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E. CONVERSION DU METHANE EN PHASE HOMOGENE A HAUTE TEMPERATUR

8. Approche de faisabilité : bilan matière-énergie

Comme nous l’avons déjà justifié partie C, on envisage la production d’un gaz de pyrolyse par un lit fluidisé double de type TNEE ou Güssing. Le gaz de pyrolyse serait traité ensuite par une installation du type PEGASE en phase homogène. Le bilan matière-énergie d’un tel procédé, adapté avec certaines données et le retour d’expérience de TNEE, est présenté sur la figure 98, pour un débit de bois sec de 1 kg/s. Les bilans molaires de la pyrolyse sont issus de la partie D. Les principales hypothèses de calculs sont présentées en annexe 17. L’analyse présentée dans ce paragraphe n’est que partielle et dépend des hypothèses simplificatrices. Une modélisation du procédé (sous logiciel de type HYSYS ou Simapro) est nécessaire pour l’évaluer de manière plus complète.

Comme nous le décrirons par la suite (partie F, paragraphe III.12.2.), le caloporteur du lit double pourrait être le charbon de bois ou un lit de sable de type alumine ou olivine, etc. Pour mieux comparer les 2 méthodes de conversion du CH4, en phase homogène et en phase hétérogène sur lit de charbon, on a considéré le même réacteur de production des gaz de pyrolyse. Le caloporteur considéré ici est du charbon, seulement par souci de cohérence avec la partie F, et non pour des raisons techniques. La température du réacteur de craquage a été fixée à 1250°C afin de comparer les 2 méthodes pour le même taux de conversion du CH4 (70%mol.) (cf. partie F, paragraphe III.12.2.).

Le rendement « facial » du procédé présenté figure 98 serait donc de 37,4% (PCI H2/PCI bois sec), hors pertes thermiques, avec une production de 55,9gH2/kg bois sec. Or, une importante quantité de chaleur reste disponible (6,85 MW). La valorisation de cette chaleur sera envisagée (partie G.) pour la production d’électricité nécessaire à la compression des gaz (~25Bar) en amont du réacteur de shift, très coûteuse en électricité (Spath et al., 2005) et non considérée ici.

Par ailleurs, on a fixé une valeur relativement faible de l’humidité du bois (7% sur brut) dans la configuration figure 98. La teneur en eau du bois influe fortement sur la chaleur latente nécessaire pour son séchage. Avec un bois à 30% d’humidité (sur brut), le bilan énergétique passerait à 41,9% (PCI H2/PCI bois sec) hors pertes thermiques. L’hydrogène produit serait de 63g de H2/kg bois sec. La chaleur disponible serait de l’ordre de 6,6MW. Le rendement PCI H2/PCI bois sec serait donc augmenté malgré le séchage du bois du fait de la plus forte production de H2 par H2O dans le réacteur de craquage, en considérant un taux de conversion de H2O constant. L’eau évaporée lors du séchage du bois et non convertie est ensuite utilisée pour la réaction de shift. L’apport d’eau complémentaire au réacteur de shift diminue donc lorsque la teneur en eau du bois augmente. C’est pourquoi, et compte-tenu de nos hypothèses simplificatrices, le rendement PCI H2/PCI bois sec est peu impacté ici par la teneur en eau du bois.

Spath et al. du NREL ont déterminé des rendements de production d’hydrogène par gazéification de biomasse sur un procédé Batelle. Deux configurations ont été définies. La configuration « current design » couple le lit double Batelle à un lit fluidisé bouillonnant de craquage catalytique puis un vapo-reformeur. Le taux de conversion du CH4 après ces 2 étapes est alors de 60%. La configuration « goal design » prévoit un lit de craquage plus performant entrainant un taux de conversion du CH4 de 80% en une seule étape, i.e. sans vapo-reformeur.

Avec un taux d’humidité initial du bois de 50% (sur brut), le NREL détermine un rendement « facial » de 50% (PCI H2/PCI bois sec) pour la configuration "current design" et de 53,5% pour celle "goal design". En revanche, le rendement global de leur procédé, i.e. si l'on rajoute notamment les consommations d'électricité

et de gaz naturel, est de 45,6% pour le « current design » et de 47,8% pour le « goal design ». La configuration "current design" produirait 77,6gH2/kg bois sec et la "goal design" 83,7gH2/kg bois sec.

A 50% (H2O sur brut), le rendement « facial » (PCI H2/PCI bois sec) serait dans notre cas de 49,1%, soit 73gH2/kg bois sec, avec un surplus de 6,3MW en chaleur. Il est donc très proche de celui déterminé par le NREL, si on ne considère pas la valorisation de cette chaleur pour la production d’électricité et la consommation d’électricité (cf. partie G.).

Le NREL envisage une section dédiée à la génération d'électricité à partir d'une turbine à vapeur. Néanmoins, encore 1/4 du besoin en électricité doit être importé malgré cette turbine : 45kWe/MW H2 importés sur un besoin de 180kWe/MW PCI H2 produit. La compression du bois (par piston par exemple) pourrait être envisagée et serait moins coûteuse que la compression des gaz, mais elle impliquerait de réaliser des lits fluidisés sous pression, technologie très difficile à mettre au point avec peu de retour d’expérience en biomasse (Foster Wheeler, cf. partie B., paragraphe IV.2.2.).

Ces rendements restent inférieurs à ceux des procédés industriels de production d'hydrogène par vapo-reformage de Gaz Naturel, qui ont un rendement « facial » de 70 à 72% (PCI H2/PCI GN) et un rendement global de 84 à 87 % (PCI H2 + vapeur)/ PCI GN ) en considérant la production de vapeur (Gaz de France). Mais il faudrait considérer les externalités (CO2, épuisement des ressources fossiles, etc.), les différents coûts des installations et matières premières pour comparer plus en détail ces procédés, notamment à l’aide d’un logiciel de type HYSYS ou Aspen.

Les problèmes technologiques liés à un lit fluidisé double seront discutés partie E, paragraphe III.12.2..

La principale contrainte technique du réacteur de conversion des gaz en phase homogène est l’apport d’énergie. L’énergie ne peut pas, dans notre cas, être apportée par oxydation des gaz dans le réacteur car le rendement hydrogène en serait fortement diminué. L’apport d’énergie pourrait être envisagé par plasma, comme l’avait breveté Framatome (1985), ou par résistance électrique. La production d’énergie électrique avec un rendement de l’ordre de 25% (kWélec/kWth.) devrait fortement réduire le rendement énergétique et environnemental de la filière (à analyser sur l’ensemble du cycle de vie).

L’apport de chaleur pourrait aussi être envisagé par des tubes de fumées mais ce qui impliquerait une température de fumées de l’ordre de 1400°C et de fortes pertes thermiques. Le bilan simplifié figure 98 considère des échangeurs « idéaux » et ne rend pas compte des pertes thermiques. Il serait intéressant de réaliser un bilan exergétique du procédé afin de tenir compte de la « qualité » de l’énergie thermique (de son niveau d’entropie associée) fonction de son niveau de température.

La formation de suies est une autre contrainte de ce type de réacteur. Le craquage pourrait avoir lieu à 1500°C et à un temps de séjour de 4s, conditions pour lesquelles la production de suies, avec la composition du gaz,

CO/19%, H2/16%, CO2/14%, CH4/14%, H2O/25%, Ar et N2 QS, était moins importante que pour des

températures plus faibles. Or, une température aussi élevée devrait diminuer le rendement énergétique de l’installation. De plus, les suies peuvent être considérées comme une « perte d’énergie ». Les 80g de suies/kg bois sec estimés pour conservation du bilan matière (sans doute surestimés) représentent une perte de l’ordre de 15%PCI suies/PCI bois sec. Il faudrait préciser les quantités de suies produites et la perte énergétique engendrée.

Une autre solution pourrait être de séparer les suies en sortie de réacteur à l’aide de 2 filtres haute-température (~1000°C, à définir) montés en parallèle et fonctionnant « en alternance ». La filtration des gaz aurait lieu sur le premier filtre pendant que le deuxième serait régénéré par oxydation. Les vannes d’isolement à haute température de ces filtres et le fonctionnement en discontinue engendrent de nouvelles difficultés techniques.

Figure 98. Bilan matière-énergie d’un lit fluidisé double couplé avec un réacteur de craquage en phase homogène (hors besoins auxiliaires, cf. paragraphe G.II ; cf. hypothèses de calculs, annexe 17)

BOIS sec : 1kg/s PCI=17,9MW +0,075 kg H2O/s (Hb : 7%mas.) PYROLYSE Q100-800°C =0,72MW 800°C SECHAGE 0,30MW 800°C 5,5kgcalo./s + 0,15kgchar/s Qcalo900-800°C =-1,02MW 900°C Calo. 5,5kg/s Gaz pyro mol/s

CH4 4,71 H2 4,51 CO 14,4 CO2 2,7 C2H4 2,7 H2O (pyro +séchage) 13,6 Gaz recyclé 0,18kg/s (300°C) Gaz out lit mol/s

CH4 1,41 H2 17,8 CO 16,8 CO2 2,16 C2H4 0 H2O 12,3 cendres Air 2,25kg/s (900°C) Fumées 2,41kg/s (900°C) 80°C 20°C OXYDATION 900°C QPCI char =-5,0MW Qcalo800-900°C =1,02MW Epuration goudrons SHIFT 300°C XCO=89% ∆Hréac.=-0,51MW Qgaz1250-300°C =-0,88MW 800°C 13mol/s H2O Q20-300°C=0,65MW =-0,98MW PSA 30°C ηH2=85% Gaz out Shift mol/s CH4 1,41 H2 32,9 CO 1,8 CO2 17,2 H2O 10,2 H2 56g/kg bois sec PCI=6,7MW 900°C QPCI CH4=-1,13MW QPCI H2=-1,18MW QPCI CO=-0,51MW Qgaz300-60°C =-0,60MW 10,2mol/s H2O Gaz out PSA mol/s CH4 1,41 H2 4,93 CO 1,80 CO2 17,2 H2O 0 CONVERSION HOMOGENE 1250°C Qgaz800-1250°C =0,46MW ∆Hreac =0,82MW X CH4 70% X CO2 20% X C2H4 100% X H2O 10% Air 0,71kg/s 20°C

Gaz out PSA 0,84kg/s Fumées 80°C 1,54kg/s Q restant =6,85MW Suies (pertes de C) 0,08kg/s

IV. Conclusion et perspectives

Les essais sur l’installation PEGASE, mise au point par le CEA, ont démontré la faisabilité technique, à l’échelle pilote, de la conversion du CH4 au sein d’un gaz modèle de pyrolyse.

Le taux de conversion du CH4 varie de 5% à 95% de 1000 à 1400°C, pour un temps de séjour de 2s.

Les modèles DCPR, Konnov et GRImech ont montré une bonne modélisation de la conversion du CH4, dans nos conditions de gaz de pyrolyse, avec un décalage inférieur à 10°C, pour les 2 premiers modèles, par rapport aux taux de conversion expérimentaux. Les réactions de terminaison de ces 3 modèles ne tiennent pas compte de la production de suies, pourtant observées expérimentalement. Les analyses de vitesse des 3 modèles décrivent le même mécanisme : l’oxydation directe de CH4 ou de CH3 est minoritaire dans les conditions d’un gaz de pyrolyse à 1200°C et pour une conversion moyenne du CH4 de 50%mol. L’oxydation aurait principalement lieu par addition de radicaux OH sur des C2. Ce mécanisme n’avait encore jamais été mis en évidence, à notre connaissance.

Par ailleurs, l’eau est peu réactive à 1200°C et est consommée qu’à partir de 1300°C, contrairement au CO2

qui produit principalement les radicaux OH à 1200°C.

Le mécanisme DCPR sera prochainement modifié et validé par le DCPR sur des expériences à l’échelle du laboratoire, avec un écoulement mieux maîtrisé.

La production de suies est une contrainte technique majeure pour le craquage en phase homogène. Le modèle validé pourrait prédire les conditions expérimentales qui minimisent la production de suies.

Les problèmes d’obstruction des filtres suite à la production de suies pourraient être limités en augmentant la température de craquage jusqu’à 1500°C. Cette température devrait modifier le schéma cinétique vers une plus forte oxydation et une diminution du grossissement. La cinétique d’oxydation hétérogène des suies formées (en moindre quantité) devrait être de plus augmentée.

Des essais à l’échelle laboratoire avec quantification des précurseurs de suies (benzène, naphthalène) à l’aide de la méthode SPA développée à Epinal (partie D.) pourraient permettre de développer un modèle validé pour la formation des précurseurs de suies.

Une autre contrainte du craquage des gaz en phase homogène est le fort niveau de température nécessaire pour atteindre un taux de conversion suffisant (> 70%) avec un temps de séjour compatible à une échelle industrielle (~ 2s). La haute température nécessite des matériaux coûteux et devrait entraîner de fortes pertes exergétiques (à quantifier). L’apport de chaleur pourrait être envisagé par plasma, résistances électriques ou par tubes de fumées. Une analyse du cycle de vie de l’ensemble de la filière de production de H2 permettrait de quantifier l’impact de cet apport d’énergie sur le bilan environnemental et exergétiques.

Le bilan matière-énergie montre qu’il serait envisageable en couplant un lit fluidisé double et un réacteur de conversion en phase homogène à 1250°C de produire 55,9gH2/kg bois sec à un rendement énergétique de l’ordre de 37,4% (PCI H2/PCI bois sec), hors pertes thermiques et avec un bois à 7% d’humidité sur brut.

Les avantages et inconvénients du traitement en phase homogène seront comparés à ceux du traitement en phase hétérogène sur lit de charbon, notamment d’un point de vue énergétique (partie G).

F. CONVERSION DU METHANE SUR UN LIT