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III.3 Comportement en fluage de monocristaux de glace d´ eform´ es en torsion

III.3.1 Courbe de fluage caract´ eristique

III.3.1.1 Comportement caract´eristique

Dans les conditions d´ecrites en introduction de ce chapitre, on obtient typiquement des courbes de fluage γ(t) telles que celle pr´esent´ee en figure III.6, avec sa courbe d´eriv´ee ˙γ(t).

Pour de tr`es faibles d´eformations (< 1%), on peut observer une l´eg`ere diminution de la vitesse de d´eformation (encadr´e sur la figure III.6). Ensuite, de plus en plus rapidement, la vitesse de d´eformation augmente jusqu’`a atteindre des valeurs sup´erieures `a 1.5 × 10−5s−1. Dans certains cas comme celui pr´esent´e ici, nous avons pu observer un ralentissement de la d´eformation peu avant la rupture qui co¨ıncide avec l’apparition d’une ou plusieurs fissures en surface de l’´echantillon et leur propagation vers le centre (figure III.9A)).

Notons que cette propagation est stable et conduit `a des faci`es de rupture tels que celui repr´esent´e en figure III.7. Ce faci`es est similaire `a celui pr´esent´e en figure III.8 et qui cor-respond `a une d´eformation de type “glissement sinueux” (“serpentine glide”). Les marches distinctes qui apparaissent sont produites par le glissement d´ecoh´esif de plans parall`eles tr`es proches. (for Metals (1974)). Cette interpr´etation est en accord avec notre configuration

Figure III.6 – Courbe de fluage (γ = f (t)) et sa courbe d´eriv´ee ( ˙γ = f0(t)) pour un monocristal de glace d´eform´e en torsion `a -23°C sous une contrainte maximale de 0.12MPa (correspondant `a un moment de torsion Mt= 2.14N.m) de dimensions Ø=h=43mm. La zone gris´ee correspond `a la p´eriode pendant laquelle une fissure est apparue et s’est propag´ee.

exp´erimentale, les plans de base glissant les uns par rapport aux autres, comme un jeu de cartes, du fait de la forte anisotropie de la glace. Ainsi, mˆeme si la ligne t´emoin r´ev`ele une d´eformation macroscopiquement homog`ene, on peut discerner `a une ´echelle plus fine, une

certaine localisation de la d´eformation ( figureIII.9 B)).

Figure III.7 – Faci`es de rupture d’un monocristal de glace d´eform´e en fluage en torsion A/ vue d’ensemble de l’´echantillon. B/ Observation `a la loupe binoculaire (r´eflexion).

Figure III.8 – Fractographie obtenue en microscopie ´electronique en transmission r´ev´elant du “glissement sinueux” sur une surface de rupture d’un ´echantillon de fer (for Metals(1974)).

III.3.1.2 Interpr´etation et discussion

On peut interpr´eter le comportement en fluage du monocristal de glace en terme de densit´e de dislocations `a partir de l’´equation d’Orowan :

Figure III.9 – Monocristaux de glace d´eform´es en torsion. Gauche : ´echantillon fortement d´eform´e pour lequel on peut constater l’appartition d’une fissure. Droite : mise en ´evidence de localisations de d´eformation `a l’´echelle macroscopique.

Mˆeme si l’on connait les limites de ce type d’approches bas´ees sur l’´evaluation de quantit´es moyennes et supposant la d´eformation homog`ene(cf partie II.4, page 28), cela permet de proposer une premi`ere interpr´etation qualitative.

La diminution de ˙γ initialement observ´ee peut provenir du fait que le cristal contient ini-tialement des dislocations de signe oppos´e pouvant accommoder la torsion. Sous contrainte, ces deux types de dislocations vont se d´eplacer dans des directions oppos´ees, les unes ´etant pouss´ees vers le centre du cylindre, les autres ´etant pouss´ees vers l’ext´erieur et donc peu `a peu ´elimin´ees du cristal. Cela conduit `a une diminution de la densit´e de dislocations mobiles et l’on peut donc supposer que les dislocations se multiplient moins vite qu’elles ne sont ´elimin´ees (rappelons que la densit´e de dislocations initiale est tr`es faible, ce qui offre peu de sites de nucl´eation pour la multiplication). Toujours en supposant que les dislocations se multiplient difficilement en d´ebut d’essai, on peut ´egalement expliquer ce ralentissement par le fait que les dislocations g´en´er´ees dans les plans de base ralentissent puisque la contrainte ef-fective diminue au fur et `a mesure qu’elles s’empilent. Apr`es cette premi`ere ´etape, ˙γ augmente continument, signifiant que ρm augmente ´egalement. Une estimation de la densit´e de dislo-cations n´ecessaires pour accommoder la d´eformation ∆γ, peut ˆetre r´ealis´ee en consid´erant que (Ashby (1970)) :

ρ = α

o`u α est l’angle tel que d´efini sur la figure III.4. Ainsi, on a `a la fin de l’essai pr´esent´e en figure III.6, ρ ≈ 1011m−2, soit une augmentation d’environ un facteur 103 depuis le d´ebut de l’essai.

Le ralentissement parfois observ´e en fin d’essai t´emoigne d’une diminution de la densit´e de dislocations mobiles. Ce durcissement est vraisemblablement li´e `a l’immobilisation ou l’annihilation de dislocations qui interagissent les unes avec les autres. Plusieurs hypoth`eses peuvent ˆetre ´emises pour expliquer cela. Il se peut que les dislocations basales rencontrent des obstacles comme des “dislocations de la forˆet” dont la densit´e aurait atteint une valeur critique ne permettant plus son franchissement. Il se peut ´egalement que les contraintes in-ternes cr´e´ees par les dislocations basales, de signe oppos´e `a la contrainte appliqu´ee, soient tellement fortes que de nouvelles dislocations basales positives ne peuvent plus ˆetre intro-duites ou mˆeme, si la contrainte effective devient localement n´egative, que des dislocations n´egatives soient introduites et s’annihilent avec les dislocations positives d´ej`a pr´esentes. Le fait que l’apparition d’une fissure en surface de l’´echantillon n’entraine pas d’augmen-tation de la vitesse de d´eformation laisse `a penser que l’on n’est pas dans un cas o`u la d´eformation se localise brutalement (concentration de contrainte) mais plutˆot dans une si-tuation o`u l’ensemble de l’´echantillon est tr`es fortement d´eform´e, l’´etat de contraintes internes ne permettant plus la multiplication de dislocations dans des nouveaux plans de base.

On remarque ´egalement que, conform´ement `a ce que l’on peut trouver dans la litt´erature, le monocristal de glace d´eform´e en fluage `a faible contrainte est extrˆemement ductile (il est commun d’atteindre des angles de torsion de plus de 45°). De plus, l’allure des courbes obtenues en torsion est tr`es similaire `a celles obtenues pour d’autres sollicitations (cf partie II.3.1 page 20) ce qui laisse supposer que les m´ecanismes responsables de la plasticit´e du monocristal de glace sont identiques.

Le monocristal de glace d´eform´e en fluage pr´esente un adoucissement qui ne permet pas d’observer de v´eritable ´etat stationnaire ou il y aurait ´equilibre entre la multiplication des dislocations et leur immobilisation ou annihilation. Cela signifie que la multiplication des dislocations est pr´epond´erante au cours de l’essai et implique donc la pr´esence de sources de dislocations dont la nature reste `a d´eterminer, comme nous le d´etaillons dans le paragraphe suivant. La loi de fluage propos´ee jusqu’alors (cf ´equationII.4page22) n’est alors valide que pour un niveau de d´eformation donn´e et peut s’´ecrire :