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Chapitre 1 – Etude bibliographique

III. D.3) Courants de fuite

Lors de l’utilisation des condensateurs accordables, une tension est appliquée pour contrôler la valeur de la capacité. Le matériau étant sous forme de couche mince dont l’épaisseur est de l’ordre de la centaine de nanomètre, l’application de quelques volts seulement suffit à créer un champ électrique très élevé, de l’ordre de plusieurs centaines de kV/cm. Même si le matériau est dit isolant, il possède une certaine conductivité due à la présence de nombreux défauts. Ceux-ci vont contribuer à la propagation d’un courant au travers du condensateur sous de tels champs électriques, appelé courant de fuite. Ce courant est néfaste pour le

composant. Lorsque le champ électrique est trop élevé, où appliqué trop longtemps, ceci peut entraîner sa destruction, on parle alors de claquage.

ƒ Conductivité

La conductivité dans les matériaux isolants à faible gap peut découler de diverses contributions, ioniques ou électroniques. Dans le cas du titanate de baryum strontium, les énergies d’activation de la migration ionique sont nettement supérieures aux énergies d’activation électroniques. La conductivité électronique va donc être dominante. Elle dépend de la concentration et de la mobilité μe et μh des porteurs : les électrons e et les trous h. Ces porteurs peuvent être générés par différents mécanismes, comme par l’énergie thermique ou un champ électrique intense. Dans un composé parfaitement pur et stœchiométrique, le niveau de Fermi est au centre de la bande interdite, et la conductivité s’exprime par :

où m* correspond à la masse effective, Eg l’énergie de la bande interdite (gap), h à la constante de Planck, kB à la constante de Boltzman et T la température. La présence de défauts dans le matériau va induire la création de niveaux d’énergie localisés dans la bande interdite. Les niveaux vides proches de la bande de valence sont appelés niveaux accepteurs, on parle de dopage type p, et ceux occupés proches de la bande de conduction constituent des niveaux donneurs, c’est un dopage type n. L’énergie de Fermi représentant l’énergie des derniers états occupés par les électrons va donc être influencée par les défauts, elle se rapproche de la bande de conduction (BC) dans le cas d’un dopage n, et de la bande de valence (BV) dans le cas d’un dopage p.

ƒ Lacunes d’oxygène

Parmi tous les défauts possibles dans les oxydes ferroélectriques, les lacunes d’oxygène sont très présentes et ont un effet significatif sur la conductivité. Elles sont majoritairement formées durant les recuits du matériau à haute température [97] et leur concentration est influencée par la pression partielle en oxygène :

Les lacunes ainsi créées peuvent s’ioniser et libérer jusqu’à deux électrons, elles constituent donc des niveaux donneurs dans la bande interdite :

Les lacunes d’oxygène ont fait l’objet de nombreuses études pour connaître leur effet sur les propriétés du matériau [98, 99, 100, 101]. Récemment, Mitra et al. ont publié des résultats de modélisation dans SrTiO3 plaçant les niveaux énergétiques des défauts VO, VxO, et VxxO

respectivement 0,70eV, 0,57eV et 0,28eV sous la bande de conduction du matériau [101]. Les charges libérées lors de l’ionisation des lacunes d’oxygène peuvent induire la réduction du titane, afin de conserver l’électro-neutralité du matériau :

La présence de ces défauts induit des niveaux d’énergie localisés dans la bande interdite du matériau. Des calculs ont montré qu’ils constituent des niveaux donneurs situés 0,1 à 0,2eV

ߪ ൌ ȁʹ݁ȁ ൬ʹߨ݇ܶ ݄ ሺ݉כ݉כሻሺߤכߤכሻ݁ି ଶ௞ (1.33) ୓ሺ୪ୟ୲୲୧ୡୣሻœ൅ͳ ʹ (1.34) œx൅‡ିœxx൅ ʹ‡ି (1.35) Ti4+ + 1e- œ Ti3+ (1.36)

sous la bande de conduction [102], induisant une élévation de l’énergie du niveau de Fermi du matériau et donc une augmentation de la conductivité [103].

ƒ Mécanismes de conduction

Les courants de fuite dans les matériaux ferroélectriques ont fait l’objet de nombreuses études pour déterminer le modèle de conduction qui régit la conductivité. De nombreuses discussion à ce sujet dans les couches minces de titanate de type pérovskite peuvent être trouvées, incluant le BaTiO3, le SrTiO3, le (Ba,Sr)TiO3 ou le Pb(Zr,Ti)O3 [104, 105, 106, 107, 108, 109, 110]. Dans le cas de condensateurs plan, avec un empilement métal/isolant/métal (MIM), les courants de fuite peuvent être soit contrôlés par les interfaces avec les électrodes, soit par le volume de la couche isolante. Dans la plupart des cas, l’un des deux est dominant. Tous ces modèles sont issus de la physique des semi-conducteurs. Les mécanismes contrôlés par les interfaces, sont décrit par le modèle de Schottky [14, 111, 104, 106] ou des effets tunnels [112], et dans le cas d’un contrôle par le volume, le modèle de Poole Frenkel [113, 111] ou de Courant Limité par la Charge d’Espace (SCLC) [114, 104, 105] sont reportés.

Modèle de Schottky :

Le modèle de Schottky est sans doute le plus retrouvé dans la littérature pour les matériaux ferroélectriques, dans lequel le courant est dû à l’injection thermoïonique des électrons de l’électrode dans la couche mince isolante. Une barrière de potentiel Φ0 est formée à l’interface entre la couche ferroélectrique et le matériau de l’électrode, représentant la différence entre le niveau de Fermi du métal et la bande de conduction de l’isolant. Lorsqu’un potentiel est appliqué à l’électrode, la barrière est abaissée par la force électrostatique du champ appliqué, ce qui va permettre à un flux de porteur de franchir la barrière (Figure 1.28). L’évolution du courant thermoïonique dépend alors du champ appliqué Eext, et de la température T :

où A* correspond à la constante de Richardson modifiée, q à la charge de l’électron, ε0 à la permittivité du vide et εi à la permittivité diélectrique aux fréquences optiques [14].

Figure 1.28 : Schéma du diagramme de bande d’une structure Métal/Isolant/Métal sous l’effet d’un champ électrique illustrant le mécanisme de Schottky [115].

ܬ ൌ ܣכܶ݁ݔ݌ ۏ ێ ێ ۍ െ ߔെ ටݍܧ௘௫௧ Ͷߨߝߝ ݇ܶ  ے ۑ ۑ ې (1.37)

Effets Tunnel :

Il existe deux types d’effet tunnel, l’effet tunnel indirect également appelé Fowler-Nordheim et l’effet direct dans le cas des films très fins. Dans le cas de Fowler-Nordheim, les charges de l’électrode sont injectées dans la bande conduction de l’oxyde en traversant la barrière de potentiel. Il leur faut donc une énergie importante et la densité de courant dépend de la hauteur de barrière, du champ appliqué, mais est indépendante de la température :

Cet effet tunnel est généralement observé pour les forts champs électriques seulement [112]. Dans le cas de l’effet direct, les porteurs sont transmis directement d’une électrode à une autre, nécessitant également de forts champs électriques, et une épaisseur d’oxyde faible [116].

(a) (b)

Figure 1.29 : Schéma du diagramme de bande d’une structure Métal/Isolant/Métal lors de l’effet tunnel, (a) dans le cas Fowler Nordheim, (b) dans le cas de l’effet tunnel direct [115].

Poole Frenkel :

L’émission Poole Frenkel est un mécanisme de conduction contrôlé par le volume de la couche mince ferroélectrique. Les charges sont cette fois émises par des niveaux discrets donneurs de la bande interdite, associés à des défauts. Ces niveaux sont appelés des pièges. Cette émission est de type thermoïonique, où la hauteur de barrière à franchir, dite hauteur de piège, correspond à la différence d’énergie entre l’état localisé et la bande de conduction, comme le montre la Figure 1.30. L’électron émis migre alors brièvement au travers du matériau avant d’être piégé à nouveau sur un niveau d’énergie localisé. L’évolution du courant dépend de la hauteur de piège Φt, du champ électrique, et de la température, ainsi que de la mobilité μ et de la densité de porteurs NC [113] :

Il est à noter que la présence de porteurs sur des niveaux de pièges dans la couche suppose que les défauts aient été ionisés par un fort champ électrique ou que des charges aient déjà été injectées par les électrodes

ܬ ൌݍܧ௘௫௧ ͺߨ݄ߔ݁ݔ݌ ൥െͺߨሺʹ݉כݍሻߔ ଷȀଶ ͵݄ܧ௘௫௧ ൩ (1.38) ܬ ൌ ݍɊܧ௘௫௧ܰ݁ݔ݌ ۏ ێ ێ ۍ െ ߔെ ටݍܧ௘௫௧ ߨߝߝ ݇ܶ  ے ۑ ۑ ې (1.39)

Figure 1.30 : Schéma de la structure électronique de l’isolant lors de l’émission Poole Frenkel. Ec correspond à l’énergie de la bande de conduction [115].

Conduction limitée par la charge d’espace :

La charge d’espace fait référence à une zone occupée par des charges positives ou négatives, apparaissant dans de nombreuses situations dans les semi-conducteurs ou les isolants. Lorsque l’électrode injecte une densité de courant trop importante pour le film, une zone de charge d’espace négative va se former à l’interface, créant ainsi un champ électrique interne pour réduire le débit d’injection de l’électrode. Le courant n’est alors plus contrôlé par l’électrode mais par le volume de la couche, ou en d’autres termes, par la mobilité des porteurs dans cette charge d’espace du matériau [117]. Si l’on considère la présence de niveaux de piège dans le matériau, la densité de courant est donnée par l’équation suivante :

où μ est la mobilité des porteurs, θ est le taux de remplissage des pièges, V est la tension appliquée et d l’épaisseur de la couche.

III.E. Conclusion

L’utilisation du titanate de baryum strontium dans des condensateurs accordables intégrés nécessite de déposer le matériau en couche mince sur un substrat. Parmi les nombreuses techniques de dépôt existantes, toutes ne sont pas adaptées à un contexte industriel, où les choix sont gouvernés à la fois par les performances potentiellement atteintes, mais également par les coûts. Après les avoir comparées, il s’avère que la voie de dépôt sol-gel en spin-coating est la plus compétitive pour une intégration industrielle, permettant d’obtenir un très bon contrôle de la composition chimique, et des grandes surfaces de dépôt. Le silicium haute-résistivité est quant à lui le substrat le plus prometteur présentant le meilleur rapport coût/performances. Cependant, le dépôt du matériau en film mince lors de l’intégration entraîne une baisse des performances par rapport au matériau massif.

Les principales origines de la dégradation des propriétés ont donc ensuite été discutées. Différents phénomènes tels que la diminution de la taille des grains, la création d’une couche morte à l’interface ou les contraintes causées par le substrat diminuent la permittivité et l’accordabilité. Toutefois, les forts champs électriques appliqués à la couche d’une épaisseur de l’ordre de la centaine de nanomètre permettent, dans des conditions optimales, de conserver des valeurs d’accordabilité convenables. Le problème majeur réside dans l’augmentation extrinsèque des pertes diélectriques du matériau et l’apparition de courants de fuites élevés lorsqu’il est soumis à une tension. Il est donc primordial de trouver des solutions pour rétablir ces propriétés à un niveau le plus proche possible du matériau massif.

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