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Chapitre 1 : La décision en pré-design et la notion de constructibilité

1.3. Les démarches permettant l’anticipation des efforts : le processus Intégré et la discipline de

1.3.3. La constructibilité en France

Bien qu’au niveau international la constructability est, comme nous l’avons vu, considérée comme un des aspects dont il faut tenir compte en phase de conception, le terme constructibilité en France n’est pas vraiment connu pour être une discipline. Les définitions données par le dictionnaire Larousse sont :

- État d'un terrain constructible.

- Possibilité, formulée à l’aide d'hypothèses, d'énoncer un système logique recevable.

Créé en 2009, l’Institut de Recherche en Constructibilité (IRC) de l’Ecole Spéciale des Travaux Publiques (ESTP) de Paris, développe l’ensemble de ses thématiques de recherche autour de la constructibilité. La constructibilité a été définie par l’IRC comme (Gobin, 2010) :

« Une démarche qui vise à fournir, dès le lancement du projet, une assurance raisonnée quant à l’atteinte des objectifs de tout projet de construction sur son cycle de vie ».

La constructibilité comme discipline n’est pas une notion que le secteur de la construction française a intégrée de façon structurée. Ce terme rencontre une résistance à l’adoption de la part des professionnels parce que, substantiellement il n’est pas officiellement utilisé. Les démarches visant à améliorer le processus sont effectivement mises en place, mais elles ne sont pas englobées formellement. Par exemple, la conception réalisée sur la base de la démarche HQE (qui sera présentée dans le prochain chapitre) permet déjà de prendre en compte et de maitriser certaines des problématiques relatives à la performance du produit dans son cycle de vie. A notre avis, ce qui manque est, par contre, un cadre plus structuré permettant de prendre en compte à la fois les performances du produit et le processus dans lequel plusieurs acteurs vont se confronter.

La constructibilité, comme définie par l’IRC se rapproche plutôt à la constructability définie par le Construction Industry Institut of Australia (CIIA) (CIIA, 1993). Si en terme de définition les deux approches peuvent se rassembler, les différences s’observent sur le plan méthodologique. L’attention du CIIA est plutôt focalisée sur le processus et le bon enchainement des diverses étapes, alors que la constructibilité, comme traitée par l’IRC, insiste à la fois sur le processus et sur la performance du produit, car l’un ne peut pas faire abstraction de l’autre. Son objectif est d’assurer les performances d’usage attendues par les utilisateurs finaux (performance du produit), et de garantir la performance du processus tout au long du cycle de vie.

La constructibilité s’alimente, comme la constructability, de méthodes et approches qui concernent à la fois la performance, la gestion des risques et la garantie du processus et du résultat. Le regard est tourné à la fois sur l’ouvrage à réaliser et sur le processus de sa réalisation. L’anticipation des efforts et le partage de la connaissance en amont de la conception demeurent à la base de la démarche pour « mieux faire » et aboutir à un bon résultat en termes de délais, de coût et de qualité.

Les méthodologies intégrant la constructibilité représentent un lien entre les intérêts de l’industrie de la construction et la recherche multidisciplinaire et appliquée. C’est pourquoi elle se rapproche aux disciplines plutôt utilisées dans l’industrie comme l’analyse fonctionnelle et les approches systémiques (qui seront mieux développées dans le chapitre 2), pour les intégrer dans le secteur de la construction. Ces types d’approches permettent de modéliser les systèmes comme ensemble de sous-systèmes, composants, éléments, entre lesquels existent des interrelations. L’IRC propose

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d’exploiter l’approche à la fois pour la modélisation du produit, c’est-à-dire de l’ouvrage, et pour le processus de construction. Dans ce cadre on retrouve une distinction entre :

1) le système « pour faire », qui est l’ensemble des moyens techniques et humains nécessaire pour le déroulement du projet et

2) le système « à faire », représentant le système à réaliser, c’est-à-dire l’ouvrage.

La constructibilité consiste donc à prévenir les impacts potentiels du système « pour faire » sur le système « à faire ». La définition des critères de constructibilité, à différents niveaux systémiques, doit permettre de prendre en compte les effets non désirables du projet sur le produit (bâtiment ou infrastructure). Il s’agit, donc, de modéliser les impacts entre les deux systèmes pour pouvoir efficacement élaborer des stratégies d’intervention.

Dans ce contexte Gobin (Gobin, 2017a) clarifie ce qu’est le concept de constructibilité en France en soulignant les traits de son caractère et le lien avec les démarches et les recommandations actuellement utilisées comme moyens pour une bonne réussite du processus de construction.

Conclusions du chapitre 1 et définition de la problématique et des

objectifs de thèse

Le cycle de vie du bâtiment est caractérisé par l’interaction de plusieurs interlocuteurs et par l’enchaînement de diverses étapes et livrables. La clarification du cycle de vie du bâtiment nous a permis d’introduire la notion de pré-design. Le pré-design est donc défini comme le début de la conception, incluant les phases d’esquisse et d’avant-projet. Son importance est justifiée par l’ensemble des choix de conception qui représentent la définition stratégique du projet et qui limitent la liberté d’action des étapes suivantes. De même, des exemples très connus nous prouvent que les choix relatifs à l’innovation technologique doivent se réaliser le plus tôt possible à travers des évaluations multicritères. Cela permet de pouvoir préalablement définir les compétences requises et les éventuels risques que l’innovation comporte dans les étapes suivantes du pré-design. Les choix, si pris de façon responsable en amont de la conception, peuvent déterminer la bonne réussite de ce processus complexe. L’évolution de la démarche se fait en anticipant les choix et en les justifiant à travers les méthodes d’évaluation et en mettant en place des outils de gestion. Dans ce contexte, deux des approches qui nous paraissent pouvoir répondre à ces défis sont le processus de conception intégré et la constructibilité. Plus précisément, la constructibilité, en posant les problématiques relatives à la fois à l’efficience du processus et à l’efficacité du résultat du produit, permet une réflexion qui ne se fonde pas seulement sur la simple productivité en phase de production de l’ouvrage. Elle interroge aussi le domaine de la performance globale, vue comme respect des diverses exigences d’usage. L’anticipation des choix et des évaluations demeure donc, à la base d’un processus amélioré. Cependant, l’introduction de la constructibilité dans la phase de conception demande encore un effort de compréhension (du concept) et une réflexion quant aux outils à mettre en place.

Si le processus de conception intégré se montre encore difficilement praticable à cause d’une résistance culturelle, il faut, donc, fournir au concepteur les outils nécessaires lui permettant un

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accès à l’information, à la connaissance et un accompagnement méthodologique pour la prise en compte des technologies traditionnelles et innovantes.

De plus, l’intervention doit se réaliser en pré-design, car ce moment détermine les stratégies de réponse au cahier des charges et, en même temps, il constituera un cadre de contraintes pour les étapes futures.

Ce travail de thèse a l’objectif principal de proposer une méthode capable d’accompagner le choix du concepteur et d’évaluer la performance globale d’un projet en phase de pré-design.

La méthode devra permettre une analyse de la solution proposée, selon les divers aspects caractérisant le projet. Dans ce cadre, afin d’avancer sereinement dans la conception, le projet en phase de pré-design nécessite d’être analysé du point de vu des moyens disponibles, de la mise en œuvre des composants techniques (et donc des procédés constructifs), ainsi que du comportement global du bâtiment en phase d’exploitation.

Sur la base des constats précédemment exposés, il a, donc, été possible de formuler la question définissant la problématique de cette thèse :

Comment permettre l’évaluation et accompagner les choix réalisés en pré-design, afin d’obtenir une solution pertinente et robuste vis-à-vis de sa réalisation et des exigences du programme ?

Le cadre d’analyse porte, donc, sur la pertinence et la robustesse vis-à-vis des exigences exprimées du projet en phase de pré-design. Pour répondre à la question posée nous nous baserons sur la discipline de la constructibilité. En suivant la définition donnée par l’IRC, la méthode d’évaluation constituera aussi un cadre applicatif de cette discipline.

L’analyse de principes caractérisant la constructability, qui pour nous représente une constructibilité « technique », et qui vise à optimiser la productivité en phase de chantier, nous permettra d’alimenter le cadre d’évaluation du point de vue de la faisabilité pratique. D’autre part, la vérification des performances en phase d’exploitation, nécessitent une réflexion et une analyse des méthodes et des outils permettant l’évaluation de la performance et l’accompagnement en pré-design.

C’est pourquoi dans le chapitre suivant, constituant le corpus de l’état de l’art, nous analyserons les diverses méthodes d’évaluation et d’accompagnement liées à la constructibilité et à la performance globale du bâtiment. Cette analyse nous permettra de comprendre les limites et le potentiel de chaque méthode et outil, et de proposer, par conséquence notre méthode d’évaluation.

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Chapitre 2 : Les bases pour la proposition d’une nouvelle