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6.3 Coordonnée de réaction

6.3.3 Coordonnée de solvatation

La description de processus en solution, comme la formation de paires ioniques, les trans-ferts d’électron ou de proton ou encore la dissociation de liaisons, fait souvent intervenir une quantité liée à la structure ou la dynamique du solvant autour du soluté [274–276]. La na-ture exacte de cette quantité est délicate à expliciter en fonction des configurations du solvant, car il s’agit d’une grandeur collective. Pour les réactions d’ionisation de HCl dans l’eau ou d’auto-ionisation de l’eau, il a par exemple été proposé d’utiliser comme descripteur la dif-férence d’énergie entre deux configurations du solvant pour une configuration donnée du so-luté [275, 277–279]. L’influence des molécules de solvant ne se limite pas forcément à la pre-mière sphère de solvatation et peut être déterminante, comme pour le transfert d’électron dans le cadre de la théorie de Marcus [280]. Cette influence collective des molécules de solvant est parfois décrite en termes de champ électrique, ou de champ de polarisation.

Nombre de coordination

Une grandeur plus simple à appréhender et à relier à la structure du solvant est parfois in-voquée pour décrire le rôle du solvant : il s’agit du nombre de coordination du soluté. Il a notamment été proposé pour l’étude de l’auto-ionisation de l’eau [274, 276]. Il existe plusieurs définitions du nombre de coordination. On peut par exemple le calculer à partir des fonctions de distributions radiales giO(r), en intégrant la fonction f (r)= 4πr2giO(r) × ρOentre 0 et un rayon maximal, choisi au point d’inflexion de f (r). Une autre définition, introduite notamment pour

pouvoir effectuer des simulations microscopiques à nombre de coordination constant [274], at-tribue à tous les atomes d’oxygène du système une contribution valant 1 lorsque l’atome est dans la première sphère de solvatation, puis décroissant rapidement vers 0. Le nombre de coor-dination de l’atome i (Na+ou Cs+) par des atomes d’oxygène est alors :

niO = NO X j=1 S(||rOj − ri||) (6.3a) S(r)= 1 1+ eκ(r−rc) (6.3b)

Les paramètres κ et rcdéfinissant la fonction de Fermi (6.3b) sont choisis tels que rc corres-ponde au premier minimum de giO(r) situé après le premier maximum, et κrc  1 pour que les atomes d’oxygène situés au-delà de rc ne contribuent pas significativement à la somme (6.3a) définissant niO. Pour l’ion Na+, nous avons utilisé rc = 3, 25 Å et pour Cs+r

c = 4, 15 Å. Dans les deux cas nous avons pris κ = 10 Å−1. La valeur de niOest peu sensible au choix exact de κ pourvu que ce dernier soit assez grand, c’est-à-dire que κ−1soit plus petit que la distance entre les deux maxima de giO(r) définissant rc (voir figure 6.8).

F. 6.8: Fonction de distribution radiale gNaO(r) pour un cation Na+ en solution avec les mêmes

paramètres de simulations que ceux utilisés ici. La fonction de coupure S (r) définie par (6.3b), avec rc= 3, 25 Å et κ = 10 Å−1permet de calculer le nombre de coordination instantané de l’ion par (6.3a).

Pertinence de nOW comme coordonnée de réaction

Avec cette définition, on peut essayer de déterminer si le nombre de coordination de l’es-pèce en train de transiter entre interfeuillet et pore est ou non une coordonnée pertinente pour décrire la réaction de transfert. En effet, si la première sphère de coordination des ions Na+dans l’interfoliaire est inchangée (par rapport à l’eau bulk), ce n’est pas le cas pour celle du Cs+, qui perd une partie de ses molécules d’eau (OW) pour y faire entrer des oxygènes de l’argile.

6.3. COORDONNÉE DE RÉACTION 179 x (Å) nOW !30 !20 !10 0 10 20 30 0 2 4 6 8 10 12 14 (a) Sodium x (Å) nOW !30 !20 !10 0 10 20 30 0 2 4 6 8 10 12 14 (b) Césium

F. 6.9: Nombre de coordination nOWdes ions Na+(a) et Cs+(b) en fonction de la position x. n OWest calculé par (6.3a) et ne concerne que les oxygènes de l’eau. Plus la probabilité conditionnelle p(nOW|x) est faible plus la région correspondante est sombre. L’ion Na+ reste entouré de six molécules d’eau

quand il se trouve dans l’interfoliaire (état bicouche), tandis que le Cs+perd une partie de ses molécules

d’eau. Dans ce dernier cas, des oxygènes de surface complètent la sphère d’hydratation, et le Cs+est plus

coordonné dans l’interfoliaire que dans le pore (résultat non montré sur la figure).

La figure 6.9 illustre les variations du nombre de coordination nOW des ions Na+et Cs+ en fonction de la position. La carte indique la probabilité conditionnelle

p(nOW|x)= p(x, nOW)

p(x) = p(x, nOW) R

dnOW p(x, nOW) (6.4)

c’est-à-dire les proportions, pour chaque position, d’ions avec un nombre de coordination donné. L’ion Na+ reste entouré de six molécules d’eau quand il se trouve dans l’interfoliaire (état bi-couche). Ceci indique que le nombre de coordination n’est très vraisemblablement pas un pa-ramètre important pour la description de l’échange. L’ion Cs+perd une partie de ses molécules d’eau en rentrant dans l’interfoliaire, puisqu’il passe d’une distribution (plus large que pour le sodium) centrée sur 9-10 molécules d’eau dans le pore à environ 8 dans l’interfoliaire. Dans ce cas, la perte de molécules d’eau est compensée par des atomes d’oxygène de surface (environ 3), de sorte que le césium est plus coordonné dans l’interfoliaire que dans le pore (résultat non montré sur la figure).

On peut donc penser que la coordination de l’ion joue un rôle dans le cas du césium. Cepen-dant, on peut remarquer que les simulations d’équilibre permettent d’observer un changement de coordination au cours du transfert particule/pore, ce qui veut dire que les fluctuations ther-miques sont suffisantes pour franchir une éventuelle barrière d’énergie libre liée aux variations de nOW. En la négligeant, on commet donc au plus une erreur de l’ordre de 1-2 kBT sur la bar-rière globale. Ceci est relativement peu, mais nous verrons (partie 6.4) que cette dernière est également de cet ordre. Il se peut cependant que le changement de coordination soit une consé-quence de l’entrée dans l’interfoliaire, et non une étape limitante (qui serait caractérisée par une grande variation d’énergie libre en fonction de nOW).