cot et Pellet (2005) p.867 s.

74. Bosco (2009) p.187in fine: parlant deregional horse trading

le nombre de membres non permanents, la résolution de 196375 introduit la répartition géographique actuelle76 en abrogeant le gentlemen’s agreement de Londres de 1946.77 Le mouvement de la décolonisation s’est davantage poursuivi, et a à nouveau renversé l’équilibre.78 Le réflexe premier serait de calculer le nombre de membres au Conseil pro-portionnellement au nombre de pays dans un groupe géographique,79 et il semble que les propositions sur la table ont suivi cemodus operandi.80

Surtout la proposition africaine avance que même les membres permanents d’un Conseil élargi soient choisis avant tout selon une représentation géographique, considérant qu’il doit y avoir un équilibre entre les différentes régions du monde également dans cette catégorie. Cependant, au-delà de l’aspect purement géographique et régional, les groupes régionaux ne reflètent pas forcément une cohésion interne qui permettrait une repré-sentation adéquate. Dans ce sens, certains auteurs81 avancent un découpage plus fin, en groupes géographiquement cohérents et de taille plus réduite.82 Le Japon a avancé également l’idée de la représentation en fonction de la population,83 alors même que ce critère serait en contradiction avec l’égalité souveraine.84

Il semble que d’autres critères émergent pour définir les ensembles d’États à représen-tation. Par exemple, en comparaison aux quatre autres groupes, le groupe « WEOG » se caractérise par la particularité d’être composé en grande partie selon une conver-gence géopolitique.85 Cette cohérence politique de tout le groupe le singularise, au vue des autres groupes, surtout le groupe asiatique, qui est particuliérement composite. La conception géographique des groupes a l’avantage majeur d’être relativement objectif

75. AG Résol. 1991 (XVIII) du 17 décembre 1963 entrée en vigueur le 31 août 1965 sur la question d’une représentation équitable au Conseil de sécurité et au Conseil économique et social

76. Afrique : 3, Asie : 2, Amérique latine et Caraïbe : 2, Europe occidentale et autres : 2, Europe orientale : 1 ; En pratique, il y a toujours un État arabe, soit dans le groupe asiatique, soit dans le groupe africain, voir Aust (2005) p.213

77. Amérique latine : 2, Commonwealth britannique : 1, Moyen-Orient : 1, Europe occidentale : 1, Europe orientale : 1, voir notamment Cot et Pellet (2005) p.872

78. Volger (2007) p.500

79. Afrique et Asie : 27.6 %, Amérique latine : 17.2 %, Europe occidentale : 15.1 %, Europe orientale : 12.0 %

80. Voir Annexe A.2 p.III pour une représentation numérique de ces propositions 81. Voir O’Brien (1996) dans Fleurence (2000) p.74 s.

82. Dans le même sens, la Jordanie s’exprime en 1993 pour une distribution des sièges à pourvoir en sous-groupes régionaux , voir UN Doc. A/48/264/Add.1 p.11 et 12

83. Brochure préparée par le ministère japonais des affaires étrangères http://www.mofa.go.jp/

policy/un/pamph0704.pdf(vérifié le 1 avril 2010)

84. CONU article 2 § 1 : L’Organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses Membres. (emphase ajoutée)

85. Avec des États de l’Amérique du Nord (Canada et États-Unis) et du Proche Orient (Israël) et de l’Asie (Japon, Australie, Nouvelle-Zélande)

dans son application. Uniquement certains États particuliers, tel Israël, ne peuvent pas faire partie de leur groupe à cause de conflits régionaux.

Selon un autre motif de convergence, l’Organisation de la Conférence islamique reven-dique une représentation adéquate dans toute réforme du Conseil de sécurité, sans exiger expressément la création d’un groupe électoral en soi pour ce groupe d’États.86Pourtant, cette revendication est en contradiction avec l’approche régionale adoptée depuis 1965, et ne devrait pas constituer un critère de sélection.87

2.3.2. Contribution au maintien de la paix et aux autres fins de l’Organisation Ce critère, primaire selon la lettre de l’article 23 de la Charte, n’a pas trouvé l’intérêt des délégations dans le cadre des discussions sur la réforme88qui ne se consacrent avant tout à lareprésentation géographique équitable. Pourtant, et à juste titre, dans son commentaire de l’article 23,Madjid Benchikhsouligne l’importance de la contribution au maintien de la paix et aux autres fins de l’Organisation.89Il semble primordial de choisir des pays dédiés à la promotion de la paix, des droits de l’homme et du développement pour donner à cet organe la volonté et la crédibilité dans l’accomplissement de ses tâches.

Les candidats à un siège permanent du groupe des Quatre ont invoqué leur contribu-tion pour souligner le bien-fondé de leurs revendicacontribu-tions,90 notamment en relevant les contributions absolues au budget régulier de l’ONU ainsi qu’aux budgets des institutions spécialisées,91 sans oublier la part de personnel militaire et civil détaché aux diverses missions des Nations Unies. Ce qui semble primer dans le choix de membres permanents, autant en 1945 qu’en 2010, c’est l’importance systémique qu’un État détient par sa situa-tion géopolitique dans la réalisasitua-tion des activités du Conseil.92Au vue des changements rapides, notamment face aux progrès faits par certains pays en voie de développement,

86. Communiqué final de la réunion annuelle de coordination des ministres des affaires étrangères des États membres de l’Organisation de la Conférence islamique, du 25 septembre 2009, UN Doc. A/64/614 p.35, § 35

87. Voir dans ce sens : Cede et Sucharipa-Behrmann (2001) p.307 88. Dans ce sens, Cot et Pellet (2005) p.875

89. Cot et Pellet (2005) p.876 s.

90. Voir notamment pour la candidature de l’Allemagne : Site du ministère allemand des affaires étrangères (http://www.auswaertiges-amt.de/diplo/de/Aussenpolitik/InternatOrgane/

VereinteNationen/ReformVN/ReformSR-Fragen.html) (vérifié le 1 avril 2010), ainsi que pour la can-didature du Japon : Brochure préparée par le ministère japonais des affaires étrangèreshttp://www.

mofa.go.jp/policy/un/pamph0704.pdf(vérifié le 1 avril 2010) ; ainsi que Cede et Sucharipa-Behrmann (2001) p.304

91. Cede et Sucharipa-Behrmann (2001) p.305

92. Pour une analyse du choix des membres permanents actuels, pour d’autres : Fassbender (1998) p.163 -170

de plus en plus de pays pourront réclamer un siège permanent, et ce, d’autant que les menaces à la paix et la sécurité internationales ainsi que des réponses tentent de se régionaliser.93

Il ne sera pourtant pas opportun d’appliquer cette analyse de contributions militaire et financière absolues aux candidats non-permanents, puisqu’elle ne prend ni en compte l’apport relatif aux opérations des Nations Unies, ni les efforts pacifiques, non-militaires, qu’un État peut fournir pour la promotion de la paix et de la sécurité internationales.

Ainsi, il apparaît que des petits et moyens pays peuvent contribuer activement par une diplomatie pro-active, à réunir les parties et ainsi désamorcer des crises. Cette approche pacifique est également dans le sens de la Charte, puisque le recours à la force et à la coercition ne devrait être entendu en dernier ressort. De plus, les opérations qui ne jouissent pas du soutien des parties au conflit risquent bien souvent de courir à l’échec, comme l’a montré les opérations en Somalie. La diplomatie multilatérale ne peut pas résoudre tout conflit, mais le système de la Communauté internationale devrait en faire sa pierre angulaire.

La répartition des sièges n’étant pas inscrite dans la Charte, une redistribution des sièges non-permanents actuels par résolution de l’Assemblée générale est envisa-geable et sera nécessaire dans le cadre d’une réforme formelle. Il sera donc possible d’affiner les groupes géographiques, et d’adapter la répartition des postes de membres non-permanents en conséquence. D’autre part, les États devraient appliquer davantage le critère de contribution à la paix lors des élections à ces sièges. Ces possibilités sont, d’un point de vue procédural, beaucoup plus facile à mettre en œuvre, et ont également l’avan-tage de n’exclure aucunement une réforme profonde par la suite, ni un ré-agencement périodique de la répartition en fonction de profonds développements géopolitiques.

93. Ainsi, les organisations régionales (UA, UE, ASEAN) ainsi que d’autres organisations (OTAN) jouent un rôle croissant dans les missions de maintien de la paix

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