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LE CARACTERE PROLIFIQUE DU PRINCIPE DE DEVELOPPEMENT DURABLE EN MATIERE DE NORMES DE DROIT MOU

Dans le document Contrats d'Etat et développement durable (Page 180-193)

PARAGRAPHE 2: L’IMPORTANCE DE LA SOFT LAW AU SEIN DU PLURALISME JURIDIQUE

A. LE CARACTERE PROLIFIQUE DU PRINCIPE DE DEVELOPPEMENT DURABLE EN MATIERE DE NORMES DE DROIT MOU

Les normes dont il est question sont des « engagements volontaires » qu’il convient de définir (1). Il importe ensuite de distinguer les engagements pris unilatéralement par les opérateurs privés du commerce international (2) de ceux passés entre sociétés et organisations de droit privé (3).

658Par l’adverbe « unilatéralement », il faut comprendre ici que c’est une partie qui s’engage vis-à-vis d’une autre. Si cela est particulièrement vrai pour une entité autonome qui s’oblige seule à travers des principes d’action, cela l’est aussi pour des entités d’un même secteur d’activité qui se regroupent afin d’élaborer des normes de conduite. Cette action est unilatérale car elle provient de l’engagement d’une seule partie à l’égard d’autres qui sont la société civile, les consommateurs et éventuellement les Etats, sans qu’aucune norme impérative ne leur impose un tel comportement.

183 1) La définition des engagements volontaires

Les engagements volontaires peuvent être définis comme une résolution qu’une entreprise prend au-delà des exigences légales en vigueur, d’améliorer sa performance sociale et environnementale659. L’OCDE distingue quatre principaux types d’engagements volontaires660.

Parmi les divers types d’engagements volontaires, il existe tout d’abord les programmes volontaires publics par lesquels les autorités publiques compétentes vont élaborer des normes auxquelles les entreprises privées seront libres ou non d’adhérer. Les entreprises participant à un tel programme acceptent librement les normes élaborées661.

Il existe ensuite les accords négociés entre les pouvoirs publics et les entreprises. Ces accords prennent la forme d’un contrat à l’échelon national, entre les pouvoirs publics et les professionnels d’un secteur662.

Le troisième type d’engagement volontaire réside dans les engagements unilatéraux pris par les entreprises elles-mêmes, que ce soit de façon spontanée ou qu’elles soient incitées à le faire. Nous pouvons à ce titre citer les nombreux codes de conduite ou chartes par le biais desquelles les sociétés se résolvent à respecter des normes sociales et environnementales.

Enfin, le quatrième type d’engagement réside dans des accords conclus entre partenaires privés. Passés entre entreprises et organisations de droit privé, de tels accords peuvent donner lieu à une « labellisation »663 ou à des processus de « normalisation ».

659ARNAUD (E.), BERGER (A.), de PERTHUIS (C.), Le développement durable, Nathan, 2008, p. 72.

660Ibidem.

661Il peut s’agir d’outils certifiant la mise en place d’un management environnemental ou la qualité écologique d’un produit. Dans un tel cas de figure, les entreprises sont justes libres d’adhérer ou non. En effet, les outils sont élaborés unilatéralement par les pouvoirs publics et les entreprises ne disposent de ce point de vue d’aucune liberté créatrice. L’adhésion et le fait de se conformer à de tels outils peuvent valoir à ces entreprises le droit de se prévaloir d’un label associé. D’après ARNAUD (E.), BERGER (A.), de PERTHUIS (C.), Le développement

durable, loc. cit.

662ARNAUD (E.), BERGER (A.), de PERTHUIS (C.), Le développement durable, loc. cit. ; Voir également sur

ce sujet, BALLANDRAS-ROZET (C.), Les techniques conventionnelles de lutte contre les pollutions et les

nuisances et de prévention des risques technologiques, thèse Lyon, 2005.

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Au regard de notre problématique, seules les deux dernières catégories d’engagements volontaires seront l’objet de notre attention. En premier lieu, les engagements unilatéraux pris par les sociétés transnationales.

2) Les engagements pris unilatéralement par les opérateurs privés du commerce international

Ces engagements unilatéraux peuvent être pris à l’initiative des opérateurs privés du commerce international eux-mêmes (a) ou sous l’égide d’organisations internationales (b). La question de leur juridicité se pose alors(c).

a) Les engagements pris à l’initiative des opérateurs privés du commerce international

Les codes de conduite privés apparaissent dans les années 1930 aux Etats-Unis. A cette époque, un Code d’éthique professionnelle circonstancié est établi par une association professionnelle664. Puis un Code de la publicité paraît en 1937. Celui-ci est révisé en 1973 et a figuré parmi les codes internationaux de pratiques loyales publiés par la Chambre de commerce international665. En droit international des affaires, la généralisation des codes de conduite a été amorcée par les sociétés transnationales en matière de transfert de technologie666. Aujourd’hui, tant en France qu’à l’international, on ne dénombre plus les codes de conduite, chartes667 et autres déclarations de principes ou de politiques sociétaires qui sont parfois multipliés par le nombre d’entreprises présentes sur les marchés. Ces engagements volontaires connaissent peut-être leur paroxysme avec l’avènement du développement durable et le concept de responsabilité sociale de l’entreprise. Imaginée par l’économiste américain Howard Rothmann Bowen668 dans les années 50 aux Etats-Unis, la responsabilité sociale des entreprises consiste en la prise en compte dans les décisions économiques des attentes environnementales et sociales des parties prenantes669. Ainsi, la question des engagements volontaires est liée au développement durable que ce soit en droit

664Il s’agit de la principale organisation professionnelle des conseils en organisation (Association of Consulting

Management engineers) constituée en 1933. Cité par FARJAT (G.), « Réflexions sur les codes de conduite

privés », Le droit des relations économiques internationales. Etudes offertes à Berthold Goldman, Litec, 1982, p. 47.

665Ibidem.

666Ibidem.

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La « Charte » est un acte juridique définissant solennellement les droits et devoirs. CORNU (G.), Vocabulaire

juridique, PUF, 9ème édition, 2011.

668BOWEN (H.R.), Social Responsibility of the businessman, New York, Harper & Brothers, 1953.

669DAUGAREILH (I.), « Introduction », DAUGAREILH (I.) (dir.), Responsabilité sociale de l’entreprise

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français ou en droit international. Dans l’ordre international, comme nous l’avons souligné, les sociétés multinationales ne sont soumises à aucune norme contraignante en matière de développement durable. Cela n’empêche pas le fait qu’elles s’engagent de façon unilatérale au respect de certaines normes auxquelles elles sont censées s’astreindre. Bien que la réalité et la sincérité de tels engagements puissent être discutées, nous devons avant tout nous interroger sur leur juridicité. Il convient au préalable d’identifier d’autres types d’engagements volontaires qui s’analysent en une série d’instruments conclus sous l’égide d’organisations internationales, censés associer les grandes firmes internationales aux pratiques de développement durable.

b) Les engagements pris sous l’égide d’organisations internationales

Parmi les engagements volontaires pris sous l’égide d’organisations internationales, nous pouvons en premier lieu citer le Global Compact ou Pacte mondial initié par l’ONU. Le Secrétaire général de l’ONU de l’époque, Monsieur Koffi Annan, avait évoqué l’idée du Pacte mondial dans un discours prononcé au forum économique de Davos, le 31 janvier 1999. Le Pacte a été initié par Monsieur Koffi Annan, et par trois organes onusiens : Le haut commissariat aux droits de l’homme (HCDH), l’Organisation internationale du travail (OIT) et l’Organisation des Nations Unies pour l’environnement (ONUE). Il s’appuie sur la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, sur Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, sur la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, sur la Convention des Nations Unies contre la corruption.

La phase opérationnelle du Pacte a été lancée au siège de l’ONU à New-York le 26 juillet 2000. A cette occasion, le Secrétaire général a invité les dirigeants de sociétés à se joindre à cette initiative internationale rassemblant les entreprises et organismes des Nations Unies, le monde du travail et la société civile autour de neuf principes universels relatifs aux droits de l’homme, aux normes du travail et à l’environnement670. Les dix principes du Global

Compact sont les suivants : soutenir et respecter la protection des droits de l’homme dans la

sphère de leur influence, s’assurer que leurs propres sociétés ne sont pas responsables d’abus de droits de l’homme, veiller au respect du principe de la liberté d’association et à la reconnaissance du droit aux associations collectives, veiller à l’élimination de toutes les

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formes de travail forcé ou obligatoire, veiller à l’abolition du travail des enfants, veiller à l’élimination de la discrimination dans le recrutement et l’évolution des carrières, prévenir les risques environnementaux, proposer des initiatives pour que soit mieux prise en compte la responsabilité environnementale, encourager le développement et la diffusion des technologies respectueuses de l’environnement, lutter contre toutes les formes de corruption.

L’Organisation internationale du travail s’inscrit ainsi dans l’élan de ces engagements volontaires. Les principes fondamentaux du droit du travail élaborés dans le cadre de cette organisation en sont un exemple parmi d’autres. Ainsi, l’OIT a réalisé un modèle de conduite671, pour la pratique, tiré de la pratique, conforme au droit social international. Il s’agit de la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, adoptée en 1998. Le modèle comprend quatre points que sont la liberté d’association672, l’élimination du travail forcé ou obligatoire, l’abolition effective du travail des enfants ainsi que l’élimination des discriminations en matière d’emploi et de profession673. L’élimination du travail forcé ou obligatoire ainsi que l’abolition du travail des enfants sont au cœur même du processus de développement durable. En 1977, l’OIT avait déjà élaboré un code, comprenant les principes directeurs relatifs à la politique sociale des entreprises multinationales. Il est important de rappeler que l’OIT est un organisme fonctionnant sur un mode tripartite associant en tant que membres les représentants des gouvernements, des employeurs ainsi que des travailleurs. De tels instruments ont vocation à amener les entreprises transnationales au respect des normes sociales considérées comme fondamentales.

Il importe de préciser que les codes de conduite sont une pratique constante de l’ONU674. Les pays en développement avaient émis, lors de l’émergence du droit international du développement, l’idée que les codes de conduite élaborés dans le cadre des Nations Unies prennent la forme d’un traité international. Ce positionnement n’a pas emporté l’adhésion des pays développés, craignant sans doute le caractère trop contraignant de pratiques dont ils voulaient avoir la libre maîtrise. Ces derniers ont préféré s’en tenir au respect des traités déjà signés, en vertu du principe Pacta sund servanda. Ils se sont également opposés à l’utilisation

671Voir nos développements supra, première partie, titre 1, chapitre 2, section 2, paragraphe 1, A), 2), b) Les principes relatifs aux droits sociaux, p. 137.

672KAHN (P.),« Investissements internationaux et droits de l’homme », HORCHANI (F.)(dir.), Où va le droit

de l’investissement ? Désordre normatif et recherche d’équilibre, A. Pedone, 2006, p. 289.

673Cette déclaration est consultable sur le site de l’OIT, http://www.ilo.org/declaration/lang--fr/index.htm

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du procédé conventionnel afin de réglementer les questions soulevées par les pays du tiers monde675.

Ont également été adoptés pour la première fois en 1976 et révisés en juin 2000, les principes directeurs de l’OCDE à destination des entreprises multinationales. Ce texte, adopté à l’origine par une trentaine de pays industrialisés, a appelé les milieux d’affaires à respecter les droits de la personne, l’environnement et à éliminer le travail des enfants. Si ces principes sont bien « à l’intention des firmes transnationales », ils ne leur sont pas directement adressés. En réalité, il appartient aux Etats destinataires de tenter à leur tour d’influer sur les comportements des sociétés. Les principes ne sont que de simples recommandations qui traduisent la réticence des gouvernements à ratifier un texte contraignant à l’égard de leurs propres entreprises676. Les 30 pays membres de l’OCDE ainsi que onze pays non membres677 ont adhéré à ces principes directeurs s’appliquant aux sociétés opérant dans et depuis ces pays. Ces principes s’appliquent depuis 2000 à toutes les entités des firmes multinationales (sociétés mères, filiales, entités locales)678. Les entreprises multinationales sont ainsi « tenues

d’encourager dans la mesure du possible, leurs partenaires commerciaux, y compris leurs fournisseurs et leurs sous-traitants à appliquer des principes de conduite des affaires conformes aux principes directeurs» 679. Les préoccupations de développement durable ont émergé en même temps qu’ont proliféré de tels instruments. Ces derniers relèvent d’une « soft

law » dont la juridicité est en plein questionnement.

c) La juridicité des engagements unilatéraux

En droit international public, la notion de « soft law » apparaît à la fin des années 1960680. En droit, les débats portant sur la juridicité de la soft law sont pléthoriques. Le qualificatif anglais « soft » désigne, dans sa traduction française, quelque chose de mou, dans sa première

675Ibidem.

676Commission nationale consultative des droits de l’homme, La responsabilité des entreprises en matière de

droits de l’homme. I. Nouveaux enjeux, nouveaux rôles. La documentation française, 2009, p. 104.

677Argentine, Brésil, Chili, Egypte, Estonie, Israël, Lettonie, Lituanie, Pérou, Roumanie et Slovénie.

678Commission nationale consultative des droits de l’homme, La responsabilité des entreprises en matière de

droits de l’homme. I. Nouveaux enjeux, nouveaux rôles, op. cit., pp. 105-106.

679

Commission nationale consultative des droits de l’homme, La responsabilité des entreprises en matière de

droits de l’homme. I. Nouveaux enjeux, nouveaux rôles, op. cit., p. 106.

680ABI-SAAB (G.), « Eloge du “droit assourdi”. Quelques réflexions sur le rôle de la soft law en droit international contemporain ». Nouveaux itinéraires en droit : hommage à François Rigaux, Bruylant, 1993, p. 59, spéc. p. 60.

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acception681. Il désigne également dans un même élan ce qui est doux, tendre, moelleux, soyeux, souple. Il peut enfin, entre autres, désigner une chose qui n’est pas assez forte, modérée. Il est intéressant de remarquer que le terme de soft est également traduit par la qualification : « not hard »682. Car en effet, la soft law ou droit mou, s’opposerait à la hard

law ou droit dur. Utilisé à l’origine par Lord Mac Nair en droit international « afin de désigner le droit en forme de propositions ou de principes abstraits, en opposition à la hard law, droit concret et opératoire, issu de l’épreuve judiciaire 683», le terme de soft law désigne

actuellement des règles dont la juridicité n’est pas strictement établie tant elle est débattue, remise en question, sujette à de nombreuses réflexions. La soft law a-t-elle seulement une valeur juridique ? Peut-on d’ailleurs la qualifier de « droit » ?

Selon le professeur Georges Abi-Saab, le qualificatif de « soft » peut, définir deux réalités particulières : le negotium et l’instrumentum. Si à travers le qualificatif de « mou », c’est le contenu même de la norme, ou le negotium, qui est désigné, dans ce cas, « on doit admettre

que des supports ou des instruments très durs tels les traités portent souvent des normes très molles dans le sens qu’elles ne sont pas suffisamment concrètes en tant que propositions normatives pour que leur application puisse se prêter à une vérification objective »684. Dans ce cas, bien que molle la norme n’en demeure pas moins « droit ». Elle ne perd en effet pas a

priori cette qualité, bien que l’ineffectivité de la norme puisse mener à son inapplicabilité. Si

par un tel qualificatif, l’instrumentum est désigné, « l’ambiguïté de son statut juridique ne

préjuge en rien le statut juridique de la norme qu’il porte. Ce statut doit simplement être recherché en allant au-delà de celui du support en tant que tel, pour établir la signification extrinsèque de cet instrument et des négociations et circonstances qui ont entouré son adoption, plutôt que de s’arrêter à sa valeur intrinsèque en tant qu’instrument ou titre juridique »685.

La réalité du droit international des affaires est celle de la multiplicité de ses foyers générateurs et en conséquence de la multitude des sources potentielles. Comme nous avons pu

681Traduction issue du dictionnaire Le Robert et Collins, 8ème édition, 2006.

682

Ibidem.

683ABI-SAAB (G.), « Eloge du “droit assourdi”. Quelques réflexions sur le rôle de la soft law en droit international contemporain », loc. cit.

684Idem, pp. 61-62.

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l’évoquer686, ce pluralisme juridique appelle à s’interroger autrement sur la juridicité des normes. Ainsi, on ne peut écarter d’emblée et a priori celle des règles issues du processus d’autorégulation, car il n’est pas exclu que les opérateurs privés aient vocation à créer du droit. En conséquence, la problématique nous paraît plutôt résider dans l’application de ces dernières. En ce sens, en droit international, le professeur Abi-Saab rejette l’idée en vertu de laquelle le terme de juridicité se limiterait à l’« obligatoriété »687 ou à la « justiciabilité »688.

En droit interne français, la règle de droit est définie en tant que toute norme juridiquement obligatoire (normalement assortie de la contrainte étatique), quels que soient sa source (règle légale, coutumière), son degré de généralité (règle générale, spéciale), sa portée (règle absolue, rigide, souple, etc.)689. Ainsi, un consensus est opéré au regard de la définition suivante : « Règle de conduite dans les rapports sociaux, générale, abstraite et obligatoire,

dont la sanction est assurée par la puissance publique »690. Même si au milieu du siècle dernier, Jean Dabin avait constaté combien il était difficile de donner de la règle de droit une définition satisfaisante691, l’idée en vertu de laquelle cette dernière serait celle de la contrainte, de la sanction et de la justiciabilité demeure prégnante.

En droit international, le critère de la contrainte en tant que marque distinctive du droit ne se pose pas dans les mêmes conditions. Cette dernière réside davantage dans la finalité qu’au départ de l’acte. Elle existe dans sa mise en œuvre. A cela est également liée l’idée de justiciabilité. Le professeur René-Jean Dupuy affirme en effet que : « L’inexistence de

sanctions de type drastique ne doit pas faire conclure à l’absence de règles juridiques. Les

686Voir nos développements supra, ce chapitre, section 1, paragraphe 1, A) Un droit marqué par la pluralité de normes, p. 174.

687ABI-SAAB (G.), « Eloge du “droit assourdi”. Quelques réflexions sur le rôle de la soft law en droit international contemporain », loc. cit. ; voir également CARBONNIER (J.), Flexible droit. Pour une sociologie

du droit sans rigueur, L.G.D.J., 1971.

688Selon la formulation du professeur Abi-Saab : « Et là aussi, nous devons éviter l’écueil du réductionnisme, car

juridicité ne signifie pas nécessairement obligatoriété et pertinence ou effet juridique ne se limite pas seulement à effet obligatoire ». Ainsi, ne qualifier une proposition normative de juridique que dans la mesure où cette

celle-ci est apte à être appliquée par un tribunal international, donc uniquement dans les cas où les droits et obligations qui en écoulent sont justiciables, est une analyse restrictive qui ne correspond pas à la réalité juridique. Selon les termes de l’auteur : « Cela disqualifierait une bonne partie des règles constitutionnelles et même du droit public

en général, pour ne pas mentionner le droit international ». L’auteur s’appuie notamment sur une décision de la

CIJ elle-même au sein de laquelle il a été énoncé : « L’existence d’obligations dont l’exécution ne peut faire, en

dernier ressort, l’objet d’une procédure judiciaire a toujours constitué la règle plutôt que l’exception ». Affaire du Sud-Ouest africain (deuxième phase), CIJ, Rec., 1966, p. 44, §86 ; ABI-SAAB, « Eloge du “droit assourdi”.

Quelques réflexions sur le rôle de la soft law en droit international contemporain ». Nouveaux itinéraires en

droit : hommage à François Rigaux, Bruylant, 1993, p. 59, spéc. pp. 62-63.

689CORNU (G.), Vocabulaire juridique, PUF, 9ème édition, 2011.

690GUINCHARD (S.), DEBARD (T.), (dir.), Lexique des termes juridiques, Dalloz, 19ème édition, 2011.

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deux plans normatifs et coercitifs ne se confondent pas »692. Cela fait de la soft law un droit différent. Nous reprenons ainsi l’argumentation du professeur Abi-Saab en droit international public. Pour ce dernier: « La soft law n’est ni du non-droit, ni une lex imperfecta, elle n’est

pas non plus toujours et nécessairement un droit en gestation, car il peut également s’agir d’un droit différent693. En ce sens, elle est « le produit final et non seulement une étape ou une

phase intermédiaire dans le cycle de vie du droit ; le produit voulu ou le plus approprié pour l’utilisation instrumentale qu’on envisage pour elle »694.

Les engagements volontaires peuvent aussi constituer du droit en formation. A ce titre, selon le professeur Abi-Saab, les règles de soft law « soulèvent une question épistémologique ou de

la sociologie de la connaissance: quels sont l’objet et le champ légitimes de l’investigation

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