• Aucun résultat trouvé

L’augmentation du nombre de membres au Conseil de sécurité suscite une interroga-tion immédiate sur la catégorie de membres à augmenter - membres permanents ou membres non-permanents. Les cinq propositions se dénotent largement sur cette ques-tion. D’une part, le « modèle A » l’Union africaine et le « groupe des Quatre » préconisent l’extension des deux catégories, membres permanents et non-permanents. Puis, le « mo-dèle B » propose une nouvelle catégorie de membres, élus pour un mandat plus long et rééligibles. Finalement, UfC propose l’élargissement de la seule catégorie des membres non-permanents.

2.2.1. Nouveaux membres permanents ?

La demande des États africains et des États parties du « G-4 » pour la création de nouveaux sièges repose sur différentes approches. La proposition de l’Union africaine suggère six nouveaux sièges permanents et cinq nouveaux sièges non-permanents, la deuxième propose également six sièges permanents, mais uniquement quatre membres non-permanents. Les questions relatives à l’accroissement de la dernière catégorie vont être discutées un peu plus loin. L’UA et le « G-4 » ont différents arguments à la base de leurs revendications pour la création de nouveaux sièges permanents.

L’argumentation principale de l’UA tient au déséquilibre manifeste entre les différentes régions géographiques quant à la répartition des sièges permanents existants.54Prenant en compte l’impossibilité d’éliminer ces privilèges,55l’UA prône que chaque groupe géo-graphique ait un nombre équitable de membres permanents siégeant au Conseil. Il s’agit ainsi de raffermir leur position au sein de l’ONU, ainsi que de réduire la prédominance des pays anciens colonisateurs par rapport aux anciens pays colonisés. Ainsi, le conti-nent africain devrait avoir deux sièges permaconti-nents,56 l’Amérique latine et Caraïbes un siège permanent, l’Europe occidentale et autres États un, l’Asie deux sièges supplémen-taires. L’UA est intransigeant dans l’attribution de tous les privilèges dont les membres permanents actuels bénéficient, surtout l’attribution du droit de veto.57

54. Seul 3 des 5 groupes régionaux ont ce privilège : Asie (1), Europe orientale (1), Europe occidentale et autres (3)

55. CONU article 108 et 109, pour les raisons du veto sur tout changement de la Charte : Loweet al.

(2008) p.82 s.

56. Sur base d’un système de rotation à l’intérieur du groupe africain : Cede et Sucharipa-Behrmann (2001) p.306

57. Voir infra pour la question du veto (Section 3 p.16)

Le « G-4 », composé en premier lieu de l’Allemagne, du Brésil, de l’Inde et du Japon, fondent ses revendications sur le rôle de ces quatres pays dans la situation géopolitique actuelle ainsi que sur leurs contributions substantielles au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Ces quatre États aspirent donc à des sièges permanents par leurs statuts sur la scène mondiale et leur importance régionale. Pour rallier le groupe africain à cette proposition, ils réclament également deux sièges permanents pour le continent africain, sans pouvoir en spécifier les bénéficiaires.

Quelques difficultés particulières apparaissent en relation avec le statut de membres permanents et de la création de nouveaux sièges permanents. En 1945, il s’agissait de donner aux grandes puissances du monde une responsabilité accrue dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales. En outre, cette composition reflète lerapport de force établi après la fin de deuxième guerre mondiale.58La première critique à la création de nouveaux membres permanents et qui s’applique également aux P-5 dans une certaine mesure, correspond à la pérennisation d’une situation géopolitique d’un moment dans l’histoire. Autant l’implication d’États influents peut être justifiée aujourd’hui, à long terme, autant le risque existe que ce même État perd son poids économique, militaire et géopolitique. La critique peut être résumée de la façon suivante : Ce statut est une

« garantie d’éternité »,59unfait accompli qui ne permet plus de reconsidérer leur position au vue de leur poids ou de leurs politiques.60

Alors qu’il y a un effort constant de démocratisation des relations inter-étatiques au sein des Nations Unies, ce mouvement va à l’encontre de ces progrès. Est-ce qu’on peut justifier de nouvelles discriminations sur la base de l’existence d’anciennes ? L’argument de la légitimité accrue d’un Conseil élargi perd de sa valeur quand on veut créer de nouveaux sièges permanents. Sa crédibilité pourrait même en souffrir si les candidats auto-proclamés sont retenus, comme chacun a au moins un pays de sa région qui conteste sa candidature.61

Un des avantages de la permanence ou semi-permanence est la possibilité d’acquérir une expérience considérable dans le travail du Conseil62 et de se faire entendre. Depuis 1946 les membres permanents ont également pu profiter de l’élection quasi-automatique

58. Cot et Pellet (2005) p.868 59. Baboet al.(2008) p.75

60. En considérant notamment la place du Royaume-Uni et de la France actuellement, celle de la Russie après la dissolution de l’Union soviétique : Sands et Klein (2009) p.39

61. Müller (2001) p.65 s. : À la candidature de l’Allemagne s’oppose l’Italie, celle du Brésil l’Argentine et le Mexique, à celle de l’Inde le Pakistan, et à celle du Japon la Corée du Sud, et en Afrique, le choix devra être fait avant tout entre l’Afrique du Sud, l’Égypte, le Nigeria

62. Bailey et Daws (1998) p.138 s.

dans d’autres instances onusiennes à composition restreinte, un point qu’un papier de travail argentin63 caractérise de «de facto permanent membership ». En argumentant qu’un membre permanent doit assumer un rôle particulier au sein de l’Organisation, l’Allemagne et le Japon ont augmenté substantiellement leurs contributions financières, à tel point que ce sont, derrière les États-Unis, les plus importants bailleurs de fonds de l’Organisation.64

L’opposition de la Chine à la candidature du Japon65, l’incertitude sur les candidats africains et les problématiques générales liés à un tel projet sont d’autant de facteurs, sans être exhaustifs, qui rendent une réforme dans ce sens improbable voire impossible.

2.2.2. Nouveaux membres semi-permanents ?

Le « modèle B » essaie d’innover, et recommande aux États de créer une nouvelle caté-gorie entre le statut des membres permanents et le statut des membres non-permanents, à côté d’un seul siège de membre non-permanent classique à ajouter aux dix existants.

À huit nouveaux membres serait attribué ce statut à mandat prolongé de quatre ans et reconductible. Ainsi, certains États sont davantage responsabilisés dans le processus, sans perdre l’élément de contrôle de la part des autres États du groupe. Idéalement, ces membres quasi-permanents doivent assurer leur réélection par la pertinence de leur position sur la scène mondiale, la qualité de travail et le niveau d’engagement. Ainsi, ils ne perdront pas le contact avec leur région d’origine respective, à laquelle ils resteront

« accountable ».66 Cette possibilité peut exclure d’emblée des petits et moyens États de ces postes de membres semi-permanents67 à raison des engagements financiers et hu-mains sur une durée plus longue que ceux à supporter dans le cadre du statut de membre non-permanent actuel.

Ce projet, délaissé dans les discussions en 2005, a l’inconvénient majeur de créer un système élaboré et complexe qui instaurerait un niveau de distinction et de discrimination supplémentaire. Une telle stratification entre États va également à l’encontre de la théorie de l’égalité souveraine68 de tous les membres des Nations Unies.

63. UN Doc. A/50/47/Add.I , 9 Septembre 1996, voir également dans ce sens : Bailey et Daws (1998) p.139-140

64. AG Résol. 61/237 : États-Unis d’Amérique : 22 % (Plafonné par décision politique), Japon : 17 %, Allemagne : 9 % ; voir également Bourantonis (2005) p.50 s.

65. Allant jusqu’à tolérer voire soutenir des manifestations anti-japonaises en Chine, voir Müller (2001) p.57

66. Dans ce sens : Wouterset al.(2009) p.148 67. Wouterset al.(2009) p.149

68. CONU article 2 § 1, Cot et Pellet (2005) p.399 s.

2.2.3. Nouveaux membres non-permanents ?

La proposition de « Uniting for Consensus » (UfC)propose l’élargissement du nombre des membres non-permanents, en levant cependant l’interdiction actuelle de réélection immédiate. Le nombre de membres non-permanents serait, selon ce plan, doublé, et per-mettrait à vingt États de siéger à côté des P-5. À part la place particulière laissée aux P-5, aucune distinction formelle est faite, même si les groupes régionaux pourraient s’accorder que les États les plus importants soient réélus de façon récurrente. L’ « accountability » est particulièrement appréciable dans ce cas de figure, en ne donnant pas de position véritablement privilégiée à aucun État, notamment grâce à la durée relativement courte du mandat. Le contrôle de la part des pairs et la nécessité de les convaincre à chaque échéance de vote pourrait être bénéfique pour l’implication dans le travail du Conseil et dans les engagements pris par l’État candidat.

Les positions figées des États africains et la persistance du groupe « G-4 » par rap-port aux sièges permanents dans le Conseil rendent très improbable un accord ralliant deux-tiers des États incluant les P-5. Force est de constater que les discussions dans les négociations inter-gouvernementales traitent avant tout de la question des modalités d’un élargissement. Cependant, il sera utile dans cette perspective de discuter les cri-tères de sélection pour les membres non-permanents utilisés aujourd’hui, ou à appliquer lorsqu’une réforme aboutira.

Documents relatifs