• Aucun résultat trouvé

LES CONTRATS D’ETAT

Dans le document Contrats d'Etat et développement durable (Page 29-41)

Afin d’atteindre le développement, les pays du Sud, concluent avec de grandes sociétés multinationales des contrats ayant vocation à les doter des infrastructures et des moyens nécessaires. Ce sont les contrats d’Etat. Au sens large du terme, les contrats d’Etat sont des contrats conclus par un Etat avec un autre Etat ou avec une personne privée. Dans une acception plus restreinte, qui sera la nôtre, ce sont les contrats conclus entre un Etat et une société privée étrangère en vue de la réalisation d’une opération économique d’une certaine importance, le plus souvent un investissement, et que les parties n’ont pas entendu rattacher purement et simplement au droit interne de l’Etat contractant89.

Les contrats d’Etat concernés par notre étude sont des contrats « Nord-Sud », c'est-à-dire des conventions passées entre parties issues de pays d’inégal développement économique. Ils portent sur des projets d’importance liés à l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles, aux infrastructures industrielles, à la construction ou aux équipements de réseau90.

89SALMON (J.) (dir.), Dictionnaire de droit international public, « Contrat d’Etat », Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 256-257.

90

32

Au début du 19ème siècle, époque durant laquelle les premiers contrats d’Etat ont été conclus sous forme de concessions pétrolières91, ces instruments étaient détachés de toute question relative au développement. Cependant, dans les années 1960-1970, fruits de profondes mutations sociales, les contrats d’Etat ont été considérés comme ayant pour but de participer au développement économique de l’Etat hôte. Ainsi, ils tendaient à associer les entreprises étrangères à un tel objectif, au moyen d’une coopération92 concertée. Ils étaient donc qualifiés d’ « accords de développement économique ». L’expression « accords de développement économique» marque, sur le plan contractuel, la désignation expresse de la finalité des rapports poursuivis par l’Etat93. Mais les accords de développement économique ne prennent pas toujours la forme de contrats d'Etat. En effet, ils peuvent par exemple être conclus entre Etats sous la forme d’accords de coopération94. En outre, les contrats d'Etat ne sont pas tous des accords de développement économique. Cette dernière affirmation signifie que certains contrats conclus entre Etats et sociétés multinationales, peuvent porter sur des prestations de fourniture de marchandises. Ces contrats s’inscrivent alors dans une perspective à court terme. Ce sont de simples accords commerciaux ponctuels dont l’ambition n’est pas le développement économique de l’Etat contractant. Ils seront en l’occurrence exclus de nos propos. Les contrats d’Etat, conclus dans un but de développement économique, sont l’objet de notre étude. En conséquence, lorsque nous emploierons les termes d’ « accords de développement économique », ce sera, sauf précision contraire expresse, en tant que synonyme des contrats que nous venons de définir et de circonscrire. Le but commun des contrats concernés par notre recherche est le développement de l’Etat hôte. Nous aurons clairement à l’esprit que les contrats dont nous souhaitons parler sont conclus pour une période relativement longue.

Les enjeux de ces accords sont d’importance et les projets s’inscrivent dans une orientation déterminée par les pouvoirs politiques. Mais pas seulement. En effet, à côté des pouvoirs politiques que sont les Etats, existent des pouvoirs économiques que sont les sociétés

91OLOUMI (Z.),Les nouveaux aspects des contrats d’hydrocarbures et le droit international du développement,

contribution à une étude juridique du partenariat public-privé en faveur du développement durable, thèse, Nice,

p. 31.

92La coopération est un moyen de collaboration, l’action d’opérer conjointement avec quelqu’un. Elle désigne également l’ensemble des actions visant à apporter de l’aide en matière économique, scientifique, technique et culturelle aux pays en voie de développement. D’après Le nouveau petit Littré, « Coopération », Garnier, 2009.

93

AUDIT (B.), « Jurisprudence arbitrale et droit du développement », CASSAN (H.) (dir.), Contrats

internationaux et pays en développement, Economica, 1989, p. 115, spéc. p.116. L’auteur cite également

LALIVE (J.-F.), « Contrat entre Etats ou entreprises étatiques et personnes privées. Développements récents»,

RCADI, volume 181, 1983, p. 9, spéc. p. 73 et s.

94

33

multinationales. Et les modalités des relations contractuelles entre Etats hôtes et sociétés privées ont longtemps été déterminées au large détriment des Etats contractants, en vertu de leur grande situation de dépendance. En effet, seules les grandes sociétés internationales disposent du financement et de la technologie nécessaires au développement des Etats d’accueil. Les difficultés économiques et sociales auxquels ces Etats font face depuis de nombreuses années95, leur large dépendance à l’apport économique des sociétés multinationales, l’absence de législation en matière environnementale et sociale mais aussi le fait que les impératifs économiques96 dominent au sein de ces contrats d’Etat97 ont constitué la grande faiblesse de ces Etats, entraînant ainsi de nombreuses conséquences dommageables. Ainsi, par exemple, les pays du Sud ont longtemps constitué le « déversoir » naturel des sous-produits indésirables de l’industrialisation98.

L’affaire du Probo Koala est en ce sens significative. Elle porte le nom d’un navire ayant déversé 500 tonnes de déchets toxiques autour de la ville d’Abidjan en Côte d’Ivoire en septembre 2006, après l’accord peu regardant des autorités compétentes. Cela a causé directement la mort de 17 personnes, des milliers d’intoxication et des dizaines de milliers d’autres victimes99. De façon plus précise, les relations contractuelles entretenues par les Etats du Sud avec les grandes sociétés multinationales ont constitué le cadre de grandes catastrophes environnementales et sociales. En matière environnementale, tel a été le cas d’un contrat pétrolier conclu par la société américaine Chevron-Texaco avec le gouvernement équatorien au milieu des années 1960, donnant lieu à un contentieux amorcé au début des

95La pauvreté, l’explosion démographique, les guerres civiles et ethniques, les affrontements pour le pouvoir et la corruption systémique rongent le cœur de ces sociétés. Les situations de crise et les faiblesses des Etats suscitent les comportements prédateurs, BRUNEL (S.), Le développement durable, PUF, 2009, p. 31.

96

C’est le cas par exemple en matière pétrolière. En effet, le pétrole est une ressource de plus en plus rare et de plus en plus chère. Il est cependant indispensable aux sociétés contemporaines. De ce fait, il constitue pour les pays riches de cette ressource une véritable opportunité car il est une arme économique, la principale source de leur développement et ces pays peuvent en augmenter le prix. Les pays consommateurs voient également dans le pétrole une opportunité. Cependant les intérêts sont antagonistes. En effet, ces derniers ont tout intérêt à se procurer cette ressource à des prix qui leur conviennent. Dès lors une véritable guerre économique autour du pétrole a lieu entre pays producteurs et pays consommateurs. Le contrat d’Etat en est un instrument. De ce fait, il est davantage un objet économique, politique, stratégique, voire diplomatique, mettant en jeu des intérêts économiques importants, souvent ceux du commerce international, OLOUMI (Z.), OLOUMI (Z.), Les enjeux du

contrat de production pétrolière offshore de Total avec l’Iran (13 juillet 1995), (Contribution à une étude du droit pétrolier comme enjeu du développement au Moyen-Orient), mémoire, université de Nice-Sophia Antipolis,

IDPD, 1997.

97

Au premier rang de ces impératifs économiques, la volonté d’attirer des capitaux étrangers.

98BRUNEL (S.), Le développement durable, PUF, op. cit., p. 30.

99HOPQUIN (B.), « L’odeur de l’argent », Le Monde, édition du 16 Octobre 2009. Voir également nos développements infra, deuxième partie, titre 1, chapitre 1) La recherche de principes généraux s’imposant à la volonté des parties, p. 263.

34

années 1990100. En effet, la société Chevron-Texaco, a été poursuivie pour rejet de déchets toxiques dans les forêts tropicales équatoriennes. On la soupçonne d’avoir sciemment déversé dès 1972, plus de 70 milliards de litres d’eaux polluées et d’avoir rejeté plus de 60 millions de litres de pétrole dans la forêt amazonienne. Les conséquences ont été nombreuses pour les victimes. Les substances déversées ont en effet pollué les rivières et les sols101, occasionnant cancers, dysenteries, fausses couches ainsi que de nombreuses malformations. Le 14 février 2011, à l’issue d’une longue procédure, un juge équatorien a condamné Chevron-Texaco à 8 milliards de dollars d’amende102. La société a interjeté appel de la décision103.

Cette affaire illustre bien la manière dont les contrats d’Etat se sont développés ces dernières décennies et les problématiques dans lesquels ces derniers s’inscrivent. En outre, si c’est le cas en matière environnementale, en matière sociale, les contrats d’Etat ont également été le terrain propice à de nombreuses violations notamment au regard des droits de l’homme et du travail104. En effet, les firmes multinationales ont souvent, dans le cadre des contrats d’Etat, été soupçonnées de participer à la violation de nombreux droits fondamentaux, en tant que complices d’Etats abusifs, auteurs d’actes graves comme le travail forcé. Cela a donné lieu à un contentieux très remarqué, datant du milieu des années 1990105. L’affaire Doe v. Unocal

Corp. en est une des plus célèbres illustrations. Au sein de ce conflit, la société Unocal, de

nationalité américaine, faisait partie d’un consortium pour la mise en œuvre d’un projet d’envergure106 en Birmanie. Des travailleurs birmans se sont plaints à cette occasion d’avoir

100VITERI GUALINGUA (C.), « Le Pétrole coule, la forêt saigne », courrier de l’UNESCO, avril 1999 ;

OLOUMI (Z.),Les nouveaux aspects des contrats d’hydrocarbures et le droit international du développement,

contribution à une étude juridique du partenariat public-privé en faveur du développement durable, thèse, Nice,

pp 538-539.

101Parmi les substances déversées, figuraient notamment du cadmium, du benzène, du toluène, de l’arsenic, du plomb ou encore du mercure.

102

« Un tribunal équatorien condamne le groupe Chevron à 8 milliards de dollars d’amende », LEMONDE.FR, consulté le 19 juin 2011.

103Ibidem.

104Voir nos développements supra, deuxième partie, titre 1, chapitre 1) La recherche de principes généraux s’imposant à la volonté des parties, p. 263.

105Ibidem.

106Le projet « Yadana » qui intéresse à la fois la Birmanie et la Thaïlande. Il s’agit d’un important projet d’exploitation de gaz en Birmanie. et de transport du gaz vers la Thaïlande. Le champ de gaz de Yadana est situé en mer d’Andaman, à 60 km environ de la côte birmane la plus proche. Sa durée de vie est estimée à trente ans. Il s'agit d'un champ important, offrant plus de 5300 milliards de pieds cubes de réserves (150 milliards de mètres cube). Le gaz de Yadana couvre 15 à 20% des besoins de la Thaïlande. Le développement de ce champ a été réalisé dans le cadre d'un contrat de partage de production classique associant quatre investisseurs : Total, opérateur, avec 31,2%, une filiale d’Unocal, (aujourd’hui, le pétrolier américain Chevron, à la suite de son acquisition d’Unocal en 2005), avec 28,3%, Petroleum Authority of Thailand Exploration & Production (PTT-EP), avec 25,5%, MOGE (Myanmar) avec 15%. Dans le cadre du projet, les partenaires construisent des installations en mer pour produire le gaz. En outre, une société à laquelle participent des filiales de Total et d'UNOCAL ainsi que MOGE et PTT-EP (la Moattama Gas Transportation Company, MGTC) a réalisé un

35

été enrôlés de force par des militaires afin de participer à la construction d’un gazoduc. Ces derniers ont intenté en 1996 une procédure devant les tribunaux américains pour complicité dans la pratique du travail forcé. L’affaire a également eu un volet européen, car elle a été portée devant les juridictions françaises et belges. Cela s’est fait respectivement en raison de la présence de la société française Total au sein du consortium et sur le fondement de la loi belge de compétence universelle, selon son dispositif en vigueur à l’époque, qui visait à réprimer les infractions commises en violation des Conventions de Genève de 1949 et des deux protocoles additionnels de 1977107. L’affaire a abouti à une transaction aux Etats-Unis, à une transaction et à un non-lieu en France. L’affaire n’a pas encore connu son épilogue en Belgique108.

L’affaire Doe v. Unocal Corp. est le point de départ d’une longue série de contentieux ayant trait aux relations entre Etats et entreprises privées étrangères et à la violation des droits de l’homme et des droits du travail. Dans une telle perspective, la responsabilité de la société pétrolière Shell a été recherchée pour avoir fourni de l’aide et assistance aux autorités nigérianes dans la zone pétrolifère du delta du Niger. Selon les victimes, la société Shell avait été complice des autorités étatiques dans l’exécution de leurs représentants et dans la planification de la répression ayant suivi des manifestations contre l’exploitation du pétrole dans la région, en procurant au gouvernement assistance logistique et financière109. A cette occasion, un militant nigérian, Ken Saro-Wiwa ainsi que d’autres membres du mouvement pour la survie du peuple Ogoni, minorité ethnique locale, avaient été tués. Il a été reproché à Shell des actes de complicité de crimes contre l’humanité et de graves violations des droits de

gazoduc sous-marin de 346 km, transportant le gaz jusqu’au rivage, prolongé par un gazoduc terrestre de 63 km, assorti d’unités de régulation et de mesure, pour l'acheminer jusqu’à la frontière avec la Thaïlande, qui achète l’essentiel de la production dans le cadre d’un contrat à long terme. La réalisation du projet s'est étalée de la fin 1995 au milieu de l’année 1998 et la production a démarré en juillet de cette même année, birmanie.total.com/, site de Total, consulté le 16 novembre 2011.

107

HENNEBEL (L.), « L’affaire Total-Unocal en Birmanie jugée en Europe et aux Etats-Unis », CRIDOH

(Cellule de Recherche interdisciplinaire en droits de l’Homme), Faculté de droit de l’Université catholique de Louvain, Centre de Philosophie du droit,

http://cridho.cpdr.ucl.ac.be/documents/Working.Papers/CRIDHO.WP.2006.09.pdf, document de travail, p. 16 ;

KAHN (P.),« Investissements internationaux et droits de l’homme », HORCHANI (F.),(dir.), Où va le droit de

l’investissement ? Désordre normatif et recherche d’équilibre, A. Pedone, 2006, p. 95.

108Voir nos développements supra sur l’affaire, deuxième partie, titre 1, chapitre 1) La recherche de principes généraux s’imposant à la volonté des parties, p. 263.

109

LIBERTI (L.), « Investissements et droits de l’homme », KAHN (P.), WÄLDE (T.), (dir.), Les aspects

nouveaux du droit des investissements internationaux, Académie de droit international de La Haye, Martinus

Nijhoff, 2007, p. 791 ; Wiwa v. Royal Dutch Shell, Portail judiciaire de La Haye,

http://www.haguejusticeportal.net/eCache/DEF/10/689.c2V0TGFuZz1GUiZMPUZS.html, consulté le 14 juin 2011.

36

l’homme comme la torture, les traitements inhumains et dégradants, les arrestations et détentions arbitraires. Les parties ont finalement transigé durant l’été 2009110.

Dans une perspective similaire, se trouve l’affaire opposant la société Talisman Energy et la République du Soudan à l’église presbytérienne du Soudan111. Dans ce contentieux, la société canadienne Talisman Energy, productrice de gaz et de pétrole a été poursuivie en 2001 devant les juridictions américaines112 pour avoir apporté son appui aux forces armées soudanaises pendant la guerre civile au Soudan. Selon la plainte, l’activité de Talisman Energy aurait notamment mené à de larges déplacements de populations en raison de la situation de ces dernières sur des territoires à vaste potentiel pétrolier. Les charges étaient particulièrement graves pour ces actes de complicité : nettoyage ethnique, meurtres, déplacements forcés, confiscation ainsi que destruction de propriétés, viols et réduction en esclavage. La plainte a été définitivement rejetée par une décision datant d’octobre 2009113.

Nous pouvons déduire de ces éléments le fait que si les contrats d’Etat ont longtemps occulté certaines questions sociales et environnementales, ces dernières se sont rappelées à eux, par le biais d’un contentieux en pleine émergence. On le voit, au-delà d’un certain nombre de droits fondamentaux, des problèmes de développement durable se posent en matière de contrats d’Etat. En somme, le développement durable a vocation à intégrer les politiques de développement des Etats du Sud. Ces dernières se réalisent notamment à travers les contrats d’Etat. Mais les contrats d’Etat se sont développés en totale contradiction avec les préoccupations de développement durable. En effet, davantage mus par des intérêts économiques, ces contrats ont en réalité occulté tout autre questionnement et ont été la cause de nombreuses atteintes sociales et environnementales. Toutefois, la nécessité et l’urgence de remédier à une réalité insupportable s’affirment avec autant d’acuité montrant par là même que les contradictions apparentes entre contrats d’Etat et développement durable dissimulent en réalité une complémentarité nécessaire. En droit, cette complémentarité existe en

110Ibidem.

111

Affaire Eglise Presbytérienne du Soudan c. Talisman Energy et la République du Soudan ou Talisman v.

Presbyterian Church of Sudan, portail judiciare de La Haye,

http://www.haguejusticeportal.net/eCache/DEF/11/092.c2V0TGFuZz1GUiZMPUZS.html, consulté le 14 juin 2011.

112

L’action a été introduite par l’Eglise presbytérienne du Soudan. La juridiction alors saisie se trouvait à New-York.

113Voir nos développements infra, deuxième partie, titre 1, chapitre 1) La recherche de principes généraux s’imposant à la volonté des parties, p. 263.

37

soubassement. Elle est rendue possible grâce à une mécanique d’interaction entre développement durable et contrats d’Etat et qu’il importe de mettre en lumière.

Ce phénomène s’explique. En effet, les contrats d’Etat ne sont en réalité aucunement détachés du contexte au sein duquel ils évoluent. Ils ont constitué, durant de nombreuses années, le cadre juridique exclusif des relations entretenues entre sociétés privées étrangères et Etats d’accueil. A tel point qu’au début des années 1970, le professeur Prosper Weil constatait: « Le

recours au procédé contractuel pour assurer les investissements étrangers dont tant de pays ont besoin pour développer leur économie constitue, on le sait, l’un des phénomènes les plus originaux des relations économiques contemporaines »114. Ce phénomène a fait du contrat d’Etat une source de droit à part entière et un instrument juridique autonome. Cependant, les contrats d’Etat ont toujours été affectés dans leur substance par le contexte politique, juridique, économique et social au sein duquel ils évoluaient. Ces facteurs extérieurs au contrat, qu’ils soient d’origine interne ou internationale, ont influencé les contrats d’Etat dans leur évolution. Ils constituent le « contexte extracontractuel » des contrats d’Etat. Ainsi, le cadre juridique aménageant les relations entre les sociétés privées et les Etats d’accueil n’a jamais été isolé des questions politiques, économiques et stratégiques soulevées par de tels contrats115. Le fait même que ces contrats soient qualifiés d’ « accords de développement économique » est le résultat de mutations sociales116.

Le contexte politique, économique, social international entraîne des changements qui affectent les contrats d’Etat. Le « pouvoir économique », la société multinationale, dispose du financement et de la technologie indispensables à la mise en valeur des ressources du pays d’accueil. Mais ses intérêts sont purement économiques et financiers. Le pouvoir politique, l’Etat où se trouvent de telles ressources, s’inscrit quant à lui dans une orientation de développement déterminée. De ce fait, les contrats économiques transnationaux que sont les

114WEIL (P.), « Les clauses de stabilisation ou d’intangibilité insérées dans les accords de développement économique », Mélanges offerts à Charles Rousseau. La communauté internationale, A. Pedone, 1974, p. 301.

115En ce sens, l’exemple des contrats pétroliers est probant. Voir à cet effet OLOUMI (Z.), Les enjeux du contrat

de production pétrolière offshore de Total avec l’Iran (13 juillet 1995), (Contribution à une étude du droit pétrolier comme enjeu du développement au Moyen-Orient), mémoire université de Nice-Sophia Antipolis,

IDPD, 1997.

116AUDIT (B.), « Jurisprudence arbitrale et droit du développement », CASSAN (H.) (dir.), Contrats

internationaux et pays en développement, Economica, 1989, p. 115, spéc. p.116. L’auteur cite également

LALIVE (J.-F.), « Contrat entre Etats ou entreprises étatiques et personnes privées. Développements récents»,

38

contrats d’Etat apparaissent comme l’acte de la dualité117 et comme un compromis entre les intérêts poursuivis. L’aménagement des rapports contractuels est donc tributaire de la stratégie et du poids de chacune des parties. L’engagement de l’Etat dans le processus de contractualisation s’explique par le fait que la souveraineté économique est garante de la souveraineté politique dans un monde où l’économique conditionne tout : le développement social, juridique, voire intellectuel. C’est la raison pour laquelle ces contrats sont en réalité l’expression d’une politique déterminée. On le voit, ces contrats mettent en jeu divers intérêts : nationaux, internationaux, publics, privés, économiques et extra-économiques. Certains d’entre eux mettent en jeu les intérêts de l’économie mondiale. Ils sont

Dans le document Contrats d'Etat et développement durable (Page 29-41)