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AROMATIQUE DES VINS D’UNE APPELLATION BORDELAISE

V. Corrélations entre typicité et descripteurs olfactifs

Nous avons voulu déterminer, à partir de notre panel d’experts, quels descripteurs étaient associés à la typicité des vins de l’appellation A. Pour ce faire, nous avons exploité les données relatives aux notes d’intensité des odeurs de fruits frais, fruits cuits, végétales et boisées de l’ensemble des vins. Dans un premier temps, nous avons cherché à comparer l’ensemble des

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résultats. Une ACP est réalisée, prenant en compte le jugement de chaque sujet de la typicité des vins avec, en variables supplémentaires, la matrice des notes moyennes attribuées pour les descripteurs fruits frais, végétal, boisé et fruits cuits. Les résultats sont présentés dans la Figure 16.

Figure 16 : Cercle de corrélation de l’ACP pour le jugement de la typicité et la matrice moyenne des intensités des descripteurs fruits frais, fruits cuits, végétal, boisé (variables

supplémentaires) des vins

La représentation en ACP des résultats de l’évaluation de l’intensité des descripteurs montre que le caractère boisé est très fortement corrélé à la typicité de l’appellation A (r²=0.804). Par ailleurs, comme le montre la Figure 16, un grand nombre de dégustateurs associe le caractère fruits cuits aux attributs olfactifs associés à la typicité de ces vins. A l’inverse, l’odeur végétale dirigée du côté négatif de l’axe 1 (F1) n’est pas associée à la typicité des vins l’appellation A. Le descripteur fruits frais, en raison de fortes variations interindividuelles, n’est pas un caractère discriminant de la typicité des vins sélectionnés ; il n’est pas bien représenté sur cette ACP (Figure 17).

De plus, la comparaison du cercle de corrélation (Figure 16) avec celui des vins (Figure 15) révèle que les variables boisé et fruits cuits permettent de discriminer les vins de l’appellation

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A de tous les autres. En effet, les vins de l’appellation A ne présentant pas ces odeurs singulières sont confondus avec des vins hors appellation.

L’analyse de ces résultats suggère également que les vins A et HA, qui ne peuvent être différenciés selon l’intensité des descripteurs « simples » boisé, fruits frais et fruits cuits, pourraient l’être sur la base d’autres descripteurs. Toutefois, il est plutôt envisageable qu’ils soient représentatifs d’une catégorie de vin plus complexe où la subtilité des arômes les éloignerait des modèles caricaturaux marqués par ces odeurs à la fois de boisé et de fruits cuits. Pour conclure, l’analyse sensorielle réalisée en 2013 a mis en évidence un groupe de vin qui est considéré comme un bon exemple d’illustration du type de cette appellation ; il évoque un mélange d’odeurs à la fois boisées et fruits cuits.

Figure 17 : Cercles de corrélation entre les jugements de la typicité (en rouge – Variables) et du caractère fruits cuits (FC, A) et fruits frais (FF, B) (en bleu – Variables

93 VI. Etude particulière de la perception du caractère fruit cuit du vin

oxydé en lien avec la notion de typicité

La carte sensorielle des vins (individus) répartis selon l’intensité des odeurs de fruits cuits lors de l’analyse sensorielle est présentée dans la Figure 18.

On observe que les vins se répartissent principalement le long de l’axe 1 (F1), qui représente l’intensité du caractère fruits cuits. Les vins localisés sur le coté positif de l’axe sont de bons exemples de vins marqués par des fruits cuits à l’inverse des vins localisés du côté négatif de l’axe. La carte des vins montre que 11 vins de l’appellation A sur 19 sont placés du côté positif de l’axe 1 (Figure 18). On observe que trois vins de Bordeaux hors appellation (HA-BX) et 2 vins limitrophes de l’appellation A (HA-L) sont aussi du côté positif de l’axe 1. A l’inverse, le vin hors appellation français (HA-FR) et un vin de Bordeaux hors appellation (HA-BX2) sont localisés à l’opposé des premiers, du côté de l’axe relatif aux vins considérés comme non fruits cuits. Le vin californien, marqué à la fois par des odeurs de fruits cuits et des nuances végétales, est du côté négatif de l’axe 1.

Aussi, parmi les vins marqués par une odeur de fruits cuits, le vin le plus à droite est le vin oxydé : A19. Ce résultat obtenu par l’ensemble des dégustateurs est en accord avec les descripteurs associés à ce vin.

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Figure 18 : Carte d’individus (vins) jugés selon les nuances de fruits cuits

Aussi, nous nous sommes intéressés à la perception de la typicité du caractère fruits cuits de ce vin oxydé par le groupe de dégustateur qui assimilent le plus la typicité de cette appellation à ce caractère. Après examen de la figure 16, nous avons sélectionné cinq dégustateurs (S1, S8, S9, S16, S24) parmi les 25 présents. Nous comparons la moyenne des notes de typicité pour l’échantillon A19 par le groupe 2 et par l’ensemble des autres dégustateurs (groupe 1) dans la Figure 19. Nous montrons que les notes moyennes de typicité attribuées au vin oxydé par le groupe 1 sont inférieures à 4 alors que celles du groupe 2 dépassent 6. En dépit de cette tendance, l’analyse statistique révèle que ces différences ne sont pas significatives (p= 0,142).

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Figure 19 : Moyennes des notes de typicité obtenues par le groupe 1 (n=5) et le groupe 2 (n=25)

VII. Conclusion

Compte tenu de la diversité de l’offre proposée aux amateurs de vins, la recherche puis la promotion d’une identité forte par les AOC est un des leviers d’action permettant de promouvoir les vins élaborés en leur sein. Cette volonté est souvent confrontée à la diversité des styles de vins retrouvés au cœur d’une même appellation, en lien avec la multitude de terroirs et de façons qu’a l’homme de les valoriser. Les études réalisées dans ce chapitre nous permettent de dresser un premier bilan sur l’existence d’un espace sensoriel propre à une appellation de la région bordelaise dont les vins sont élaborés principalement à partir de Merlot.

Nous montrons que de façon générale, il existe un consensus entre les dégustateurs sur le jugement de la typicité de ces vins en dépit de nombreuses différences interindividuelles. La perception de la typicité des vins de l’appellation A, pouvant être en lien avec l’appréciation d’une qualité, est multiple ; les déterminants olfactifs sont nombreux et leurs actions complexes. En 2013, soit en moyenne entre 1 à 2 ans après avoir été mis en bouteille, les vins de l’appellation A présentant des nuances à la fois boisées et fruits cuits sont systématiquement bien discriminés des vins hors appellation. A l’inverse, les autres vins de cette appellation,

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aromatiquement plus complexes, ne présentant pas distinctement ces attributs olfactifs sont moins bien discriminés des vins hors appellation. De ce fait, ces vins, singuliers de part leurs profils sensoriels, présentent une identité forte les rendant distincts des autres vins de l’appellation et des autres appellations bordelaises.

Toutefois, la similitude des descripteurs associés aux fruits cuits du vin jeune et celui du vin rouge présentant une évolution oxydative de ses arômes nous a amenés à la constatation suivante : les vins rouges marqués par des nuances fruits cuits sont bien identifiables par l’ensemble des dégustateurs. Ceux qui associent cette nuance à une typicité et d’une certaine façon à une qualité intrinsèque, auraient une tendance marquée à associer également le fruit cuit symptomatique d’une évolution défectueuse de l’arôme du vin au cours de son vieillissement en bouteille à cette notion de typicité.

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CHAPITRE 2

RECHERCHE DE ZONES ODORANTES