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Construction d’une méthodologie 1 Introduction

Permanence sociale et changement technique.

Chapitre 1 : Permanence sociale et changement technique Introduction

1.4 Construction d’une méthodologie 1 Introduction

Pour mieux identifier les trajectoires, l’analyse se fera en deux étapes. Dans un premier temps, sont identifiées grâce à la périodisation les principales trajectoires ayant émergé par type d’acteurs ou de périodes à travers une analyse macro ou méso-économique (partie I). Ensuite, une analyse plus fine des trajectoires est réalisée au niveau micro- économique sur la base de l’évolution des systèmes de production (Exploitations agricoles), et l’identification des stratégies (au sens de trajectoires de décision) (partie II). Les principaux outils sur le terrain à cet effet sont les réseaux de fermes de références (caractérisation et suivi des exploitations agricoles) et les réseaux d’expérimentation (avec approche participative). L’identification des trajectoires techniques se fait sous les deux angles, individuel et collectif. Enfin il est nécessaire de mesurer les effets du changement technique et les externalités conséquentes. Cette approche fait référence à l’analyse systémique et à l’approche micro-économique de l’analyse des systèmes de production. Le dernier chapitre reprendra l’analyse en tenant compte de l’évolution récente des macros-facteurs aux niveau économiques et politiques en Indonésie pour tenter de répondre sur le futur de notre hypothèse globale sur la permanence des stratégies agroforestières en hévéaculture.

Enfin, une approche régionale intègre la prise en compte d’une unité relativement homogène de paysages, la région, à travers ses systèmes agraires. Trois régions particulières ont été choisies sur Sumatra et Kalimantan pour représenter l’ensemble des situations possibles. L’analyse sur l’innovation technique doit intégrer l’évolution des systèmes agraires, des systèmes de production, de la pluri-activité et des interfaces

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Le passage aux système agraires pose le problème du changement d’échelle, de la représentativité des enquêtes, donc des stratégies identifiées et de la validité de l’extrapolation à partir des essais en milieu paysan à l’échelle régionale. Les éléments qui concourent à l’évolution des stratégies paysannes sont développés dans le chapitre 7.

rural/urbain20.

Le cadre méthodologique sera basé sur les points suivants :

U la caractérisation des conditions physiques, et socio-économiques des situations économiques pour les différentes étapes de la périodisation.

U l’interprétation des comportements ou “phénomènes”. À la lumière d’un “esprit du temps”, avec une reconstruction, une re-interprétation de certaines composantes historiques dans le processus d’innovation et d’évolution des situations économiques.

U la prise en compte de l’importance des règles, ainsi que les routines, pour des unités socio-économiques précises : l’individu, le village (la communauté) et l’Etat. U la construction de systèmes-étapes, par étape identifiée au sein de la périodisation permettant l’étude des relations entres les différentes instances politiques, sociales, économiques et culturelles et techniques et l’analyse des stratégies.

Cette méthode s’inscrit dans la logique des théories des rythmes longs.

1.4.2 Les hypothéses de travail

L’analyse des déterminants des trajectoires et de leur évolution est primordiale dans la compréhension des phénomènes d’innovations et de leurs actions sur le changement technique. Endogénéité et apprentissage sont les fondements de la théorie sur l’élaboration de l’innovation. L’agroforesterie entre pleinement dans cette perspective. L’innovation est constituée de techniques et d’éléments qui concourent à sa mise en oeuvre : acteurs, stratégies, pratiques et environnement social et économique. Il est nécessaire de rechercher les invariants (pratiques agroforestières), les facteurs d’inertie et de non-changement (fronts pionniers et isolement, poids des modèles dominants, contraintes économiques...) et les éléments discriminants du changement technique. Ces éléments, leur histoire et leur évolution permettent de définir une ou plusieurs trajectoires et d’identifier un “processus d’élaboration” de l’innovation.

Parmi les innovations créées par les différents acteurs, les systèmes agroforestiers occupent une large place dans l’hévéaculture villageoise. Le constat de la permanence de la composante agroforestière dans les systèmes de production en Indonésie se fonde sur les critères suivants :

sur la monoculture.

U sociaux : les jungle rubber sont aussi le résultat d’une évolution des systèmes sociaux avec une part croissante de l’individualisme parallèlement à un contrôle communautaire encore important sur un certain nombre de décisions globales au niveau du groupe (entrée dans un projet, gestion de toute aide extérieure ...).

U politique : l’absence de projets et de politique gouvernementale hévéicole significative jusque dans les années 1970 a laissé le champs libre au développement paysan endogène.

U géographique : l’existence de fronts pionniers et de conditions foncières non limitantes a alimenté le développement local.

Les différents systèmes de culture hévéicoles qui sont la base des systèmes de production de nos zones sont les suivants :

U Jungle rubber (agroforêt à hévéa) de 1910 à nos jours.

U Monoculture de seedling (copie du système monoculture avec du matériel végétal non sélectionné) : des années 1910 à 1940. Développé par effet de copie uniquement dans les zones ou les planteurs ne disposent pas de capital ou d’accès au matériel végétal (cas de la transmigration par exemple). Ces cas sont globalement très limités mais ont ressurgi partiellement de façon endogène dans les anciens projets de transmigration orientée sur les cultures vivrières avec des planteurs javanais allogènes.

U Monoculture clonale stricte (utilisation de clones) depuis les années 1920 en grandes plantations et depuis les années 1970 en plantations villageoises. U Monoculture avec cultures intercalaires (clonales ou non mais avec cultures vivrières) ; pratiquées depuis le début par les planteurs.

U Ancienne monoculture avec ré-introduction de pratiques agroforestières (combinaison avec des arbres fruitiers ou arbres à bois de valeur après une phase de monoculture). Ces systèmes agroforestiers à base de clones crées par les planteurs hors projet sont des “RAS sendiri” ou RAS endogènes. Ils ont été développés par des planteurs innovants dans les années 1990.

U RAS : systèmes agroforestiers améliorés à base d’hévéa clonal avec optimisation des composantes du système. Ce sont des systèmes multi-forme à modalités variables, avec des degrés d’intensification graduels. Ils ont été expérimentés à partir de 1994 (les essais sont en cours).

L’évolution des jungle rubber aux systèmes agroforestiers améliorés est donc l’expression d’une histoire des innovations et du changement technique. Les RAS peuvent être perçus comme un stade ultime de recomposition des techniques et des savoirs. Celle-ci s’effectue autour de l’intégration d’innovations issues de modèles techniques différents avec des histoires différentes et donc des contenus sociaux différents. Elle intègre une très forte endogénéité. Elle est aussi le résultat de la

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Ces hypothèses seront revues au chapitre 6.

combinaison des stratégies des acteurs de l’innovation.

La permanence des stratégies agroforestières est aussi la résultante d’une volonté d’intégration progressive, de gestion particulière des ressources aboutissant à éviter les ruptures, génératrices de turbulences. Paradoxalement, elle s’accompagne d’un phénomène d’inertie et de “continuité non perturbante” dans l’évolution des systèmes de production.

Un certain nombre d’hypothèses21 de travail peuvent ainsi être développées :

U Il n'y a pas de différences fondamentales , au sein du processus de décision d’adoption et d’innovation, donc de stratégies des planteurs, entre innovations- produits exogènes et endogènes.

Le processus d’innovation est effectivement basé sur la mise en oeuvre d’une technique et non sur son origine ...Finalement les techniques d’agroforesterie complexe intègrent sans problème des innovations-produits de toutes origines.

U L'innovation est un processus de maximisation des ressources locales via un processus plus ou moins continu lié à l'évolution des conditions socio- économiques.

L’histoire des jungle rubber et des innovations endogènes liées à ce système de culture nous prouve le bien fondé d’une telle hypothèse. Le développement des RAS la conforte et la perpétue.

U Une technique exogène est d'autant plus rapidement adaptée qu'elle correspond sans risques au solutionnement d’une contrainte de l'exploitation. La encore, la nécessité faisant loi, il est clair qu’une innovation-produit qui résout un problème sans simplement le déplacer : par exemple l’usage de l’herbicide pour contrôler Imperata cylindrica et limiter les besoins en main d’oeuvre pour l’entretien des jeunes cultures est un exemple typique de la confirmation d’une telle hypothèse.

U A terme , un système de culture a besoin de techniques exogènes pour une meilleure optimisation, pour évoluer.

Cette hypothèse est l’expression de la notion de “saut technologique”. Effectivement, il arrive un moment ou la seule façon de faire progresser la productivité d’une plante est d’adopter une variété améliorée, soit en terme de rendement, soit en terme de tolérance ou de résistance à des maladies (le plus souvent les deux). Si les paysans ont généralement une capacité importante de sélection de variétés locales et d’adaptation (pour le riz par exemple), cette capacité se trouve réduite à néant pour une plante relativement récemment importée et qui ne se prête pas facilement à une sélection

massale. En effet, la sélection de nouvelles variétés améliorées, les clones, passe obligatoirement par la phase de multiplication par greffage, une technique que beaucoup ne maîtrisent pas encore. Le clone constitue donc par excellence l’innovation-produit exogène constituant un saut technologique par intensification. Le clone nécessite des intrants additionnels et un entretien plus marqué dans son jeune age. Le degré de changement lié à ce saut technologique est fort en monoculture. Il reste moins important en système agroforestier car plus proche des techniques traditionnelles.

U une technique exogène peut être à l’origine d’une innovation localisée (endogène) quand l'adoption débouche sur une ré-appropriation.

C’est la définition même du processus d’innovation et sa concrétisation au niveau des systèmes de culture.

Ces hypothèses de travail, complémentaires de notre hypothèse de base, seront examinées en partie II.

1.5 La permanence dans la lecture des systèmes agroforestiers.