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Contexte général

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 24-30)

La durabilité est actuellement au cœur de tous les débats concernant l’agriculture et l’élevage.

Cette notion repose sur les trois piliers que sont l’économie, l’écologie et le social (Brundtland, 1987). Elle recouvre des demandes sociétales concernant l’environnement, le bien-être des animaux et la qualité des produits, mais aussi la pérennité de l’activité agricole qui passe par un revenu décent pour l’éleveur et la prise en compte de ses attentes par rapport au travail (Gibon et al. 1999). De fait, la majeure partie des recherches sur l’élevage durable (notamment en élevage intensif tel que l’élevage porcin) se tourne vers la relation entre production, économie (la « viabilité » pour l’éleveur) et respect de l’environnement, laissant de côté les aspects sociaux et notamment la « vivabilité » pour l’éleveur. Pourtant, le rapport au travail des éleveurs a beaucoup évolué depuis les années 80. Le temps du « labeur paysan » où la vie familiale était intimement liée au travail cède la place à des exigences de rythmes horaires réguliers, de week-ends libérés, bref à un travail agricole de plus en plus séparé de la vie familiale (Barthez, 1996 ; Dedieu et Servière, 2001). Cette évolution est marquée pour deux raisons. La proportion du salariat augmente parmi les travailleurs présents sur l’exploitation ce qui rend nécessaire d’adapter le système aux rythmes réglementaires de ce salariat d’une part et de réfléchir à l’organisation du travail entre les personnes au cours du temps d’autre part. Par ailleurs, les exploitants côtoient, dans leur environnement social, d’autres professions, non sujettes à l’astreinte aux bêtes, donc le rapport au travail et au temps libre interroge les conceptions en vigueur dans le milieu agricole.

Dans le secteur porcin, le pourcentage d’élevages sans salarié en France est passé de 69% en 1990 à 48% en 2005, tandis que la part des UTA (Unité de Travail Annuel) salariées dans le total des UTA est passée de 8% à 26% (Ilari, IFIP, communication personnelle). Ces évolutions font du secteur porcin le secteur d’élevage dans lequel le salariat est le plus développé. Ce phénomène est concomitant de l’augmentation importante de la taille des troupeaux qui est passée de 73 truies en moyenne en 1990 à 156 en 2005, (Ilari, IFIP, communication personnelle) et d’une évolution des modalités de conduite des troupeaux, de façon à rationaliser l’organisation des tâches. Le choix du type de conduite « en bandes » a, à cet égard, un impact direct sur la répartition du travail dans le temps (sur différentes semaines) et/ou dans l'espace (entre les différentes salles). Cet impact est l’un des points d’intérêt des producteurs comme le prouve les publications régulières dans les revues techniques sur les conduites « alternatives » (Le Borgne, 2002 ; Berger, 2006 ; Viel, 2006 ; Jégou, 2007).

De plus, les changements sociologiques vis-à-vis du travail contribuent à l’accroissement de la diversité des objectifs des éleveurs : tous ne partagent pas les mêmes conceptions du travail (Dufour et al. 2007) ce qui contribue à l'existence de différents « styles » d'élevage (Commandeur, 2003) et accroît la diversité des façons de conduire les troupeaux de truies.

D’une façon plus générale, les éleveurs sont demandeurs d’éclairages quant aux possibilités de combiner, avec leur choix de conduite en bandes et de pratiques d’élevage, la recherche de performances zootechniques élevées et d’une certaine maîtrise de leur travail, par exemple en réduisant sa durée quotidienne, en autorisant les week-ends « allégés » ou encore en facilitant la répartition des tâches entre travailleurs. Par exemple, on sait que les truies donnent fréquemment naissance à plus de porcelets qu’elles ne peuvent en élever et certains éleveurs s’interrogent sur l'efficacité réelle pour la productivité de l’élevage d'une surveillance systématique des mises bas comparativement à une surveillance allégée. La réponse à cette question ne sera pas la même en fonction des possibilités d’adoption pour les porcelets et celles-ci peuvent dépendre de la conduite en bandes. Cet exemple montre que les réponses à ce type de questions sont complexes : un choix de conduite met en jeu différents registres techniques (reproduction et allotement dans l’exemple précédent) qui sont en interaction et dont la mise en œuvre effective (dans l’exemple, les pratiques de reproduction autour de la mise bas) est rarement homogène chez les producteurs. Par ailleurs, les truies ont leurs propres règles de fonctionnement biologique et leurs performances sont également sensibles à ces registres techniques et aux façons dont les pratiques sont mises en œuvre. La modélisation du fonctionnement dynamique d’un troupeau de truies constitue une voie d’exploration de ces interactions complexes (Cournut et Dedieu 2004).

Objectifs

Dans ce contexte, l’objectif de cette thèse est de proposer une méthode permettant d’étudier le fonctionnement dynamique d’un troupeau de truies en lien avec des questions de production et de travail. Le fonctionnement dynamique d’un troupeau (« herd dynamic » dans la communauté anglo-saxonne) est vu comme un ensemble complexe d’interactions entre l’expression d’une conduite, sa mise en œuvre effective et les comportements biologiques animaux et donnant lieu à une production animale et au renouvellement de la composition du troupeau (Lehenbauer et Oltjen, 1998). Dans notre projet, la conduite et la mise en œuvre des pratiques sont finalisées par des objectifs de productivité numérique d’une part et de répartition du travail spécifiquement lié à la reproduction (travail dit « périodique ») d’autre part.

Notre objectif sera atteint en construisant un modèle de simulation. Nous proposons dans ce travail de détailler les étapes de la conception de ce simulateur qui devra permettre de :

représenter les principaux types de conduites en bandes rencontrés dans les élevages, représenter les objectifs de l’éleveur et les combinaisons de pratiques qui leurs sont associées

représenter chaque truie individuellement depuis son achat jusqu’à sa réforme et formaliser l’influence de son histoire productive, d’une part, et des pratiques d'élevage, d’autre part, sur ses performances de reproduction,

fournir les indicateurs de performances zootechniques classiques rendant compte de l’efficacité du processus de production du troupeau ainsi que la répartition calendaire des tâches liées à la reproduction.

A ce stade, notre projet de simulation a une finalité de recherche et, même si ce travail devrait pouvoir y contribuer, l'objectif n'est donc pas de produire un outil d'aide à la décision utilisable par les éleveurs ou les techniciens de groupements.

De par ses objectifs cette thèse s’inscrit donc dans le champ disciplinaire de la zootechnie

"des systèmes d'élevage" (Landais, 1987 ; Gibon et al., 1999) aussi bien pour ce qui concerne la représentation des animaux et de leurs performances sur le long terme que la représentation de l’éleveur, de ses projets et de ses pratiques. Ainsi ce projet fait intervenir des chercheurs zootechniciens de deux départements de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), le département Physiologie Animale et Systèmes d’Elevage (PhASE) et le département Sciences pour l’Action et le Développement (SAD).

Démarche

La réalisation d’un modèle se base sur des concepts et des données qui peuvent exister dans la bibliographie, que l'on peut générer par l’expérimentation ou collecter sur le terrain. Il est fréquent de constater, pendant la phase de construction du modèle, l'existence de certaines zones d’ombre dans la bibliographie, ce qui conduit à réaliser des allers-retours entre l’expérimentation, l’enquête et la modélisation. Cette thèse en sera un exemple concret comme le montre la démarche représentée à la figure 1.

Bibliographie

« Travail »

Bibliographie

« Elevage porcin »

Bibliographie

« Modélisation » Bibliographie

« Physiologie de la truie »

Modélisation

« MaProSH » Comité d’experts

Diversité des pratiques ?

Attentes des éleveurs et pratiques ?

Effet de l’histoire productive et du type de la conduite en bandes ?

Modélisation

« SHOP »

Enquête en élevages Analyse de la « GTTT »

Chapitre I

Chapitre II

Chapitre III Chapitre IV

Chapitre V

Figure 1 : Organisation générale de la thèse.

Nous avons en effet choisi de nous baser tout d’abord sur une étude de la bibliographie (Chapitre I) pour construire un premier modèle (Management and Productivity of Sow Herds model, MaProSH) capable de représenter le fonctionnement d'un troupeau de truies, quels que soient le nombre de bandes ou la durée de la lactation choisis par l’éleveur (Chapitre II), ce premier prototype constituant en soi un projet original vis-à-vis de l’état de l’art et un premier investissement sur la question des interactions entre projet technique et de répartition des tâches liées à la reproduction. Ce modèle a été présenté à un groupe d’experts composé de techniciens de groupements, de conseillers de Chambres d’Agriculture et de chercheurs de l’Institut de la Filière Porcine (IFIP) et de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA). Ce groupe a permis de dégager les axes de recherche les plus importants à développer pour améliorer le modèle : i) décrire la variabilité des pratiques effectivement mises en œuvre en élevages porcins, ii) définir les relations entre les objectifs de l’éleveur

(productivité, travail) et ses pratiques et iii) évaluer l’effet de l’histoire productive des animaux sur leurs performances. Nous avons alors mis en place deux protocoles d’étude, l’un réalisé sur le terrain sous la forme d’une enquête auprès d’éleveurs afin de répondre plus précisément aux deux premières questions (Chapitre III) et l’autre sous la forme d’une analyse de la base de données de la Gestion Technique des Troupeaux de Truies (GTTT) pour apporter des réponses à la troisième question (Chapitre IV). Ces deux études ont été menées en collaboration avec les groupements de producteurs d’une part et l’IFIP d’autre part. Les résultats de ces protocoles expérimentaux sont intégrés à un nouveau projet de simulateur (Sow Herd Operation and Performances, SHOP) dont nous présenterons ici la maquette du modèle conceptuel (Chapitre V). Nous discuterons enfin (Chapitre VI) la démarche utilisée pour réaliser cette thèse ainsi que ce qu’elle apporte sur le plan de la modélisation du fonctionnement des troupeaux de truies, de la représentation des pratiques et de celles des animaux, avant de s’interroger sur la validation et les perspectives d’utilisation de ces modèles.

Les chapitres II et III s’appuieront en partie sur des articles acceptés pour publication dans des revues (Livestock Science, Journal of Agricultural Science). Les autres chapitres font l’objet d’une rédaction spécifique.

Chapitre I

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 24-30)