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Streptococcus pneumoniae (le pneumocoque) est une bactérie responsable d'un grand

nombre d'infections dans le monde entier et à tout âge, et est associé à une

morta-lité et une morbidité non négligeables (environ un million de morts par an dans le

monde) [2]. Les principales infections provoquées par le pneumocoque sont les otites,

les sinusites, les pneumonies, les méningites et les bactériémies. Ces infections sont

principalement communautaires, c'est-à-dire liées aux échanges de la population au

sein de la communauté par opposition aux échanges hospitaliers.

Le pneumocoque se transmet par contact direct avec les sécrétions du nez ou de la

gorge d'un porteur. Les bactéries peuvent également se propager par des

microgoutte-lettes aérosolisées projetées lors de la toux ou des éternuements, ou encore par contact

oral d'une personne à l'autre [3]. La transmission est fréquente mais l'infection est

in-habituelle car des personnes en bonne santé peuvent être porteuses de pneumocoque

sans en être infectées [4]. Jusqu'à 40 % des individus en sont porteurs dès la

pre-mière année de leur vie. Le pneumocoque touche principalement les enfants de moins

de deux ans, les personnes âgées et les personnes immuno-décientes [3]. À l'échelle

mondiale, cette bactérie cause chaque année environ un demi million de décès chez

les enfants de moins de 5 ans [2].

La vaccination anti-pneumococcique a été introduite à partir des années 2000 an

5

6 1.1. Contexte de santé publique

Figure 1.1 Estimation annuelle de l'incidence des infections invasives communautaires à

pneu-mocoque en France par groupe d'âge entre 1998 et 2008 (source EpiBAC). Extrait du document

Impact de la vaccination par le vaccin antipneumococcique conjugué heptavalent sur l'incidence des

infections invasives à pneumocoques en France, Analyse des données de 2008" de l'INVS.

de réduire le nombre d'infections invasives communautaires à pneumocoque (IICP)

comme les méningites, les bactériémies et les pneumonies. Le caractère invasif signie

un certain niveau de gravité, impliquant le passage de la batérie dans l'un des milieux

stériles tels que le sang et la plèvre. Aux États-Unis, cette vaccination, introduite dès

l'année 2000, conduit à une diminution des IICP chez les jeunes enfants comme chez

les personnes âgées [5]. En France, la vaccination anti-pneumococcique par le vaccin

conjugué heptavalent a été recommandée, à partir de 2003, aux enfants de moins de 2

ans présentant des risques d'IICP. En 2006, les recommandations pour ce vaccin ont

été élargies à l'ensemble des enfants âgés de moins de 2 ans. La gure 1.1 présente

l'in-cidence des IICP en France par tranche d'âge de 1998 à 2008 mise en ligne par l'InVS

en 2010 [6]. Les deux populations principalement touchées par ces infections sont les

enfants de moins de deux ans et les personnes âgées de plus de 65 ans. L'incidence

des IICP chez les jeunes enfants, population cible de la vaccination, diminue depuis

2000 et plus particulièrement depuis 2003. Cependant, pour les autres classes d'âge,

l'augmentation initiée avant 2003 ne semble pas être modiée par la vaccination [6].

La résistance bactérienne aux antibiotiques est, depuis plusieurs décennies, un

vé-ritable problème de santé publique dans le monde entier, et ce quel que soit le niveau

de développement des pays [7,8]. L'émergence des bactéries multi-résistantes, comme

le Staphylococcus aureus résistants à la méticilline ou les entérobactéries productrices

deβ-lactamases à spectre étendu conduisent à des dicultés thérapeutiques, pouvant

entraîner le décès des patients faute d'avoir une antibiothérapie adaptée [1, 8, 9]. Le

nombre d'antibiotiques disponibles et ecaces diminue sans perspective de

remplace-ment à cause de la diculté à trouver de nouvelles molécules [7,10].

Les mécanismes d'acquisition de résistances ainsi que l'émergence de ces bactéries

multi-résistantes sont pour une grande part naturels et inévitables, mais également

liés à de multiples facteurs. Le facteur le plus admis à ce jour est l'exposition aux

anti-biotiques [1,9]. La consommation trop importante d'antianti-biotiques favoriserait

l'émer-gence et la sélection de souches résistantes. Goossens et al. ont montré une corrélation

entre l'exposition aux antibiotiques et la proportion de souches bactériennes

résis-tantes au sein d'une même population [1].

En France, en 2002, la proportion d'isolements invasifs de Streptococcus pneumoniae

résistants aux β-lactamines et aux macrolides (deux classes d'antibiotiques

principa-lement utilisées contre le pneumocoque) étaient les plus élevées d'Europe [11] (Figures

1.2, 1.3). Aussi, au début des années 2000, la population française était l'une des

po-pulations européennes les plus exposées aux antibiotiques (Figure 1.4). La population

des enfants de moins de 7 ans constituait la population la plus exposée, avec une

exposition trois fois plus importante que celle de l'ensemble de la population

fran-çaise [12].

Pour lutter contre cette consommation excessive d'antibiotiques, le gouvernement

français a lancé en 2001 un plan national visant à réduire l'usage des antibiotiques

an de préserver leur ecacité. Les diérentes actions menées ont ciblé à la fois les

professionnels de santé et le grand public avec notamment une campagne nationale

audiovisuelle dont l'un des slogans phares était Les antibiotiques, c'est pas

automa-tique !". Cette campagne amorcée en 2002 était reconduite chaque année avec pour

période cible la période hivernale (période pendant laquelle la consommation est

maxi-male). Son évaluation a montré que la consommation communautaire d'antibiotiques

8 1.1. Contexte de santé publique

Figure 1.2 Proportion d'isolements invasifs de Streptococcus pneumoniae résistants à la péniciliine

(marqueur de la famille des β-lactamines). Extrait du rapport de l'EARSS 2002.

pendant les périodes hivernales sur la période de 2002 à 2007 avait diminuée de près

de 30% par rapport aux années pré-campagne (2000-2002) [13]. Cependant, depuis

2008, la consommation d'antibiotiques semble se stabiliser, voir ré-augmenter [14].

Dans de nombreux pays, une surconsommation d'antibiotiques est notée, associée

notamment aux infections respiratoires, qui dans la plupart des cas sont d'origine

virale et ne nécessite pas l'usage des antibiotiques. Ces infections constituent l'un des

principaux motifs de prescription d'antibiotiques en ville [1517].

De plus, il existe une relation étroite entre les virus grippaux et certaines bactéries

virulentes comme le pneumocoque [18, 19]. De nombreuses études montrent une

re-lation chronologique entre infection grippale et surinfection pulmonaire et suggèrent

fortement une relation de causalité [2024].

Les infections invasives communautaires à pneumocoque sont des marqueurs de santé

publique. Avec l'introduction de la vaccination anti-pneumococcique, une réduction

de ces infections était attendue chez les enfants de moins de 2 ans. Cependant, alors

qu'aux États-Unis, Lexau et al. [5] ont montré une diminution des infections à

pneu-mocoque chez les personnes agées depuis l'introduction de la vaccination, en France,

un tel constat n'est pas visible. En eet, le graphique de l'InVS montre que ces

in-Figure 1.3 Proportion d'isolements invasifs de Streptococcus pneumoniae résistants à

l'érythro-mycine (marqueur de la famille des macrolides). Extrait du rapport de l'EARSS 2002.

Figure 1.4 Consommation communautaire d'antibiotiques dans 26 pays européens en 2002. Extrait

de l'article de Goossens 2005 [1]

10 1.1. Contexte de santé publique

Indicateur d'exposition 1 Exposition aux antibiotiques Indicateur d'exposition 2 Indicateur vaccinal

Facteur de confusion potentiel Syndromes grippaux Indicateur de santé Infections à pneumocoque

Q

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Figure 1.5 Problématique de thèse schématisée.

fections augmentent chez les personnes de plus de 2 ans (Figure 1.1). On peut se

demander les raisons d'une telle diérence d'évolution. D'une part, la consommation

française d'antibiotiques était particulièrement élevée au début des années 2000, et

d'autre part, cette consommation a diminué, notamment lors des périodes hivernales,

à partir de 2002. L'hypothèse de cette thèse est la suivante : cette modication de

l'usage des antibiotiques en France n'aurait-elle pas eu un eet collatéral conduisant

à une ré-augmentation de ces infections invasives ?

L'objectif de cette thèse est d'étudier la dynamique des infections à pneumocoque

et de la mettre en relation avec les deux interventions de santé publique ainsi que

les infections virales. Ces dernières seraient à la fois associées à un nombre important

de prescriptions d'antibiotiques lors des périodes hivernales et à une augmentation

du nombre d'infections invasives à pneumocoques. La gure 1.5 présente de façon

schématique la problématique de cette thèse.