• Aucun résultat trouvé

Les contraintes

Dans le document Le grand livre du home studio (Page 146-149)

Écoutes et casques

6.1 Les contraintes

Fabriquer industriellement une bonne enceinte acoustique à un prix raisonnable n’est pas si facile. Il faut respecter des contraintes mécaniques, des lois physiques, des for-mules électriques, tout en assurant, au final, une écoute de qualité sur le plan musical.

Cet art délicat repose sur de nombreux compromis : améliorer tel aspect se traduit le plus souvent par des conséquences néfastes pour tel autre…

6.1.1 Bass reflex ou enceinte close ?

La réponse dans les graves constitue un bon exemple de cette recherche de compromis.

Elle est déterminée, entre autres, par le diamètre et le débattement du haut-parleur (également appelé transducteur) ainsi que par les dimensions du coffret qui l’abrite, la masse d’air et la charge acoustique arrière…

Pour étendre la réponse dans les graves, on peut « aider » le boomer à l’aide d’un évent – trou débouchant en face avant ou arrière, relié à un tube interne traversant l’enceinte. Avantage : au voisinage de la fréquence de résonance de cet évent (généra-lement calculée pour être comprise entre 30 et 80 Hz, celle-ci est déterminée par sa longueur et son diamètre), la masse d’air qu’il contient « accompagne » en phase les déplacements du haut-parleur. Tout se passe donc comme si la surface de membrane de ce dernier était augmentée : 220 mm de diamètre virtuel au lieu des 170 mm réels, par exemple.

Mais là encore, les compromis sont nombreux : lorsque le boomer est très sollicité, la vitesse de l’air dans l’évent augmente, ce qui se traduit par des bruits parasites dus à des turbulences à sa sortie. Par ailleurs, le haut-parleur lui-même est moins maîtri-sable, engendrant à l’écoute des graves un peu « pâteux » aux limites de la fréquence de résonance naturelle du transducteur. À forte puissance, le haut-parleur se trouve déséquilibré : d’un côté, une paroi de coffret fermée, de l’autre des trous permettant de communiquer avec l’air ambiant. Pour certaines fréquences du spectre, l’énergie émise par l’évent n’est pas en phase avec celle émise par le haut-parleur lui-même.

Autrement dit, elle n’arrive pas en même temps à l’oreille. Autre problème : la masse d’air mise en mouvement possède une certaine inertie, créant une impression de traînage par rapport à un boomer travaillant en enceinte close et radiation directe bien contrôlée. Enfin, en dessous de la fréquence de résonance du boomer, la courbe de réponse s’écroule beaucoup plus brutalement que si le haut-parleur était monté sans évent. Autre facteur à surveiller: en dessous de la fréquence de résonance de

© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

6.1 LesContraintes 131

l’évent, tout se passe comme si le haut-parleur n’était pas chargé acoustiquement.

Autrement dit, si elles n’ont pas été filtrées, des fréquences très graves (plosives, bruit de manipulation, bruits infrasoniques issus d’une platine vinyle dans le cas d’appli-cations DJ) se traduisent par des excursions très importantes, puisque le boomer n’est plus amorti par quoi que ce soit : il peut alors être endommagé, voire rendre l’âme. Ce problème n’existe pas dans le cas d’une enceinte close, puisque le volume d’air enfermé dans le coffret de l’enceinte amortit le boomer en permanence.

En résumé, les enceintes de type bass reflex présentent des limites, susceptibles de créer des conditions d’écoute trompeuses dans le cadre d’une création musicale.

Cependant, elles sont très courantes dans l’offre des produits home studio du fait de leur faible coût.

Il existe d’autres types de charges auxiliaires plus évoluées afin d’aider un boomer dans le grave : cavités couplées, labyrinthe (PMC), haut-parleur passif voire radiateur auxiliaire (Mackie). Elles donnent parfois d’excellents résultats mais pour un prix net-tement plus élevé que les modèles bass reflex.

6.1.2 Écoute analytique et écoute récréative

Un monde (électro-acoustique) sépare l’écoute « récréative », telle qu’on la pratique sur sa chaîne hi-fi et l’écoute « critique » indispensable en studio… Aussi, même si leur écoute est agréable en hi-fi, les enceintes flatteuses ou colorées, au grave généreux et à la stéréo élargie, sont à proscrire en home studio, où la linéarité prime par rapport à des critères plus « subjectifs ».

Même si la frontière entre écoutes de studio et enceintes domestiques s’est beaucoup atténuée ces dernières années, une paire d’enceintes bien étudiées et bien construites reste indispensable en home studio pour éviter les mixages déséquilibrés, les balances bancales, les voix stridentes ou les graves empâtés… De façon générale, ces « moni-teurs » supportent davantage de puissance et sont plus tolérants aux erreurs (par exemple, un effet Larsen aigu) que les enceintes hi-fi – sans parler des enceintes

« multimédias » pour ordinateur, de puissance réduite, au caisson de basses toni-truant et aux transducteurs large bande trop médiocres, tout juste bonnes pour les jeux vidéo, mais qu’on retrouve souvent comme premier équipement en informatique musicale.

Considérer l’enceinte comme une source sonore et l’oreille comme un micro est une approche intuitivement séduisante, mais trop réductrice. L’enceinte est intimement couplée avec le local d’écoute dans lequel elle se trouve, au point d’adopter ses défauts.

Ainsi, même si on a l’impression qu’elle rayonne son énergie de façon ciblée, les nom-breuses réflexions sonores, inévitables, sur les murs, le plafond et toutes les surfaces non amorties (figure 6.1) déforment le son perçu. En effet, le système auditif humain n’a rien à voir avec un micro, notre cerveau fonctionnant de façon totalement diffé-rente des appareils de mesure. Il intègre l’énergie sur une bonne dizaine de millise-condes d’une façon encore mal connue, fusionnant en une même perception sons

132 Chapitre 6 – ÉCoutesetCasques

directs et réflexions. En conséquence, même si une enceinte possède une courbe de réponse plane dans l’axe (relevée en chambre anéchoïque), elle peut apparaître colorée dans les conditions d’écoute réelles, soit qu’elle émette son énergie sonore de façon décalée ou mal maîtrisée, avec des interférences destructives et des effets de filtre en peigne, soit que le local, avec des réflexions marquées, vienne creuser des trous et des bosses dans le spectre (des variations de 15 à 20 dB à certaines fréquences ne sont pas rares…).

Figure 6.1 – Recombinaison de l’onde sonore réfléchie sur un mur arrière. L’énergie sonore réfléchie revient en phase (a) à certaines fréquences, en opposition de phase (b) à d’autres, ce

qui provoque obligatoirement des creux et des bosses plus ou moins marqués dans la courbe de réponse globale. Le même principe s’applique à toutes les réflexions survenant dans le local

d’écoute : surface de travail, vitres, murs non amortis, panneau de console…

Dans ces conditions, l’acquisition d’écoutes de bonne qualité constitue un investis-sement rentable, qui s’amortit sur nombreuses années, alors que le reste du matériel à tendance à évoluer plus rapidement. La mode actuelle est aux enceintes légèrement

« pointues » dans l’aigu, à la limite de l’agressivité parfois. Ce côté flatteur peut séduire de prime abord, mais devient vite lassant. Mieux vaut choisir une enceinte plus équi-librée, qui peut paraître terne en comparaison, mais se révèle à long terme plus fidèle et mieux équilibrée.

© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Dans le document Le grand livre du home studio (Page 146-149)