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1.2 Généralités sur les moteurs à propergol solide

1.2.4 Contrôle de la poussée

Afin de moduler la poussée au cours du temps, il faut contrôler le débit de gaz généré. L’équation (1.5) indique qu’il faut alors soit influer sur la vitesse de régression du propergol, soit sur la surface. La composition d’un pain de propergol étant uniforme, sa vitesse de régression ne dépendra à un instant t que de la pression dans la chambre, comme indiqué par l’équation (1.6). Un bilan de masse sur le moteur montre que la variation de masse de gaz dans la chambre est la résultante de la production de gaz par le propergol moins les

Figure 1.8 – Contrainte en fonction du temps en plusieurs positions le long d’un booster lors de sa mise à feu, issue de [Salita 2001]

gaz expulsés à travers la tuyère, ce que l’on peut écrire : dρcVc dt = Abvbρp | {z } (1)A c pc | {z } (2) (1.7)

où ρcest la masse volumique des gaz dans la chambre de combustion, Vc le volume gazeux de la chambre, qui augmente au cours du temps, A est la section du col de la tuyère, pc la pression dans la chambre et c la vitesse caractéristique de la tuyère définie à l’équa-tion (1.16). Le terme de gauche de l’équal’équa-tion (1.7) correspond à la varial’équa-tion de masse de gaz de propergol dans la chambre. Le terme (1) correspond à la quantité de gaz générée par la combustion du propergol, donnée par l’équation (1.5). Le terme (2) correspond au débit de masse qui passe par le col de la tuyère, d’après les équations 1D isentropiques, donné par l’équation (1.15). La génération de gaz fait apparaître la vitesse de régression vb, qui est une fonction de la pression de la chambre à la puissance n, comme indiqué par l’équa-tion (1.6). Le débit sortant est quant à lui directement foncl’équa-tion de la pression chambre. Une valeur de l’exposant n inférieure à 1 assure que le débit de gaz quittant la tuyère augmente plus vite que la génération, évitant la divergence du système. Des valeurs typiques pour l’exposant n varient entre 0,3 et 0,7 [Turner 2008].

Une fois la composition du propergol déterminée, c’est en modifiant la surface dispo-nible à la combustion que l’on peut programmer la courbe de poussée du moteur. Le para-graphe 1.2.1.2 page 27 montre comment le propergol est consumé par tranches successives

dans son épaisseur. Généralement, les moteurs ont une section circulaire avec au centre un canal, à la paroi duquel la flamme se développe, qui conduit les gaz jusqu’à la tuyère. La flamme avance progressivement vers les parois, perpendiculairement à la surface du propergol. En faisant varier la géométrie de la section du canal, on peut alors contrôler l’évolution de la surface disponible à la combustion, et donc la pression dans la chambre. Pour cela, lors de la coulée du propergol, il est possible d’utiliser des noyaux de formes différentes : conique, cylindrique, étoilée, moon burner, C-shaped, dog bone ou encore en dendrites. Le schéma visible en figure 1.9 permet d’appréhender l’effet de la disposition du propergol sur la montée en pression pour trois formes classiques de propergols : un cœur conique, un cylindrique et un étoilé. Chaque courbe se décompose en trois temps, comme

p (ou F ) temps 1 2 3 étoilé cylindrique conique

Figure 1.9 – Gauche : montée en pression d’un moteur à propergol solide pour un chargement conique, cylindrique ou étoilé ; droite : vue en coupe des canaux des propergols avec les surfaces de com-bustion successives en pointillés, chacune séparée d’un court laps de temps

indiqué pour la courbe du pain cylindrique de la figure 1.9 : 1. l’allumage (cf. sec. 1.2.3) ;

2. la combustion nominale, pendant laquelle le front de flamme consume le propergol sans rencontrer les parois du moteur ;

3. la fin de la combustion, lorsque la flamme atteint les parois du moteur, la production de gaz chute alors très rapidement.

Les figures de droites permettent de suivre l’évolution de la surface de combustion à mesure que la flamme consomme la poudre. Les formes avec des ramifications (étoilé avec 5, 7 ou 9 branches, dendrite ou encore dog bone) ont une très grande surface disponible dès l’allumage, et procurent ainsi un temps de montée en pression du moteur très court. Puis rapidement, les branches sont consumées et la surface diminue, entraînant une chute de la pression. La durée de combustion est courte et la pression maximale atteinte est élevée.

En revanche, un pain avec un canal cylindrique ou conique offre une surface en constante augmentation, jusqu’à consommation totale du propergol. Les canaux coniques présentent surtout un avantage lors de la conception du pain de propergol, le noyau étant plus facile à retirer que sur un bloc cylindrique. On classifie ainsi les évolutions de pression en trois groupes :

– les combustions progressives, pour lesquelles la surface de combustion et la pression augmentent pendant la durée de combustion (noyaux cylindriques ou coniques par exemple) ;

– les combustions neutres, pour lesquelles la surface de combustion et la pression sont constantes pendant la combustion (un cylindre brûlant par ses faces interne et ex-terne par exemple) ;

– les combustions régressives, pour lesquelles la surface de combustion et la pression décroissent pendant la combustion (noyau étoilé, dendrite).

Afin de programmer précisément la poussée du moteur, il est courant de donner aux seg-ments une géométrie différente. Trois segseg-ments sont utilisés dans les boosters d’Ariane 5 : le segment avant est étoilé, pour permettre une mise en pression rapide, et les deux autres sont coniques. Les boosters de la navette spatiale, qui embarquent deux fois plus de propergol, étaient composés de quatre segments. Dans les deux cas, la forme des canaux est étudiée pour diminuer la poussée des moteurs pendant la période de contrainte de vol la plus importante, i.e. quand le lanceur subit les plus fortes contraintes dynamiques (por-tance et traînée). Le chapitre 5 de la référence [Turner 2008] traite du calcul des contraintes dynamiques et de l’adaptation du plan de vol pour minimiser les charges.

Contrairement aux essais de combustion de propergol en laboratoire, lors d’un tir de mo-teur, l’écoulement à la paroi a une vitesse tangentielle importante. La longueur importante du moteur permet aux gaz d’accélérer dans le canal, pour atteindre une vitesse importante à l’entrée de la tuyère. Les conditions environnantes en fond avant et en fond arrière sont donc assez différentes : les gaz sont relativement immobiles en fond avant, et en déplace-ment en fond arrière. De plus, ils apportent constamdéplace-ment de l’énergie à la flamme en fond arrière. Ceci entraîne une combustion plus rapide en fond arrière, et donc une consom-mation plus importante de propergol, qui s’épuisera plus vite qu’en fond avant : il s’agit de combustion érosive. Si ce phénomène n’a pas été anticipé, il peut causer une baisse de poussée, ou une défaillance de la structure. Afin d’y remédier, le canal a une section co-nique qui va en s’élargissant à l’approche de la tuyère. Le volume plus important permet de diminuer la vitesse de l’écoulement, et ainsi de minimiser les effets de la combustion érosive.