Chapitre 8 : Discussion, conclusion et perspectives
1. Discussion des résultats
1.2 Construction du contenu du MOOC
1.2.1 Des performances didactiques cognitives des étudiants en termes
d’utilisation des stratégies d’élaboration et d’organisation
A notre connaissance, aucune étude n’a identifié de manière explicite les performances
didactiques manifestées par les étudiants dans un MOOC d’algorithmique et/ou de
programmation. Les résultats de notre étude révèlent que les étudiants utilisent des stratégies
cognitives de mémorisation, d’élaboration (à savoir poser des questions, faire le lien entre le
contenu et les connaissances antérieures) et d’organisation (à savoir utiliser des diagrammes
ou des tableaux) pour construire le contenu d’algorithmique.
Si la caractérisation de la construction du contenu ne constitue pas un des objectifs principaux
des recherches antérieurs (citées dans le chapitre 1 « tendances de recherches sur les MOOC »),
cette construction est néanmoins mentionnée implicitement dans plusieurs de ces recherches
(Andersen et Ponti, 2014 ; Chen et Chen, 2015 ; Cohen et Magen-Nagar, 2016 ; Jézégou, 2015 ;
Li et al., 2014 ; Miligan et Littlejohne, 2016 ; Watson, Kim et Watson, 2016 ; Veletsianos et
al., 2015). Ainsi, dans le cadre d’une étude focalisant sur l’investigation des processus
d’interactions des étudiants dans le cMOOC de programmation avec Javascript, Andersen et
Ponti (2014) rapportent à travers l’analyse de 160 posts de discussions issus du MOOC que
deux stratégies cognitives ont été identifiées : « l’identification d’un problème » qui est
visualisée comme étant principalement axée sur les utilisateurs : les étudiants discutent de leurs
problèmes ainsi que les tâches du cours de Javascript et « la co-création des tâches »
d’apprentissage qui consiste en la collaboration entre les organisateurs du MOOC et les
utilisateurs qui élargissent leurs zones proximales de développement (en échangeant avec les
utilisateurs plus expérimentés).
Par ailleurs, les études de Cohen et Magen-Nagar (2016) et Jézégou (2015) examinent les
stratégies d’autorégulation de l’apprentissage des étudiants dans le MOOC. Ainsi, Jézégou
(2015) relate des résultats d’une recherche qui porte sur les stratégies mise en œuvre par les
étudiants pour diriger eux-mêmes leurs activités d’apprentissage par et dans le cMOOC
« Internet Tout Y est Pour Apprendre ». Cette auteure distingue cinq processus
d’autorégulation adoptés par les participants de cMOOC : réflexion dont deux on peut les
considérer comme stratégies cognitives : « recherche et capitalisation personnelle
d’informations » et « consultation et appropriation des productions individuelles et
collectives ».
Contrairement à l’étude de Cohen et Magen-Nagar (2016) qui relate que les participants du
MOOC utilisent faiblement les stratégies cognitives d’apprentissage, notre étude montre que
les étudiants mobilisent davantage la stratégie d’élaboration « la mise en lien du contenu avec
les connaissances antérieures » et la stratégie d’organisation « l’utilisation des
organigrammes » pour construire le contenu d’algorithmique, essentiellement les boucles et les
conditions. Nous proposons deux interprétations de ce résultat. La première met en avant que
les étudiants visent un apprentissage durable qu’un apprentissage à court termes orienté vers la
réussite des examens (à l’instar des cours en présentiel). La deuxième est liée à la nature
abstraite de l’algorithmique. En effet, les étudiants sont conscients des stratégies qui sont
adaptées pour apprendre les concepts abstraits de l’algorithmique et qu’une simple répétition
ou un apprentissage par cœur des concepts ne permettent pas d’assimiler les fondements de
cette matière (Bey, 2013).
D’ailleurs, l’analyse des posts de discussion met en évidence que les performances didactiques
cognitives des étudiants ont consisté majoritairement à poser des questions dans les forums de
discussion pour pallier des difficultés rencontrées dans le MOOC qui sont en lien avec les trois
concepts de l’algorithmique : boucle, condition imbriquée et tableau. Toutefois, l’étude des
forums de discussion ainsi que les entretiens, révèle des lacunes liées aux stratégies cognitives
de la pensée critique (à savoir l’examen minutieux des concepts en discutant le contenu ou en
considérant quelque chose comme peu certain dans le cours). Ainsi, des échanges ont eu lieu,
cependant ils ne concernent qu’une partie des étudiants actifs. De plus, on observe que ces
échanges sont courts et que la plupart des messages se focalisent sur des questions/réponses
entre les étudiants et l’équipe pédagogique afin d’obtenir une réponse à une question
spécifique.
1.2.2 Des performances didactiques techniques des étudiants en termes de
mobilisation des vidéos
Les performances didactiques techniques déclarées dans le questionnaire et les entretiens avec
les étudiants sont des performances techniques centrées sur la mobilisation des ressources
pédagogiques en naviguant dans le MOOC. Plus particulièrement, les étudiants utilisent des
vidéos pour construire essentiellement les deux concepts de l’algorithmique : boucle et
condition. Les étudiants mobilisent des stratégies d’apprentissage pendant et après le
visionnement de ces vidéos à savoir prendre des notes, prendre des captures d’écran, travailler
des exemples d’algorithmes et retourner aux vidéos.
Certaines études, évoquent des résultats dans le même sens. Ainsi, Chen et Chen (2015)
énoncent que les participants d’un MOOC sur Coursera ont mentionné recourir aux stratégies
d’apprentissage dans les forums de discussion. En effet, ces participants ont déclaré, avant le
visionnement des vidéos, télécharger et lire les légendes des vidéos afin de comprendre le
contenu du cours. D’autres participants ont énoncé passer d’un quiz à un autre et regarder les
vidéos pour résoudre rapidement les quizz du MOOC. Dans ce sens, l’étude de Li et al. (2014)
indique que l’interaction avec les vidéos du MOOC consiste en l’usage des différents types
d’actions adoptées pendant le visionnement des vidéos à savoir mettre la vidéo en pause pour
noter les éléments importants, revenir en arrière, avancer la vidéo.
Watson, Kim et Watson (2016) expliquent cette mobilisation fréquente des vidéos par le fait
qu’elles se basent sur des approches, différentes des cours magistraux, qui assurent une certaine
interactivité permettant aux étudiants de vérifier leurs connaissances et de choisir la durée de
visionnement des vidéos. De plus, même si le contenu des vidéos du MOOC relève du cours
magistral, il est différent dans sa manière de présentation.
Malgré le fait que la plateforme de notre MOOC « Algorithmique : concepts de base et
applications » n’intègre pas une fonctionnalité de prise de note, on constate que les étudiants
ont déclaré prendre des notes pendant ou après le visionnement des vidéos. L’étude de Milligan
et Littlejohn (2016) faisait le même constat et rapportait que l’apprentissage dans le MOOC
n’est plus simplement confiné à la visualisation des vidéos, mais il implique une prise de notes
et réalisation des quiz. Considérées comme un moyen de renforcer leurs capacités de
compréhension du contenu des vidéos, ces auteurs soulignent que les étudiants ont utilisé les
prises de notes en déployant des stratégies apprises à l’université.
Veletsianos et al. (2015) apportent des précisions quant à la démarche de prise de note par les
étudiants d’un MOOC. Ainsi, en analysant les entrevues de 13 participants d’un MOOC, ces
auteurs décrivent de manière détaillée comment les étudiants ont pris des notes dans le MOOC.
En effet, deux manières ont été identifiées : prise de notes sur un papier et prise de note
numériques. Plus particulièrement, ces étudiants qui prennent des notes numériquement
utilisent des logiciels de traitement de texte ou prennent des captures d’écran. D’autres
étudiants ont pris directement les notes à partir des extraits de transcription des vidéos du
MOOC. Ces résultats, montrant l’utilisation des prises de note, s’expliquent par l’utilité perçue
(par les étudiants) de la stratégie de prise de note pour comprendre le contenu des vidéos
(Miligan et Littlejohne, 2016).
1.2.3 Des performances didactiques sociales des étudiants en termes
d’interactions avec les étudiants et/ou l’équipe pédagogique
Les résultats de l’analyse du questionnaire et des posts de discussion montrent que les étudiants
manifestent faiblement des performances didactiques sociales en termes d’interactions entre
eux ou avec l’équipe pédagogique du MOOC, sans rapport direct avec le contenu
d’algorithmique : exprimer son point de vue quant à la présentation du contenu ; commenter la
difficulté d’une activité spécifique ; remercier l’équipe pédagogique ; demander des liens de
téléchargement des outils de développement des programmes en langage C.
Notre étude montre également que les étudiants manifestent plus de performances didactiques
cognitives et techniques que de performances sociales. Une explication de ce résultat peut
résider dans la perception de l’apprentissage que se font les étudiants. En effet, on peut
supposer que tout au long de leurs expériences antérieures, ils ont développé une représentation
de ce qu’est « apprendre » en se focalisant plutôt sur des sujets qui portent directement sur le
contenu en question. Une autre hypothèse possible réside dans le fait que les étudiants
considèrent que les stratégies sociales sont moins indispensables pour réussir dans le MOOC
que des stratégies cognitives et techniques qui sont en lien avec des objectifs à savoir réussir
une activité d’apprentissage (Cartier, 2006).
1.2.4 Contenu construit par les étudiants en termes de savoirs conceptuels et
procéduraux
Le MOOC conçu visait à ce que les étudiants développent pas à pas la compétence
d’élaboration des algorithmes. Au regard de cet objectif, les étudiants ont construit des savoirs
conceptuels et procéduraux. Particulièrement, en mobilisant des vidéos du MOOC et/ou en
adoptant des stratégies cognitives à savoir la mise en lien des concepts avec les expériences
antérieures ou l’utilisation des organigrammes, les étudiants construisent essentiellement les
deux concepts de l’algorithmique considérés également par les concepteurs du contenu comme
incontournables pour apprendre l’algorithmique : les boucles et les conditions.
En s’intéressant à un niveau complexe de programmation, d’autres concepts ont été soulignés
dans l’étude d’Andersen et Ponti (2014). En effet, ces deux auteurs déclarent que les
participants du cMOOC de javascript cocréent des tâches d’apprentissage pour introduire les
concepts fondamentaux de javascript : fonction et fermeture
24. Dans ce sens, dans un contexte
d’apprentissage présentiel, l’étude de Nijembere (2015) montre que les concepts de boucle et
variable sont considérés comme fondamentaux en algorithmique et programmation.
On peut néanmoins penser que même si les étudiants mentionnent, dans notre recherche,
construire principalement les deux concepts de boucle et de condition, ils ont implicitement
construit d’autres concepts liés aux conditions et boucles à savoir les variables, les instructions
de base (l’affectation, la lecture et l’écriture). En effet, comme le souligne Nijembere (2015),
les concepts de l’algorithmique sont inter-reliés même s’il y a qui sont incontournables plus
que d’autres. Ainsi, par exemple on ne peut pas parler du concept de l’algorithme sans parler
des données d’entrées et de sorties, du traitement et de données de sortie. De même, les
concepts de boucles, variables et instructions de base se retrouvent dans une même instruction
d’un algorithme.
Les résultats de ces recherches antérieures présentés ci-dessus tendent à montrer que les
étudiants accordent moins d’importance aux savoirs procéduraux relativement aux savoirs
conceptuels. Notre recherche met en évidence de nouveaux éléments construits par les
étudiants dans le MOOC d’algorithmique. En effet, les résultats montrent que les étudiants ont
construit essentiellement deux types de savoirs procéduraux : la démarche à résoudre un
problème et l’exécution des algorithmes. Ce résultat peut être expliqué par le fait que les
étudiants sont conscients de la complexité de l’algorithmique qui nécessite en plus des savoirs
conceptuels des savoirs procéduraux à savoir la démarche de résolution d’un problème en
24 C’est une fonction qui fait utiliser des variables indépendantes (utilisées localement mais définies dans la portée englobante).