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Les conditions de travail

Chapitre 2 : Recension des écrits

2.2 Les facteurs liés au contexte organisationnel

2.2.3 Les conditions de travail

Cette section présentent les aspects relatifs à l’organisation du travail ainsi que les aspects administratifs qui conditionnent et supportent le travail enseignant. Plusieurs chercheurs ont observé des corrélations significatives entre la perception des conditions de travail et l’attrition des enseignants. Il semble que plus les enseignants évaluent les conditions de travail de façon négative, plus les probabilités de l’attrition augmentent. Ainsi de nombreux auteurs soulignent qu’il s’agît d’un des plus importants facteurs de l’attrition des enseignants (Guarino, & al., 2006; Ingersoll, 2001). Nous tenterons donc de résumer les éléments des conditions de travail qui semblent associés le plus fortement à l’augmentation des taux d’attrition.

2.2.3.1 La charge de travail

Plusieurs écrits présentent la charge de travail comme un facteur prépondérant de l’attrition des enseignants (Karsenti, & al., 2008; Leithwood & McAdie, 2007; Shakrani, 2008). Quand ils parlent de la charge de travail, les enseignants réfèrent principalement aux éléments suivants : une grande quantité de paperasse administrative à remplir (Kersaint, & al., 2007), un temps de préparation généralement très court lorsqu’ils acceptent une charge d’enseignement, l’obligation d’effectuer des tâches durant les moments de pause (dîner ou récréation) et l’envergure du travail à

réaliser en dehors des heures de classe (Kirsch, 2006). Ce dernier élément semble d’ailleurs être une source de frustration importante, car en dépit du nombre considérable d’heures investies en dehors du temps de classe, les enseignants ont l’impression que cette partie de leur travail n’est pas considérée ni rémunérée adéquatement.

2.2.3.2 Le soutien administratif

Le manque de soutien administratif est régulièrement cité comme un facteur de l’attrition (Guarino, & al., 2006; Kersaint, & al., 2007). Les études quantitatives démontrent que dans les écoles où l’on rapporte plus de soutien offert par la direction d’établissement, les taux d’attrition sont moins élevés (Borman & Dowling, 2008; Ingersoll, 2001). Ce constat est confirmé par les études qualitatives qui identifient le manque de soutien de la direction comme un des facteurs de l’attrition (Karsenti, & al., 2008). Certains ex-enseignants estiment que la prépondérance du rôle d’administrateur des directions d’établissement scolaire nuit à la qualité du soutien offert, ce qui rendrait la tâche particulièrement difficile pour les enseignants débutants (Kirsch, 2006).

2.2.3.3 La collaboration et la concertation avec les collègues

En dépit des résultats de recherches qui suggèrent que la collaboration et la concertation entre les enseignants favorisent la rétention (Kersaint, & al., 2007), il semble que le travail enseignant s’effectue malgré tout dans l’isolement (Shakrani, 2008). À ce propos, les écrits sur l’attrition rapportent que les établissements qui offrent davantage d’opportunités de travailler en collaboration présentent des taux d’attrition nettement plus faibles (Borman & Dowling, 2008; Guarino, & al., 2006). Les études réalisées dans le contexte canadien identifient aussi l’absence de concertation et de collaboration avec les collègues comme un facteur de l’attrition (Karsenti, & al., 2008; Kirsch, 2006).

2.2.3.4 Le niveau d’autonomie et le pouvoir décisionnel

Le peu d’influence sur les politiques scolaires est une source d’insatisfaction importante pour les enseignants (Shakrani, 2008). Cette dimension semble aussi avoir un impact sur l’attrition. En effet, les établissements permettant une plus grande participation des enseignants au processus décisionnel présenteraient des taux d’attrition plus bas (Ingersoll, 2001). Il est pertinent d’approfondir l’observation d’Ingersoll à ce propos. En mesurant l’influence des enseignants sur le processus décisionnel à l’aide d’une échelle de Likert à 6 points, le chercheur a observé qu’une augmentation subtile de 1 point entrainait une diminution de 26 % dans la probabilité de l’attrition. Cela indique qu’une légère augmentation de l’influence des enseignants sur le processus décisionnel pourrait avoir un impact positif sur l’attrition. D’autres chercheurs ont indiqué que le niveau d’autonomie pourrait aussi être un facteur à considérer. Dans une recension des écrits sur l’attrition des enseignants, ceux-ci ont observé que les établissements scolaires offrant plus d’autonomie aux enseignants dans l’organisation de leur travail ont des taux d’attrition plus faibles (Guarino, & al., 2006).

2.2.3.5 Le soutien à l’insertion professionnelle

Les auteurs s’entendent généralement sur le fait que les conditions dans lesquelles s’effectue l’insertion professionnelle ont un impact sur la persévérance dans le métier (Gingras & Mukamurera, 2008; Guarino, & al., 2006; Martineau & Presseau, 2003). Ainsi, il semble qu’aux endroits où l’on supporte les nouveaux enseignants par le biais de programmes organisés d’insertion professionnelle, on note des taux d’attrition moins élevés (Borman & Dowling, 2008). Ces constats sont cohérents avec les résultats d’autres recherches qui démontrent l’effet positif des programmes de mentorat sur la rétention (Kersaint, & al., 2007; Shakrani, 2008).

De plus, de nombreux auteurs s’interrogent sur le type de tâche qu’on attribue aux enseignants débutants. On déplore ainsi le fait que de nombreux enseignants se voient attribuer des tâches particulièrement difficiles en début de carrière (Borman & Dowling, 2008; Gingras & Mukamurera, 2008; Kirsch, 2006). Une solution avancée consisterait à offrir des tâches allégées aux débutants afin de soutenir leur développement professionnel avant de les confronter à des tâches complexes (Kersaint, & al., 2007; Kirsch, 2006).

2.2.3.6 Les conditions salariales

Un nombre considérable d’études mentionnent que le salaire est un facteur important de l’attrition des enseignants (Gritz & Theobald, 1996; Hammond & Onikama, 1997; Ingersoll, 2001; Kersaint, & al., 2007; Loeb, & al., 2005; Macdonald, 1999; McCreight, 2000; Stinebrickner, 2002). Le salaire, que les enseignants considèrent peu élevé relativement aux exigences de la profession, serait le reflet de la faible valorisation de l’enseignement (Kirsch, 2006). Il apparaît aussi que le salaire est corrélé positivement avec la rétention (Guarino, & al., 2006). De même, dans les régions où les salaires des enseignants sont plus élevés, on remarque que les enseignants resteraient plus longtemps en enseignement que dans les endroits où l’on perçoit un salaire moindre (McCreight, 2000). Les salaires des enseignants québécois étant uniformisés au sein d’une échelle unique, il n’existe donc pas de disparités régionales. Néanmoins, les résultats de McCreight (2000) fournissent des indications quant à l’attrait important qu’exerce une rémunération plus élevée.

En somme, on peut voir que la relation entre l’attrition et le salaire des enseignants a été beaucoup étudiée. Cependant, malgré les constats des chercheurs, les décideurs politiques hésiteraient à prendre des actions en ce sens en raison des impacts économiques et préféreraient les solutions non-monétaires en ces temps de restrictions budgétaires (Macdonald, 1999).