• Aucun résultat trouvé

Contexte des mesures en réacteurs expérimentaux : Material Testing Reactor

CHAPITRE 1 : CAPTEUR PIEZOELECTRIQUE POUR ENVIRONNEMENT HOSTILE

3. Contexte des mesures en réacteurs expérimentaux : Material Testing Reactor

Les réacteurs expérimentaux sont des installations nucléaires dans lesquelles on crée et on entretient une réaction en chaîne pour obtenir un flux de neutrons, en vue de l’utiliser pour l’expérimentation. Ces installations permettent de caractériser et de tester des éléments en vue d’une utilisation ultérieure dans un réacteur de production d’énergie. Il est important d’équiper ces réacteurs de capteurs pour le suivi en temps réel des modifications qui interviennent au sein des éléments caractérisés.

29 3.1. Environnement MTR

Afin de concevoir un capteur pour de tels réacteurs, il est important définir les conditions environnementales du réacteur.

Les performances d’un réacteur expérimental se caractérisent tout d’abord par les radiations qu’il émet :

 Le « spectre » de neutrons produits, correspond à la répartition en énergie de ces neutrons qui, selon la conception du cœur du réacteur, sera représentative d’un spectre de neutrons « thermique » (faible énergie < 0,625 eV) ou d’un spectre de neutrons « rapide » (forte énergie > 0,9 MeV).

 Le « flux » de neutrons produits va de 105 neutrons/cm2.s à plus de 1015 neutrons/cm2.s.

La conception et les caractéristiques de chaque réacteur expérimental sont définies par l’application recherchée. Leurs applications peuvent être très spécifiques avec des caractéristiques de flux bien précises ou tendre vers une orientation plus polyvalente balayant un large spectre d’émission de neutrons. Les neutrons créés dans les réacteurs expérimentaux sont utilisés en premier lieu, pour la réalisation d’expérimentations relatives au développement des réacteurs de production électronucléaire de puissance, et pour une meilleure compréhension des phénomènes existants, ainsi que pour la validation et la qualification des solutions retenues.

Les trois grandes catégories de réacteurs expérimentaux sont :

 Les « maquettes critiques » d’une puissance inférieure à 1kW, ce sont des réacteurs destinés à valider les calculs neutroniques des réacteurs de puissance.

 Les « réacteurs d’essais de sûreté », ce sont des réacteurs destinés à l’étude des situations accidentelles.

 Les « réacteurs d’irradiation technologique » d’une puissance de l’ordre de 100MW, ce sont des réacteurs destinés à l’étude et à la qualification des matériaux de structures et de combustibles.

Nous nous intéressons principalement à la dernière catégorie de ces réacteurs que sont les réacteurs d’irradiation technologique. Ils jouent un rôle de premier plan qui est de qualifier sous l’effet de l’irradiation dans les réacteurs électrogènes, les principaux composants de ces derniers, à savoir les matériaux et combustibles mais aussi

30

l’instrumentation et les capteurs. En Figure 12, nous présentons une photo de la vue de dessus d’un de ces réacteurs, le réacteur OSIRIS.

Figure 12 : Vue de dessus du réacteur piscine OSIRIS.

Tout comme les centrales nucléaires, les réacteurs expérimentaux doivent répondre à des normes de sécurité drastiques. De plus, ces réacteurs doivent répondre à des demandes émanant de l’Autorité de Sûreté, relatives aux aspects neutroniques comme les niveaux de criticité, les marges de réactivité et l’efficacité des barres de sécurité. Pour cela, une instrumentation spécifique et adaptée est nécessaire, dosimètres, détecteurs, thermocouples et capteurs.

On distingue deux types d’instrumentation, l’instrumentation placée à l’extérieur du cœur, ex-core et celle placée à l’intérieur, in-core. Cette dernière a la particularité de devoir être capable d’assurer sa fonction première de mesure, tout en supportant un bombardement très intense de neutrons et de gamma.

Les capteurs doivent présenter de nombreuses caractéristiques pour être adaptés à cet environnement.

La miniaturisation, en raison des faibles sections utiles dans les dispositifs expérimentaux

La fiabilité, car la maintenance en milieu radiatif rend toute réparation quasiment impossible.

La précision, en raison des exigences scientifiques toujours plus grandes.

La résistance aux rayonnements nucléaires qui engendrent des dégradations sur l’ensemble des capteurs. Ces dommages ont été introduits précédemment dans la partie II.2.

31

La résistance aux hautes températures, car les températures de fonctionnement des réacteurs expérimentaux peuvent être supérieures à 300°C mais aussi car les rayonnements nucléaires peuvent engendrer des échauffements en réactions avec les matériaux.

La résistance à la corrosion, car les expériences sont généralement conduites en eau pressurisée ou en métal liquide (NaK).

Pour ces raisons, il est nécessaire de prendre des précautions quant aux choix des matériaux et de tout l’empilement du capteur ainsi qu’aux méthodes de mesure employées. A chaque fois que cela est possible il est recommandé de déporter les systèmes de mesure hors du flux neutronique.

On trouvera dans un réacteur de recherche un grand nombre d’instrumentations de mesure en support à l’exploitation, et d’autres développées pour les besoins de la recherche et du développement. Chaque dispositif inséré dans un canal dédié comprendra son propre diagnostique lié aux paramètres physiques que l’on souhaite évaluer sous bombardement neutronique. Le tableau présenté Figure 13 présente un récapitulatif des besoins de mesure en réacteurs expérimentaux avec notamment l’indication de la mesure de gaz de relâchement des gaz de fission pour lequel le capteur REMORA présenté ci-après est dédié.

32 3.2. Capteur type REMORA

Le développement du capteur REMORA est orienté autour du développement d’un capteur de caractérisation du relâchement de gaz de fission au sein des MTR. L’évaluation du relâchement des gaz de fission dans les crayons de combustible, est déterminée par la mesure simultanée de la pression interne des crayons et de la température du combustible. Toutefois, cette mesure ne fournit pas de renseignements sur la nature des gaz relâchés. Cette information est pourtant nécessaire pour la compréhension des modifications subies par le combustible lors de l’irradiation.

C’est pourquoi le CEA, en collaboration avec l’Institut d’Electronique et des Systèmes, a développé et utilisé, lors d’une précédente expérience un système de mesures acoustiques permettant le suivi sous irradiation, en temps réel, de la masse molaire du gaz contenu dans les crayons combustibles expérimentaux.

3.2.1. Principe de mesure de la composition

L’objectif de l’expérimentation REMORA est de mesurer la masse molaire des gaz de fission relâchés durant une irradiation expérimentale. Un certain nombre d’hypothèses sur la nature des gaz mesurés a permis de déterminer sa composition. [59] [5]

3.2.1.1 Gaz parfait et résonateur idéal.

Le principe de fonctionnement du capteur proposé, est inspiré du principe d’un résonateur plan idéal pour la mesure de la vitesse du son d’un gaz parfait.

La mesure est basée sur le fait que la vitesse du son dans un gaz dépend de la masse molaire du gaz. Dans le cas des gaz parfaits, la vitesse du son est donnée par l’équation :

𝑐 = √𝛾𝑅𝑇

𝑀

( 1 )

Avec :

 𝛾 = 𝐶𝑝⁄ le rapport des chaleurs massiques qui vaut 5/3 pour des gaz 𝐶𝑣 monoatomiques

 R = 8.314 J.mol-1.K-1 la constante des gaz parfaits

 T la température en Kelvin

33

La mesure de la célérité permet la détermination de la masse molaire. Celle-ci est réalisée à l’aide d’un résonateur acoustique dont le schéma de principe idéal, lors du fonctionnement en réflexion, est donné ci-après.

Figure 14 : Schéma de principe d'un résonateur plan idéal. [5]

Une impulsion acoustique est émise dans la cavité puis se réfléchit. La mesure du temps de vol ∆t permet de déduire la vitesse :

𝑐 =2𝐿

∆𝑡 ( 2 )

𝑐 = 2𝐿 ∗ ∆𝑓 ( 3 )

La tension théorique en fonction du temps, échogramme, mesurée aux bornes de l’émetteur/récepteur est tracée ci-après dans l’hypothèse d’un gaz parfait de vitesse égale à 500 m.s-1.

34

3.2.1.2 Design et modélisation du capteur REMORA Le schéma de principe de ce capteur est donné Figure 16.

Figure 16 : Schéma de principe du capteur REMORA.

L’émetteur/récepteur d’ondes ultrasonores est un disque de céramique piézo-électrique (PZT). Dans ce capteur, l’élément piézopiézo-électrique n’est pas en contact direct avec le gaz. Pour des besoins de sécurité les gaz de fission sont confinés dans l’enceinte de la cavité.

Une plaque d’inox, soudée au laser assure l’étanchéité (la première barrière de sécurité pour les gaz de fission) ; le PZT est brasé sur cette plaque. La présence de cette plaque et de la brasure a plusieurs effets. Tout d’abord, la part d’énergie acoustique injectée dans le gaz décroit fortement. D’autre part, les résonances de cette plaque se couplent à celle du PZT produisant plusieurs pics de résonance en plus de celles propres au PZT centrées aux alentours de 4 MHz. L’ensemble de ces résonances produit un écho spéculaire de forte amplitude en début d’échogramme. C’est la réponse temporelle du système. Dans l’espace des fréquences ceci se traduit par une forte amplitude sur laquelle se superposent les résonances du gaz (cf Figure 17).

De plus, la présence de soudure dans la conception du capteur a pour effet de coupler la partie active du capteur au corps de ce dernier et de produire des résonances parasites. Finalement, seule la zone autour de la résonance de 4 MHz reste exploitable. Dans la pratique, il est nécessaire d’utiliser des traitements de signaux perfectionnés afin de pouvoir déterminer le ∆t ou le ∆f car les échogrammes et les spectres sont très différents des représentations théoriques

35

Figure 17 : a) Echogramme et b) Spectre théorique du capteur REMORA 3.2.1.3 Développement et fabrication

Nous allons maintenant présenter le développement du capteur. Le développement et la fabrication du capteur REMORA s’est fait en plusieurs étapes. La conception de ce dispositif imposait de répondre à plusieurs questions quant aux choix des éléments piézo-électriques, mais aussi quant au choix du couplage avec la plaque métallique.

De même, il faut prendre en compte les exigences liées à l’encombrement, à la nature des câbles et à la résistance aux conditions environnementales.

La première phase de développement qui a été nécessaire, fut la sélection de l’élément piézo-électrique. Pour cela des campagnes de test sous irradiation et en température ont été menées sur divers éléments de nature et d’épaisseurs variées.

L’élément qui a été sélectionné est du Pz27 (PZT) sous forme de disque de 500 microns de chez Ferroperm [60].

 Test en température jusqu’à 300°C

36

 Test sous irradiation pour les doses de gamma jusqu’à 1.5Mgy à l’IRSN Saclay. Novembre 2003. [26]

Figure 19 : Installation IRMA (cellule d'irradiation et hall d'expérimentation) [61]

 Test de flux de neutrons au réacteur BR1 (SCK-CEN, Centre nucléaire de recherche belge): avec une fluence de 1.57e17n/cm2 en neutrons thermiques, 1.09e16n/cm2 en neutrons épithermiques et 1,58e16n/cm2 en neutrons rapides. De février à Juillet 2006. [26]

Figure 20 : Vue du réacteur et des canaux du réacteur BR1 [62]

Les résultats de ces tests ont permis d’envisager l’utilisation de capteurs acoustiques en réacteurs expérimentaux.

En parallèle des expérimentations sur les matériaux, un démonstrateur de laboratoire a été monté en 2003 au sein de l’IES afin de tester les différentes solutions technologiques envisageables pour un capteur acoustique de mesure de composition des gaz. Une solution cylindrique avait été adoptée pour se rapprocher de la conception finale. En 2007, un prototype fabriqué en laboratoire a été réalisé afin de valider les choix technologiques.

37

Enfin de 2007 à 2008, un schéma définitif du dispositif correspondant au cahier des charges est validé par le CEA et l’IES. Le dispositif final a été fabriqué par la société Thermocoax ; l’étape de brasage de l’élément piézoélectrique sur la plaque d’inox a été réalisée par l’IES. Ce système a été breveté en juillet 2008. La figure suivante synthétise l’évolution du design du capteur au cours de ces différentes années.

Figure 21 : Synthèse de développement du Capteur REMORA, du montage en laboratoire en 2003 au modèle industriel en 2008 [5]

Le capteur acoustique développé, a permis en 2011 lors de l’expérimentation REMORA de faire une mesure continue de la composition de gaz de fission sur un réacteur en ligne pendant toute la durée de l’expérimentation avec une précision de ± 4 m/s pour la vitesse du son, de ± 7 % pour la masse molaire et de ± 2 mol% pour la fraction molaire de gaz de fission et d’hélium. [59]

Cette première étape a montré la faisabilité et l’intérêt d’une telle mesure, renforçant les besoins de développement de tels capteurs en milieu hostile. Un des points clés est la température de fonctionnement, notamment dans l’optique des nouveaux MTR. Les conditions environnementales au sein des réacteurs MTR, sont vouées à évoluer principalement en ce qui concerne la température de fonctionnement.

38