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la construction des savoirs (individuels et collectifs) : intérêt de l’agroforesterie et des agroforêts.

Permanence sociale et changement technique.

Chapitre 1 : Permanence sociale et changement technique Introduction

1.5 La permanence dans la lecture des systèmes agroforestiers 1.Permanence et reproduction des savoirs

1.5.2 la construction des savoirs (individuels et collectifs) : intérêt de l’agroforesterie et des agroforêts.

Les principaux avantages directs de l’agroforesterie, ou plus exactement de l’emploi des techniques agroforestières, sont les suivants : minimisation des risques, optimisation de la productivité du travail, optimisation du rendement global en termes de productivité physique d’un système basé sur la diversification des produits et revenus, valorisation d’opportunités techniques (combinaison entre arbres possibles par l’agroclimat) et économiques (marchés) (Sanchez, 1997).

Les systèmes agroforestiers, et en particulier les agroforêts complexes (voir chapitre

2), sont l’expression d’un concept d’innovation basé sur l’exploitation extensive des

ressources agricoles et forestières dans un contexte de cohérence entre système technique (les systèmes de culture), système social (qui le met en oeuvre) et environnement agro-écologique (le milieu physique). Ce degré de cohérence est différent d’une ethnie à l’autre pour des raisons diverses liées à l’histoire des techniques et des peuples. Le plus haut degré de cohérence est obtenu chez les Dayaks qui autorisent la gestion communautaire d’espaces en agroforêts (tembawang) pour la satisfaction des besoins généraux et concomitamment la plantation à gestion privée (jungle rubber et parcelles clonales en projets ). La principale conséquence est le maintien d’un environnement durable et d’une certains biodiversité végétale, garants à long terme de la stabilité des systèmes de cultures et de la diversification des produits (hévéa, fruits et bois entre autres).

Les systèmes agroforestiers améliorés cristallisent sur un pas de temps relativement court notre problématique avec une histoire spécifique pour chaque innovation liée à un contexte. Nous nous intéresserons donc aux facteurs qui ont contribué à leur émergence et à leur intérêt face à d’autres systèmes de culture. L’enjeu global sur l’évolution des jungle rubber est important24.

Les systèmes agroforestiers se justifient sur les plans techniques et économiques, et pas seulement sur un plan écologique qui constitue une vision “Rousseauiste” généralement trop réductrice et confirme par ailleurs la rationalité des comportements des petits producteurs.

L’agroforesterie peut aussi s’exprimer sous forme de “trajectoires intégratrices” adaptées aux contraintes locales (climat équatorial ou tropical humide) profitant des opportunités liées aux ressources (environnement forestier et large biodiversité

végétale). Ces trajectoires expriment une évolution des systèmes de production (et de leur environnement) la moins pertubatrice possible des différents équilibres (social, écologique/durabilité...). Cette notion d’intégration est probablement à la base du constat de la permanence du concept agroforestier dans le développement agricole autochtone. Les phénomènes de continuité dans l’application de l’agroforesterie en hévéaculture paysanne peuvent s’expliquer non seulement par des avantages techniques évidents, mais aussi par cette cohérence entre nécessité de production, recherche de la stabilité des milieux (physiques mais aussi social) et formes d’organisation sociale initialement basés sur le contrôle des ressources, limitées, par la communauté.

L'histoire des techniques sur les systèmes de culture à base d'hévéa a abouti dans les années 1980 à deux systèmes de culture principaux : les jungle rubber et la monoculture. Il a été identifié une nécessaire augmentation de la productivité pour que les jungle rubber survivent face à de nouvelles opportunités de cultures, plus intensives et plus productives. La conservation des pratiques forestières au sein de systèmes améliorés reste alors intéressante pour les 5 facteurs suivants:

U optimisation de la main d'oeuvre investie : en considérant les deux périodes majeures et fondamentalement différentes pour les cultures pérennes que sont la période immature de l’hévéa et la période mature dite de production.

U minimisation du capital et du travail investi, liée au facteur risque d’échec de la culture, surtout pendant les 3 premières années de la période immature. U diversification du revenu liée à la biodiversité végétale :, source de revenus, de graines et de produits locaux indispensables avec conservation de l'accès à une "biodiversité utile" : rotin, plantes médicinales, bois d'oeuvre, légumes, produits divers (encore utilisés chez les Dayaks et non achetés en ville). U conservation d’un environnement durable et stabilité des systèmes de culture : le rôle initial de la forêt y est important et maintenu (notion de “rente agroforestière”).

U la meilleure “stratégie anti-Imperata” (la plus efficace pour une production à haute valeur ajoutée) pour l’implantation dans les zones envahies par Imperata cylindrica et la valorisation de ces zones considérées comme pauvres.

Ces qualités sont au coeur des processus d'innovation et expliquent le maintien sur le long terme des pratiques qui leur sont associées.

On peut aussi sérier ces avantages à travers une typologie différente de facteurs intégrant les critères de Sanchez (1997) et Conway (1987) au niveau des systèmes de production :

U Profitabilité : diversification des sources de revenus, souplesse en fonction des prix des produits issues de l’agroforêt, possibilité de substitution interne.

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Ce dernier point implique la notion de séquestration “temporaire” du carbone sur la durée du cycle de l’agroforêt puisque le bois est ensuite valorisé et les sous-produits brûlés.

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Au sens anglais “sustainability”.

U productivité : bonne valorisation et optimisation de la productivité du travail supérieure aux monocultures.

U reproductibilité : vente de sous-produits connexes (le bois en fin de cycle) permettant l’investissement dans la replantation et assurant ainsi la reproduction du capital productif.

U durabilité s’exprimant sur plusieurs critères : - écologique :

- conservation des sols, maintien voire augmentation de la fertilité chimique et agrobiologique (rétention des nutriments et recyclage par l’effet litière des feuilles) et de la structure des sols sur le long terme. - conservation des nappes phréatiques et meilleure gestion et économie de l’eau.

- lutte anti-érosive : les couverts agroforestiers sont comparables aux forêts.

- lutte anti-Imperata (réhabilitation de sols dégradés). - séquestration du carbone et limitation de l’effet de serre25.

- économique : par la diversification des sources de revenus et la souplesse U équité : ces systèmes sont plus équitables pour tous par leur souplesse d’utilisation, de valorisation, voire de non-utilisation temporaire.

Une autre façon d’intégrer les avantages de l’agroforesterie est d’appliquer le concept de “rente forêt” défini par Ruf (1987). Cette dernière est définie en appliquant le concept de la rente différentielle de Ricardo (1815) à la différence de niveau et de coûts de production entre une plantation mise en place derrière une forêt et celle mise en place après une jachère courte, une culture ou une activité ayant détruit le “capital forêt” au niveau de la qualité des sols. Les techniques agroforestières permettent de maintenir cette “rente-forêt” initiale dont les principaux avantages sont un moindre coût et une meilleure efficacité dans la mise en place d’une plantation pérenne. L’agroforesterie devient alors une stratégie des producteurs pour reconstruire ou préserver un capital initial forestier et définir une nouvelle “rente différentielle” de la forêt sous forme d’agroforêt. Au “capital forêt” se substitue le “capital agroforestier” qui lui est très proche. Par analogie, on parlera alors de “rente agroforêt” selon les mêmes modalités que celles de la rente-forêt (Ruf 1994). On peut ainsi résumer les avantages globaux des agroforêts par le concept de la “rente-forêt”. La durabilité26 et le maintien

partiel d’une certaine biodiversité sont parmi les avantages des pratiques agroforestières pour la mise en place d’une jeune plantation. Ils sont décisifs par rapport à une monoculture. Ces avantages rendent généralement ces systèmes plus accessibles et abordables pour les planteurs ne disposant pas d’un capital suffisant

pour investir dans un modèle type monoculture.

Les pratiques agroforestières constituent de fait une trajectoire particulière de continuité dans les pratiques culturales adoptées par les planteurs de ces zones tropicales humides.

Chapitre 2