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Chapitre II : Synthèse bibliographique

4. Comportement des alliages d’aluminium en fatigue-corrosion

4.2. Amorçage des fissures de fatigue et fatigue-corrosion

Afin d’étudier l’amorçage de fissures, des essais d’endurance sont réalisés sur des éprouvettes lisses. Cela correspond à solliciter les éprouvettes à un certain niveau de chargement, pour un rapport de charge donné et une fréquence préalablement fixée. On mesure alors le nombre de cycles nécessaires pour obtenir la rupture de l’éprouvette.

Ces résultats sont généralement présentés sous la forme d’une courbe semi- logarithmique appelée courbe de Wölher (Figure II-27). Trois domaines peuvent y être distingués [60] :

- un domaine de fatigue oligocyclique où, sous de fortes contraintes, la rupture intervient après un nombre réduit de cycles. Ces forts niveaux de contrainte sont généralement associés à une déformation plastique importante.

- un domaine de fatigue ou d’endurance limitée où la rupture est atteinte pour un nombre limité de cycles. Cependant, ce nombre augmente lorsque la contrainte imposée diminue.

- un domaine d’endurance illimitée observée sous faibles contraintes, où la rupture intervient après un nombre de cycle supérieur à la durée de vie envisagée pour la structure à concevoir.

Dans certains cas, il est possible de tracer une asymptote horizontale définissant une valeur limite de contrainte appelée σD en dessous de laquelle la probabilité de rupture est

quasi-nulle. Cette valeur est appelée limite de fatigue ou d’endurance. Elle est particulièrement difficile à déterminer expérimentalement en raison du grand nombre d’essais à faible niveau de chargement qu’elle requière et la faible reproductibilité des essais de rupture en fatigue. Cette dispersion n’a pas qu’une origine stochastique due à un mauvais contrôle des conditions d’essais. Elle est plutôt liée au comportement intrinsèque de chaque matériau. En effet, comme cela sera présenté plus précisément ultérieurement, les mécanismes d’amorçage de fissures sont étroitement liés aux imperfections et défauts présents dans le matériau qui, par essence, incorporent tous les éléments peu maitrisés de la structure fine du matériau. Ce sont donc essentiellement les dispersions sur les durées d’amorçage qui sont responsables des dispersions observées sur les durées de vie, la phase de propagation étant quant à elle beaucoup mieux contrôlée et stable.

Figure II-27 : Courbe de Wölher avec les différents domaines de fatigue [60]

Des essais d’endurance réalisés en milieu corrosif se caractérisent par des courbes de Wöhler sensiblement différentes de celles obtenues à l’air. Il peut y être observé un retard à la rupture pour les niveaux de chargement les plus élevés, une disparition de la limite d’endurance ou bien un décalage de l’intégralité de la courbe vers des valeurs plus faibles du nombre de cycles à rupture, témoignage d’une baisse de la résistance à la fatigue en milieu corrosif.

4.2.2. Mécanismes d'amorçage des fissures de fatigue

Les mécanismes à l'origine de la formation de défauts microscopiques en fatigue sont multiples, seuls les plus fréquemment observés sont présentés ci-après :

- l’observation d’éprouvettes soumises à une sollicitation de fatigue montre que l’endommagement apparaît essentiellement à la surface. Même si l’amplitude de sollicitation est inférieure à la limite d’élasticité conventionnelle, des sources de dislocations peuvent être activées dans les grains les plus favorablement orientés pour le glissement. La déformation est concentrée dans des bandes ; la surface ne reste pas plane. Des marches irréversibles appelées intrusions-extrusions se forment dans les bandes de glissement persistantes (BGP) et surtout à leur périphérie. L'amorçage des microfissures est généralement l'étape qui suit la formation des intrusions-extrusions. En effet, celles-ci agissent comme une micro- entaille et jouent le rôle de concentrateur de contraintes en fond de relief provoquant alors l’amorçage d’une fissure.

- l'amorçage peut se produire soit au niveau d'interfaces telles que les interfaces matrice/bandes de glissement en raison de la localisation de la déformation, soit au niveau des joints de grains à cause d’incompatibilités de déformation entre grains ou bien à l'intersection des bandes de glissement permanentes et des joints de grains.

- des phénomènes de chimisorption d’espèces fragilisantes sur les rugosités de surface peuvent jouer également sur l’amorçage. La déformation plastique cyclique facilite ensuite les phénomènes de transport de ces espèces fragilisantes le long des BGP.

- les fissures peuvent s'initier sur des défauts de surface tels les inclusions, pores, criques, ou les défauts liés à l'usinage.

4.2.3. Influence de la microstructure.

Les bandes de glissement ne sont pas les seuls sites possibles d’amorçage des fissures. Par ailleurs, lorsqu’il y a formation de bandes de déformation, il arrive que des fissures s’amorcent concurremment dans des joints de grains. Les inclusions et hétérogénéités de surface sont également des sites d’amorçage des fissures, du fait des concentrations de contraintes qu’elles entraînent, des phénomènes de clivage qui s’y développent, ou des décohésions matrice – inclusion qu’elles provoquent. L’amorçage des fissures dépend de la quantité, de la taille, de la nature et de la répartition des inclusions, ainsi que de leur forme par rapport à la direction des efforts.

4.2.4. Influence d'un milieu corrosif.

De nombreuses études se sont attachées à caractériser l’effet d’un pré- endommagement de corrosion sur les durées de vie en fatigue et le rôle des défauts de corrosion localisée sur l’amorçage de fissures de fatigue. Ainsi, dans la littérature, la quasi- totalité des travaux a été réalisée pour les alliages d’aluminium de la série 2xxx et 7xxx et s'est intéressée à l’amorçage de fissures à partir de piqûres [61-71]. Tous ces auteurs ont mis en évidence un amorçage de fissure extrêmement rapide voire immédiat sur les piqûres qui jouent le rôle de concentrateurs de contraintes ce qui se traduit évidemment au final par un fort abattement des durées de vie en fatigue.

Les dimensions des piqûres semblent être un facteur du premier ordre (Figure II-28) [64]. En effet, des calculs 2D réalisés sous AFGROW prédisent avec succès les durées de vie en fatigue d’éprouvettes pré-corrodées en utilisant dans l’analyse les paramètres géométriques des piqûres générées, à savoir leur profondeur et leur largeur moyenne, comme taille de

fissure initiale. Dolley et al. ont observé que la durée de vie en fatigue diminuait fortement quand la durée de pré-corrosion augmente puis saturait pour les plus longues durées d’immersion [71]. De plus, l’abattement des durées de vie en fatigue se fait plus sentir pour les faibles niveaux de chargement [69].

Figure II-28 : Influence de la profondeur initiale des piqûres sur la durée de vie en fatigue de l'alliage AA 7075 T6511 [64]

Toutes les études citées précédemment ont mis de côté l’existence d’un possible couplage entre les endommagements de fatigue et de corrosion. Très peu de travaux d’ailleurs se sont intéressés aux interactions fatigue-corrosion des alliages d’aluminium. K. Mutombo et M. du Toit [72] ont montré l'influence des ions chlorures sur le comportement en fatigue- corrosion de l'alliage d'aluminium AA 6061 T651 lors d'essais de fatigue en milieu NaCl à 3,5% massique (Figure II-29). L'abattement des propriétés est lié à l'amorçage des fissures au niveau des défauts de corrosion localisée. En effet, K. Mutombo et M. du Toit [72] ont mis en évidence un amorçage de fissures de fatigue au niveau des piqûres de corrosion (Figure II-

30).

Figure II-29 : Comparaison de la durée de vie d'un alliage AA 6101 T651 et de joints soudés 6061/ER5183 lors d'essais de fatigue réalisés à l'air ambiant et en milieu NaCl à 3,5% massique [72]

Figure II-30 : Observation au MEB du faciès de rupture de l'alliage AA 6061 T651 au cours d'essais de fatigue- corrosion en milieu NaCl à 3,5% massique [72]

L’un des seuls travaux ayant étudié l’amorçage de fissure de fatigue à partir de défauts de corrosion intergranulaire est celui de N. Pauze pour l’alliage 2024 T351 [73]. Elle a montré que les défauts de corrosion intergranulaire constituaient des sites privilégiés d’amorçage. Ainsi l’application d’une sollicitation cyclique avait pour effet soit la coalescence de ces défauts intergranulaires de forme semi-elliptique, soit la coalescence des fissures semi- elliptiques amorcées sur les défauts de corrosion intergranulaire.

Lors d’essais de fatigue-corrosion, les fissures peuvent aussi s'initier en raison de la formation d'une couche d'oxyde sur les marches de glissement formées. La présence d’oxygène augmenterait l’irréversibilité du glissement et la rugosité de surface.