• Aucun résultat trouvé

B. ANALYSE BIBLIOGRAPHIQUE

V. Mécanismes de la conversion thermochimique du bois

4. Conversion des gaz de pyrolyse

4.1. Conversion homogène des gaz de pyrolyse

4.1.1. Conversion des goudrons en phase homogène

Le terme de « goudrons » dans les procédés de gazéification est le plus souvent réservé aux composés aromatiques peu fonctionnalisés, hors benzène (CEN/BT/TF 143, 2005) qui sont alors plutôt des composés secondaires ou tertiaires (de type naphthalène, phénanthrène, etc.). Nous préférons le terme de « goudrons » plus générale comme définis par Milne et al. (1998), tels que : « composés organiques produits par la pyrolyse ou l’oxydation partielle de matériaux organiques et le plus souvent aromatiques ». Certains « goudrons » sont instables à partir de températures supérieures à 400°C, ils forment alors des composés dit « secondaires » (cf. figure 26). L’acide acétique ou le benzène sont « des goudrons », le premier est très réactif et primaire, le deuxième très « stable » et plutôt « tertiaire ». Le terme de « goudrons » regroupe donc de nombreux constituants très différents avec des réactivités différentes. Le plus souvent les études de craquage des goudrons considèrent « les goudrons » dans leur globalité et mesure leur craquage par pesée des condensats sans tenir compte des différents constituants.

De nombreux travaux ont étudié le craquage des goudrons, de manière globale, en phase gaz, sans catalyseur, sous l’influence de la température (Morf et al., 2001, Coll et al., 2001, Fagbemi et al., 2001, Boroson et al., 1989, Baumlin et al., 2005).

Liinanki et al. (1985) proposent deux principales réactions pour le craquage des goudrons, soit :

« goudrons » + H2CH4 (1)

« goudrons » + H2OCO+H2+CO2 (2)

Les réactions (1) et (2) décrivent d’un point de vue stœchiométrique la conversion des goudrons par hydrogénation ou par vapo-reformage. Mais les réactions sont en réalité beaucoup plus complexes. Vassilatos (1990) présente un schéma réactionnel (non radicalaire) plus complet (non présenté dans ce rapport). Les modèles élémentaires de formation des suies (développé le plus souvent pour la combustion du CH4) revus notamment par Richter et Howard (2000) pourraient fournir des éléments importants sur les mécanismes de décomposition des goudrons.

Jess (1996) propose l’une des rares études, à notre connaissance, qui analyse les schémas réactionnels de la conversion des naphthalène, toluène et benzène dans un mélange de H2 et H2O, à haute température de 700 à 1400°C. On peut considérer, en première approche, que ce mélange est suffisamment significatif d’un gaz de pyrolyse.

La conversion des goudrons de taille supérieure au benzène dans un mélange de H2 et H2O aboutit in fine, en passant par de nombreux composés intermédiaires, au benzène, à du carbone (« suies »), à CH4, CO et CO2. Seulement 10 % du CO est converti en H2 par la réaction de shift à 1300°C, non favorisée à ces niveaux de température (Jess,1996).

Le carbone n’est pas entièrement converti par gazéification à la vapeur d’eau même à 1300°C. Sa conversion par hydro-gazéification (C+2H2) n’est pas envisagée par Jess car négligeable et non favorisée à ces niveaux de température (1100-1400°C). La conversion du toluène et des produits de sa conversion est illustrée figure 34. On peut noter que le CH4 ne se convertirait pas jusqu’à 1250°C dans les conditions opératoires étudiées.

Figure 34. Hydrogénation du toluène en phase homogène et conversion des produits d’hydrogénation (temps séjour~1s) (Jess, 1996)

Boroson et al. (1989b) donnent les vitesses de formation du méthane produit par craquage de goudrons. Les goudrons sont produits par une pyrolyse de bois à une vitesse de chauffe de 0,2K/s et une température finale de 723 K puis craqué dans un second réacteur en phase homogène.

D’après Boroson et al. (1989b), la teneur en méthane passe de 0,5 % à 5 % en moins d’une seconde à 800°C dans le second réacteur de craquage des goudrons en phase gaz. Cela témoigne de l’importance des réactions de craquage/hydrogénation des goudrons vis-à-vis de la production du méthane.

Compte-tenu des températures de pyrolyse et de craquage étudiées par Boroson, c’est surtout des goudrons primaires qui produisent le méthane, dans ce cas. L’évolution des gaz de pyrolyse décrite par Deglise (1980) et de nombreux autres auteurs (Van den Aarsen et al., 1985, Rensfelt et al., 1978, Zanzi et al., 1996), montre que la teneur en méthane est pratiquement stable à partir d’une température du réacteur (de pyrolyse et de craquage des produits primaires) de 800°C. La formation du méthane aurait principalement lieu entre 500 et 800°C (Deglise, 1980, Boroson, 1989b) sans doute par craquage des goudrons plutôt « primaires » de type acide acétique, vanilline, etc. L’hydrogénation de composés secondaires du type toluène, suivant le schéma proposé par Jess (1996) et à plus haute température (800°C) serait donc une source plus faible de méthane. Ce point est justifié par la faible production, à 800°C, en composés aromatiques secondaires avec des fonctions méthyl (de l’ordre de 1g/kg de bois sec, fonction des conditions de pyrolyse, Brage et al., 1996).

4.1.2. Conversion du méthane en phase homogène à haute température

Le méthane peut être formé mais aussi converti en phase homogène. Liinanki et al. (1985) et Jönsson (1985) réalisent les seules études (à notre connaissance) traitant de la conversion du méthane au sein d’un gaz de pyrolyse à une température supérieure à 1000°C.

Les réactions envisagées parLiinanki et al. (1985) entre 700 et 1100°C en phase gaz sont :

CH4C(s)+H2 (3)

Le CH4 serait craqué ou reformé suivant les réactions 3 et 4. Ces 2 réactions sont considérées comme irréversibles. Les hypothèses qui permettent de corréler les mécanismes réactionnels avec les expériences mises en œuvre par Liinanki et al. sont les suivantes :

1. les réactions (1) et (2) sont rapides et ont lieu dès l’entrée des gaz dans le reformeur (confirmé par Boroson et al., 1989b),

2. la réaction (4) est très lente à ces niveaux de température, 3. la réaction (3) serait donc la majoritaire (Liinanki, 1985).

Liinanki et al. (1985) recensent aussi certains travaux traitant de la dégradation du méthane en phase homogène pour des températures allant de 700°C à 2050°C. Mais ces études (> à 1200°C) considèrent la conversion du méthane pur ou au sein d’un mélange méthane/oxygène et non d’un gaz de synthèse, l’oxydation du méthane prend donc une importance majeure.

Jönsson (1985) a étudié la conversion du CH4 présent au sein d’un gaz de pyrolyse, en réacteur tubulaire, en fonction de la température (1000-1250°C), du temps de séjour (4-8s) et de l’apport de vapeur d’eau (0,2-0,3kgH2O/kg bois sec) et d’oxygène (0,1kgO2/kg bois sec). Le taux de conversion du CH4 maximal atteint est de 60% à 1250°C (pour un temps de séjour de 8s) et paraît peu sensible, dans ces conditions, à l’apport d’oxygène ou de vapeur d’eau.

La conversion du CH4 en fonction de la teneur en hydrogène (0-50%vol., au sein d’un gaz modèle pour ce cas) a aussi été étudiée par Jönsson (1985) : l’hydrogène a un important effet inhibiteur sur la conversion du CH4.

L’effet inhibiteur de H2 sur la conversion du CH4 a notamment été expérimenté et modélisé, d’un point de vue non élémentaire par Eisenberg et Bliss (1967).

Billaud et al. (1989) ont revu les mécanismes élémentaires possibles de décomposition thermique du CH4 sous différentes conditions.

De nombreux mécanismes élémentaires de décomposition du CH4 ont été développés. L’intérêt d’un modèle élémentaire est qu’il décrit les réactions au niveau moléculaire. Il sera donc vrai pour toute condition expérimentale et pour tout réacteur.

Olsvik et Billaud (1993) ont modélisé et expérimenté les cinétiques de dégradation du méthane dans un mélange CH4/H2 mais pour des faibles temps de séjour. Pour un rapport CH4/H2=1,2, 50 % du méthane a été converti à 1500°C en 0,015 seconde. La formation de composés CxHy et de suies a été mis en évidence.

Ranzi et al. (1994) ont réalisé un schéma cinétique détaillé capable de décrire un grand nombre de données expérimentales concernant la pyrolyse, l’oxydation partielle et la combustion du méthane.

Une étude expérimentale et de modélisation de l’oxydation du méthane et de l’éthane à pression atmosphérique entre 500 et 1300°C a été menée par Barbé et al. (1995) en réacteur parfaitement agité isotherme et dans un réacteur tubulaire. Un mécanisme de 835 réactions comprenant 42 espèces a été développé et mis à jour par Fournet et al. (1999) et Belmekki et al. (2001).

De nombreux autres mécanismes d’oxydation notamment du CH4 ont été développés. On peut cité entre autres : GRImech (Petersen et al. 1999), Hidaka (1999), Konnov (2003), Turbiez et al. (1998).

Aucun modèle élémentaire n’a été, à notre connaissance, développé et validé pour la conversion des gaz de pyrolyse de la biomasse. De notre point de vue, la validation d’un mécanisme élémentaire serait une avancée

importante pour décrire et prédire l’évolution de la composition des gaz de pyrolyse, notamment par rapport à la conversion du CH4.