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2.2 La voie ferrée

2.2.2 Le comportement physique de la voie

Contrairement à la roue, la voie est une structure de type infini. Bien que le support du rail introduise un comportement de type modal, il peut exister plusieurs types d’ondes pour une même fréquence. De plus, l’amortissement interne de la voie est plus important que dans la roue. Pour les fréquences inférieures à 1500 Hz, quatre types d’onde se propagent dans le rail [65] : des ondes de flexion verticale et latérale, des ondes de torsion et enfin, des ondes longitudinales. Le comporte- ment dynamique de la voie est illustré grâce des mesures d’accélérance du rail pour une excitation au marteau d’impact en milieu de travée. On étudie les directions de vibration verticale et latérale séparément.

Dans la direction verticale, on distingue quatre gammes de fréquence particulières, centrées sur quatre émergences identifiées. L’accélérance verticale du rail en milieu de travée, pour une exci- tation au même point, caractérisée pendant la campagne de mesures détaillée au chapitre 2, est représentée sur la figure 1.10(a). Cette mesure illustre correctement le comportement de la voie car les quatre gammes de fréquences typiques sont bien séparées. L’accélérance des traverses n’a pas été mesurée et ne sera pas présentée ici. Néanmoins, il n’est pas difficile de la décrire en fonction de celle mesurée sur le rail. Les 4 émergences importantes sont numérotées de 1 à 4 sur la figure 1.10(a).

En-dessous de 100 Hz (zone 1), le comportement de la voie est piloté par la raideur du ballast. Sous chargement, le ballast a une déflexion hautement non-linéaire [31]. Autour de 100 Hz, le rail et les traverses résonnent sur le ballast. Il en résulte une émergence très amortie dans l’accélérance du rail comme dans celle des traverses. Sur la figure 1.10(a), cette résonance est située à environ 80 Hz (Fréquence 1). Dans ce cadre, le comportement du ballast est généralement linéarisé.

Entre 100 et 300 Hz environ (zone 2), le comportement du rail est piloté par les traverses. Dans cet intervalle, l’accélérance de la traverse admet une résonance due à l’influence couplée du ballast et de la semelle sous rail alors que le rail reste rigide. Le système semelle-traverse-ballast agit comme un absorbeur dynamique sur le rail [65]. Il en résulte une émergence amortie dans l’accélérance de la traverse et une anti-résonance à la même fréquence dans celle du rail. Cette émergence se trouve à environ 250 Hz, (Fréquence 2, sur la figure 1.10(a)). Tout comme le ballast, le système d’attache et la semelle sous rail ont un comportement non-linéaire [31] qui peut être linéarisé dans le contexte du bruit de roulement.

Dans les zones 1 et 2, le comportement du rail et des traverses est fortement couplé et dominé par celui des traverses. Le comportement des traverses est influencé par leur géométrie et leur matériau [66]. Dans le cas de traverses monobloc en bois, le type d’attache est plutôt rigide, ce qui tend à augmenter la gamme de fréquence de couplage entre le rail et les traverses. Dans le cas de traverses monobloc en béton, la semelle sous rail est relativement souple et la fréquence de découplage est plus faible. Une traverse monobloc se comporte comme une structure mince de type poutre tandis qu’une traverse bi-bloc a un comportement qui se rapproche plus de celui de 2 masses rigides. Etant donné que la voie sélectionnée pour la campagne de mesure du chapitre 2 est équipée de traverses de type bi-bloc, les traverses monobloc en béton et en bois ne seront plus abordées dans ces travaux.

Entre 300 et 800 Hz environ (zone 3), le comportement du rail se découple progressivement

(a) Accélérance verticale (m.s−2/N). (b) Taux de décroissance vertical (dB/m).

Figure 1.10 – Exemples d’accélérance et de taux de décroissance verticaux mesurés sur un rail. de celui de la traverse. Le rail vibre librement après une résonance sur la semelle, découplant son comportement de celui des traverses. Cette résonance est située à environ 700 Hz (Fréquence 3), sur la figure 1.10(a).

Au-dessus de la fréquence 3, le rail vibre librement (zone 4). A environ 1000 Hz (Fréquence 4, sur la figure 1.10(a)), l’accélérance du rail admet son émergence la plus prononcée. C’est la fréquence de résonance nommée Pinned-pinned frequency, qui se produit lorsque la longueur d’onde dans le rail est équivalente à la longueur de deux travées. Cette fréquence est donc directement influencée

par l’espacement entre les traverses. Bien que non représentée ici, il est important de remarquer que la mesure reportée sur la figure 1.10(a) est effectuée en milieu de travée. Si la même mesure est réalisée au-dessus d’une travée, l’accélérance verticale du rail admet alors une anti-résonance à la ’pinned-pinned frequency’. La longueur d’onde à cette fréquence étant égale à la longueur de 2 travées, les noeuds de vibrations se situent au-dessus de la traverse. Des exemples de mesures sont présentés dans [65].

Le taux de décroissance des ondes dans le rail est un paramètre important pour le comportement vibratoire de la voie et par conséquent, pour le bruit de roulement. Il représente l’amortissement spatial des ondes dans le rail. En d’autres termes, il traduit la capacité de transmission de l’éner- gie le long de la structure infinie. Deux phénomènes en sont la cause [65] : les pertes d’énergie dues à la dissipation à travers le système d’attaches, ainsi que la transmission énergétique avec les traverses qui est dissipée dans la plate-forme. Le taux de décroissance est donc directement piloté par les paramètres qui définissent le comportement acoustique et vibratoire d’une voie ferroviaire. Cette caractéristique justifie son utilisation, comme critère de voie de référence, dans les STI (cf paragraphe 1.2).

Le taux de décroissance est calculé à partir de mesures d’accélérance, pour des excitations en diffé- rents points sur la voie. Il est piloté par les quatre mêmes fréquences que pour celle-ci. Le taux de décroissance dans la direction verticale, obtenu pendant la campagne de mesures du chapitre 2, est représenté sur la figure 1.10(b). Dans la zone 1 (non représentée sur la figure 1.10(b)), le taux de décroissance est généralement élevé, traduisant le couplage fort du rail et des traverses. Cette zone est pilotée par la raideur du ballast. Le taux de décroissance chute ensuite progressivement car le rail se découple de la traverse. A la fréquence 2, le système attache-traverse-ballast agit comme un absorbeur dynamique sur le rail. Le taux de décroissance atteint donc des niveaux maximum. Ici, le taux de décroissance est piloté par la raideur de la semelle. Si la semelle est souple, le rail et les traverses sont relativement bien isolés mais les ondes se propagent plus librement dans le rail. Lorsque la semelle est rigide, le rail et les traverses sont plus fortement couplés ce qui entraine un niveau vibratoire des traverses plus élevé mais une propagation spatiale des ondes dans le rail plus restreinte. Au-delà de la fréquence 3, les ondes se propagent librement dans le rail. Par conséquent, le taux de décroissance chute. Il atteint un minimum à la fréquence 4 qui correspond à la fréquence de l’émergence la plus prononcée dans l’accélérance du rail. La légère remontée, entre 1000 et 2000 Hz, correspond à la nature périodique des supports [65].

L’accélération latérale du rail peut aussi avoir une influence non négligeable sur le bruit de roule- ment, pour les fréquences inférieures à 1000 Hz [66]. L’accélérance latérale du rail, mesurée suite à une excitation latérale sur le champignon du rail, est représentée sur la figure 1.11(a). Ces mesures ont été également effectuées pendant la campagne expérimentale du chapitre 2. On distingue la fréquence de résonance du rail sur les semelles, correspondant aussi à la fréquence de découplage entre le rail et les supports (Fréquence 1, à environ 150 Hz). La fréquence ’pinned-pinned fre- quency’ dans la direction latérale est identifiée par la plus grande émergence dans l’accélérance

(a) Accélérance latérale (m.s−2/N). (b) Taux de décroissance latéral (dB/m).

Figure 1.11 – Exemples d’accélérance et de taux de décroissance latéraux mesurés sur un rail.

(Fréquence 2, à environ 500 Hz).

Le taux de décroissance latéral mesuré est représenté sur la figure 1.11(b). Il admet un compor- tement similaire à celui observé dans la direction verticale. A la fréquence 1, il admet un niveau maximum tandis que son niveau minimum est situé à la fréquence 2. Néanmoins, le taux de dé- croissance dans la direction latérale est plus faible que dans la direction verticale, spécialement dans la région au-dessus de 1000 Hz. Bien que l’excitation soit généralement verticale, on peut s’attendre à une certaine influence des vibrations du rail dans la direction latérale, sur le bruit de roulement, dans certaines situations.

La contribution de la voie est forte jusqu’à environ 2000 Hz (cf paragraphe 1.3). Lorsque l’excita- tion verticale est à fréquence plus élevée, les déformations de cisaillement dans le rail deviennent de plus en plus importantes, en particulier à cause de la flexibilité de l’âme et du patin [65]. D. Thompson expose une étude expérimentale de la déformation de section du rail dans [56, 59, 63]. Les résultats exposés sont basés sur une analyse modale d’une section de rail, excitée par une force harmonique. L’amplitude et la phase de la réponse sont mesurées en plusieurs points disposés le long de la section de rail. Les déformations de section apparaissent de façon significative au-dessus de 1500 Hz pour une excitation latérale, avec l’apparition de la flexion de l’âme et au-dessus de 2000 Hz, pour une excitation verticale, avec la déformation du patin. Ces études considèrent une gamme de fréquence allant jusqu’à 6000 Hz, des publications récentes étudient la déformation du rail jusqu’à 80 kHz [50].

Enfin, il existe un certain degré de couplage entre la vibration du rail dans les directions ver- ticale et latérale. Plus le point de contact roue/rail s’éloigne du centre du champignon, plus le couplage devient important à cause de la rotation de la section de rail. C’est le cas, par exemple, pour des tronçons de voie en courbe. Plus généralement, les vibrations latérales du rail deviennent importantes lorsque le point de contact roue/rail se déplace transversalement sur la surface de roulement du rail.