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174 I. Etude de la (Z)-1,5-octadien-3-one (ZO18)

1. Etude bibliographique

La zone odorante ZO18 aux nuances de géranium a été détectée par CPG-O, uniquement ur colonne polaire. Elle a été identifiée par correspondance des indices linéaires de rétention sur colonne polaire avec ceux de la littérature : ils sont de 1380 sur colonne polaire dans les travaux de Mayer et al. (2002), 1381 selon Delort et al. (2012) et de 1376 dans nos travaux.

Cette cétone est retrouvée uniquement dans les moûts et les vins marqués par les nuances de fruits cuits. A notre connaissance, nous reportons pour la première fois la présence de ce composé dans les moûts et les vins issus de raisins sur-muris. En effet, dans les raisins, sa présence est plutôt associée au développement de pathogènes tels Uncinula necator encore appelé oïdium (Darriet et al., 2002).

Table 1 : Distribution of odoriferous zone geranium in musts and wines control (Control)and from overripening grapes (Overripe) – (nd : undetected ; * : high

intensity)

LRI * Odor description MUSTS WINES

Control1 Overripe2 Control1 Overripe2

1376 Geranium Nd * Nd *

Ce composé a été décrit pour la première fois par Swoboda et Peers (1977) comme étant responsable de l’odeur métallique des matières grasses oxydées. Il a été détecté par CPG-O dans des extraits de tomates (Mayer et al., 2002), dans le thé vert japonais (Kumazawa et Masuda, 1999), dans le fromage Cheddar (Zehentbauer et Reineccius, 2002), dans la fraise (Ubeda et al., 2012), dans les champignons (Tressl et al., 1982), dans l’huile de soja (Guth et Grosch, 1990) et dans l’huile d’olive (Reiners et Grosch, 1998). Plus récemment, les travaux de Greger et Schieberle (2007) ont permis de mettre en évidence par l’intermédiaire d’expériences d’omissions que la (Z)-1,5-octadien-3-one contribue à l’arôme de l’abricot frais. Dans la nature, il est retrouvé sous la forme cis (Z). Les hypothèses de formation décrites dans la littérature concernent l’évolution oxydative de l’odeur des matières grasses (Swoboda et Peers, 1977 ; Hammer et Schieberle, 2013). Ce composé proviendrait de l’oxydation de formes

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précurseurs comme l’acide linolénique et les n-3 homologues, tel que l’acide eicosapentaenoique (Norman et al., 2000).

Les seuils de perception dans l’eau de ce composé sont répertoriés dans le Tableau 38.

Tableau 38 : Seuils de perception de la (Z)-1,5-octadien-3-one retrouvés dans la littérature Auteurs Seuils de perception dans l’eau (ng/L) Swoboda et Peers (1977) 1,2 Whitfield et al. (1982) 1 Buttery (1989) 1 Milo et Grosch (1997) 1.2 Darriet et al. (2002) 0,7-0,9

Les valeurs extrêmement basses des seuils de perception dans l’eau ont suscité notre intérêt et justifié la nécessité de développer une méthodologie adaptée à la quantification de ce composé probablement présent à l’état de traces dans nos échantillons.

2. Optimisation des conditions d’analyses de la (Z)-1,5-octadien-3-one

a) Caractéristiques chromatographiques

Le produit pur n’est pas commercialisé, il nous a été fourni par la société Nestlé. Tout d’abord le produit pur dilué dans du dichlorométhane a été analysé par CPG-SM (trappe à ions) sur une colonne polaire (BP 20). Nous avons ainsi confirmé la pureté du produit (97 %) ainsi que la séparation de ses tautomères lors de l’analyse chromatographique. Ils sont retrouvés dans des proportions équivalentes (50/50). Les deux spectres de fragmentation obtenus par impact électronique des deux pics (Pic 1 Tr 29,9 min et Pic 2 Tr 34 min) de la (Z)-1,5-octadien-3-one sont présentés dans la Figure 45.

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Les spectres de masse obtenus par impact électronique sont très fragmentés. Ils présentent de nombreux ions de faibles intensités et de faibles rapports m/z rendant délicat sa quantification par cette technique d’ionisation. Aussi, nous avons évalué une autre technique d’ionisation plus douce, adaptée à l’utilisation d’un analyseur de type trappe à ion : l’ionisation chimique (CI). Le gaz réactant utilisé dans nos applications est le méthanol. Son usage a préalablement été validé au laboratoire pour la quantification en ionisation chimique d’un autre cétone présent à l’état de trace dans les vins : la 3-méthyl-2,4-nonanedione (Pons et al., 2011a).

A

177 C

Figure 45 : Chomatogramme (A) et spectres de fragmentation du pic 1 (B) et du pic 2 (C) de la (Z)-1,5-octadien-3-one obtenus par impact électronique en mode SCAN

(m/z 38-150)

Le spectre de masse (obtenu en CI avec du méthanol) des deux tautomères sont similaires. Nous présentons à titre d’exemple celui du pic 1 (Figure 46). L’ion majoritaire MH+ est le m/z 125 ; nous sélectionnons cet ion pour la quantification de ce composé.

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Figure 46 : Spectre de fragmentation de la (Z)-1,5-octadien-3-one (Pic 1) obtenu par ionisation chimique (CI, MeOH) en mode SCAN (m/z 75-200)

La co-injection de la (Z)-1,5-octadienone à un extrait organique de moût suivi de son analyse par CPG-SM-CI a permis de confirmer son identification. Le chromatogramme est présenté dans la Figure 47. Dans certains échantillons de moût, nous avons observé que le Pic 2 est peut être co-élué avec un autre composé dont nous ne connaissons pas la nature et qui présente un ion de masse m/z 125. Aussi, l’optimisation des conditions d’extraction et d’analyse par spectrométrie de masse a été réalisée avec le premier pic chromatographique.

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Figure 47 : Exemple de chromatographie d’un échantillon de moût supplémenté avec la (Z)-1,5-octadien-3-one et analysé en CPG-SM CI (m/z 125) sur colonne polaire (BP20).

Pic 1 et Pic 2 : formes tautomères

b) Optimisation des paramètres d’extraction

L’extraction liquide-liquide nécessite de disposer au minimum de 50 mL d’échantillon. Les faibles volumes de nos échantillons nous ont alors conduits à développer une méthode de dosage à partir d’une extraction par SPME.

Pour le développement de cette méthode de dosage, 5 facteurs de l’extraction ont été optimisés : le type de fibre SPME, la température d’incubation, le temps d’extraction, la quantité de sulfate d’ammonium et le volume de l’échantillon.

Parmi les fibres testées, un travail préliminaire a montré une plus grande extractibilité de cette cétone par un revêtement de type DVB/CAR/PDMS. Au final, le signal obtenu en CPG-SM-CI est en moyenne deux fois plus élevé qu’avec un revêtement à base de PDMS/DVB.

Les 4 autres facteurs d’extraction testés sont décrits dans le Tableau 39. Les paramètres choisis pour les essais sont des conditions opposées et extrêmes afin de pouvoir évaluer au mieux le facteur à sélectionner.

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Tableau 39 : Paramètres d’extraction testés en SPME pour l’optimisation de la méthode de dosage de la (Z)-1,5-octadien-3-one

Facteurs +1 -1

Température d’incubation (°C) 60 50

Temps d’extraction (min) 30 10

Quantité de sels (g) 6 1

Volume d’échantillon (mL) 8 2

Au total, 16 tests ont été menés correspondant à un plan factoriel complet 24 (Tableau 40). Les essais ont été réalisés sur un moût et sur un vin de Merlot de la région bordelaise supplémentés de 200 ng/L de (Z)-1,5-octadien-3-one.

Tableau 40 : Plan factoriel 24

Nombre de tests Température d’incubation (A) Temps d’extraction (B) Quantité de sels (C) Volume d’échantillon (D) 1 +1 +1 +1 +1 2 -1 +1 +1 +1 3 +1 -1 +1 +1 4 -1 -1 +1 +1 5 +1 +1 -1 +1 6 -1 +1 -1 +1 7 +1 -1 -1 +1 8 -1 -1 -1 +1 9 +1 +1 +1 -1 10 -1 +1 +1 -1 11 +1 -1 +1 -1 12 -1 -1 +1 -1 13 +1 +1 -1 -1 14 -1 +1 -1 -1 15 +1 -1 -1 -1 16 -1 -1 -1 -1

Les résultats obtenus pour le moût et le vin sont présentés sous forme d’un diagramme de Pareto des effets. Ils sont présentés dans les Figures 49 et 50 pour le moût et le vin respectivement. Le diagramme de Pareto est un graphique représentant l'importance de différentes causes à l’origine d’un phénomène. Ce diagramme permet de déterminer la valeur et l’importance d’un effet. Ce diagramme affiche la valeur absolue des effets et trace une ligne de référence sur le graphique (ligne rouge dans nos diagrammes). Tout effet qui s’étend au-delà de la ligne de référence peut être considéré comme important.

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L’analyse des résultats sur moût (Figure 48) indique que tous les effets sont en dessous du seuil de référence. En théorie, aucun de ces paramètres n’aura d’effet sur le dosage de la (Z) -1,5-octadien-3-one dans les moûts.

Figure 48 : Diagramme de Pareto des effets des paramètres d’extraction du moût (SPME) pour l’optimisation de la méthode de dosage de la (Z)-1,5-octadien-3-one

Les paramètres d’extraction générant le signal le plus intense dans le moût sont détaillés dans le Tableau 41. Cependant, dans la suite de nos travaux, des raisons d’ordre pratique nous ont conduits à réduire le volume de moût utilisé à 5 mL, sans toutefois modifier de façon préjudiciable le signal obtenu en CPG-SM-CI.

Tableau 41 : Paramètres d’extraction optimisés sur moût (SPME) pour la quantification de la (Z)-1,5-octadien-3-one en CPG-SM-CI

Facteurs

Température d’incubation (°C) 50 Temps d’extraction (min) 30

Quantité de sels (g) 6

Volume d’échantillon (mL) 8

Concernant l’optimisation des conditions d’extraction de la (Z)-1,5-octadien-3-one du vin rouge (Figure 49), nous mettons en évidence que le volume de vin (D) ainsi que la quantité de sels (C) sont les deux paramètres de base suceptibles de modifier l’intensité du pic chromatographique. En effet, ces deux effets dissociés ou regroupés dépassent le seuil de référence.

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Figure 49 : Diagramme de Pareto des effets des paramètres d’extraction du vin (SPME) pour l’optimisation de la méthode de dosage de la (Z)-1,5-octadien-3-one

Les paramètres choisis pour l’extraction du vin sont présentés dans le Tableau 42.

Tableau 42 : Paramètres d’extraction du vin (SPME) pour la quantification de la (Z)-1,5-octadien-3-one en CPG-SM-CI

Facteurs

Température d’incubation (°C) 50

Temps d’extraction (min) 30

Quantité de sels (g) 1

Volume d’échantillon (mL) 8

c) Optimisation des conditions d’analyse en spectrométrie de masse (trappe à ions)

Le chromatographe utilisé pour le dosage de la (Z)-1,5-octadien-3-one est équipé d’un analyseur à piégeage d’ions (trappe ionique). Les deux paramètres qui conditionnent la sensibilité de la détection en mode CI sont le temps de remplissage de la trappe ainsi que le courant d’émission (Pons et al., 2011a). Tous deux ont été testés.

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Les essais ont été réalisés sur moût et sur vin à partir des paramètres d’extraction SPME optimisés précédemment et dans les conditions chromatographiques détaillées dans la Partie 2.I.3.f).

Les tests sur l’incidence du temps de remplissage de la trappe ionique sur l’intensié du signal ont permis de montrer que sur les 4 temps testés (100 ms, 120 ms, 140 ms et 160 ms), le temps de remplissage optimal permettant d’obtenir un signal important tout en minimisant le bruit de fond est de 120 ms (résultat non présenté).

Les tests réalisés en faisant varier le courant d’émission entre 20 et 50 µA ont montré que le courant d’émission optimal était de 50 µA pour le dosage de la (Z)-1,5-octadien-3-one.

d) Courbes de calibration dans le moût

Une gamme étalon a été préparée pour des concentrations de (Z)-1,5-octadien-3-one comprises entre 0 et 480 ng/L. La gamme a été extraite par SPME à partir des paramètres choisis lors de l’optimisation de la méthode. L’étalon interne choisi pour la quantification est le 2-octanol. La séparation chromatographique est réalisée sur une colonne polaire de type BP20.

Une courbe d’étalonnage est ensuite construite sur la base d’une corrélation linéaire entre les concentrations et le rapport de l’aire du pic d’intérêt sur celle de l’étalon interne. La répétabilité a été déterminée à partir d’une série de 5 extractions. Les caractéristiques de la méthode de dosage de la (Z)-1,5-octadien-3-one dans le moût sont résumées dans le Tableau 43.

Tableau 43 : Paramètres de la courbe de calibration de la (Z)-1,5-octadien-3-one dans les moûts

Composé Répétabilité Courbe de calibration Gamme de linéarité (ng/L) LOQ (ng/L) LOD (ng/L) (Z) -1,5- octadien-3-one 7% y=3878,2x+25,223 0,9914 20-480 20 5

L’ensemble de ces travaux valide donc la méthode de dosage de la (Z)-1,5-octadien-3-one dans les moûts et les vins avec l’utilisation du 2-octanol comme étalon interne.

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Des courbes de calibration sur vin ont été réalisées. Cependant, malgré l’optimisation de la méthode de dosage, les tests ne sont pas concluant ; nous manquons de sensibilité sur l’appareil.

3. Détermination des seuils de perception

Les seuils de perception extrêmement bas retrouvés dans l’eau dans la littérature nous ont conduits à reproduire ces seuils dans différents milieux. Pour ce faire, un panel de 21 dégustateurs de l’Unité de recherche Œnologie à l’ISVV a été sélectionné. Le seuil de perception a été déterminé dans un moût naturel ne contenant initialement pas de (Z) -1,5-octadien-3-one. Les résultats de l’analyse sensorielle sur milieux synthétiques et naturels sont présentés dans le Tableau 44.

Tableau 44 : Seuils de perception olfactive de la (Z)-1,5-octadien-3-one dans un milieu synthétique de composition proche du moût (MS) et du vin (VS) et dans un moût naturel

de Merlot

COMPOSE

Seuils de perception olfactive (ng/L)

MS VS Moût naturel

(Z)-1,5-octadien-3-one 0,0022 1,2 9

Les seuils reportés dans le Tableau 44 sont extrêmement bas. On observe que dans la solution modèle de moût, le seuil (0,0022ng/L) est plus bas que ceux reportés dans l’eau (environ 1 ng/L). Nous mettons en évidence un effet « salting out » dû à la présence de teneurs élevées en hexoses (glucose et fructose) dans le milieu synthétique. Le seuil de perception est de 9 ng/L dans un moût de Merlot.

4. Dosages dans les moûts

Nous avons dosé la (Z)-1,5-octadien-3-one dans de nombreux moûts de raisins marqués ou non par des nuances de fruits cuits (Chapitre 4, Tableau 32). A titre d’exemple nous présentons les profils chromatographiques de deux échantillons de moût analysés par CPG-SM-CI (Figure 50). Les teneurs retrouvées dans les moûts sont présentées dans la Figure 51. Les moûts témoins présentent des teneurs inférieures à 15 ng/L alors que ceux exprimant une odeur de fruits cuits peuvent contenir jusqu’à 100 ng/L. Bien entendu, les mécanismes de formation de ce composé dans les moûts sont inconnus à ce jour. Toutefois, la littérature scientifique nous enseigne que