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Partie I:Le bas de page : Eugène Sue &José de Alencar

2. S UITE AU PROCHAIN NUMERO

3.4. La couleur locale

C’est la nuit du 19 mars 1870 au Teatro alla Scala de Milan. Lorsque la lumière baisse et le rideau s’ouvre, le public italien découvre un décor aux couleurs exotiques. Le velours rouge foncé et les ornements dorés de la salle contrastent avec les habits de scène amazoniens portés par le ténor. À l’intérieur d’un des opéras les plus prestigieux au monde, le son qui remplit la salle lyrique vient des instruments indigènes. Le public, stupéfait, assiste à la première mondiale d’Il Guarany. Un opéra-ballet de quatre actes, inspiré du roman de même nom devenu une des grandes œuvres de la littérature brésilienne naissante. L’auteur, on s’en doute, c’est José de Alencar.

L’opéra composé par le jeune compositeur brésilien Carlos Gomes d’après le roman de son compatriote remporte un énorme succès en Europe. Acclamé à la Scala, Gomes reçoit des compliments de Giuseppe Verdi, du directeur du conservatoire de Milan et même du roi d’Italie Vittorio Emanuele, qui le récompense avec l’Ordine della Coroa. Après Milan, Il Guarany est porté sur toutes les grandes scènes italiennes, puis européennes – à Londres, à Vienne, à Saint-Pétersbourg et Moscou. Elle arrive à Paris en 1884. « Nous avons eu la première audition donnée en France d’Il Guarany, opéra qui fera son apparition l’hiver prochain à Paris et a obtenu à Milan et à Vienne un succès éclatant », écrit le journal culturel L’Europe-artiste le 6 juillet.429 Le succès de l’opéra est durable : en 1895 on lit un article du Figaro faisant

l’éloge de la « superbe ouverture de Guarany de Gomès».430

Mais l’histoire du livre qui a inspiré l’opéra, O Guarany, commence plus d’une décennie avant son adaptation lyrique. Elle naît le 1er janvier 1857, lorsque José de

Alencar entame sa publication, anonymement, sous la forme de feuilleton dans le

Diário do Rio de Janeiro.

À peine trois jours après le dernier épisode de Cinco minutos, le premier roman- feuilleton d’Alencar, le lecteur du Diário plongeait dans un tout autre univers. Au cœur de la nature sauvage de la Serra dos Órgãos, aux alentours de Rio de Janeiro, vers 1604. C’est là que, dans une grande maison fortifiée, protégée par des rochers

429L’Europe-artiste, juillet 1884, p.2. 430Le Figaro, 08/02/1895, p.4.

naturels, aux marges de la rivière Paquequer, vivent d. Antonio de Mariz, un hidalgo portugais, avec sa femme, dona Lauriana, son fils Diogo, sa fille Cecilia et Isabel – présentée comme sa nièce, mais en vérité fille bâtarde de d. Antonio avec une indienne.

Ce noble portugais, un des fondateurs de la ville de Rio de Janeiro, et qui s’est distingué pendant les batailles de la conquête en combattant notamment les envahisseurs français en 1578, se retire des forces royales en 1582, après l’union dynastique entre les monarchies portugaise et espagnole. Il refuse l’autorité espagnole et s’installe au milieu de cette forêt vierge, dans le morceau de territoire qu’il avait reçu du roi portugais comme récompense de ses efforts.

Autour du manoir se trouvent des aventuriers européens en quête de fortune – notamment d’or et de pierres précieuses qu’ils allaient vendre sur la côte, aux vaisseaux qui rentraient en Europe. Comme un château féodal, la maison fortifiée leur servait de protection lors des attaques des redoutables indiens Aymorés. En contrepartie, ces explorateurs prêtaient allégeance à d. Antonio : ils lui donnent une partie de leurs butins et l’accompagnent lors des expéditions dans l’arrière-pays. Au centre du feuilleton créé par Alencar se trouve Pery, un brave indien, chef de la tribu Goytacá. Ce « sauvage qui avait des sentiments nobles et une grande âme » avait une force hors du commun et connaissait tous les secrets et les périls de la forêt. Un jour, il sauve la vie de Cecilia, qui devient l’objet de sa vénération. Désormais, il ne s’éloigne plus du manoir, pour mieux protéger son adorée – qu’il appelle Cecy. Lui, fort, agile, brun, avec la peau de la couleur du cuivre. Elle, une demoiselle délicate à la peau claire, les cheveux blonds et les yeux bleus « comme le ciel ». Bientôt les lecteurs du feuilleton suivront, chaque jour, entre les longues descriptions de la faune et la flore brésiliennes, le sort de cet amour impossible entre Pery et Cecy, l’indien sauvage et la demoiselle blanche.431

Alencar suivit rigoureusement la recette du feuilleton de succès : aventures, trahisons, mélodrame, toute sorte de périls et d’amours, le plus pur manichéisme dans la dispute du bien contre le mal, des héros et des vilains, et surtout la bonne coupe à la fin de chaque épisode, pour tenir son lectorat en haleine jusqu’à la prochaine livraison. Si ce genre de texte était déjà bien connu du lectorat brésilien, O Guarany apportait,

431 Nous gardons ici la graphie utilisée par Alencar dans son feuilleton original : Guarany, Pery et Cecy, avec « y » à la fin.

Ultérieurement, suivant les réformes orthographiques plus récentes, l’ « y » a été remplacé par « i ». C’est pour cela qu’on trouve les graphies Guarani, Peri, Ceci dans les éditions contemporaines du roman.

pourtant, une importante nouveauté. Au lieu des drames et trames se passant dans des contrées lointaines, cette fois-ci les brésiliens trouvent dans le bas de page un récit où l’on reconnaît le décor. On identifie le paysage tropical et même des faits et des personnages historiques de l’époque de la formation du pays.

« C’était comme le déclenchement d’une force naturelle », considère Ubiratan Machado à propos de l’enthousiasme suscité par la publication d’O Guarany. Un succès qu’il attribue principalement à cette représentation du pays créée par Alencar. Habitué, depuis la fin des années 1830 aux feuilletons étrangers, traduits surtout du français, le public commençait à s’intéresser de plus en plus aux choses nationales, avec lesquelles il s’identifiait.432 Pour l’historien Werneck Sodré, le feuilleton d’Alencar atteignit, dans les proportions brésiliennes, « le prestige qui était habituel dans la presse européenne ». C’était une première dans le journalisme du pays.433

Nous avons un témoin laissé par un auteur contemporain d’Alencar sur la réception de son feuilleton : « Tout Rio de Janeiro lisait O Guarany et suivait, avec émotion et intérêt, les amours si purs et si discrets de Cecy et Pery et accompagnait, avec une extrême sympathie, au milieu des périls et des ruses des sauvages, le sort instable et difficile des principaux personnages du roman », raconte Alfred d’Escragnolle Taunay dans ses mémoires, publiées en 1908. Ce succès dépassait, selon lui, les limites de la ville de Rio de Janeiro. « Lorsque le courrier arrivait à São Paulo, après plusieurs jours d’intervalle, maints et maints étudiants se réunissaient dans une

república434 où il y avait un heureux abonné du Diário do Rio de Janeiro pour

entendre, absorbés et parfois secoués par un frémissement, la lecture à voix haute [du feuilleton] ».435

Alencar construit sa fiction basé sur des faits historiques. Lors de la publication du feuilleton en livre, qu’il fait imprimer dans la typographie du Diário juste après sa parution dans le journal, en avril 1857, l’auteur n’économise pas les notes de bas de page pour donner les références de tous les faits et les informations historiques cités dans le texte. Ainsi, on voit que le chevalier portugais d. Antonio de Mariz a effectivement existé, de même que le blason de sa famille et plusieurs des guerres et batailles citées tout au long du roman-feuilleton. En ce qui concerne les ethnies

432 Ubiratan Machado, A vida literária no Brasil durante o Romantismo, op. cit., p.45.

433 Nelson Werneck Sodré, História da imprensa no Brasil, op. cit., p.192.

434 Logement d’étudiants en colocation.

indigènes, leurs us et costumes, Alencar est également exact. Il explique ce que signifient les mots du vocabulaire guarany qu’il parsème dans le texte, tout en donnant leurs respectives références bibliographiques. Même si le texte n’a rien de réaliste – vu la force surnaturelle de Pery, capable de défendre, tout seul, la maison des Mariz des agressions des tribus ennemies, des intempéries et de toute sorte d’attaque de bêtes sauvages.

Sur le mot qui donne le titre au feuilleton, Alencar explique qu’il utilise guarany pour désigner l’indigène brésilien – il préfère ce terme à tupi, employé par d’autres chroniqueurs, pour le considérer plus exact. « À l’occasion de la découverte, le Brésil était peuplé par des nations appartenant à une grande race, qui avait conquis le pays longtemps auparavant, et qui avait expulsé les dominateurs. Les chroniqueurs désignaient ordinairement cette race par le nom Tupi ; mais cette dénomination n’était utilisée que par quelques nations. Nous comprenons donc que la meilleure désignation c’est celle de la langue générale parlée, qui naturellement rappelait le nom primitif de la grande nation », explique Alencar dans une note à partir de la deuxième édition du livre.436Le terme « Guarany » désigne à la fois les nations et les

langues des indiens qui ont peuplé plusieurs régions du Brésil (et de quelques pays voisins) avant l’arrivée des colonisateurs portugais et espagnols.437

L’écriture d’un feuilleton quotidien impose à son auteur un rythme intense et régulier de travail. « Je l’écrivais au jour le jour », raconte Alencar sur la méthode de production du Guarany. « Au milieu des labeurs du journalisme, chargé non seulement de la rédaction du quotidien, mais de l’administration de l’entreprise, je m’acquittais de la tâche que je m’étais imposée moi-même et dont je n’avais pas mesuré la portée lorsque j’ai commencé à le publier [O Guarany], ayant à peine les deux premiers chapitres. »438

Il décrit sa journée : il se réveillait pratiquement devant son bureau, pour finir le chapitre commencé la veille. Il l’envoyait à la typographie, déjeunait439 et entamait un

436 José de Alencar, « Olho », in : O Guarany, São Paulo, Ateliê, 1999, p.511.

437 Pour une analyse plus détaillée de l’emploi des termes indigènes chez Alencar, et pour un inventaire des œuvres et des

dictionnaires des langues parlées par les indiens du Brésil existants à son époque, nous renvoyons à: Ingrid Schwanborn. O

Guarani era um Tupi? Sobre os romances indianistas de José de Alencar. Fortaleza, Casa de José de Alencar, Programa

Editorial, 1998.

438 José de Alencar, Como e porque sou romancista, op. cit., pp.44-45.

439 Selon la description de coutumes brésiliennes de l’époque par le français Jean-Baptiste Debret, les horaires des repas

variaient selon les familles et leur situation sociale, mais il décrit des déjeuners servis vers 8h du matin et des dîners, entre 13h et 14h. Voir : Jean-Baptiste Debret, Voyage pittoresque et historique au Brésil, ou Séjour d’un artiste français au Brésil,

nouveau chapitre du feuilleton, qu’il n’allait conclure que le lendemain. Il sortait alors pour faire un peu d’exercice avant le dîner dans le fameux Hotel de Europa à la rua do Ouvidor – qu’il citera dans le roman-feuilleton Senhora, de 1875, et qui était un point de rencontre connu des hommes politiques de l’époque.440 Après le dîner,

l’après-midi, il allait à la rédaction du Diário, où il écrivait l’article de fond et d’autres textes, et ne sortait pas avant 21h, 22h, pour « reposer l’esprit de cette ardue tâche journalière dans une distraction comme le théâtre où les sociétés ».441

Outre la quantité de travail, à la même époque où il écrit O Guarany, il fait faire des travaux dans sa maison – il avait quitté la chácara parentale, plus éloignée, pour vivre dans le centre de Rio de Janeiro, au numéro 23 du Largo do Rocio, actuelle Praça Tiradentes. Il travaille donc dans une chambre du deuxième étage, sous le bruit des coups de marteau, devant une petite banquette en cèdre qui lui sert à peine de bureau. Malgré l’espace réduit, c’est là qu’il déjeune, servi par sa domestique, Angela, une vieille esclave de sa famille.442

Dans cette maison en construction, sans livres, il recourt à un cahier de notes pour trouver les informations concernant l’histoire du Brésil, ses peuples indigènes, la faune et la flore du pays, qu’il décrit dans ses moindres détails dans le feuilleton. Nous avons eu l’occasion d’analyser ces anciens cahiers manuscrits de José de Alencar, remplis d’annotations de l’auteur, actuellement conservés au Museu Histórico Nacional do Rio de Janeiro.443

Il est possible de voir dans ces cahiers, outre les brouillons de romans, des poèmes, des articles et des notes qu’Alencar prenait à partir de la lecture et l’analyse de documents historiques et d’œuvres consacrées à l’histoire du pays et de Rio de Janeiro444 ; des annotations sur sa « recherche sur la signification de mots divers » ;

son investigation minutieuse à propos des langues parlées par les indigènes; des listes des mots guaranys « qui ont été introduits dans la "langue du Brésil" et d’autres qui

tome III, 1839. Selon les Diários de d. Pedro II, en 1861 il déjeunait à 10h et dînait à 17h30. Voir : Lilia Moritz Schwarcz,

As Barbas do imperador – D. Pedro II, um monarca nos trópicos, São Paulo, Companhia das Letras, 1998, p.283.

440 D’autres écrivains de l’époque citent l’Hotel de Europa dans leurs romans, notamment Joaquim Manuel de Macedo (1820-

1882) dans Memórias da Rua do Ouvidor et Machado de Assis (1839-1908), dans plusieurs textes, comme les contes Tempo

de crise et Nem uma nem outra, les deux publiés originalement dans le Jornal das Famílias, 1873 ; et Almas agradecidas, Jornal das Famílias, 1871.

441 José de Alencar, Como e porque sou romancista, op. cit., p.45.

442 José de Alencar, Como e porque sou romancista, op. cit., p.45.

443 Visites réalisées à deux occasions, en 2012 et 2013.

444 Comme les Annais do Rio de Janeiro de Baltasar da Silva Lisboa et l’História do Brasil de Francisco Adolfo de

peuvent être utilisés » ; des « annotations sur la grammaire » ; plusieurs notes en français et commentaires sur la lecture d’auteurs comme Balzac, Voltaire ou Lamartine.

Histoire commune

Dans la première édition du Guarany en livre, Alencar a ajouté une note, en guise d’avant-propos : « Cet essai de roman national est le fils d’une inspiration du moment et a été écrit feuilleton par feuilleton pour le Diário. […] Son seul mérite, s’il en a un, c’est de parler de choses de notre terre, des premiers temps de la colonisation, et de mélanger quelques réminiscences historiques aux coutumes indigènes ».445

La réussite de cette combinaison, qu’Alencar voit comme « seul mérite » possible de son œuvre, n’a pourtant pas fait l’unanimité de la critique.

Plusieurs auteurs qui travaillent sur l’œuvre d’Alencar considèrent qu’O Guarany (ainsi que certaines œuvres postérieures d’Alencar) ressemblent aux romans historiques de l’écrivain écossais Walter Scott (1771-1832). D’autres ont vu, dans la construction de ce roman-feuilleton du Brésilien, le modèle utilisé par François-René de Chateaubriand (1768-1848) dans Atala (1801), René (1802) et Les Natchez (1826) ; ou celui de James Fenimore Cooper (1789-1851) dans Le dernier des

mohicans (1826).

Nous n’allons pas entrer ici dans cette analyse littéraire, en relevant les possibles affinités entre les textes. Pour cela, nous renvoyons aux travaux de Maria Cecilia Queiroz de Moraes Pinto446, qui fait une comparaison entre Alencar et

Chateaubriand ; et celui de Sandra Vasconcelos447, qui relativise le rapprochement

entre l’auteur brésilien et l’écossais Scott, montrant les différentes façons dont chacun articule les données historiques au récit fictionnel.

Alencar se défend. Même s’il n’a jamais caché son admiration pour ces écrivains – qu’il cite d’ailleurs parmi ceux qui ont contribué à sa formation, comme nous l’avons vu –, il insiste sur le fait que son œuvre n’est pas une imitation. Si rapprochement il y a, ce serait par une coïncidence de thématique, due à une histoire commune à toutes

445 José de Alencar, O Guarany – Romance brazileiro. Rio de Janeiro, Empreza Nacional do Diário, 1857, p.1.

446 Maria Cecilia Queiroz de Moraes Pinto, A vida selvagem. Paralelo entre Chateaubriand e Alencar. São Paulo,

Annablume, 1995.

447 Sandra Guardini Teixeira Vasconcelos, « Figurações do passado: o romance histórico em Walter Scott e José de

Alencar », in : Terceira Margem, n. 18, janeiro-junho 2008. Rio de Janeiro, 2008, pp.15-37. Disponible sur le site: http://bit.ly/1tyT0d8.

les Amériques pendant la période de conquête, « où la race des envahisseurs a détruit la race des indiens ». « Même si Chateaubriand et Cooper n’existaient pas, le roman américain allait apparaître au Brésil en son temps », considère-t-il, et affirme avoir comme seul maître « cette nature splendide qui m’entoure ».448

« Ce qu’il faut analyser c’est si les descriptions du Guarany ont quelque parenté avec les descriptions de Cooper ; mais les critiques ne le font pas, puisque cela donne du travail et exige qu’on pense », dit-il. « Et pourtant il suffirait de les confronter pour savoir qu’ils ne se ressemblent ni par le sujet, ni par leur genre et style. » Quant à Scott, il reconnaît que c’est lui, avant Cooper, qui « a donné à la plume le modèle des paysages qui font la couleur locale ».449

Sans peur et sans reproche

Protagoniste du feuilleton, le personnage de Pery, avec ses forces démesurées et son âme généreuse, sa fidélité et loyauté inébranlables, porte même des « titres de noblesse » – c’est le « roi des forêts ».

L’auteur reconnaît cet idéalisation de l’indien – et profite, dans un article de journal de 1875, pour souligner ses différences avec l’écrivain américain Fenimore Cooper : « Cooper considère l’indigène du point de vue social, et dans la description de ses coutumes, il est réaliste, il le présente sous son aspect vulgaire. Dans O Guarany, le sauvage est un idéal que l’écrivain a l’intention de poétiser, en lui ôtant la croûte grossière dont l’enveloppaient les chroniqueurs, en l’arrachant au ridicule que projetaient sur lui les restes brutalisés de cette race presque éteinte. »450

Pery, le « sauvage poétisé », a des pouvoirs surnaturels, il est pur, il est bon. Pour d. Lauriana, épouse de d. Antonio, « l’indien est un animal, comme un cheval, ou un chien ».451 Mais, peu à peu, Pery, par ses actes de bravoure et de courage, commence

à être vu d’une autre façon. D. Antonio, admire son caractère, « une des choses les plus admirables que j’ai pu voir sur cette terre […] Sa vie est un acte d’abnégation et d’héroïsme ». C’est lui qui prononce la phrase très significative sur Pery : « C’est un gentilhomme portugais dans le corps d’un sauvage ».452

448 José de Alencar. Como e porque sou romancista, op. cit., p.47.

449 José de Alencar. Como e porque sou romancista, op. cit., p.48.

450 José de Alencar, in : Afrânio Coutinho, A polêmica Alencar-Nabuco, Rio de Janeiro, Edições Tempo Brasileiro, 1965,

p.149.

451 José de Alencar, O Guarany – Romance brazileiro. Rio de Janeiro, Empreza Nacional do Diário, 1857, p.50.

Le personnage de Pery renvoie, donc, au mythe du « bon sauvage », une image d’autant plus forte qu’il contraste avec les guerriers Aymorés. Il sera, en plus, à la demande de la famille de Mariz, converti au christianisme. L’indien poétisé par Alencar est donc, chrétien. Cette image idéalisée de l’habitant original de l’Amérique qui a bravement résisté aux envahisseurs européens est chère aux auteurs romantiques brésiliens depuis les années 1830. De même que son christianisme.453

C’était dans l’air du temps. Il faut se rappeler que le Romantisme, le courant dont Alencar fait partie dans l’histoire littéraire brésilienne, débute au Brésil en 1836 – nous y reviendrons. Or, il se constitue dans la période immédiatement postérieure à l’Indépendance du pays, ce qui ne sera pas sans conséquences. « Un élément important des années 1820 et 1830 est le désir d’autonomie littéraire, qui devient plus