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des pays développés aux fins de la réalisation des objectifs de développement durable. À partir des dépenses sectorielles, ils ont proposé une estimation ascendante des dépenses publiques actuelles, puis ont projeté le déficit financier potentiel lié à la réalisation des objectifs de développement durable à l’horizon 2030. La somme des dépenses de tous les pays en faveur de la réalisation des objectifs de développement durable s’élèverait ainsi, en 2015, à 21  300  milliards de dollars, pour atteindre 32 300 milliards par an en 2030, soit un déficit annuel prévu de 12 000 milliards de dollars.

Un groupe d’économistes du Fonds monétaire international (FMI) a employé une méthode décrivant les résultats en fonction d’un ensemble d’indicateurs pour calculer les dépenses annuelles supplémentaires que les pays doivent engager pour pouvoir procéder aux investissements nécessaires à la réalisation des objectifs et des cibles en matière d’éducation, de santé, de routes, d’électricité, et d’eau et d’assainissement (Gaspar et al., 2019). Ce groupe en conclut que, pour réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030, les pays à faible revenu devraient augmenter leurs dépenses de 500 milliards de dollars d’ici à 2030, ce qui représente en moyenne 15 % de leur PIB.

D’autres économistes du FMI, Tiedemann et al.

(Tiedemann et al., 2021), ont estimé le coût de la réalisation des objectifs de développement durable pour 25 petits États en développement5 présentant des vulnérabilités climatiques. Leur démarche était innovante à plusieurs égards  : i) ils ont utilisé des coûts unitaires spécifiques aux pays pour les investissements favorisant la résilience face aux changements climatiques réalisés dans les infrastructures matérielles, telles que les routes, l’énergie, l’eau et l’assainissement ; ii) ils ont construit une base de données multidimensionnelle en ayant recours à l’exploration de texte pour contourner

5 Les PMA suivants sont concernés  : Bhoutan, Comores, Djibouti, Îles Salomon, Kiribati, Sao Tomé-et-Principe, Timor-Leste et Tuvalu. La publication porte en outre sur les autres pays suivants : Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Belize, Cabo Verde, Dominique, Fidji, Grenade, Guyana, Kiribati, Maldives, Maurice, Micronésie, Sainte-Lucie, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Samoa, Seychelles et Vanuatu.

la disponibilité limitée des données. Les auteurs ont conclu que les dépenses consacrées aux infrastructures matérielles devraient augmenter chaque année de 3,7 % du PIB de 2030 pour que les objectifs de développement durable soient atteints à l’horizon 2030. En outre, les dépenses de santé et d’éducation devraient passer de 3  % du PIB en 2019 à 8  % du PIB en 2030. Les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, dont six sont des PMA, présentent les estimations de dépenses les plus élevées, soit 8,6 % du PIB de 2030.

Selon une approche différente mais complémentaire, Manuel et al. (Manuel et al., 2020) estiment les ressources financières nécessaires à l’élimination de l’extrême pauvreté d’ici à 2030 en calculant les coûts correspondants en matière d’éducation, de santé, de nutrition et de transferts sociaux. Le coût total pour les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire est de 2 400 milliards de dollars, les pays à faible revenu représentant un total de 137 milliards de dollars ou 188 dollars par personne et par an.

En outre, dans le Rapport sur l’investissement dans le monde 2021 (UNCTAD, 2021c), la CNUCED préconise d’intensifier les investissements durables dans la période de reprise suivant la pandémie de COVID-19.

Elle indique que, si les pays développés ont dépensé 13 800 milliards de dollars pour des programmes de relance liés à la pandémie de COVID-19, les pays en développement n’y ont, quant à eux, consacré que 1 900 milliards. Environ 10 % de ces montants totaux proviennent de nouveaux investissements, principalement dans les infrastructures, pour lesquels l’investissement public a eu un effet de levier sur l’investissement privé grâce à la participation au capital social, à l’extension des garanties, des financements ou des incitations fiscales et à l’amélioration de la réglementation. Il est essentiel de mobiliser davantage de ressources privées pour stimuler l’investissement.

D’après le Rapport, chaque dollar d’investissement public dans des projets d’infrastructure peut permettre de mobiliser 10 dollars d’investissements grâce à des solutions de financement public-privé. Les auteurs concèdent toutefois que le coefficient de multiplication est inférieur dans les pays en développement.

Suivant cette logique, un effort d’investissement de 2 000 à 3 500 milliards de dollars du secteur public pourrait donner lieu à des investissements à hauteur de 10  000  milliards de dollars tout au long de la décennie. Les auteurs du Rapport soulignent que les PMA ne sont pas bien représentés dans les scénarios susmentionnés. Les préoccupations relatives à la mobilisation de ressources financières en faveur du développement durable sont particulièrement importantes au vu de la baisse des niveaux

d’investissement dans les capacités productives des PMA. Le Rapport montre par exemple qu’entre 2019 et 2020, les investissements annoncés dans de nouvelles capacités de production ont chuté de 44 %, ce qui a un effet négatif sur les investissements susceptibles de contribuer au changement structurel.

Même si ces projections jouent un rôle important s’agissant de guider les décideurs, elles ne sont pas facilement comparables car elles reposent sur des méthodes, des pays cibles, des secteurs économiques, des méthodes d’actualisation et des états de référence différents. Plus fondamentalement, Vorisek et Yu (Vorisek and Yu, 2020) attirent l’attention sur le fait que le calcul au niveau international des coûts liés à la réalisation des objectifs de développement durable peut être source d’erreurs, notamment en raison : i) d’un double comptage ; ii) de la sensibilité aux hypothèses sous-jacentes ; iii) de la minimisation des dimensions politiques et institutionnelles ; iv) des différences entre les dynamiques à court et à long terme ; v) de la difficulté d’actualiser les coûts.

Les estimations par pays, fondées sur des sources d’information officielles et répertoriées, constituent le moyen le plus efficace d’obtenir un calcul des coûts plus crédible. Le Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement encourage ainsi les pays à établir leur propre cadre de financement national intégré avec l’appui du Fonds commun des Nations Unies pour les objectifs de développement durable. À ce jour, 28 pays ont participé à cette initiative6 , qui peut notamment permettre d’obtenir des estimations par pays des déficits de financement.

Le Bangladesh a, par exemple, publié « SDGs Needs Assessment and Financing Strategy: Bangladesh Perspective » (Évaluation et stratégie de financement des besoins liés à la réalisation des ODD : l’approche du Bangladesh) (Bangladesh Planning Commission, 2017). En utilisant diverses méthodes7 permettant d’estimer le déficit de financement, le Gouvernement a prévu que le coût annuel moyen de la réalisation des objectifs de développement durable s’élèverait à 66,3 milliards de dollars à prix constants de 2015.

Après avoir pris acte des difficultés que peuvent poser les projections réalisées au niveau international, et fait

6 Pour de plus amples informations, voir la plateforme de connaissances du Cadre national de financement intégré, établie conjointement par l’Organisation des Nations Unies et l’Union européenne : https://inff.org/fr/.

7 Par exemple, l’analyse des facteurs multiplicatifs fondée sur les coûts unitaires, l’utilisation du coefficient marginal de capital pour estimer les besoins d’investissement, l’analyse du budget actuellement financé et l’actualisation visant à tenir compte des chevauchements entre les différents objectifs de développement durable.

le point sur les publications consultées, les auteurs présentent, dans les sections ci-après, les méthodes qu’ils ont employées pour estimer les besoins de financement des PMA aux fins de la réalisation des objectifs de développement durable.

B. Méthode et données

La présente section décrit la première évaluation détaillée et différenciée du coût de la réalisation des objectifs de développement durable dans les seuls PMA. Cet exercice est centré sur certains objectifs et certaines cibles revêtant une importance cruciale dans la perspective d’une transformation structurelle. Il s’agit là d’un choix délibéré, car, dans les précédentes éditions du Rapport sur les pays les moins avancés, la CNUCED a défendu l’idée que le seul moyen viable et réaliste pour les PMA de parvenir au développement durable était le renforcement et la modernisation de leurs capacités productives, qui leur permettraient de transformer structurellement leur économie (encadré 4.1).

La transformation structurelle aboutit à la création d’emplois d’une qualité croissante tout en favorisant l’augmentation de la productivité du travail et des revenus. Elle est donc la clef de l’élimination de l’extrême pauvreté (cible 1.1 des ODD). Les transferts sociaux sont une composante importante des politiques sociales, en particulier dans les pays à faible revenu, mais ils ne seront sans doute pas la solution à privilégier pour remédier durablement à la pauvreté.

Compte tenu de l’incidence et de la profondeur de la pauvreté dans les PMA, qui ont en outre une faible capacité de mobilisation des ressources intérieures, les difficultés d’ordre financier, administratif et logistique seraient énormes. En l’absence de transformation structurelle de l’économie, ces transferts devraient se poursuivre indéfiniment et à très large échelle pour prévenir la résurgence de l’extrême pauvreté (UNCTAD, 2014a). Dans les pays aux capacités productives faiblement développées, tout ralentissement de l’activité ou choc économique peut avoir des répercussions considérables sur la réduction de la pauvreté, ainsi que l’a montré de façon criante la crise de la COVID-19, qui a provoqué une forte hausse de l’extrême pauvreté en 2020.

Dans les PMA, la pandémie a fait tomber quelque 35  millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté.

La pérennité des efforts de réduction de la pauvreté passe par l’élévation des revenus primaires, c’est-à-dire les revenus du travail salarié ou indépendant, et par l’amélioration de la productivité, qui sont nécessaires pour ramener les transferts

La transformation structurelle est l’aboutissement d’un renforcement des capacités productives sous l’effet des différentes dynamiques de développement exposées dans la figure de l’encadré 4.1, qui ont été décrites plus en détail dans de précédentes éditions du Rapport (UNCTAD, 2020a). Elle se produit lorsque les ressources productives d’un pays (ressources naturelles, terres, capital, ressources humaines et savoir-faire) sont transférées de secteurs faiblement productifs vers des secteurs hautement productifs, dont l’émergence dépend de la capacité du pays concerné à créer de nouvelles activités dynamiques, qui sont plus productives et caractérisées par des rendements d’échelle plus élevés (voir le chapitre 2).

Encadré 4.1 La transformation structurelle et les objectifs de développement durable

Figure de l’encadré 4.1

Les capacités productives et la transformation structurelle

Source : UNCTAD, 2020a: 28.

Transformation structurelle

Résultat final

Accumulation de capital

et de ressources Apprentissage technologique

et innovation Densification et

complexification

• Capital physique

• Capital financier

• Capital humain

• Ressources naturelles

• Compétences fondamentales • Y compris l’entrepreneuriat

• Compétences technologiques

• Échanges entre entreprises/

exploitations agricoles • Connaissances et technologies • Ressources

• Relations entre entreprises/

exploitations agricoles • Y compris les relations en aval et en amont

Ressources productives

Dynamiques de développement

Éléments Aptitudes

entrepreneuriales Liens de

production

Capacités productives

sociaux à un niveau soutenable. Il s’agit de créer de nouveaux emplois, de revaloriser les salaires et d’accroître les revenus générés par la transformation structurelle. En outre, le montant des potentiels transferts sociaux est fonction, dans une certaine mesure au moins, de la capacité de mobilisation des ressources intérieures, qui dépend elle-même de la production nationale, ainsi que de caractéristiques institutionnelles.

Un raisonnement analogue peut être appliqué à la réalisation de nombreux autres objectifs de développement durable. Ce n’est qu’en augmentant

leur productivité que les pays pourront dégager les ressources budgétaires et autres dont ils ont besoin pour investir massivement en faveur de politiques sociales, du développement de leur capital humain, de la protection de l’environnement et de la décarbonation de leur économie (UNCTAD, 2014a). C’est pourquoi il a été souligné plus haut que l’évaluation du coût de la réalisation de ces objectifs était un exercice délicat.

C’est aussi la raison pour laquelle les pays doivent impérativement créer un cercle vertueux entre les dimensions économique, sociale et environnementale du développement durable.

Le renforcement des capacités