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Cohérence des systèmes techniques et systèmes sociaux.

Encadré 30 Adat à Sumatra

L’usage de la terre est régi selon 3 types de droits :

U 1) Le droit de jouissance est temporaire et lié à une activité de défriche puis de culture sur une surface de ladang (culture annuelle sur brûlis). Après abandon de la zone, la mise en jachère et la repousse de la forêt naturelle (le “belukar” ou jachère forestière), la surface revient à la communauté. Il n’y a donc pas initialement de surfaces en jachère qui soient individuellement identifiables. Ces terres sont classées en “terre de ladang”. En fait, il existe des communautés qui ont affecté individuellement aux familles du village ces terres (cas du village de Seppungur à Jambi). Ceci est généralement le cas quand un projet de développement ou une société de plantation vient proposer des plantations “clés en main” avec crédit complet. Le développement des cultures pérenne a donc largement contribué à la diminution de ce type de terre.

U 2) le droit de disposition : est en partie équivalent à notre droit de propriété mais en fait il est beaucoup plus restrictif. Il n’accorde pas la pleine et entière propriété individuelle. Il est accordé pour un défrichement suivi d’une culture pérenne à condition que les fruits, ou la production, soient régulièrement collectés. Les jungle rubber rentrent dans cette catégorie. Ils sont directement transmissibles aux ayants droits lignagers selon les coutumes locales. L’occupation avec production est le seul titre “juridique” réellement utile et reconnu par la communauté. De fait, techniquement, la terre appartient toujours à la communauté mais la plantation appartient a celui qui l’a planté ou ses ayants droits, en cas de mort ou d’abandon avec présence sur le terrain.

U 3) le droit de possession est celui accordé aux plantations permanentes, aux rizières, aux pièces d’eau et aux jardins de case (pekarangan). Il découle de la transformation d’un sol forestier (agriculture itinérante) en sol de culture totalement sédentarisé.

“Adat” villageois, dans les zones peu peuplées avec une agriculture relativement extensive, devient nulle. Le “droit” des populations locales sur ces terres n’est pas alors reconnu.

Le droit de l’Etat sur les zones de forêt ou reconnues comme tel est confirmé par le “Basic Act on Forestry” de 1967 qui précise les règles d’exploitation de la forêt. La pré- éminence de l’Etat sur la mise en valeur de 74 % du territoire reconnu comme forestier est inscrit dans le décret de 1972.

Dans la réalité, les institutions, et les projets de développement en particulier, se retranchent toujours derrière l’intérêt national, sans le justifier pour autant, pour ne pas prendre en compte ces intérêts locaux. Généralement, il ne font pas la différence entre droit de propriété et droit d’usage : le premier n’étant pas reconnu en l’absence de cadastre et de certificats, le second encore moins car “traditionnel” (Dove 1985c). Cette confusion des différents types de droits théoriquement reconnus par l’”Adat” était déjà latente dans le droit colonial (Holleman 1981). La loi de 1961 n’éclaircit pas pour autant ces points (qui sont traités dans 2 paragraphes différents du texte).

Dans les années 1970, l’Etat reprend ses droits sur toutes les zones prévues pour les projets de transmigration, dont les projets NES, les projets forestiers (les sociétés mixtes dites “HTI”, Hutan Tanman Industri) et pour les premières concessions pour les sociétés de plantations (principalement palmier à huile). Dans les années 1990, on assiste à une accélération dans l’obtention des concessions par les sociétés de plantations privées pour le palmier à huile et par les HTI (principalement pour l’Acacia mangium dans les zones sélectionnées dans cette étude). On retrouve plus particulièrement ce phénomène dans les provinces de Ouest-Kalimantan (Geissler 1999), Riau (Angelsen 1995) et Jambi (Stole 1997) à Sumatra.

5.1.2 L’“ADAT” (la coutume).

L’Etat reconnaît la pré-éminence de l’Adat pour l’utilisation de la terre tant qu’il ne fait pas valoir ses droits sur la terre. Les lois foncières traditionnelles se caractérisent par l’indivision de fait de toutes les terres (sauf la maison et le jardin de case) et un contrôle par la communauté de l’utilisation des terres par le biais d’un droit d’usage basé sur l’utilisation effective de la terre par les ayants droits. Des différences locales existent entre Sumatra et Kalimantan d’une part, et entre zones encore traditionnelles et celles qui sont en pleine évolution économique d’autre part. On observe un changement rapide, et une réelle adaptation des systèmes sociaux aux nouvelles conditions de production (spécialisation sur les cultures pérennes) avec une individualisation du foncier et le développement d’un certain sens de la propriété privée. La reconnaissance d’un droit au long terme sur les terres en “plantation”, droit d’usage devenu progressivement droit de propriété, a été un facteur important de la permanence des

Tableau 31 : Ethnie et organisation sociale à Sumatra

Malayus Javanais Minang

Unité économique de base

famille nucléaire famille nucléaire famille nucléaire unité de groupe de base groupe de travail

Kelompok petani

Kelompok petani Kelompok petani

unité primaire territoire village village village unité secondaire

territoire

projet de transmigration clan appartenance groupe origine Javanaise

(province et village) Importance du groupe

supérieur sur l’individuel

moyen Fort Fort

statut Local (asli) immigrant asli

Unité politique faible forte forte caractéristiques sociales

principales

forte cohésion sociale, primauté partielle du groupe sur l’individuel.

forte cohésion sociale, primauté partielle du groupe sur l’individuel. Rapport à la hiérarchie faible société pyramidale société pyramidale Tenure foncière et Adat complexe : de l’indivision

à la quasi propriété privée selon les espaces

propriété privée avec certificats (projets de transmigration complexe : régime de transmission du patrimoine de type matrilinéaire Habitat familial nucléaire familial familial

4

Le droit de cueillette reconnaît “l’inventeur ou le découvreur d’un site” avec une tenure individuelle selon les conditions suivantes : la zone est frappée d’une marque personnelle, les abords doivent être déblayés sur 2 mètres au moins et il est nécessaire d’informer le chef de la collectivité. Il existe des conditions particulières selon le type de cueillette. Par exemple, le découvreur d’un arbre où persistent des ruches sera habilité a récolter les trois premières années puis sa “découverte “ retombe dans le domaine public de la communauté.

pratiques agroforestières et a favorisé l’extension de ce type de système. Nous allons voir les conditions de cette évolution à Sumatra (Collet 1925) puis à Kalimantan (source : Monberg et Dove, 1985).

Le cas de Sumatra (Province de Jambi, district de Bungo Tebu, population Malayu).

L’Adat est le droit coutumier basé initialement sur le principe de l’indivision des terres avec contrôle collectif de l’utilisation des terres par la communauté. C’est cette dernière, généralement sous l’égide d’un chef des terres, qui décide de concéder, individuellement, des parcelles pour un usage précis et dont la jouissance porte sur les fruits de cette terre et non sur la terre en elle-même. Ces droits sont basés sur l’occupation effective et l’activité avérée. Les maisons par contre sont en propriété individuelle aux familles ou aux groupes lignagers qui les habitent.

Les terrains dits “communautaires” font l’objet d’activités de chasse, de pêche et de cueillette clairement réglementés4. Les droits sont détaillés dans l’encadré 30.

Les droits de disposition et de possession sont transmissibles mais uniquement à un membre de la communauté. En fait, avec le temps et plusieurs générations de jungle rubber, le droit de disposition est devenu un droit de possession pour les plantations d’hévéas dont les jungle rubber. Cette évolution a sécurisé le foncier pour les planteurs hévéicoles et a permis une capitalisation sur la terre.

Le tableau 31 rappelle les caractéristiques de l’organisation sociale à Sumatra chez lez Malayus de la plaine (province de Jambi).

Le cas de Ouest-Kalimantan (District de Sanggau et Sintang).

Les droits fonciers sont détaillés dans l’encadré 31.

L’agriculture sur brûlis exige une maîtrise de la main d’oeuvre (semis et récolte en particulier) et un regroupement des terres défrichées annuellement pour pouvoir être mise en oeuvre. C’est un système à cycle “court” annuel. La totalité des terres est alors en indivision. Le jungle rubber par contre est un système à cycle long (au moins 35 ans voire plus) et n’exige aucun contrôle collectif particulier de la main d’oeuvre. Il est adapté à une économie familiale de plantation, gérée individuellement au niveau des

Encadré 31 : “Adat” (coutume) à Ouest-Kalimantan

Les Dayaks Kantus (partie orientale de la province de Ouest-Kalimantan), reconnaissent 2 droits distincts :

U A - le “droit de propriété” des terres (“hak milik”), y compris celles en jachère, à condition qu’elles soient cultivées ou qu’elle fassent partie intégrante du système en agriculture itinérante. Ce droit qui n’est en fait qu’un “droit d’usage” est la “propriété “ d’un clan ou d’une famille qui appartient à la communauté et qui vit dans la “long house” (Rumah panjang), “maison longue” communautaire pouvant abriter jusqu’à 50 familles.

U B - le “droit d’usage” (“right of avail” ou “hak ulayat”) [Dove, 1985c #882] est le droit résiduel des familles ou clans ayant quitté la long-house mais conservant , en principe, un “droit de retour”.

La disparition forcée des “long-house” (“rumah panjang”), dans les années 1960 et 70, sous le prétexte de modernisme (et de lutte anti-feux) par les autorités locales (d’inspiration Javanaise) a abouti à un glissement de cette régulation traditionnelle vers une évolution de l’Adat avec une redéfinition des quatre droits suivants :

U 1- un droit d’usage individuel temporaire sur les terres cultivées : lié au ladang (agriculture