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Le contexte de réforme scolaire

Chapitre 5 : Présentation et analyse des résultats

5.2 Facteurs de l’attrition identifiés au sein de l’échantillon

5.2.12 Le contexte de réforme scolaire

Les participants ont affirmé que plusieurs aspects de la réforme de l’éducation ont influencé leur décision. Néanmoins, les propos à cet égard sont assez éclectiques et nous les avons synthétisés au sein d’un facteur nommé Contexte de réforme scolaire. Nous avons procédé ainsi, puisqu’à l’analyse des propos des participants, nous avons observé que c’est davantage le climat d’adaptation et d’incertitude qui a suivi l’implantation de la réforme qui a contribué à la décision de quitter l’enseignement que la réforme en elle-même. Ce facteur représentait 4 % des codes et le contexte de réforme scolaire a influencé la décision de quitter la profession enseignante pour 13 participants (50 %).

D’abord, parce qu’une réforme amène inévitablement des changements dans les habitudes qui ne sont pas nécessairement souhaités ou perçus comme nécessaires; essentiellement, on change pour changer.

« Faut que tu changes de programme, que tu réétudies encore tous tes programmes ». (P225)

« Qu'on cesse de nous amener des psychologues, des psychiatres de tel pays avec des formules dont on n'a jamais entendu parler et qui ne fonctionne pas dans notre milieu. La réforme actuelle a été rejetée aux États-Unis en 1960, tous les pays l'ont rejetée sauf nous. Ça fait en sorte qu'on avance, on avance et on ne va nulle part avec ça et combien de temps ? On est en train de sacrifier la génération actuelle. » (P217)

Ensuite, parce que ladite réforme, qui est devenue en cours de route le Renouveau pédagogique, entrainait une transformation en profondeur des pratiques d’enseignement. C’est-à-dire que pour prendre le virage du succès, il fallait passer du paradigme de l’enseignement au paradigme de l’apprentissage (Cerqua & Gauthier, 2010). Pour illustrer l’ampleur des changements amenés par la réforme, il faut mentionner qu’elle préconisait une approche résolument constructiviste, en favorisant la pédagogie du projet, la résolution de problèmes et l’apprentissage par les situations complexes. Il va sans dire qu’elle entrainait aussi un changement majeur dans les pratiques en orientant l’enseignement en fonction du développement des compétences de l’élève.

« Il y a ça qui est choquant de la réforme, c'est qu'ils ont vraiment voulu développer une formation qui allait préparer des citoyens au marché du travail, d'essayer de combler des besoins. Alors que, peut-on former des citoyens critiques, réfléchis, qui ont des connaissances, qui ont une belle culture? Et après ça, ils choisiront bien le métier qu'ils veulent. » (P126)

« La réforme, quand je suis sortie de l'université, j'étais vraiment convaincue de son utilité. On travaillait beaucoup avec, on la comprenait, mais dans le concret, dans une classe, ce n'est pas nécessairement comme dans un livre. » (P111)

De plus, les participants ont déploré que son implantation ait été faite sans le soutien nécessaire à une telle refonte des pratiques et avec très peu de considération pour la quantité de travail supplémentaire qu’impliquaient de telles approches pédagogiques.

« Le gouvernement n'y a pas cru non plus, dans le sens où il n'a pas mis les structures pour que les gens puissent s'adapter à la réforme. Ça n'a pas été fait, donc ils se sont fiés sur les éditeurs puis les conseillers pédagogiques, puis arrangez-vous. » (P210)

« Il me semble que tout le monde dans le bac disait c'est le socioconstructivisme, il faut laisser les enfants découvrir le savoir, tout ça. Mais, on nous enseignait avec des exposés magistraux tout le temps, pendant trois heures! Donc, on n'a pas eu d'exemples de ce que c'était la construction de savoirs, la base de la réforme. » (P228)

« Au niveau des projets, je me donnais à fond, il n'y avait jamais rien de pareil, je n'avais pas de modèle, on ne suivait pas dans des documents. C'était toujours pondre du nouveau, pondre du nouveau, pondre du nouveau. Un moment donné, on s'essouffle avec ça. » (P118)

Certains ex-enseignants ont affirmé que l’implantation de la réforme a influencé leur décision parce que cette dernière s’est rapidement érigée en dogme et qu’elle préconisait de façon marquée une approche plutôt qu’une autre. De nombreux enseignants y ont vu une atteinte à leur autonomie professionnelle et les individus que nous avons rencontrés ne font pas exception.

Par ailleurs, les fondements empiriques de la réforme ont été plusieurs fois remis en questions au cours des dernières années, confirmant en cela le scepticisme de certains enseignants (Bissonnette, Richard, & Gauthier, 2006; Cerqua & Gauthier, 2010). En apportant cet élément, nous ne cherchons pas à nous positionner par rapport à la réforme. Nous souhaitons simplement soulever le fait que ces débats d’approches et de méthodes pédagogiques semblent avoir entrainé des situations conflictuelles entre les collègues. Certains participants ont affirmé s’être sentis jugés et parfois même isolés et cela indépendamment de la position qu’ils défendaient.

« Au sujet de la réforme, j'ai vu pratiquement des coups de poings sur la gueule entre gens qui s'opposaient. Si on n'était pas là-dedans, si on n'était pas avec eux, on était contre eux. » (P228)

En terminant, il semble que quoi qu’ait été l’influence de la réforme sur les résultats des élèves, elle a certainement contribué à envenimer les relations entre les collègues dans certains milieux.

5.2.13 Les caractéristiques des écoles

Bien qu’ils n’aient constitué que 1,6 % des codes, des propos relatifs à ce facteur ont tout de même été tenus par la moitié des participants (n=13). Nous pensons que la faible représentation de ce facteur dans le contenu des discussions s’explique par le fait qu’il est étroitement lié à d’autres facteurs et que les discussions ont vraisemblablement bifurqué sur d’autres sujets. À ce propos, ce facteur présente des liens évidents avec le manque de ressources, la gestion de classe et les facteurs sociaux.

Figure 10 : Composantes du facteur Caractéristiques des écoles

Les discussions ont notamment fait ressortir l’effet négatif de l’école privée sur la clientèle scolaire. Les participants ont affirmé que leur tâche est plus difficile en raison des écoles privées qui s’accaparent les meilleurs élèves. Une situation qui serait accentuée par l’implantation de programmes sélectifs au sein même de l’école publique.

« Quand j’étais au privé, j’enseignais les arts plastiques. Écoute, je n’en faisais pas de discipline, je n’en faisais pas. En 50 minutes, je donnais plus de matières

Clientèle, 42%

Type, 35% État physique,

15%

que dans 1h15 au public, parce que dans 1h15, je perdais au moins 30 minutes à faire de la discipline. » (P203)

« Il y a un clivage entre privé et public, mais aussi un clivage entre les écoles publiques. Tu sais les écoles publiques qui sélectionnent leurs élèves. » (P228) De même, le piètre état de certaines écoles a été mentionné par quelques participants pour expliquer leur décision de quitter. Ces participants ont souligné le manque de cohérence entre la mission de l’école et l’état physique des établissements. Ils ont dit qu’ils préféraient quitter que de devoir travailler dans de telles conditions. Nous présentons quelques propos qui démontrent l’état lamentable de certains établissements.

« Comment tu veux dire aux élèves respecte la classe ? Tu ne peux pas si c’est crotté partout. » (P111)

« Je ne comprenais pas, je me suis dit il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Il y avait des trous partout et il n’y avait rien. C’était quatre murs et des trous. » (P102)

« C’est juste un minimum de base. Je veux dire : je respecte mon école, je respecte ce lieu. Cet environnement, nous le respectons, la société le respecte. J’ai l’impression que ça, ça n’existe même plus. » (P113)