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Convention de recherche et de développement (CRD) Anses-INRS-Pôle Santé Travail Métropole Nord

Dans le document Rapport ANSES octobre 2017 (Page 90-97)

3 Identification des substances

3.1 Campagnes de mesures

3.1.1 Convention de recherche et de développement (CRD) Anses-INRS-Pôle Santé Travail Métropole Nord

Le présent chapitre constitue un résumé et une interprétation des données détaillées du rapport de la CRD figurant en Annexe 10.

3.1.1.1 Objectif des campagnes de mesure et population d’étude

L’objectif de cette CRD était de réaliser une première évaluation de la nature des agents chimiques émis dans l’air ambiant lors des activités de soin ou de décoration de l’ongle. Cette évaluation s’est appuyée sur des prélèvements à poste fixe de particules en suspension (fraction inhalable) et de composés organiques volatils (COV) réalisés durant des activités de soin et décoration de l’ongle de clientes dans le cadre de visites dans des établissements volontaires. La nature des tâches réalisées pendant les prélèvements ainsi que les produits utilisés ont été enregistrés. Les campagnes de mesures ont été menées auprès de :

‐ 15 entreprises volontaires (salons d’esthétique, bars à ongles ou autres commerces) adhérentes au Pôle Santé Travail Métropole Nord, dans les départements du Nord et du Pas de Calais. Les mesures ont été réalisées par du personnel de ce Pôle

‐ et 13 indépendants volontaires enregistrés au Régime Social des Indépendants (RSI) à Paris et sa petite couronne. Les mesures ont été réalisées par du personnel de l’Anses.

Les résultats des prélèvements réalisés lors de cette étude sont détaillés en Annexe 10. Ils ne peuvent pas être utilisés pour une évaluation de l’exposition professionnelle puisque les prélèvements sont réalisés à point fixe et non de manière individuelle et que la durée du prélèvement se limite à la durée de réalisation d’un soin. L’interprétation des données de ces

campagnes de mesures ne revendique aucun caractère de représentativité de la population professionnelle au niveau national. En effet, l’échantillon d’étude n’a pas été constitué par un tirage aléatoire sur l’ensemble du territoire, la taille de l’échantillon est faible et le mode de recrutement basé sur le volontariat, ainsi que les visites planifiées, induisent probablement un biais de sélection favorisant les établissements et les situations où les mesures de prévention du risque et d’hygiène au travail sont les meilleures. Cependant, pour plusieurs établissements, ces données permettent de caractériser un large nombre de COV présents dans l’air au poste de travail lors de différentes tâches de soin et décoration de l’ongle, ainsi qu’un ordre de grandeur des concentrations atmosphériques de ces COV et des particules inhalables. Elles constituent donc une source d‘information importante pour identifier les substances émises dans l’air lors des activités de soin et de décoration de l’ongle.

3.1.1.2 Résultats des mesures des particules inhalables

Pendant une prestation de soin et décoration de l’ongle, les prélèvements atmosphériques des particules ont été réalisés à une distance comprise entre 30 et 80 cm des voies respiratoires du travailleur. Pour chaque établissement visité, un ou deux prélèvements de particules a été réalisé si la prestation impliquait une opération de ponçage. La durée du prélèvement correspond à la durée de la prestation, soit une durée moyenne de 65 minutes (entre 15 et 172 minutes).

La fraction inhalable des particules a été prélevée à l’aide d’un dispositif à coupelle rotative, le CIP 10 (INRS 2017). La quantité de particules collectées a été déterminée de manière différée par gravimétrie par le Pôle Santé Travail et par l’Anses.

Les résultats de l’analyse gravimétrique sont résumés dans le tableau ci-dessous et détaillés en Annexe 10.

Tableau 6 : Concentrations de particules inhalables par type d’activité (Anses, INRS, et Pôle Santé Travail Métropole Nord 2017)

Opération Nombre

1 Les limites de quantification exprimées en termes de concentration atmosphérique sont fonction du volume d’air prélevé et par conséquent de la durée du prélèvement, elles sont donc différentes d’un prélèvement à l’autre.

2 Hypothèse basse : les données non quantifiées sont remplacées par la valeur 0

3 Hypothèse haute : les données non quantifiées sont remplacées par la valeur de la LQ

Les résultats ne mettent pas en évidence de concentrations supérieures à la VLEP 8h pour les particules de la fraction inhalable (10 mg/m3), une mesure dépassant le dixième de la VLEP 8h (2,9 mg/m3). Les résultats suggèrent des taux d’empoussièrement légèrement plus élevés lors de la réalisation de faux ongles avec la technique résine que lors des opérations de décoration (vernis classique et semi-permanent), le faible nombre de mesures ne permettant pas de faire de comparaison statistique des valeurs de concentration. Ils indiquent des taux d’empoussièrement relativement faibles, pour la plupart inférieurs à 0,2 mg/m3, à l’exception d’un point présentant une valeur d’empoussièrement élevée pour chaque soin : décoration de l’ongle avec vernis classique (0,7 mg/m3),vernis semi-permanent (0,8 mg/m3) et confection de faux ongles par la technique gel (2,9 mg/m3) et par la technique résine (2,9 mg/m3). Il est important de noter que ce point de valeur élevé (2,9 mg/m3) correspond au prélèvement où les deux soins ont été réalisés lors de la même intervention. Le faible nombre de valeurs de concentration mesurées en présence d’un système d’aspiration localisé (n=3) ne permet pas une interprétation sur l’utilité d’un tel système.

Les niveaux de concentration mesurés peuvent être considérés comme des niveaux a minima étant donné le probable biais de sélection favorisant les établissements et les situations où les mesures de prévention du risque et d’hygiène au travail sont les meilleures. De plus, les émissions de particules sont très ponctuelles et les concentrations dans l’air peuvent être très hétérogènes.

Cela se confirme par des différences significatives entre les résultats de deux prélèvements réalisés de chaque côté du poste de travail. Les valeurs de concentration mesurées à point fixe sont donc probablement différentes des concentrations qui pourraient être mesurées par des prélèvements individuels. Il faut également noter que cette analyse des particules dans la CRD est probablement entachée par une forte incertitude liée aux faibles durées de prélèvement. Le dispositif de prélèvement utilisé, le CIP, a été sélectionné pour sa facilité de mise en œuvre et pour son fort débit de prélèvement qui le rend plus sensible que les techniques conventionnelles de prélèvement sur filtre. Toutefois, ce dispositif présente un biais qui peut devenir significatif pour les aérosols fins entre 1 et 2 µm de diamètre aéraulique (c’est-à-dire une sous-estimation possible de la concentration liée à une mauvaise efficacité du CIP pour les particules entre 1 et 2 µm de diamètre aéraulique), comme l’indique la Figure 11 pour la fraction alvéolaire. En effet, la rotation de la coupelle à très grande vitesse entraîne un rejet des particules fines hors de la mousse et elles peuvent être entraînées hors de la coupelle avec le débit d'air. Ce phénomène souvent mis en évidence pour les fractions alvéolaires et thoraciques existe également pour la fraction inhalable même s’il n'a pas été démontré expérimentalement. L’utilisation de ponceuses tournant à grande vitesse peut favoriser la production de ces particules microniques (Görner et al. 2001), cependant en l’absence d’information sur la granulométrie des particules prélevées, il est difficile de conclure sur leur possible impact sur les résultats. Il paraît évident que sur ce point, une meilleure caractérisation des émissions tant du point de vue de la granulométrie que de la concentration, nécessite la mise en œuvre de techniques complémentaires sur des durées de prélèvement plus longues

   

Figure 11 : Efficacité d'échantillonnage de la fraction alvéolaire du dispositif CIP 10‐R en fonction du diamètre aérodynamique des particules. Débit de 10 L.min1

3.1.1.3 Résultats des mesures des composés organiques volatils

Comme pour les mesures de particules inhalables, les prélèvements atmosphériques des COV ont été réalisés durant une prestation de soin et décoration de l’ongle à une distance comprise entre 30 et 80 cm des voies respiratoires du travailleur. Pour chaque établissement visité, deux prélèvements de COV ont été réalisés à l’exception de deux établissements avec un seul prélèvement. La durée du prélèvement correspondant à la durée de la prestation de soin et décoration de l’ongle et est en moyenne de 59 minutes (entre 14 et 172 minutes).

Lors des visites d’établissements, une méthode de prélèvement globale et d’identification des polluants atmosphériques organiques –dite de « screening »- a été utilisée. Le prélèvement d’air a été réalisé par Pôle Santé Travail Métropole Nord et par l’Anses à l’aide d’une pompe autonome délivrant un débit constant associée à un tube contenant trois supports adsorbants différents permettant de piéger des substances de masses molaires et de polarités très différentes (NIOSH 1996, Oury 2011). Les tubes de prélèvements ont ensuite été envoyés au laboratoire de l’INRS pour y être analysés. Les polluants piégés sur les trois phases adsorbantes ont été désorbés thermiquement puis analysés par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse. Cette technique permet une identification des composés par analyse du spectre de masse en les comparant à des bibliothèques de spectres. L’ajout d’une quantité connue d’étalon interne deutéré, -n’existant pas sous forme naturelle- dans le tube avant le prélèvement, permet d’estimer un ordre de grandeur de la concentration pour les composés identifiés par spectrométrie de masse.

L’Annexe 10 présente la liste des substances identifiées à l’émission dans cette étude via l’analyse semi-quantitative des COV. 28 établissements ont fait l’objet de prélèvements et 162 substances organiques ont été mises en évidence, illustrant les multiples expositions des travailleuses de ce secteur. C’est l’un des enseignements majeurs de cette étude : le nombre de substances identifiées est, à l’exception de deux interventions, supérieur à 15 ; il est supérieur à 20 pour 19 établissements et le nombre maximal de substances identifiées en une seule intervention est de 42.

Parmi ces 162 substances, 12 ont été détectées plus de 10 fois lors des 28 interventions et 9 ont été identifiées au moins dans 23 interventions (Tableau 7). Ces 9 substances semblent donc être

0,00 0,20 0,40 0,60 0,80 1,00 1,20

1, 00 10,00

Da e (µm )

Ep

Points expérimentaux à Q = 10,0 l/min Co nvention CEN

Co urbe ajustée ( Q = 10,0 l/min )

présentes quel que soit le type de soin des ongles ; il s’agit des acétates d’éthyle et de n-butyle, des alcools isopropylique, méthylique et éthylique, de l’acétaldéhyde, l’acétone, l’acide acétique ou du D5 (décaméthylcyclopentasiloxane).

Tableau 7 : COV identifiés, par ordre décroissant d’occurrence, lors des interventions (Anses, INRS, et Pôle Santé Travail Métropole Nord 2017)

La Figure 12 présente les résultats des substances identifiées par ordre décroissant de concentration estimée (seules les concentrations estimées supérieures à 1 mg/m3 sont indiquées).

141‐78‐6 Acétate d'éthyle 28

Sept composés ont été estimés au moins une fois à une concentration supérieure à 10 mg/m3 lors des interventions, le tétradécane et le n-décane avec 6 occurrences, les méthacrylates de méthyle et d’éthyle avec 5 et 9 occurrences respectivement, l’éthanol et l’acétate d’éthyle avec 27 et 28 occurrences respectivement et l’acétone avec 26 occurrences. Huit composés ont été mesurés au moins une fois entre 1 et 10 mg/m3. Les niveaux de concentration mesurés peuvent être considérés comme des niveaux a minima étant donné le probable biais de sélection favorisant les établissements et les situations où les mesures mises en œuvre de prévention du risque et d’hygiène au travail sont les meilleures.

Figure 12 : COV identifiés par ordre décroissant de concentration (Anses, INRS, et Pôle Santé Travail Métropole Nord 2017)

Le croisement entre la présence des substances et les activités suivies met en évidence quelques spécificités dans l’utilisation des substances. L’utilisation de vernis semi permanent, par exemple montre la présence de substances qui n’ont pas été détectées lors de l’utilisation de vernis classique : la méthyléthylcétone, des hydrocarbures aromatiques monocycliques comme le styrène ou l’éthylbenzène et surtout des hydrocarbures aliphatiques comme le cyclopentane, le méthyle cyclohexane, l’heptane, l’iso-octane et le nonane. D’autres substances sont plus spécifiques de la réalisation d’ongles artificiels comme les acrylates et ses dérivés, notamment le méthacrylate d’éthyle et le méthacrylate de méthyle dont les concentrations maximales mesurées supérieures à 10 mg/m3 sont observées pour la technique résine. Certaines substances sont présentes lors de la réalisation de tout type de soins et leur origine est dans ce cas, associée à l’utilisation de produits qui sont appliqués aussi bien pour la pose de vernis que pour la pose d’ongles artificiels. Il s’agit de l’acétaldéhyde, l’éthanol, l’acétate d’éthyle, l’acétate de n-butyle, l’acétone, le toluène et l’acétonitrile. A noter également la présence de méthylvinylcétone quel que soit le type de soin réalisé, l’origine de la présence de cette substance dans les locaux n’étant pas déterminée à notre connaissance.

75‐07‐0 Aldéhyde acétique 2,31 OUI 27 C2

64‐19‐7 Acide acétique 2,14 OUI 23

75‐09‐2 Dichlorométhane 1,87 OUI 1 C2,*

354‐33‐6 Pentafluoroéthane 1,23 NON 1

Dans le document Rapport ANSES octobre 2017 (Page 90-97)