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Contraintes liées aux méthodes de commande

2.3 Modèle dynamique associé aux manipulateurs mobiles à roues

3.1.3 Contraintes liées aux méthodes de commande

Nous n’avons pas encore abordé les méthodes de commande utilisées pour générer, à partir d’une consigne opérationnelle donnée, les consignes articulaires adéquates. Quoi qu’il en soit, nous pouvons d’ores et déjà indiquer que ces méthodes nécessitent souvent l’inver- sion explicite de ¯J (q)(ou de ¯B (q)) et sont donc confrontées à des problèmes numériques au voisinage des configurations singulières du système. Rappelons ici qu’une configuration singulière qs est une configuration du système pour laquelle le rang de ¯J (q) est diminué par rapport à sa valeur maximale. Au delà du problème numérique posé, une configura- tion singulière est symptomatique d’un blocage pour le système : instantanément il est très difficile, voire impossible, de se déplacer dans une ou plusieurs directions de l’espace opérationnel.

Le problème de la gestion des singularités a été extensivement étudié pour les bras manipulateurs (par exemple dans [Maciejewski 88]) et nous ne revenons pas ici sur les diverses approches proposées pour le gérer mais présentons plutôt l’approche qui a retenu notre attention : l’évitement de telles configurations et de leurs voisinages ou plus généra- lement, l’évitement des configurations du système pour lesquelles le problème d’inversion est mal conditionné et risque de générer des vitesses de consigne articulaires anormalement grandes et inaccessibles par les actionneurs.

Il faut donc s’intéresser à la notion de conditionnement d’une matrice. Pour cela rappe- lons que les configurations singulières du système sont celles qui annulent le déterminant de ¯J (q) ¯J (q)T. Pour une matrice de dimension m× δmob et de rang maximal en lignes telle que la matrice ¯J (q), le déterminant de ¯J (q) ¯J (q)T s’annule si et seulement si une ou plusieurs des m valeurs propres λi de ¯J (q) ¯J (q)Tsont nulles1. Les m racines positives des m valeurs propres de ¯J (q) ¯J (q)T sont appelées les valeurs singulières σi de ¯J (q). En les classant par ordre croissant σ1 ≥ σ2 ≥ · · · ≥ σm ≥ 0, le nombre de conditionnement de la matrice ¯J (q), noté c ¯J (q), est défini comme suit :

c ¯J (q)= σ1 σm .

En configuration singulière, σm = 0 et le problème est alors très mal conditionné. De manière plus générale, disons que plus c ¯J (q)est grand, moins le problème est correcte- ment conditionné. Il est donc nécessaire de connaître les configurations autour desquelles se posent ces problèmes de conditionnement. Pour des systèmes à plusieurs liaisons, cela n’est pas une tâche forcément aisée et une manière de résoudre ce problème pour les bras manipulateurs a été proposée par T. Yoshikawa ([Yoshikawa 90], chapitre 4) et étendue notamment par B. Bayle et al. au cas des manipulateurs mobiles à roues dans [Bayle 01b]. Elle consiste à construire une grandeur appelée manipulabilité du système et dont la valeur est une image quantitative de l’éloignement aux singularités ou encore de la capacité du système à produire des vitesses dans toutes les directions opérationnelles.

1

Les λi sont les solutions de l’équation det“ ¯J(q) ¯J(q)T− λIm

” = 0.

L’idée originale de T. Yoshikawa, transposée au cas des manipulateurs mobiles à roues, est de caractériser l’ensemble des vitesses opérationnelles accessibles ˙ξ qui sont telles que :

k˜umobk ≤ 1, (3.15)

où ˜umob = W umob avec W une matrice carrée de dimension δmob× δmob, symétrique et définie positive permettant de tenir compte de l’influence relative des différentes paramètres de commandes de umobsur les vitesses opérationnelles. La part de la solution au problème de cinématique inverse correspondant au mouvement opérationnel, dans le cas compatible (c’est à dire le cas où il existe au moins une solution exacte), s’écrit :

umob= ¯J (q)♯˙ξ. Soit encore :

˜

umob= W ¯J (q)♯ ˙ξ. Nous avons donc :

k˜umobk2 = ˜uTmobmob= ˙ξTJ (q)¯ ♯T W W ¯J (q)♯˙ξ ≤ 1, soit, W étant symétrique :

˙ξT W ¯J (q)♯T W ¯J (q)♯ ˙ξ ≤ 1

Nous montrons en B.4.2 qu’une inverse généralisée de ¯J (q) W−1 est W ¯J (q)♯, ce qui nous permet d’écrire, en utilisant le raccourci d’écriture ˜¯J (q) = ¯J (q) W−1 :

˙ξTJ (q)˜¯ ♯T J (q)˜¯ ♯˙ξ ≤ 1.

En choisissant l’inverse généralisée de ˜¯J (q) parmi les pseudo-inverses Mx−pondérées, nous obtenons : ˙ξTJ (q)˜¯ ⋆T Mx ˜ ¯ J (q)⋆M x ˙ξ ≤ 1.

Or, toute matrice ˜¯J (q)de dimension de m× δmob peut s’écrire sous la forme ˜¯J (q) = ˜

U (q) ˜D (q) ˜V (q)T où ˜U (q)et ˜V (q)sont deux matrices orthogonales et ˜D (q)une matrice diagonale de dimension m×δmobet dont la diagonale est composée des valeurs singulières ˜σi de ˜¯J (q) classées dans l’ordre décroissant. Cette décomposition est appelée décomposition en valeurs singulières de la matrice ˜¯J (q) (rappel en B.4.1.1). La méthode de calcul de

˜ ¯

J (q)⋆Mx en utilisant la décomposition en valeurs singulières de ˜¯J (q) est proposée par A. Ben-Israel et al. dans [Ben Israel 03]. Elle donne :

˜ ¯

J (q)⋆Mx = ˜V′(q) ˜D (q)+U˜′(q)T , avec les matrices ˜V′(q)et ˜U′(q)données en annexeB.4.1.2.

Ceci nous permet d’écrire la relation (3.15) sous la forme :

˙ξTU˜′(q) ˜D (q)+TV˜(q)T V˜(q) ˜D (q)+U˜(q)T ˙ξ ≤ 1.

Soit, ˜V′(q)étant My−orthogonale et My ayant été implicitement choisie comme l’identité (système compatible car ¯J (q) de rang plein) :



˙ξTU˜′(q)D (q)˜ +T D (q)˜ +U˜(q)T ˙ξ ≤ 1.

En notant˜˙ξ = ˜U′(q)T ˙ξ, cela devient

˜˙ξTD (q)˜ +T D (q)˜ +˜˙ξ ≤ 1. En observant que ˜D (q)+ a la structure suivante :

˜ D (q)+=  Im O(δmob−m)×m   1 ˜ σ1 1 ˜ σ2 . . . 1 ˜ σm T , où σ˜1

iest remplacé par 0 quand ˜σi = 0, nous aboutissons finalement à la relation :

m X i=1, ˜σi6=0 ˜˙ξi ˜ σi !2 ≤ 1. (3.16)

Ceci représente l’équation d’une ellipsoïde dans l’espace opérationnel. Ces axes princi- paux sont les colonnes de ˜U′(q) et les rayons associés sont les ˜σ

i. Son volume est propor- tionnel au produit ˜σ1σ˜2. . . ˜σm.

A partir de là, plusieurs grandeurs sont définies qui représentent toutes une mesure de manipulabilité. Celle que nous retenons, notée ωb, est le produit des valeurs singulières de

˜ ¯

J (q). Il est aussi possible de montrer que ωb = r

det ˜¯J (q) ˜J (q)¯ T. Cette mesure est comme nous l’avons dit proportionnelle au volume de l’éllipsoïde et la maximiser revient, en terme de configuration du système, à s’éloigner des configurations singulières et donc à éviter les problèmes de conditionnement lors de l’inversion cinématique. Ainsi la contrainte secondaire liée aux méthodes de commande s’écrit :

max (ωb) . (3.17)

Choix de la pondération W Plusieurs pondérations sont possibles. La plus simple consiste à choisir l’identité et cela revient à considérer que chacune des commandes dans umobpeut influencer la vitesse opérationnelle indépendamment d’éventuelles restrictions sur les vi- tesses ou sur les accélérations des actionneurs. Afin de tenir compte de telles restrictions, W peut être choisie comme une matrice diagonale dont les éléments diagonaux sont l’inverse des vitesses maximales possibles pour les commandes correspondantes. Cela revient à nor- maliser umobpar rapport aux vitesses maximales de chacune de ses composantes. Pour aller plus loin, cette pondération peut être choisie comme étant l’inverse de la matrice d’inertie du système (roues orientables mises à part). Ceci permet de tenir compte de la répercussion de la dynamique du système sur les capacités motrices des actionneurs. T. Yoshikawa nomme la mesure de manipulabilité associée à cette pondération manipulabilité dynamique ([Yoshikawa 90]).

Autres considérations autour de la manipulabilité La notion de manipulabilité peut être étendue, de manière duale, à l’étude de la capacité du système à exercer des efforts opérationnels. La direction préférentielle pour le mouvement opérationnel est associée au plus grand axe de l’ellipsoïde de manipulabilité. Du point de vue des efforts, cette direction correspond à celle dans laquelle il est difficile d’exercer des efforts et, inversement, la direction opérationnelle préférentielle du point de vue des efforts correspond à celle dans laquelle il est difficile de générer des mouvements opérationnels ([Walker 94], [Kim 00]). Utiliser une mesure de manipulabilité peut aussi être une solution pour limiter le pic d’effort au moment de la transition au contact.

Notons aussi les approches où la mesure de manipulabilité est calculée en tenant compte de la vitesse opérationnelle désirée à chaque instant ([Zlajpah 96˘ ]). Des tests effectués dans le cadre du travail de DEA de M. Prigent ([Prigent 04]) montrent que cette approche :

– nécessite une connaissance a priori de la trajectoire de l’OT ;

– tend à favoriser les mouvements opérationnels dans les directions où le grand axe de l’ellipsoïde de manipulabilité est de taille maximale autrement dit, à placer le système dans des configurations pour lesquelles la jacobienne du système est mal conditionnée, générant ainsi des problèmes de commande.