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2.3.1 Caractérisation de la rugosité de la roue et du rail

La simulation du bruit dû à l’interaction roue/rail exige de disposer des méthodes fiables pour la caractérisation des données d’entrée. Dans le cas du bruit de roulement, la rugosité doit être mesurée avec une résolution spatiale élevée (environ 1 mm, pour obtenir une conversion en tiers d’octave correcte) et sur des longueurs suffisantes pour couvrir la gamme de fréquences requise. La fréquence d’excitation f (Hz), générée lors du passage d’un train à la vitesse V (m/s) sur une rugosité de longueur λ (m), est donnée par la relation [65] :

f = V

λ. (1.1)

Le bruit de roulement couvre généralement la gamme de fréquence comprise entre 100 et 5000 Hz. Pour une vitesse de train de 80 km/h, les longueurs d’onde devant donc être mesurées sont comprises entre 4 et 225 mm environ.

La rugosité de la roue est périodique, de période égale à sa circonférence. Elle est généralement mesurée sur plusieurs lignes en parallèle, grâce à un dispositif fixé sur le rail et contenant plusieurs capteurs de déplacement (cf la photo 2.11 du chapitre 2). L’essieu est soulevé à l’aide d’un vérin et la roue est ensuite entrainée manuellement.

Dans la mesure où différents types de train, munis de différents types de roue, peuvent pas-

(a) Exemple de règle : règle Müller RM1200E (Müller BBM).

(b) Exemple de trolley : Trolley CAT (RailMeasurement).

Figure1.12 – Exemple d’appareils de mesure de la rugosité du rail.

ser sur un même rail, la rugosité de celui-ci est généralement considérée aléatoire. Deux types d’appareils sont généralement utilisés pour mesurer la rugosité du rail. Le premier consiste en une règle de longueur finie, montée sur le rail, comme sur la photographie de la figure 1.12(a). C’est une photographie de la règle Müller RM1200E, de l’entreprise Müller BBM, utilisée par l’Agence d’Essai Ferroviaire de la SNCF. Un capteur de déplacement vertical est entrainé automatiquement le long de la règle. Le principal inconvénient de cet appareil est sa longueur limitée. La règle de la

photographie 1.12(a) mesure 1.2 m de long. Cela signifie que les longueurs d’onde maximales pou- vant être mesurées sont limitées à cette longueur. Pour pouvoir atteindre une résolution suffisante pour une conversion en bande tiers d’octave, la longueur d’onde maximale considérée est de 100 mm [65]. Pour une vitesse de train de 80 km/h, cela ne suffit pas pour alimenter une simulation sur la gamme de fréquences comprise entre 100 et 5000 Hz.

Le second type d’appareil utilisé consiste en un chariot entrainé manuellement, plus communément appelé trolley (traduction anglaise), comme sur la photographie de la figure 1.12(b). Cet exemple est le Corrugation Analysis Trolley (CAT) de l’entreprise RailMeasurement. Il consiste en un accé- léromètre posé sur une plaque excitée par une bille roulant sur le rail, dont la mesure est convertie automatiquement en déplacement vertical. L’appareil mesure de plus la distance, permettant une synchronisation spatiale. Par conséquent, cet appareil permet de mesurer des lignes de rugosité sur une distance importante. Le trolley étant entrainé manuellement, la vitesse de marche doit être constante pour avoir des résultats corrects.

Au paragraphe 1.2, il a été précisé que la norme européenne NF-EN-ISO 3095 [2] spécifie un pro- tocole de mesure de la rugosité du rail. Néanmoins, ce protocole est développé pour un appareil de mesure du type règle (Figure 1.12(a)). Plus récemment, la norme Européenne NF-EN 15610 [3] spécifie une méthode de mesure directe de la rugosité du rail dans le cadre de la génération du bruit de roulement. Cette norme définit des exigences générales sur l’appareil de mesure utilisé (règle ou trolley) ainsi qu’une méthode directe pour l’acquisition et une autre pour le traitement des données. Les protocoles de mesure de la rugosité de la roue et du rail ont été utilisés pendant le cam- pagne de mesures dédiée à ces travaux et seront à nouveau abordés au chapitre 2.

2.3.2 Caractérisation expérimentale du contact roue/rail

La caractérisation expérimentale du contact roue/rail statique, menée dans [34,39–41], utilise la mesure par ultrasons en exploitant les propriétés de reflexion-transmission des ondes à la surface d’interaction de deux milieux. On rappelle que les ondes se réfléchissent totalement lorsqu’il y a perte de contact. Les mesures effectuées sont menées en laboratoire, sur des coupes expérimentales d’un rail et d’une roue.

La première étude, menée par Pau et al. [40], explore le potentiel de l’approche utilisée. Pour chaque mesure, la charge normale appliquée au système augmente graduellement entre 0 et 10000 N, par pas de 500 N. Pour les charges très faibles, la taille de contact est équivalente à celle de l’appareil d’acquisition et le coefficient de réflexion décroît rapidement avec l’augmentation de la charge. A partir d’une certaine valeur-seuil de charge (liée à la taille de l’appareil d’acquisition), la réflexion n’est gouvernée que par les variations de surfaces à l’intérieur du contact. Ces mesures permettent alors de caractériser les niveaux de contraintes, ainsi que la taille et la forme de la Surface de Contact Nominale (SCN) entre la roue et le rail. Celle-ci est elliptique, avec le grand axe dans la direction de roulement. Les niveaux de contraintes mesurés montrent que la théorie

de Hertz donne un bon comportement qualitatif.

L’étude précédente ne fournit que des résultats qualitatifs. Pour poursuivre ces travaux, les mêmes auteurs proposent une méthode de calibration afin de pouvoir quantifier les distributions de pres- sion et les micro-pertes de contact sur l’interface roue/rail [39, 41]. Le même type de mesure que dans [40], est mené dans un cas typiquement Hertzien, pour lequel la distribution de pression est validée. Les résultats montrent que la théorie de Hertz est valide à partir d’un certain niveau de charge normale. Lorsque la charge est faible, davantage de micro-pertes de contact apparaissent. Un modèle de type éléments finis a été développé pour reproduire le dispositif expérimental précédent. Le comportement plastique du matériau est reproduit et le contact est supposé sans frottement. Les résultats concordent avec ceux des mesures. Une courbe de calibration permettant de définir un coefficient de pression-reflexion est déterminée mais ne peut être appliquée que dans le cas d’un couplage acier / acier, pour une fréquence de l’onde ultrasonique particulière et pour des rugosités similaires. La comparaison avec la théorie de Hertz montre clairement que la pression le long du petit axe de l’ellipse de contact est bien modélisée alors que celle le long du grand axe est très différente, avec deux pics de pression, au lieu d’un seul, prévu par la théorie.

Dans [34], la méthode de mesure par ultrasons a été utilisée pour quantifier la forme de l’em- preinte de contact et ses distributions de pressions en fonction de l’état de la roue et du rail, pour des charges normales plus élevées (entre 20 et 80 kN) et pour trois profils différents d’échantillons de rail : neufs, usés (perte de conicité de la roue) et endommagés (rugosité élevée). Les distributions de pression de contact mesurées ont été comparées à celles déterminées par la théorie de Hertz, par des solutions élastiques analytiques et par des solutions élastoplastiques numériques. Dans le cas de surfaces non usées, les empreintes de contact sont similaires à celles prédites par la théorie de Hertz malgré une légère sous-estimation de 26 à 40% en fonction de la charge. L’auteur explique cette différence par le fait que la théorie ne ’voit’ pas les rugosités de surface. Il en résulte que la SCN est plus grande mais incomplète et les pressions de contact maximales sont plus élevées qu’en théorie. Pour des surfaces usées, l’empreinte de contact est plus large et la pression maximale est plus petite car les profils sont moins rugueux et quasi-conformes car la roue a perdu sa conicité. Si les surfaces sont endommagées (extrêmement rugueuses), la surface de contact est fragmentée et les contraintes sont localement très élevées. Dans ces deux derniers cas, la théorie de Hertz ne peut être appliquée car les rayons de courbures des spécimens ne sont pas constants. En comparant la surface de contact dans les trois cas, pour une charge fixe, on observe que la distribution de la charge est décentrée si la rugosité est élevée ; ceci rejoint les observations de [41].

En résumé, dans le cas de surfaces neuves, les surfaces de contact sont bien modélisées par la théorie de Hertz mais les pressions sont sous-estimées. Néanmoins, les résultats de la mesure ne sont qu’une moyenne ; ils ne sont pas adaptés pour déterminer les pressions de contact à l’échelle d’une aspérité.

2.3.3 Hypothèses sur le contact roue/rail

La caractérisation expérimentale précédente ne concerne que le contact statique entre la roue et le rail. Lorsque la roue roule sur le rail, les phénomènes engendrés par le contact peuvent être différents. Néanmoins, le contact dynamique entre la roue et le rail est très difficile à mesurer en situation de roulement. Les hypothèses suivantes sont donc généralement admises :

– Les profils de surface de la roue et du rail sont non-conformes, dans la plupart des cas, du fait de leur géométrie. A la surface de 2 structures, les rayons de courbure sont constants. Les profils deviennent conformes lorsque ces derniers sont usés (mais pas forcément endommagés). – A chaque instant t, le contact se produit sur une petite région elliptique. Les longueurs d’onde de rugosité, plus petites que la taille du contact dans la direction de roulement, ont une influence atténuée sur l’excitation globale du système, du fait de la nature finie de celle-ci. – Le contact entre la roue et le rail entraine seulement des déformations élastiques à l’interface.

La rugosité ne produit pas de déformation plastique.

Bien que la rugosité engendre une excitation essentiellement dans la direction verticale, la roue et le rail ne sont pas couplés seulement dans cette direction. Cette remarque est d’autant plus fondée lorsque la roue roule sur le rail. Le contact peut contenir 6 degrés de libertés (3 déplacements et 3 rotations). Le couplage dans la direction latérale est le plus important à prendre en compte. En effet, si la réponse verticale n’est pas réellement influencée par ce couplage, il s’avère que la réponse latérale est fortement modifiée [65], en particulier à cause du couplage à travers la force de glissement latérale.

En effet, lorsque la roue roule sur le rail, des phénomènes de glissement apparaissent, dans la direction de roulement et dans la direction latérale. C’est le phénomène de contact tangent, par rapport à l’interface roue/rail. Le contact tangent dans la direction de roulement est un phénomène moins influent que celui dans la direction latérale, pour la simulation du bruit de roulement [65]. Néanmoins, il est plus intuitif pour illustrer le comportement de contact tangent. Pendant une phase d’accélération, par exemple, la roue a tendance à tourner plus vite que la vitesse du train, ce qui entraine une phase de glissement sur le rail. Ce phénomène induit alors un effort sur le rail, dans la même direction, appelé force de glissement. Simultanément, la surface de contact contient des zones d’adhérence et des zones de glissement. Ce phénomène est appelé micro-glissements. Dans les cas extrêmes, la zone de glissement équivaut à la surface de contact. C’est une situation de saturation. Dans la direction de roulement, cela peut être le cas, par exemple, lors des phases d’accélération.

Enfin, certaines hypothèses peuvent s’avérer fausses en présence de défauts de surface sur la roue et/ou sur le rail, en particulier les hypothèses sur les rayons de courbure constants à l’interface des structures.