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François Quastana

III. Créer un Etat libre

C’est à cette construction aussi difficile qu’exaltante que s’est consacré Paoli durant plus d’une décennie. L’entreprise a débuté par l’adoption du texte de novembre 1755, document fondateur que d’aucuns ont pu qualifier de pre-mière constitution écrite des Temps modernes56. Si le mot « constitution » fi-gure effectivement dans le préambule, c’est moins sur la base des critères formels ou matériels que par l’esprit constituant qui préside à son élaboration qu’il peut être considéré comme tel. Paoli, persuadé que les constitutions des peuples sont l’œuvre du temps et le fruit d’améliorations successives, n’a ja-mais en effet prétendu fixer en une seule fois et de manière définitive l’en-semble des institutions politiques. Il faut donc renoncer à appréhender les institutions paoliennes de manière statique. Pour les comprendre, il est né-cessaire de les observer dans leur évolution.

54 Lettera di un Corso abitante in Corsica ad un altro dimorante in Venezia (pamphlet publié à la suite de l’édition de la Giustificazione de 1764), pp. 6-9.

55 L’institution des Nobles XII était chargée de représenter les populations de la Terra del Comune auprès du gouverneur génois. Elle représenta en fait l’île toute entière jusqu’à la création des Nobles VI au début de la décennie 1580. A la veille des Révolutions de Corse, cette institution fait l’objet de critiques très virulentes. (Cf. A.-M. Graziani,Pascal Paoli…, op. cit., pp. 34-36.

56 Cf. D. Linotte,Les Constitutions françaises, Paris, Litec, 1991, pp. 2-4.

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Si Paoli a voulu, sans complètement y parvenir d’ailleurs, être le seul maître en Corse pour bâtir cet Etat il n’a en revanche jamais souhaité, contrai-rement au vœu claicontrai-rement exprimé par l’auteur du Disinganno en 1736, éta-blir un régime monarchique en Corse57. L’expression «Regno di Corsica» qui figure dans tous les textes officiels ne doit pas tromper, traditionnelle dans les écrits de la Révolution Corse, elle vise surtout à conforter l’idée que la Corse est bel et bien un Etat souverain. Mais si formellement l’île est un Royaume, le gouvernement établi par Paoli est de nature républicaine.

Même l’Abbé de Germanes, critique acerbe de l’ambition de Paoli qu’il accuse dans son Histoire des Révolutions de Corse d’avoir aspiré au pouvoir person-nel, s’accorde à reconnaître que le système de gouvernement mis en place par ce dernier était le fruit d’une longue méditation « des principes de li-berté et de gouvernement républicains déposés dans les histoires des pe-tites républiques grecques et des pepe-tites républiques d’Italie pendant leur commencement »58.

Ainsi, dès 1755, conformément à l’idéal polybien de la constitution mixte dont se revendiquent tous les auteurs républicains, c’est bien un régime mê-lant les trois formes de gouvernement et fondé sur la souveraineté populaire que Paoli paraît avoir voulu mettre en place. Dans le système établi en 1755, la souveraineté appartient à l’ensemble de la nation réunie au sein de la Diète générale du peuple Corse. Cette dernière, élément démocratique, est une ins-titutionnalisation de la consulta traditionnelle. Elle se réunit au moins une fois par an. Le reste du temps, l’autorité suprême est confiée à un Conseil d’Etat composé de présidents et de conseillers réunis en plusieurs chambres, qui constitue l’élément aristocratique du système. A la tête du Conseil d’Etat, on trouve un Général nommé à vie, qui en est le chef et le directeur et forme la partie monarchique de la constitution. Les membres du Conseil d’Etat a l’origine élus à vie et les « podestats majors » élus par le peuple pour une année sont soumis tous les ans à la censure de la nation. Il en est de même en théorie du Général qui doit exposer une fois l’an à la Diète les résultats de sa mandature et s’en remettre à la volonté du peuple. Pour Paoli, « L’autorité […]

n’est qu’une délégation de souveraineté, qu’un mandat temporaire dont [les magistrats doivent] une comptabilité sévère à [leurs] commettants »59. Boswell se fait l’écho de cette conception lorsqu’il décrit le gouvernement de la Corse comme une « démocratie complète et bien ordonnée60» fondée sur « une

pro-57 Disinganno…,op. cit., pp. 76-77.

58 Abbé de Germanes,Histoire des Révolutions de Corse, Paris, 1771-1176, Marseille, Laffite Re-prints, 1976, t. II, pp. 181-182.

59 A.-M. Graziani,Pascal Paoli…, op. cit., p. 141.

60 Cette expression n’est pas sans rappeler l’idée d’une «Repubblica ordinata bene» chère à Ma-chiavel. On la retrouve également chez Rousseau, théoricien d’une société « bien ordonnée ».

Une relecture de Pascal Paoli gression graduelle du pouvoir émanant du peuple, pouvoir que celui-ci peut reprendre, à la fin de chaque année, pour en disposer à sa guise »61.

Dans l’esprit de Paoli, « le peuple c’est la nation tout entière. Il faut, pense-t-il, que chaque Corse ait une mesure de droits politiques : s’il n’est pas li-brement représenté, […] quel intérêt veut-on qu’il prenne à la défense de la patrie ? L’égalité ne doit pas être un vain mot »62. Tout le système politique paolien repose dans ses principes et sa fondation mêmes sur cette idée ré-publicaine d’égalité politique. Ce lien fondamental entre la participation du peuple à la défense de la nation et son libre consentement au choix de ses représentants, le Marquis de Cursay, officier chargé par Louis XV d’une soi-disant pacification de la Corse, ne saurait le comprendre. « Né esclave et offi-cier », cet homme, que Paoli affuble ironiquement dans sa correspondance du titre de « grand législateur », ignore « que l’égalité parfaite est la chose la plus désirable dans un Etat démocratique, et que c’est ce point qui rend heureux les Suisses et les Hollandais »63. Ces derniers propos résument à merveille l’idéal constitutionnel paolien qui paraît résider en définitive, dans un sys-tème politique ayant pour principes fondateurs la liberté et l’égalité et orga-nisant la participation active de tous les citoyens, sinon à l’exercice direct du pouvoir, du moins à la désignation des gouvernants, grâce au renouvellement fréquent des assemblées électives et à la rotation des charges.

A ce stade, il n’est sans doute pas inutile de revenir sur la question de la « séparation des pouvoirs » que certains ont cru voir ébauchée ou réalisée dans l’ordonnancement constitutionnel paolien et dont on attribue souvent l’origine à sa lecture de l’Esprit des Lois de Montesquieu. Pour lever toute am-biguïté, il convient de rappeler que, par l’expression « séparation des pou-voirs », on n’entend nullement à cette époque une séparation absolue carac-térisée par la spécialisation et l’indépendance des fonctions telle qu’elle sera théorisée par la doctrine publiciste au XIXesiècle. Il est donc vain de s’échiner à rechercher cette spécialisation et cette indépendance des fonctions dans la constitution de Paoli. Par séparation des pouvoirs, tous les auteurs du XVIIIesiècle entendent simplement la non-réunion de la totalité des pouvoirs dans les mêmes mains pour éviter une dérive despotique. Si Montesquieu est le principal exposant de cette théorie au siècle des Lumières, il n’en est pas l’inventeur, la genèse du principe de séparation des pouvoirs devant sans doute être recherchée dans la Révolution anglaise de 1640-166064. Il est

61 J. Boswell,An account of Corsica, 1769. tr. fr. de B. Vierne, Un compte-rendu de la Corse in J. Boswell,En Défense des valeureux Corses,op. cit., p. 165.

62 A.-M. Graziani,Pascal Paoli…, op. cit., p. 139.

63 Lettre de Paoli à Casabianca, 15 juillet, 1764, B. S. H. N. C., 1888, fasc. 95-96, pp. 672-673.

64 Cf. M. Troper,La séparation des pouvoirs et l’histoire constitutionnelle française, Paris, L.G.D.J., 2e éd., 1980, pp. 115-120.

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à noter que les vocables « pouvoir législatif » et « pouvoir exécutif » ne sont pas utilisés par Paoli dans le texte de 1755. Il faut attendre visiblement 1761, on l’a vu, pour trouver sous sa plume ces deux expressions, qu’il emprunte peut-être à Montesquieu. Le fait que Paoli ne reprenne pas en 1755 ces deux notions fondamentales pour désigner les deux principales fonctions de l’Etat paraît indiquer, soit qu’il n’a pas encore lu en détail l’Esprit des Lois, soit qu’il n’a pas jugé opportun d’établir clairement cette distinction à une époque où tout reste à faire et où il désire se laisser le maximum de latitude. Qu’il faille ou non y déceler une influence de Montesquieu, Paoli n’en a pas moins es-sayé par la suite d’organiser les institutions selon le principe de la séparation des pouvoirs entendu comme la non-réunion de la totalité de deux fonctions et a fortiori de trois dans une seule et même main. Cette non-confusion des pouvoirs, considérée comme une condition indispensable de la liberté poli-tique par tous les auteurs qui s’inscrivent dans la tradition du républicanisme classique, peut être garantie par un équilibre, une balance des pouvoirs au sein de la fonction législative. Or c’est précisément cette balance que réalise, bien qu’imparfaitement, la constitution paolienne. La Diète générale qui vote les lois ne possède pas entièrement le pouvoir législatif. Le Suprême Conseil d’Etat et le Général, représentant l’exécutif, disposent en concurrence avec la Diète, de l’initiative législative et se voient reconnaître à la fin du mois de mai 1764 un droit de veto suspensif aux propositions de loi émises par l’assemblée65.

Si elle n’est pas complètement établie en ce qui concerne Paoli, l’influence d’une théorie de la division des pouvoirs législatif et exécutif et judiciaire empruntée directement à Montesquieu est en revanche manifeste dans un manuscrit de Matteo Buttafoco, daté de février 1764, intitulé Mémoire au sujet de la constitution politique à établir dans le royaume de Corse dans lequel est livré un plan général des choses les plus essentielles qui constituent un gouvernement en république mixte. Bien qu’il ne soit pas l’œuvre de Paoli, mais celle d’un homme qui devint par la suite l’un de ses principaux adversaires, cet écrit mérite néanmoins qu’on s’y attarde un moment. L’influence des principes dévelop-pés dans le sixième chapitre du Livre XI de l’Esprit des Lois se laisse claire-ment percevoir dès le second paragraphe du texte où Buttafoco démarque littéralement Montesquieu :

65 Consulte de Corté du 22 mai au 31 mai 1764, Art. I « La proposition qui en Consulte recueille les deux tiers des votes favorables, mais qui n’obtient pas l’approbation du Gouvernement, n’est pas définitivement rejetée, mais ajournée, jusqu’à ce que le Gouvernement réunisse une autre Consulte où la promulgue en un autre temps plus opportun, ou justifie les motifs de son refus ».

(Archivio storico italiano, Lettere di Pasquale Paoli, présentée par N. Tommaseo, 1847, 1re série, vol. XI, pp. 51-57).

Une relecture de Pascal Paoli

« L’expérience de tous les temps nous enseigne que tous ceux qui ont du pouvoir sont naturellement portés à en abuser si on ne met de limites à leur autorité. Aussi est-il nécessaire, comme le dit le célèbre Montesquieu, que le pouvoir fasse obstacle au pouvoir et que les différents pouvoirs se limitent réciproquement au cas où l’un d’eux voudrait outrepasser les limites de l’autorité à lui concédée. En ceci réside l’équilibre nécessaire dans l’Etat, résultat de la juste division des trois pouvoirs : Le Législatif, l’Exécutif et le Judiciaire »66.

On a eu souvent tendance à analyser ces lignes et l’ensemble du manus-crit de Buttafoco à la lumière de ce que ce dernier allait devenir par la suite : le chef du parti français, le traître à la cause nationale accusé par Bonaparte d’avoir « vendu la nation », le futur député de la noblesse corse aux Etats gé-néraux. Si ces éléments biographiques sont évidemment non négligeables, il est néanmoins nécessaire pour avoir une bonne compréhension de ce texte de le resituer dans le contexte de sa rédaction. Cet écrit conçu en vue de la révision constitutionnelle voulue par Paoli et qui devait avoir lieu au cours de la consulta de 1764, a d’abord vraisemblablement circulé en Corse de ma-nière anonyme. Buttafoco y présente les adaptations qu’il juge nécessaires d’apporter pour améliorer la constitution élaborée neuf ans plus tôt. C’est ce manuscrit que Buttafoco fit parvenir plus tard à Rousseau en lui demandant, sans doute avec l’aval de Paoli, de rédiger un plan de constitution pour la Corse. Ce que l’on retient le plus souvent de ce mémoire, c’est la proposition visant à instaurer un ordre de noblesse corse67 mais ce faisant on néglige la plupart des autres propositions, dont un examen attentif fait apparaître qu’elles s’inscrivent en fait dans la lignée de la tradition du républicanisme classique. Un passage où se mêle de façon claire des fragments de pensée qui paraissent empruntés à la fois à Machiavel, à Rousseau et à Montesquieu, témoigne d’ailleurs on ne peut mieux de l’allégeance de l’officier à nombre de principes de cette tradition : « Les hommes, écrit Buttafoco, sont de nature mauvais et portés au vice ; c’est la bonne éducation qui d’ordinaire déracine les semences vicieuses et cultive la vertu. C’est donc d’elle que dépend la conservation des lois. La corruption des mœurs produit les pires maux en politique. Dans une république, un homme corrompu ne sera jamais ni bon citoyen ni bon magistrat. Car le principe de ce type de gouvernement est la vertu, c’est-à-dire l’amour du Bien public, ce que n’aura jamais un homme corrompu »68.

66 Memoria sopra la constituzione Politica da stabilire nel Regno di Corsica nella quale si dà un piano generale delle cose più essenziali che constituiscono un governo in Repubblica mista fatto al Ve-scovato nel 1764. Ms. R282, Bibliothèque de Neuchâtel, traduit de l’italien par Ph. Castellin et J.-M. Arrighi in Projets de Constitution pour la Corse, Ajaccio, La Marge, 1980, p. 65.

67 Id., pp. 72-73.

68 Id., p. 73.

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Cette adhésion à la tradition républicaine et à la pensée de ses grands représentants est d’ailleurs confirmée par une lettre de Buttafoco à Rousseau dans laquelle il révèle ses sources d’inspiration : « Vous m’inspirez une bien bonne idée d’un petit manuscrit daté de Vescovato : mais Monsieur, il n’est point de moi, il est à vous, à Machiavel, au président Montesquieu : je n’ai que le mérite d’avoir cousu vos idées »69.

Certes, on pourrait être tenté de ne voir dans cette affirmation que de la flagornerie, mais, une analyse sérieuse du texte prouve qu’il n’en est rien.

Ainsi, même si les vues constitutionnelles de Paoli et celles de Buttafoco divergent sur des points importants, si leur patriotisme n’est évidemment pas de la même nature, il est troublant de constater que Buttafoco puise aux mêmes sources idéologiques que Paoli pour justifier la mise en place du système qu’il propose. Ce recours aux mêmes références philosophiques ne semble pas seulement constituer un moyen habile de retourner contre le Général ses propres armes et sa propre rhétorique, il paraît au contraire in-diquer que le capitaine au régiment Royal Corse partage tout comme Paoli une véritable communauté de pensée avec la tradition républicaine classique.

Un autre indice établissant de manière indubitable cette influence se trouve d’ailleurs dans cette lettre où Buttafoco promet au Citoyen de Genève de lui faire parvenir son Examen historique et justificatif de la révolution de l’île de Corse.

« Cet écrit, confesse-t-il, est puisé dans nos divers livres de justifications, dans J.-J. Rousseau, Algernon Sidney, Montesquieu et Gordon »70. Ajoutées à celles de Machiavel, Rousseau et Montesquieu, ces allusions directes aux républi-cains anglais Algernon Sidney et Thomas Gordon, sont particulièrement ré-vélatrices d’un point de vue idéologique. Elles confirment que le langage de l’opposition politique, le langage civique et humaniste, si efficace en Angle-terre comme plus tard en Amérique du Nord et en France, n’était nullement inconnu de certains patriotes corses du XVIIIesiècle. Ces républicains anglais qui vouaient une admiration commune à Machiavel et dont se réclame Butta-foco ne sont pas non plus inconnus de Paoli auquel on sait que Boswell avait fait parvenir « les œuvres de Harrington, de Sidney, d’Addison, de Trenchard et de Gordon et d’autres écrivains favorables à la liberté »71. Si ces auteurs n’ont sans doute pas influencé directement Paoli dans l’élaboration de son plan de gouvernement en 1755, il partage cependant avec eux un même idéal de liberté et puise aux mêmes sources : l’Antiquité romaine et les œuvres de Machiavel. C’est la conviction de partager cet idéal commun qui a sans doute conduit, l’historienne républicaine anglaise Mrs Macaulay à rédiger

69 Lettre de Buttafoco à Rousseau, Vescovato 19 octobre 1765, (id., p. 46).

70 Ibid.

71 Journal d’un Voyage en Corse,op. cit., p. 259.

Une relecture de Pascal Paoli pour Paoli en 1767, un plan de gouvernement démocratique pour la Corse72. C’est enfin cette communauté de pensée qui peut expliquer, dans une large mesure, l’enthousiasme dont font preuve à l’origine les leaders de l’opposi-tion parlementaire anglaise à l’égard de Paoli et de son œuvre politique et constitutionnelle, mais également l’amertume et le sentiment d’avoir été tra-his qu’ils éprouvent après sa défaite, son exil à Londres et son allégeance à Georges III.

72 C. Macaulay,A Short sketch of a democratical form of government, in a letter to Signior Paoli, in loose remarks on certains positions to be found in Mr Hobbes philosophical rudiments of gov-ernment and society, Londres, 1767, pp. 29-39.

François Quastana

Discussion

Discussion

Antoine Marie Graziani – La présentation de François Quastana me paraît très complète sur le rapport entre le Paoli de 1755 et l’idée républicaine. Il y a aussi un élément supplémentaire à prendre en compte : la décision de tenir une consul-tation en avril 1764 pour réviser la constitution Corse. Cette consulconsul-tation ne va pas se tenir sur le sujet en question, vraisemblablement parce que le changement politique est en cours, c’est-à-dire que les troupes françaises vont arriver et les données changer. En 1764-65 Paoli est vraiment sur cette idée, qui lui tenait clai-rement à cœur, de changer la constitution. Et c’est cette volonté qui aboutira en 1765 à la proposition faite à J.J. Rousseau. En lisant ce que rapporte Symonds de ses discussions avec Paoli on voit bien dans quels domaines Paoli comptait faire évoluer la constitution.

Alfred Dufour – C’est un tableau très complet des sources de la pensée politique de Paoli, focalisé sur la tradition du républicanisme antique et il y a une composante qui ne reflète pas strictement cette tradition de pensée dont vous n’avez pas fait état alors que vous avez évoqué l’idée d’une convention liant Gênes et la Corse remontant au milieu du XIVesiècle. C’est là un thème que l’on retrouve justement chez les auteurs jusnaturalistes. Est-ce qu’il y a une veine d’inspiration jusnatura-liste chez Paoli qui apparaît de façon implicite ou explicite avec des références ?

François Quastana – C’est la question de l’influence de la tradition jusnaturaliste sur les révolutions de Corse, notamment de l’influence de Grotius et de Pufendorf dans certains textes, comme le Disingano et la Giustificazione.

Il est vrai que dans le Disingano, Grotius est cité, tout comme Suarez et d’autres penseurs de la tradition de droit naturel, mais paradoxalement, dans la Giustifi-cazione, Salvini reprend les références du Disingano relativement au droit naturel, mais pas tellement Grotius car ce dernier a été entre temps récupéré par l’Anti-giustificatore, c’est-à-dire par Giustiniani.

Mon sentiment est qu’on a beaucoup insisté sur cette tradition du droit naturel au détriment peut-être de la tradition du républicanisme classique dont l’influence n’a pas été assez suffisamment étudiée. A propos de l’idée de la liberté conçue

Mon sentiment est qu’on a beaucoup insisté sur cette tradition du droit naturel au détriment peut-être de la tradition du républicanisme classique dont l’influence n’a pas été assez suffisamment étudiée. A propos de l’idée de la liberté conçue