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CORPS DE LA FEMME DANS UNE SOCIÉTÉ PATRIARCALE

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tance nationale » (Detrez, 2010 : 69). Autrement dit, la femme devient le dernier bastion de l’algérianité que les uns doivent défendre et les autres conquérir. Le rôle emblématique de la femme-nation a été premièrement remarqué par Frantz Fanon et exposé en 1959 dans son essai « L’Algérie se dévoile », inclus dans L’An V de la révolution algérienne (Fanon, 2011). Son regard, jugé parfois réducteur, peut pourtant constituer un intéressant point de vue sur la place du corps de la femme au sein de la société algérienne d’aujourd’hui.

Même après le recouvrement de l’indépendance, la cellule familiale reste un élément capital de l’identité nationale et, par conséquent, tous les changements y apportés éveillent une répugnance viscerale. La situation empire avec la montée de l’intégrisme musulman qui a l’intention de rétablir la loi islamique et qui vise principalement la femme pour la réinscrire dans le modèle ancestral. Autrement dit, « la femme, troublante par sa féminité, attirante par sa beauté ou un sou-rire, dangereuse par sa présence, [devient] le corps névralgique des islamistes » (El Khayat, 2001 : 250).

À l’aube du XXIe siècle, qu’en est-il de son corps ? La femme a-t-elle réussi à le récupérer ? Est-elle devenue enfin maîtresse de son propre corps ? Ou au contraire, a-t-elle été entraînée dans d’autres enjeux qui la privent du droit de disposer librement d’elle-même ? Telles sont les interrogations qui nous accom-pagnent dans le présent chapitre. Nous examinerons les diverses représentations du corps dans l’œuvre romanesque de Leïla Marouane, en l’envisageant sous des angles différents : nous commencerons avec le corps s’investissant dans l’espace de la rue et le corps dissimulé derrière le voile, puis nous nous occuperons du corps intact de la fille vierge, du corps « gestant » de la mère et du corps objet des désirs et fantasmes masculins, pour voir finalement surgir le corps-sujet vivant pleinement sa sexualité.

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Une des notions arabes communément connues est le mot harem. Il signifie l’« appartement des femmes, dans la civilisation musulmane » (Le Grand Robert), et il fait penser à une sorte de forteresse où sont détenues les épouses et les concu-bines d’un musulman éminent. Telle est l’image reflétée par l’héritage littéraire arabo-musulman en forme des contes des Mille et Une Nuits. Elle n’est pas en-tièrement inventée, puisque l’islam introduit une ségrégation assez stricte de l’espace en considérant la femme comme appartenant au territoire de la maison et l’homme à tout ce qui se trouve en dehors de la demeure. Cette division tradi-tionnelle est remise en question par l’accès des femmes maghrébines à l’éduca-tion et au travail, changement qui perturbe l’ordre établi et qui permet à la gent féminine de gagner un terrain de liberté. Dans ce qui suit, nous analyserons donc

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les transformations liées à la présence du corps de la femme dans l’espace public, qui ont eu lieu au sein de ce cercle culturel depuis l’acquisition de l’indépendance par les pays de l’Afrique du Nord.

Claustration de la femme

Dans Esquisse d’une théorie de la pratique. Précédé de Trois études d’ethnologie kabyle, Pierre Bourdieu publie les résultats de ses études sur le terrain en Algérie. Un chapitre de son œuvre est consacré à l’analyse de l’espace dans la maison kabyle.

Il constate que,

considéré dans son rapport avec le monde extérieur, monde proprement masculin de la vie publique et du travail agricole, la maison, univers des femmes, monde de l’intimité et du secret, est haram, c’est-à-dire à la fois sacrée et illicite pour tout homme qui n’en fait pas partie (Bourdieu, 1972 : 50).

La question de la division de l’espace est également traitée par Fatima Mernissi dans La femme dans l’inconscient musulman où elle décrit le début et le déroulement de l’émancipation féminine au Maghreb dans la deuxième moitié du XXe siècle.

Elle constate que « l’Islam a opté pour une territorialisation de la sexualité et l’a poussée à un point extrême : séparation des sexes, immobilisation des femmes à l’intérieur, et voile lorsqu’elles sortent à l’extérieur » (Aït Sabbah, 2010 : 42).

Il est vrai que, pendant longtemps, les femmes musulmanes passaient leur vie entière enfermées (pour ne pas dire emprisonnées) à la maison, tout d’abord pa-ternelle, ensuite maritale. Les occasions de quitter la demeure étaient très rares : de grandes cérémonies et fêtes familiales (surtout des mariages ou des obsèques), des visites au hammam2, etc., et même ces sorties pouvaient leur être interdites.

Dans ses romans, Marouane présente des exemples de la claustration de la femme à l’intérieur de la maison. La narratrice du Ravisseur, Samira, constate :

« Ma mère ne sortait jamais sans mon père ou mon frère. Même avec ce dernier, il lui fallait la permission du chef de famille. Permission rarement accordée… » (R, 33). Cela montre clairement que la demeure peut constituer non seulement un refuge, un lieu qui évoque la sécurité et le confort, mais bien au contraire, un lieu de détention, de séquestration, une prison. La femme qui sort à l’insu de son époux, comme Nayla dans Ravisseur, transgresse une règle non écrite de la fa-mille. Dans le roman, Marouane montre les réactions des protagonistes à la sor-tie solitaire de la femme, qui témoignent à quel point celle-là a perturbé l’ordre établi de la demeure : « Maman a désobéi » (R, 37), dit Faouzia ; « Une de nous

2 Hammam = établissement de bains (public ou privé) comportant une étuve, dans les pays musulmans ; bains de vapeur à l’orientale, dans d’autres pays. Autrement : bain maure, bain turc (Le Grand Robert).

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aurait quand même dû l’accompagner, dit Amina » (R, 38) ; « Mon Dieu…, dit mon frère. Elle est sortie seule. Sans sa permission… » (R, 51). L’effroi des enfants résulte non seulement de la gravité de l’infraction commise par leur mère, mais surtout des conséquences que subira sans doute la coupable. Leur crainte s’avère d’ailleurs justifiée, puisque le père prend très mal l’indiscipline de son épouse et la répudie par trois fois, ce qui constitue une des peines les plus douloureuses qui puissent être infligées à une femme mariée.

En même temps, l’auteure présente la hiérarchie domestique : à la tête de la famille il y a le père, Aziz Zeitoun, qui est le « chef », le tout-puissant qui dé-cide aussi bien des choses d’une grande importance que des plus insignifiantes, et derrière lui le fils qui a plus de droits que la partie féminine de la famille, mais qui dépend largement du géniteur. En ce qui concerne les femmes, on peut se de-mander qui se trouve le plus bas dans cette hiérarchie : les filles qui vont à l’école, qui font des petits travaux ça et là et qui gagnent ainsi un peu d’argent, suffisant pour leurs besoins, ou la mère qui est cloîtrée dans les quatre murs de la villa, qui ne sort jamais seule, qui n’a même « pas un centime » (R, 34), car son mari achète tout – elle est donc sous la tutelle de son époux, ayant moins de liberté que ses propres filles, pour la plupart mineures.

En plus, à la claustration spatiale s’ajoute la dépendance économique. La femme qui passe sa vie à s’occuper de la famille et qui n’entreprend aucun tra-vail rémunéré ne touche pas de salaire, et par conséquent, elle dépend toujours financièrement de son mari qui renforce ainsi sa position de domination. En-core une fois, l’écrivaine nous livre des exemples de ce phénomène social : « Je n’avais jamais connu ma mère avec de l’argent ; elle n’en avait pas besoin, mon père achetait tout. Elle n’allait jamais chez le coiffeur […]. Quant au hammam et aux mariages, il les avait proscrits depuis que notre grand-tante avait quitté ce monde » (R, 34–35) ; ou encore : « Ma mère n’était pas censée posséder de l’argent, elle n’allait pas chez le coiffeur ni au hammam, et encore moins aux mariages, mon père lui interdisait tout » (JFM, 35–36). L’argent devient un outil de violence utilisé par le mari envers la femme pour mieux la contrôler. Ainsi, la femme qui ne dispose d’aucuns fonds reste entièrement dépendante, à la merci de son époux et au moment de la répudiation (comme c’est le cas de Nayla de Ravisseur), elle se retrouve sans moyens d’existence.

Dans les extraits cités ci-dessus, nous pouvons aussi voir que la permission de sortir peut être refusée même pour des occasions habituellement destinées aux femmes, comme les mariages ou les visites au hammam. Ces endroits se caractérisent par la présence de seules femmes3 et font ainsi partie inséparable de l’univers féminin. Surtout le hammam constitue un lieu de rencontres entre

3 En islam, lors des mariages, deux cérémonies séparées ont lieu : une pour la mariée et les femmes des deux familles, et l’autre pour les hommes. Ainsi, la ségrégation sexuelle fonctionne également dans le cadre des fêtes familiales.

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femmes, de conversations et de commérages, « le haut lieu de la solidarité fémi-nine » (Segarra, 1997 : 69), mais aussi de la promiscuité qui peut faire fantasmer les hommes et leur faire peur. Cela pourrait expliquer l’hostilité de certains ma-ris, par exemple d’Aziz Zeitoun de Ravisseur ou du père de La Jeune Fille et la Mère, ou encore du patriarche dans La Voyeuse interdite de Nina Bouraoui, qui imposent à la partie féminine de la famille une claustration totale. Marta Segarra (1997 : 58) remarque que cette hostilité résulte de la force séductrice du corps féminin qu’il faut donc soustraire aux regards des hommes  : «  l’arme principale pour combattre ce pouvoir [de séduction] est l’occultation du corps féminin grâce à la réclusion, qui favorise à son tour la sacralisation de ce corps, considéré comme le “noyau” de l’espace sacré qu’est la maison inviolable ». Par conséquent, la forte attribution de la femme à l’espace domestique entraîne son emprisonnement qui peut prendre des formes démesurées, comme le montre l’exemple évoqué par Marouane dans Ravisseur, et faire de la femme adulte une mineure à vie. Ce mo-tif apparaît aussi dans l’œuvre d’Assia Djebar, notamment dans Vaste est la prison, où la romancière le renforce en mettant en scène des « maisons-tombeaux » dont il n’y a pas de retour, ni d’échappatoire (Nahlovsky, 2010 : 69).

Éducation en tant que facteur émancipateur

Le problème de l’indépendance financière touchait surtout les femmes illettrées.

Dans ce contexte, il semble compréhensible que le droit à l’éducation accordé à toutes les filles au lendemain de l’indépendance ait perturbé l’ordre établi. La tradition jusqu’ici en vigueur se basait sur la séparation stricte des rôles et des espaces, tandis que « l’accès des femmes à l’école présupposait l’accès à la rue, l’ac-cès à l’espace public. Espace considéré jusque-là comme exclusivement masculin par les conservateurs » (Aït Sabbah, 2010 : 37). En plus, la femme, ayant acquis de l’instruction, peut par la suite commencer à travailler, en devenant ainsi fi-nancièrement indépendante, ce qui viole l’ordre établi, car « une femme salariée, capable de se prendre économiquement en charge, est une aberration dans un système où la femme est définie comme passive et obéissante parce qu’économi-quement dépendante » (Aït Sabbah, 2010 : 39).

Ces changements produisent un grand écart entre la génération des mères, nées sous la colonisation, pour la plupart analphabètes, et la génération des filles qui ont reçu une éducation et ont ainsi gagné de la liberté, aussi en ce qui concerne la circulation dans l’espace public. Dans La Jeune Fille et la Mère, roman dont l’action, rappelons-le, se passe dans les années soixante-dix, nous pouvons déjà remarquer des changements dans la conduite des femmes :

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Elle fit des remarques sur la ville, qu’on y voyait moins de calèches, de plus en plus de voi-tures et surtout toutes ces jeunes femmes, dévoilées, au volant, qu’on ne les distinguait pas des Européennes, quelle avancée, tout de même, seize ans à peine après la décolonisation, que c’était là un bon signe, un très bon signe… (JFM, 132).

Cette métamorphose du paysage urbain tant dans le nombre de voitures que dans l’allure des Algériennes, pareilles aux femmes occidentales, a été possible grâce à l’éducation générale des enfants de deux sexes. L’instruction devient dans les œuvres marouaniennes le synonyme de la liberté puisqu’elle s’avère le seul moyen d’émancipation pour une femme, la seule chance pour ne pas subir le même sort que les générations précédentes, soumises et dépendantes entière-ment des hommes. Les mères sont conscientes de cette opportunité dont elles-mêmes ont été privées ; la mère de Djamila constate : « Et si j’avais été à l’école, crois-tu que j’aurais été tributaire de ton père ? Crois-tu qu’il se serait permis de me traiter comme il le fait ? Eh bien, non, il m’aurait traitée avec tous les égards dus à un être humain, respectée, sûrement admirée […] » (JFM, 14). Elle voit dans sa condition d’une femme inculte la cause de son infériorité dans la hiérarchie fa-miliale, la raison du manque de respect, voire des humiliations de la part de son époux. Nous voudrions insister sur l’emploi du syntagme « être humain » ; en l’utilisant avec le conditionnel passé, elle suggère qu’à présent elle n’est même pas considérée comme une personne, constatation assez choquante qui trahit toute son amertume. Il ne faut pas oublier que la protagoniste a participé au combat contre la France dans l’espoir d’acquérir l’éducation une fois la guerre gagnée et que ses espoirs ont été brisés, comme ceux de beaucoup d’autres combattantes, trompées par leurs congénères masculins au lendemain de l’indépendance.

Cela explique que les mères rêvent toujours de cette instruction libératrice, si ce n’est pas pour elles-mêmes, au moins pour leurs filles : « ma mère avait tenu à ce que mon destin soit celui d’une femme libre. Elle me voulait instruite […] » (JFM, 12). Nous pouvons d’ailleurs observer une attitude tout à fait opposée envers l’éducation de la part de la génération suivante : Djamila n’est pas à la hauteur des attentes de sa mère, elle n’est pas une élève brillante et sent qu’elle suscitera une immense déception de sa génitrice à cause de ses mauvais résultats au baccalauréat. Néanmoins, les espérances placées en elle ne suffisent pas pour la motiver à l’empressement. Cette attitude est aussi adoptée par les jumelles de Ravisseur : elles abandonnent le collège, car l’apprentissage ne les intéresse pas, à la grande déception de Samira qui s’inquiète pour leur sort.

Le motif de l’instruction en tant qu’élément libérateur est présent dans tous les romans marouaniens : Fatima Kosra, par exemple, admet se servir de l’« en-seignement […] comme d’un instrument d’émancipation » (CH, 150) qui lui per-met de se déplacer en toute liberté, y compris conduire une voiture. En témoigne aussi la protagoniste de La Fille de la Casbah, quand elle avoue : « Je suis Hadda

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Bouchnaffa, une enfant de la liberté » (FC, 18). Nous pouvons comprendre cette appellation de deux manières. D’un côté, Hadda est née pendant la guerre d’Algérie et a grandi dans un pays indépendant. En même temps, elle faisait par-tie de la première génération des filles qui ont été toutes scolarisées et, en inves-tissant l’espace public et en exerçant le rôle social de l’homme, elle devenait libre, en tout cas elle gagnait de la liberté par rapport à sa mère ou sa grand-mère.

Ce changement, petit semblerait-il à première vue, a en réalité profondément modifié les structures sociales, puisqu’il a entre autres permis à la femme de com-mencer à acquérir et accumuler le capital culturel dont, jusqu’à présent, elle était privée. Si les femmes ont la conscience de l’importance de l’éducation pour l’ave-nir de leur progéniture féminine, les hommes envisagent la même question sous un angle totalement différent. Aziz Zeitoun ne voit que les inconvénients de cette solution : « Yasmina et Amina, seize ans chacune, […] qui traînent au collège, une dépense inutile pour l’État et moi-même » (R, 18). Les hommes en tant que détenteurs du pouvoir, ils n’ont pas intérêt à changer l’ancien système, puisqu’ils n’en bénéficieront pas. Aussi la partie masculine de la société est-elle hostile à l’éducation féminine et ne comprend pas à quoi elle servirait à une femme qui, de toute façon, est destinée à être épouse et mère.

Si d’ailleurs on autorise les filles à fréquenter l’école, ce n’est que jusqu’au mo-ment du mariage. Une fois mariées, elles sont contraintes dans la plupart des cas à se dévouer à leur « fonction naturelle », à savoir donner naissance aux enfants, les éduquer, maintenir la maison et, surtout, servir l’homme. Pour cela, une des marieuses dans La Jeune Fille et la Mère demande : « Pour quoi faire, des études ? A-t-on jamais vu une femme mariée faire des études ? » (JFM, 95). Cela revient à dire que l’éducation des filles est tolérée, peut-être même sollicitée, tant qu’elle n’empêche pas la femme de se consacrer à la vie familiale qui reste, malgré les avancées dues à l’acquisition de l’indépendance, sa fonction primordiale.

Division de l’espace

Ainsi, malgré un certain investissement de la rue par les femmes, l’espace do-mestique, tout comme les activités y liées, telles qu’éduquer les enfants, prendre soin des animaux, préparer les repas, tisser, etc. restent le domaine des femmes, tandis que tout ce qui se trouve à l’extérieur, qui se déroule en dehors du foyer est le domaine des hommes. Bourdieu (1972 : 50) remarque d’ailleurs que l’« on n’est fondé à dire que la femme est enfermée dans la maison que si l’on observe simul-tanément que l’homme en est exclu, au moins le jour ». Dans l’œuvre maroua-nienne, on peut trouver des exemples qui plaident en faveur de la constatation bourdieusienne. L’auteure dépeigne à plusieurs reprises la vie de la casbah, par exemple dans la scène d’une matinée ordinaire : « Le soleil irradiait, les voisines

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s’affairaient, piaillaient, les nourrissons vagissaient. Les hommes s’éclipsaient, évitaient de croiser les femmes dans le patio […] » (FC, 15–16) ou dans la scène de l’arrivée des hommes de la mosquée : « Derrière la porte entrouverte, pour annoncer l’arrivée des hommes, l’un d’eux toussota : Et’riq. Aussitôt, dans un remue-ménage, femmes et fillettes disparurent du patio » (FC, 116). Ce qui frappe dans cette description du quotidien algérois, c’est la division stricte de l’espace en partie réservée aux femmes et aux enfants, à savoir l’espace domestique et le pa-tio, et celle réservée aux hommes : tout l’espace en dehors de la maison. Les deux univers, féminin et masculin, ne se croisent que très rarement, en intimité du soir.

Les hommes se consacrent à la vie professionnelle dans la ville où ils passent leurs journées, et après le travail, ils fréquentent des bars ou la mosquée. La majorité de leur vie se passe donc en dehors de la maison, tandis que les femmes effec-tuent leurs tâches dans le foyer, car leurs activités consistent à élever les enfants et à entretenir la maison : faire le ménage, la lessive, préparer les repas, etc. Cela concerne non seulement les femmes adultes, mais aussi la jeunesse qui, dès le plus bas âge, se prépare aux rôles destinés à son sexe :

Les fils, devenant de grands garçons, allaient, la nuit tombée, chercher refuge dans les dé-dales de la vieille ville. Loin des plus âgés, ils buvaient, fumaient, guettaient les aurores

Les fils, devenant de grands garçons, allaient, la nuit tombée, chercher refuge dans les dé-dales de la vieille ville. Loin des plus âgés, ils buvaient, fumaient, guettaient les aurores