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Chapitre II : Synthèse bibliographique

3. Comportement en corrosion des alliages étudiés

3.4. Corrosion intergranulaire des alliages de la série 6xxx

Bien que présentant globalement une bonne tenue à la corrosion, les alliages Al-Mg-Si peuvent être sujets à la corrosion intergranulaire. Cette forme de corrosion correspond à une attaque préférentielle des joints de grains qui se définissent par leur propre structure et

composition chimique. Elle peut se produire en présence ou non de précipités intergranulaires, et son mécanisme se base sur la différence de potentiel entre le joint de grains et la matrice (création d’une micro-pile électrochimique). Ce type de corrosion est critique pour les structures car elle peut mener à une décohésion locale du matériau.

Le but de ce paragraphe est de faire un bilan des principales connaissances portant sur le comportement en corrosion intergranulaire des alliages de la série 6xxx en se focalisant plus particulièrement sur l’influence des éléments d’alliage et des traitements thermomécaniques imposés au cours de la mise en forme du matériau.

3.4.1. Influence de la composition des alliages.

Certains auteurs considèrent que les alliages Al-Mg-Si sont sensibles à la corrosion intergranulaire si la teneur en cuivre est d’au moins 0,1% massique, ce qui permet la précipitation aux joints de grain des phases Q, Al4Mg8Si7Cu2 [47-48]. Ces phases qui se

forment au cours des traitements thermiques spécifiques peuvent sensibiliser le matériau à la corrosion intergranulaire. Ces auteurs considèrent que ces précipités riches en cuivre jouent le rôle de cathodes locales [47-48]. Ainsi, dans ce cas particulier, la corrosion intergranulaire se propage par dissolution de la matrice adjacente aux joints de grains. G.Svenningsen et al. [46] ont montré de même que l’absence de cuivre dans la composition de l’alliage le rendait insensible à la corrosion intergranulaire [48-50]. Cette information est importante pour le travail engagé car le matériau d’étude, dont la composition a été donnée précédemment, présente une faible teneur en cuivre ne permettant pas la précipitation des phases Q.

Cependant, une autre étude menée sur un alliage de la série 6xxx ne contenant pas de cuivre (Al : base ; Mg : 0,4%, Si : 1,0% ; % massique ou atomique non précisé par l’auteur), a révélé la sensibilité de cette nuance à la corrosion intergranulaire [51]. Dans cette étude, le matériau a été exposé durant 48 heures à une solution de NaCl 1M, en présence d’eau oxygénée H2O2. Les observations montrent clairement un endommagement par corrosion

intergranulaire due à une précipitation des phases Mg2Si ou (Si) aux joints de grains,

précipitation qui favoriserait la propagation de la corrosion intergranulaire (Figure II-25). Ces résultats ont été confirmés par K. Yamaguchi et K. Thoma qui considèrent que la corrosion intergranulaire des alliages Al-Mg-Si-Cu est due à une dissolution préférentielle des précipités moins nobles Mg2Si qui jouent le rôle d’anodes locales [52]. Différents auteurs ont aussi

montré le rôle des précipités Mg2Si dans la corrosion intergranulaire des alliages de la série

6xxx [53-56].

Deux mécanismes de corrosion intergranulaire peuvent être ainsi envisagés pour les alliages de la série 6xxx selon la nature des composés intergranulaires considérés, en l’absence de cuivre [53]:

- les précipités intergranulaires sont les composés Mg2Si. R.G. Buccheit a montré

dans une étude que le potentiel de corrosion de la phase Mg2Si est de l’ordre de -

1600 mV/ECS dans une solution de NaCl 10-3 M tandis que le potentiel de corrosion de la matrice d’aluminium est de -700 mV/ECS dans ce même milieu [57]. Ainsi, ces précipités constituent des sites anodiques qui sont dissous en présence d’un milieu agressif, conduisant à la propagation de la corrosion.

- les précipités intergranulaires sont uniquement constitués de silicium (Si) et constituent des sites cathodiques [57]. La précipitation de ces phases conduit à la formation d’une zone appauvrie (Precipitate Free Zone : PFZ) en silicium de part et d’autre des joints de grains. Cette zone à un comportement anodique vis-à-vis des précipités riches en silicium mais aussi par rapport à la matrice, ce qui conduit à la dissolution de cette zone adjacente aux joints. Ce mécanisme confirme l’hypothèse se basant sur l’augmentation de la sensibilité à la corrosion intergranulaire des alliages Al-Mg-Si riches en Si.

L’excès de silicium dans la composition favorise la précipitation des composés Mg2Si,

ce qui augmente la sensibilité à ce type de corrosion. L’ajout de chrome dans la composition chimique conduit à l’effet inverse, comme le montre l’étude d’A.K. Bhattamishra et al [51].

3.4.2. Influence des traitements thermomécaniques.

Influence du vieillissement des matériaux.

D’après les travaux d’A.K. Bhattamishra et al. [51], les traitements de revenu favoriseraient la sensibilité à la corrosion intergranulaire des alliages de la série 6xxx. Dans cette étude, un traitement à 175°C a été imposé à l’alliage de la série 6xxx ne contenant pas de cuivre (Al : base ; Mg : 0,4%, Si : 1,0% ; % massique ou atomique non précisé par l’auteur) afin d’évaluer l’influence de la durée de revenu sur la corrosion intergranulaire. Il a été montré que la sensibilité du matériau augmentait avec la durée du revenu. Ces résultats sont à mettre en relation avec l’étude sur la microstructure de l’alliage d’aluminium AA 6101. En effet, le traitement de revenu favorise la précipitation aux joints de grains des précipités Mg2Si, augmentant ainsi la sensibilité à la corrosion intergranulaire. Ainsi, les alliages à l’état

métallurgique T6 seraient donc plus sensibles à ce type de corrosion que ceux à l’état métallurgique T4. En effet, le traitement thermique T6 impose un vieillissement artificiel à des températures voisines de 175°C, ce qui accélère la précipitation des phases Mg2Si, tandis

que le traitement thermique T4 est un vieillissement naturel à température ambiante.

Différents auteurs traitent de l’influence bénéfique des sur-revenus sur la tenue à la corrosion intergranulaire [47, 50, 58]. En effet, le traitement de sur-revenu conduit à la formation de précipités dans l’ensemble de la matrice. Par conséquent, les sites critiques plus uniformément répartis ne se retrouvent plus uniquement localisés au niveau des joints de grains, ce qui réduit l’intensité de l’attaque intergranulaire. Parallèlement, la précipitation des composés Mg2Si dans l’ensemble de la matrice conduit à un appauvrissement de celle-ci en

silicium. Ainsi, la différence de potentiel entre la PFZ et la matrice est réduite. Le couplage galvanique issu de cette micro pile électrochimique s’en trouvant donc moins fort, la sensibilité à la corrosion intergranulaire diminue. Cependant, ce résultat se doit d’être modéré

par une probable augmentation de la corrosion par piqûres en contrepartie, du fait de l’augmentation de la densité des sites anodiques dans la matrice d’aluminium.

Influence de la vitesse de refroidissement.

La vitesse de refroidissement après une mise en solution à 540°C influence également la tenue à la corrosion intergranulaire. Ainsi, un refroidissement à l’air favorise la précipitation de différents intermétalliques aux joints de grains, ce qui augmente la sensibilité à la corrosion intergranulaire. G. Svenningsen et al. ont montré qu’une trempe à l’eau après une mise en solution à 540°C, suivie d’un revenu à 185°C pendant 24 heures, limitait la dégradation d’alliage de la série 6xxx (Al : base ; Mg : 0,55%, Si : 0,6%, Fe : 0,2%, Mn : 0,15%, Cu : 0,17% ; % massique [47-48]. Un traitement de mise en solution, suivi d’un refroidissement rapide par trempe à l’eau, permet une homogénéisation microstructurale du matériau qui semble réduire la sensibilité à la corrosion intergranulaire (Figure II-26). De façon générale, une trempe à l’eau est préconisée afin de limiter les gradients de diffusion des éléments d’alliage et ainsi la précipitation intergranulaire, limitant alors la sensibilité à la corrosion intergranulaire. (a) (a) (b) (b) (c) (c)

Figure II-26 : Influence de la mise en solution et de la vitesse de refroidissement (a) mise en forme à 575°C + refroidissement lent à l’air (b) mise en forme à 575°C + refroidissement lent à l’air + mise en solution à 540°C pendant 30 minutes suivie par un refroidissement lent à l’air (c) mise en forme à 575°C + refroidissement lent à l’air + mise en solution à 540°C pendant 30 minutes suivie par une trempe. Avant les essais de corrosion, les

Influence de la mise en forme.

G. Svenningsen et al. [47] ont aussi étudié l’influence de la déformation plastique sur la sensibilité à la corrosion intergranulaire. Les essais ont été réalisés sur des échantillons qui ont subi un traitement mécanique de filage avant les différents traitements thermiques imposés. La déformation mécanique semble favoriser la précipitation, du fait de l’augmentation de la densité de dislocations. La dégradation observée se développe dans les zones recristallisées. Ces résultats sont en accord avec les résultats obtenus précédemment par T. Minoda et H. Yoshida [59].

3.4.3. Conclusion.

La corrosion intergranulaire est un mécanisme d’endommagement à envisager pour l’alliage d’aluminium AA 6101. Ce phénomène peut entraîner une décohésion locale du matériau et une perte des propriétés mécaniques. Dans le cas des alliages de la famille Al-Mg- Si, ce mécanisme est dépendant de l’état microstructural de l’alliage et plus particulièrement de la précipitation aux joints de grains mais également des possibles couplages galvaniques entre les précipités, la PFZ si elle existe et la matrice. Les différences de potentiel observées entre ces différentes zones conduisent à la formation d’une micro-pile et entraînent la dissolution des précipités anodiques ou de la zone appauvrie. Les alliages Al-Mg-Si semblent toutefois beaucoup moins sujets à la corrosion intergranulaire que les alliages de la série 2xxx par exemple. Les profondeurs d’attaques sont nettement inférieures à celles mesurées pour les alliages Al-Cu.

Toutefois, ces mécanismes de corrosion peuvent êtres très sensibles aux contraintes mécaniques externes vues par les fils d’alliage d’aluminium telles que les vibrations de la voiture et du moteur en fonctionnement entre autres.

L’objet du prochain paragraphe est donc de s’intéresser à l’influence de sollicitations mécaniques externes, qu’elles soient statiques ou cycliques, sur le comportement en corrosion des alliages de la série 6xxx.