• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 4 DÉMARCHE EXPÉRIMENTALE

4.3 Contraintes expérimentales

Les contraintes expérimentales majeures du plan d’expérience présenté à la Section 4.1 sont reliées aux propriétés du CuF2. Ce composé est un fluorure volatil, peu stable (corrosif) et faiblement hygroscopique. Ces propriétés du CuF2 requièrent certaines précautions pour assurer la sécurité des expérimentateurs et l’intégrité des appareils de mesures, tout en assurant une démarche expérimentale assurant des résultats fiables. Le Tableau 4.2 résume et caractérise les propriétés contraignantes associées à l’étude expérimentale du CuF2 et propose des mesures de contingence possibles pour les mitiger.

Tableau 4.2: Considérations pour l’étude à haute température de systèmes chimiques impliquant le CuF2

Propriété

contraignante Caractérisation Précaution Volatilité L’étude du CuF2 à haute

température en système ouvert a démontré une perte de masse rapide [31-34]

• Système fermé

• Système de captation des vapeurs

Faible stabilité et corrosivité

Le CuF2 est un des fluorures les moins stables, selon la séquence d’Ellingham des fluorures de la Figure 4.3.

• Creuset fait de métaux nobles

• Système fermé et étanche pour éviter la contamination des appareils de mesure

Hygroscopicité Gain de masse de 3% d’un échantillon de CuF2 exposé à l’air ambiant pendant 21h (voir Section 4.4)

• Manipuler en boite à gants

• Exposer l’échantillon à un courant de HF(g)

• Passer à l’étuve

Premièrement, la volatilisation de l’échantillon est importante à haute température, près du point de fusion du CuF2. Le gaz est notamment composé de CuF, de CuF2, de Cu2F4 et de polymères de CuF (Cu2F2, Cu3F3, Cu4F4 et Cu5F5) [34]. Cela rend difficile d'étudier le CuF2 en creuset ouvert sans encourir d’importantes pertes de masse de l’échantillon. De plus, la libération de ce gaz risque de contaminer les appareils d’analyse thermique (ATD ou DSC), dont plusieurs constituants et capteurs sont vulnérables à la corrosion. Il est donc nécessaire d’effectuer les mesures à haute température sur le CuF2 dans des ampoules scellées ou des capsules fermées.

Deuxièmement, les fluorures de cuivre sont peu stables par rapport aux autres fluorures. Cela ajoute une contrainte supplémentaire quant au choix de creuset pour contenir le CuF2, tout en évitant la réduction de ce dernier par le creuset. Pour les analyses thermiques, les creusets (ou les revêtements internes) utilisés sont généralement l’alumine (Al2O3), la zircone (ZrO2), l’yttria (Y2O3) ou le graphite (C) [77]. La Figure 4.3 présente la séquence d’Ellingham des fluorures de différents métaux entrant dans la composition des creusets les plus souvent utilisés à des fins d’analyses thermiques, sous la forme d’oxydes ou de nitrures. Dans ce diagramme sont présentées les variations d’énergie de Gibbs pour différentes réactions de formation de fluorures à partir d’une mole de fluorure gazeux F2 en fonction de la température. Les courbes associées aux réactions de formation de CuF et de CuF2 par fluoration directe du cuivre sont calculées à partir des énergies de Gibbs des composés purs, tels que définis dans le présent travail (Table 5.2). Toutes les autres courbes présentées dans la Figure 4.3 sont calculées à partir de la base de données FactPS disponible avec le logiciel FactSage™ [14-16]. Il est possible de comparer les stabilités relatives des espèces fluorées à différentes températures grâce au diagramme de la Figure 4.3. Par exemple, on pourrait considérer un creuset de nitrure de bore (BN), ce matériau étant souvent choisi comme creuset pour l’étude des fluorures. Cependant, comme la courbe de l’énergie de Gibbs de formation calculée du BF3 est située sous celle du CuF2 pour toutes températures entre 0 et 1500°C, le fluorure de bore est plus stable que les fluorures de cuivre. Le BN n’est donc pas un matériau de creuset adéquat pour l’étude du CuF2.

Figure 4.3: Séquence d’Ellingham des fluorures.

De plus, le creuset en CaF2 avec de la poudre de quartz (SiO2) utilisé par Haendler et al. [32] (Sous- section 2.2.1) n’est pas stable en présence de CuF2. En effet si on s’intéresse aux deux réactions suivantes à 785°C, soit la température de fusion du CuF2 rapportée par Haendler et al., on constate que l’énergie de Gibbs est négative dans les deux cas. Il serait donc possible que le creuset ait réagi avec l’échantillon de CuF2. La température de fusion du CuF2 mesurée par ce groupe pourrait plutôt être la température d’un certain eutectique binaire ou ternaire formé dans le système Cu, Ca, Si // F. 𝐶𝑢𝐹2(𝑠) + 𝐶𝑎(𝑠) = 𝐶𝑎𝐹2(𝑠) + 𝐶𝑢(𝑠) ∆𝐺785°𝐶 = −665 𝑘𝐽/𝑚𝑜𝑙 (4-3) 2𝐶𝑢𝐹2(𝑠) + 𝑆𝑖𝑂2(𝑠) = 2𝐶𝑢𝑂(𝑠) + 𝑆𝑖𝐹4(𝑔) ∆𝐺785°𝐶 = −102 𝑘𝐽/𝑚𝑜𝑙 (4-4) Troisièmement, le CuF2 a été identifié comme étant un composé hygroscopique par plusieurs auteurs [31, 32, 34, 49, 53]. Cette propriété apparait sur les fiches des fournisseurs de ce réactif. En préparation de cette étude expérimentale, cette propriété du CuF2 a été évaluée. Il apparait que le CuF2 est un composé faiblement hygroscopique, qui s’hydrate pour former du CuF2∙2H2O

Cu + F2 = CuF2 2/3 Y + F2 = 2/3 YF3 2 Y + F2 = 2 YF Zr + F2 = ZrF2 2/3 Zr + F2 = 2/3 ZrF3 1/2 Zr + F2 = 1/2 ZrF4 2/3 Al + F2 = 2/3 AlF3 2 B + F2 = 2 BF Pt + F2 = PtF2 1/2 Pt + F2 = 1/2 PtF4 2 Zr + F2 = 2 ZrF 1/3 Pt + F2 = 1/3 PtF6 1/2 C + F2 = 1/2 CF4 2/3 B + F2 = 2/3 BF3 2 Cu + F2 = 2 CuF Ni + F2 = NiF2 2/3 Au + F2 = 2/3 AuF3 2 Ag + F2 = 2 AgF T(°C) De lt a G °( kJ ) 0 200 400 600 800 1000 1200 1400 -1000 -800 -600 -400 -200 0 200

(détails en ANNEXE A). Lorsque cet hydrate est chauffé, il se décompose sous la forme de CuO [34] pouvant se réduire partiellement ou totalement en Cu2O en fonction des conditions du milieu. La présence d’oxyde(s) fait dévier la composition globale du système par rapport au joint binaire Cu-F. Plus l’absorption d’eau de la substance pure est importante, plus les résultats d’une analyse thermique sont biaisés, puisqu’ils témoignent d’équilibres ternaires du système Cu-O-F et non des équilibres binaires à l’étude. Un autre inconvénient majeur de l’absorption d’eau par l’échantillon est la réaction à haute température de l’eau avec l’échantillon fluoré pour former de l'HF(g). Cela est problématique lors de la montée en température, car chaque mole d’H2O du système réagit pour former deux moles d’HF(g). Dans le cas d’un système fermé, cette réaction cause une augmentation de la pression interne. À ce facteur, on ajoute la dilatation du gaz inerte présent initialement dans le système et la tension de vapeur de l’échantillon à haute température, qui ont chacun un impact sur la pression. Une pression du système élevée augmente les risques de fuites gazeuses, ce qui est dangereux pour la sécurité de l’expérimentateur en raison de la nature toxique de HF(g). Effectivement, les accidents reliés à HF, autant par contact cutané que par inhalation, représentent le plus haut facteur de risque en laboratoire [84]. Des précautions par rapport à ce risque sont donc incontournables.

Diverses précautions sont possibles pour prévenir l’absorption d’eau par l’échantillon : manipulation et réalisation des tests sous atmosphère inerte d’azote ou d’argon (manipulation en boite à gants, flux de gaz inerte constant lors des tests), exposition à HF(g) et/ou passage à l’étuve à environ 110°C pendant plusieurs heures avant la réalisation des essais. Une caractérisation chimique par DRX des échantillons avant et après les manipulations pour mesurer le contenu en oxygène de l’échantillon est essentielle. Si des hydrates ou des hydroxyfluorures de CuF2 sont détectés dans le réactif, un traitement thermique peut être effectué (Réactions 2-16 à 2-18).

Toutes ces contraintes rendent nécessaire d’étudier le CuF2 dans une cellule fermée spécialement conçue à cet effet et aux dimensions du détecteur utilisé. Par exemple, pour l’étude par DSC des fluorures, le groupe de Beneš et al. [85] a développé une technique innovante d’encapsulation des fluorures résistante au gonflement. Il s'agit d'une cellule composée d’un creuset en acier inoxydable, scellée par un bouchon en nickel et une bague en inox et fermée par un boulon en acier. Les critères de conception, de fabrication et d’utilisation en DSC de ce type de capsule seront abordés plus en détail aux Sections 4.4 et 5.2.3.