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La convergence du bipartisme comme condition de sa désagrégation

Partie I. Le choc électoral de 2012 : L’effondrement du PASOK et la fin du bipartisme traditionnel

Section 1. La convergence du bipartisme comme condition de sa désagrégation

Les années 1990 représentent pour l’ensemble de l’Europe un point de référence. En 1989, la chute du mur de Berlin et ses répercussions constituent une date charnière. L’effondrement du modèle socialiste, qui devient définitif avec la chute de l’Union soviétique en 1991, signe la fin de la guerre froide et se traduit par un processus d’ajustement aux normes occidentales de plusieurs pays de l’est de l’Europe, processus fortement diversifié selon les États. Par ailleurs, ces modifications enrichissent le projet d’intégration européenne, tant au plan qualitatif, avec la création d’un marché interne libre que quantitatif, avec la perspective d’intégration de nouveaux États au sein de l’Union Européenne, dont le rôle se trouve désormais renforcé.

Pour ce qui est de la Grèce, les différents changements survenus à la suite de la chute de l’Union Soviétique et de la fin de la guerre froide trouvent leur traduction dans le renforcement du projet d’intégration européenne du pays. Ce projet se concrétise dans le vote en faveur du traité de Maastricht en 1992 et le choix stratégique de l'intégration dans le noyau dur de l’édifice européen, à savoir la zone euro en 2001. La perspective européenne et plus largement l’implication de plus en plus active du pays dans la division internationale du travail, traduite par l’afflux de ressources européennes, l’accueil d’immigrants d’origine balkanique ou est- européenne et l’expansion économique vers les Balkans, s’accompagnent de modifications importantes concernant les propriétés et la dynamique du système partisan.

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a) Les conditions sociales et politiques de la convergence

idéologique entre le PASOK et la ND

Au niveau de l’offre politique, la convergence entre la ND et le PASOK apparaît comme un rapprochement des programmes et des politiques mises en place en vue d’atteindre les objectifs liés à l’intégration européenne. La configuration politique en Grèce dans les années 1990 est caractérisée par un processus de convergence qui concerne prioritairement les deux piliers du bipartisme traditionnel instauré depuis 1974. Le PASOK suit progressivement la voie de la social-démocratie européenne et, sous l’impulsion des critères de convergence avec les normes européennes, (maîtrise de l’inflation, stabilisation du déficit public et du taux de change172

), les socialistes modifient tant les politiques publiques adoptées, que le contenu des affrontements politiques et idéologiques.

L’ambiguïté, voire l’opposition initiale du PASOK vis-à-vis de l’Union Européenne tout au long des années 1970, laisse progressivement la place à l’acceptation du projet européen et à la défense active de la cause européenne173

. En effet, le PASOK se présente depuis le milieu des années 1990 comme le parti le plus à même de diriger l’intégration du pays dans la zone euro. Ce tournant du parti socialiste renvoie à plusieurs facteurs qui sont communs dans l’expérience européenne de la social-démocratie. L’exercice du pouvoir par les socialistes et ses contraintes, la professionnalisation des élites socialistes, la place des ressources communautaires comme moyen de redistribution et de légitimation de l’édifice européen, sont des facteurs mis en évidence par les études sur cette question174.

Ce tournant idéologique coïncide aussi avec une certaine hégémonie socialiste au niveau gouvernemental en Europe à partir du milieu des années 1990. Cette « renaissance » de la social- démocratie est suivie d’un consensus sur l’orthodoxie économique concernant l’instauration du marché interne, la place de la monnaie et des institutions monétaires ainsi que les finances publiques, éléments concrétisés par les critères du traité de Maastricht175. L’acceptation par le

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VAVOURAS I., Εθνική οικονομική πολιτική και Ο.Ν.Ε. [Politique économique nationale et l’U.E.M.], Athènes, Papazisis, 1994, p. 181.

173

PAPADOPOULOS Y., « De l’opposition au gouvernement : l’évolution idéologique du PASOK », Revue française de science politique, 1990, vol. 40, no 1, p. 98–124.

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SPOURDALAKIS M. (dir.), ΠΑΣΟΚ: κόμμα, κράτος, κοινωνία [PASOK : Parti, État, Société], Athènes, Patakis, 1998 ; BOTOPOULOS K., Socialistes et pouvoir, op. cit. ; BIRNBAUM P. (dir.), Les Élites socialistes au pouvoir : les dirigeants socialistes face à l’Etat, 1981-1985, Paris, Presses universitaires de France, 1985.

175

KATSOULIS I. (dir.), Νέα Σοσιαλδημοκρατία: Περιεχόμενα πολιτικής, θεσμοί και οργανωτικές δομές [Nouvelle Social-Démocratie: Contenus de politique, institutions et structures organisationnelles], Athènes, Sideris, 2002.

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PASOK des critères économiques pour la convergence de l’économie grecque avec celle de l’UE se révèle d’une importance majeure. L’Union Européenne n’est plus représentée dans les stratégies de mobilisation comme « un club oligarchique », mais comme « le projet national par excellence »176

.

Les exigences communautaires constituent un moyen de légitimation pour l’adoption de réformes et de mesures rompant éventuellement avec les politiques redistributives et expansionnistes de la décennie précédente, mises en œuvre par les gouvernements socialistes177

. En effet, les critères pour l’intégration dans la zone euro constituent un ensemble d’objectifs mesurables et quantifiables dont l’atteinte constitue une consécration du projet européen. De cette façon, le consensus sur les mesures visant à réduire et stabiliser le taux d’inflation ou à respecter la discipline budgétaire permet le déplacement de la concurrence politique vers la question de la faisabilité et de la capacité à respecter les critères de convergence. Ce consensus est renforcé par l’influence traditionnelle des partis de gouvernement sur les principales institutions d’expression des intérêts, attestée entre autres par l’imbrication entre élites politiques et élites syndicales178.

Mais au-delà de l’injonction des normes et des critères européens, les ressources européennes versées dans le cadre de différents programmes communautaires constituent un aspect majeur pour la compréhension des mécanismes de reproduction du bipartisme et notamment de la reproduction de la domination électorale du PASOK. À titre indicatif, pendant la période 1993-1996, nous constatons l’injection dans l’économie du pays de 85 milliards d’ÉCU179. Cela signifie l’élargissement spectaculaire des biens politiques matériels distribués par

les partis au pouvoir sous différentes formes 180

: distribution de biens collectifs non divisibles sous la forme de politiques de développement, distribution de biens matériels divisibles sous la forme de politiques régionales ou ciblant des catégories spécifiques de la population et,

176

VOULGARIS G., La Grèce de Metapolitefsi 1974-2009, op. cit., p. 275–276.

177

IORDANOGLOU C.H., L’économie grecque dans la « longue durée », op. cit.

178

MAVROGORDATOS G., Μεταξύ Πιτυοκάμπτη και Προκρούστη. Οι επαγγελματικές οργανώσεις στη σημερινή Ελλάδα [Entre Pityocamptes et Procrustes. Les associations professionnelles en Grèce contemporaine], Athènes, Odysseas, 1998 ; IORDANOGLOU C., « State and Interest Groups in Post-dictatorship Greece. Α fatal interaction », op. cit.

179

MANASSAKI A., « Η εισροή κοινοτικών πόρων στην Ελλάδα: ιστορικό και προοπτικές [L’afflux de ressources communautaires en Grèce: historique et perspectives] », Bulletin économique de la Banque de Grèce, 1998, vol. 12, p. 69.

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finalement, distribution de biens exclusifs selon l’influence des différents groupes ou agents dans l’appareil étatique et partisan.

L’élargissement des biens à distribuer coïncide plus globalement avec un cycle économique ascendant. Le pays connaît une période d’expansion économique181

. Le PIB s’accroît de manière stable depuis 1994 et le pays connaît un rythme de développement parmi les plus élevés, en Europe, pendant une décennie. Cela se traduit par une augmentation continue des investissements et de la consommation privée. En outre, pendant toute la période allant de 1994 et jusqu’aux Jeux Olympiques de 2004, on observe la réalisation de programmes publics à grande échelle améliorant les infrastructures publiques dans l’ensemble du pays.

Dans cette conjoncture, le cadre européen constitue une ressource tant symbolique que matérielle sur laquelle le PASOK base son hégémonie au cours de cette période. Ce virage idéologique et politique n’est pas sans liaison avec des transformations survenues au sein du PASOK. Ce nouveau profil du PASOK coïncide avec l’ascension à la tête du parti du groupe du groupe dit des modernisateurs, sous la direction de C. Simitis, après la mort du fondateur du parti, A. Papandreou, en 1996182. Le terme de modernisation, constituant le mot d’ordre de la nouvelle équipe dirigeante, se présente comme un projet gouvernemental, ainsi que comme un projet de refondation du parti183. Au niveau gouvernemental, la modernisation exprime l’attachement à la voie européenne du pays et l’application d’une politique économique adéquate et soutenue par des réformes structurelles nécessaires. Ce projet exprime ainsi, d’une certaine façon, la volonté de rupture avec ce qui est désigné comme problématique dans le passé gouvernemental du PASOK, à savoir les politiques expansionnistes en faveur de groupes ou de couches sociales plus larges, en contrepartie de gains électoraux immédiats.

Cette situation produit aussi un changement radical du récit national proposé par les socialistes. La référence principale structurant la concurrence dans les années 1970-1980, à savoir l’opposition entre les privilégiés et les non-privilégiés, le peuple et le « système », s’efface en faveur de l’économie nationale, seule garante de la prospérité générale. Par conséquent, le clivage gauche - droite, qui, réactivé et investi de manières différentes, avait marqué l’ensemble

181

VOULGARIS G., La Grèce de Metapolitefsi 1974-2009, op. cit., p. 144.

182

VERNARDAKIS C., Partis politiques, élections et système de partis, op. cit.

183

SIMITIS C., Για μια κοινωνία ισχυρή για μια ισχυρή Ελλάδα [Pour une société forte, pour une Grèce puissante], Athènes, Plethron, 1995 ; ELEFTHERIOU K. et C. TASSIS, PASOK: La montée et la chute, op. cit., p. 93‑99 ; LYRINTZIS C., « Κρίση πολιτικής (;) Νέες πολιτικές τάσεις και οι δυνατότητες του “εκσυγχρονισμού” [Crise du politique (?) Nouvelles tendances politiques et les possibilités de la “modernisation”] », M. SPOURDAKALIS (dir.), PASOK : Parti, État, Société, Athènes, Patakis, 1998, p. 82–87.

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de la période d’après-guerre civile, tend désormais à s’affaiblir. Dans ce cadre, la politisation de l’histoire contemporaine de la Grèce et la référence aux clivages historiques deviennent de plus en plus rares dans les discours et slogans mobilisés par les deux piliers du bipartisme. Cela a des conséquences majeures sur la concurrence partisane.

En effet, la perspective européenne organisant le cadre commun de la concurrence, l’enjeu se déplace vers l’efficacité gestionnaire. La ligne de démarcation entre les deux piliers du bipartisme traditionnel cesse alors d’être l’appartenance à telle ou telle famille politique. La mobilisation s'appuie désormais moins sur un fondement idéologique que sur l'appropriation de nouveaux outils de communication politique (sondages, expertises diverses) et de subventions étatiques et européennes184. La libéralisation du marché de l’audiovisuel depuis 1990, a introduit

des modifications majeures dans la concurrence partisane. Les moyens audiovisuels occupent une place centrale dans les campagnes électorales, les montants consacrés à la publicité politique se trouvent rapidement augmentés185. Cette modification des règles de la concurrence participe au renforcement de la professionnalisation des élites politiques et à la diffusion de compétences et de savoir-faire propres, investis par les instituts des sondages et les cabinets de communication politique qui se multiplient dès lors.

L’intégration économique et le soutien électoral que les couches les plus éduquées et les plus aisées de la population donnent au PASOK conduisent vers un rapprochement entre les électorats du PASOK et de la Nouvelle Démocratie. Cependant, le phénomène de cycle économique ascendant ne doit pas occulter les inégalités produites ou maintenues au cours du processus d’européanisation. Les réformes mises en œuvre dans le système du travail, des retraites, de santé ou d’imposition, sont marquées par un traitement différencié des différents groupes sociaux en fonction de leur capacité à négocier et à acquérir une réglementation favorable. Dans ce cadre, le terme de "bipartisme convergent" caractérise aussi la transgression généralisée des frontières entre les électorats traditionnels des deux partis186

. Sur le plan électoral, le PASOK voit, après 1996, augmenter ses performances électorales dans les catégories socioprofessionnelles élevées comme les employeurs et les professions libérales et dans les quartiers bourgeois de la capitale. En même temps, les scores électoraux des socialistes reculent

184

VOULGARIS G., La Grèce de Metapolitefsi 1974-2009, op. cit. ; CHAIRETAKIS M., Τρία κείμενα για την πολιτική διαφήμιση [Trois textes sur la communication politique], Thessalonique, University Studio Press, 2008.

185

CHAIRETAKIS M., Trois textes sur la communication politique, op. cit., p. 29–39.

186

VERNARDAKIS C., « Les élections grecques d’avril 2000 : Le cas d’un bipartisme convergent », Pôle Sud, 2000, vol. 13, no 1, p. 150–152.

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dans des catégories traditionnellement favorables comme les agriculteurs et les chômeurs187

. Cette transformation de l’électorat socialiste permet à la Nouvelle Démocratie d’accroître ses performances auprès des agriculteurs, des chômeurs et de la population non active comme les retraités et les femmes au foyer. Parallèlement, la Nouvelle Démocratie augmente significativement ses résultats électoraux dans les quartiers populaires de l’Attique qui constituaient des bastions historiques de la gauche et du PASOK.

b) Les effets de la convergence dans la disposition des forces

partisanes

La convergence exprimée au niveau des politiques publiques adoptées, et plus largement au niveau de la confrontation politique, a donné naissance à des tendances centrifuges au sein des deux partis alternant au pouvoir. Ces tendances se sont exprimées par la formation de partis constituant des scissions des deux grands partis. Celles-ci s’effectuent dans une phase de consolidation et de forte institutionnalisation de la Nouvelle Démocratie et du PASOK. Elles expriment donc des entreprises politiques initiées par des cadres nationaux de deux partis jouissant d’un capital politique fort grâce à leur participation à des postes gouvernementaux et à leurs réélections successives au sein du Parlement. Cependant, leur faible niveau d’institutionnalisation, accompagné d'une grande dépendance vis-à-vis de leurs fondateurs et de l’absence de constitution d’une bureaucratie partisane couvrant l’ensemble du pays, a conduit rapidement à la marginalisation de ces nouveaux partis et à leur rapide éclipse de la concurrence politique, faits qui nous permettent d’utiliser le terme de « flash-parties » pour les désigner188

. Pour ce qui est du PASOK, les divergences concernant l’identité du parti, la gestion du processus d’intégration européenne et la succession d’Andreas Papandreou se sont cristallisées dans une scission survenue en 1995. C’est le moment où D. Tsovolas, cadre national du parti, occupant successivement le poste de vice-ministre et de ministre des Finances au sein des gouvernements socialistes pendant les années 1980 et représentant de l’aile gauche du PASOK, quitte le parti et fonde le DIKKI (Mouvement Social Démocratique). Mais la scission n’a pas mis un terme à la question du positionnement politique du parti. Au contraire, la mort de son leader en 1996 a posé le problème du leadership et par là, de l’orientation du parti. C’est finalement lors

187 Ibid., p. 151.

188

LAWSON K. et P.H. MERKL (dir.), When parties fail: emerging alternative organizations, Princeton, N.J, Princeton University Press, 1988, p. 537–539.

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du 4e Congrès du PASOK, tenu le 30 juin 1996, que C. Simitis est élu au poste de Président du PASOK, obtenant 53,4 % des voix, contre 43,7 % pour A. Tsohatzopoulos, cadre national du parti et représentant de l’aile gauche.

La Nouvelle Démocratie a connu aussi une scission au début des années 1990. La crise balkanique et notamment la guerre et le morcellement de la Yougoslavie ont donné naissance à la querelle autour du nom par lequel serait internationalement reconnue la République Socialiste

de Macédoine, un des états fédérés de la Yougoslavie. La référence au nom de Macédoine a été

interprétée en Grèce comme un acte d’irrédentisme de la part du nouvel état et a donné naissance à des mobilisations sociales inédites soutenues tant par les partis politiques que par d’autres acteurs, comme notamment l’Église. Le ministre des Affaires Étrangères d’alors, A. Samaras, ayant adopté une position maximaliste, s’est confronté à la direction du parti et, suite à l'éviction de son poste, a démissionné et formé le parti POLAN (Printemps Politique).

Les années 2000 voient la formation d’un parti d’extrême droite en Grèce, celui du LAOS (Alerte Orthodoxe Populaire). Les conditions de création du nouveau parti renvoient dans un premier temps aux modifications survenues au sein de la Nouvelle Démocratie consécutivement au processus de convergence avec l’autre pilier du bipartisme. Le fondateur du parti, G. Karatzaferis, était un ancien cadre de la Nouvelle Démocratie exclu par cette dernière en 2000. Cette radiation s’inscrit dans un cadre de marginalisation du personnel politique identifié à l’extrême droite au sein de la Nouvelle Démocratie, qui s’oriente de plus en plus vers le "centre" du spectre politique, que ce soit au niveau du recrutement, du programme politique ou de l’influence électorale. Le détachement progressif de la Nouvelle Démocratie des clivages du passé a donné ainsi la possibilité au LAOS de revendiquer et de former une étiquette distincte dans le camp de la droite. Ce parti parvient à absorber les différentes organisations-groupuscules et personnalités d’extrême-droite d’où il recrute une large partie de ses militants. En outre, la mobilisation des médias de masse (le leader du parti disposant d’une chaîne de télévision), le rapprochement du parti avec des cadres de la hiérarchie ecclésiastique, son implantation locale via des sections locales et l’élection de G. Karatzaferis au Parlement européen, en 2004, procurent au parti des ressources à la fois symboliques et matérielles multiples lui permettant de pérenniser sa présence dans le système partisan.

Dans ce cadre, la stabilisation du bipartisme et l’alternance ininterrompue des deux partis au pouvoir donne aussi la possibilité à cette organisation partisane de se présenter comme une

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force antisystème en mobilisant comme ressources symboliques la stigmatisation des « partis établis », thème largement mis en avant par les partis d’extrême droite européens. L’émergence du LAOS se positionne aussi dans un cadre de transformations sociales plus larges comme l’accélération du processus d’intégration européenne, l’intensification de la question migratoire et le mécontentement accru des citoyens face aux institutions politiques.189

Ainsi, l’émergence de l’extrême droite en Grèce s’inscrit dans le renouveau de l’extrême droite européenne observé à partir des années 1980.

L’apparition et la stabilisation de partis marginaux, le brouillage des identifications partisanes et la volatilité électorale en hausse qui marque cette période, sont accompagnées d’un mouvement accru de sortie du corps électoral qui se traduit par une abstention de plus en plus élevée. Nous observons alors que ces tendances centrifuges du bipartisme sont conjuguées avec une transformation plus large au plan de la culture politique du pays. Les phénomènes mentionnés esquissent déjà les contours d’une crise de représentation sous-jacente qui est loin d’être propre au pays. L’intérêt pour la politique décroît, ce qui se traduit par une dépolitisation se manifestant tant au niveau électoral qu’au niveau de la capacité de mobilisation. Les élections de 1996 sont marquées par la faible mobilisation et par la domination des médias de masse, ce qui explique leur surnom d’ « élections du canapé ». Les partis politiques semblent être la cible prioritaire de la méfiance qui se manifeste dans l’ensemble des enquêtes d’opinion. Le discours anti-parti et même anti-politique est déjà présent dans les accusations de « partitocratie », de corruption ou dans les discours d’assimilation du type « tous pourris ». Ces tendances ne sont jamais devenues dominantes au point de produire une crise de légitimité générale. Elles démontrent plutôt, comme le souligne G. Voulgaris, l’existence et l’accumulation de tensions sociales même dans un cadre de prospérité190

.

Section 2. Dynamiques centrifuges au sein du bipartisme : un prélude à