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Chapitre 1 : La décision en pré-design et la notion de constructibilité

1.3. Les démarches permettant l’anticipation des efforts : le processus Intégré et la discipline de

1.3.1. Le Processus de Conception Intégré

Parmi les modèles organisationnels recensés qui permettent d’intervenir sur la linéarité du processus de construction, le plus connu au niveau international est peut-être le Processus de Conception Intégré (PCI). Le PCI, né dans les années 90 en Canada, prévoit un modèle organisationnel synergique dans lequel tous les acteurs participent activement dès le début de la conception. Ce dernier, se base sur une vision partagée et une compréhension holistique du projet (Busby Perkins & Will and Stantec Consulting, 2007).

Contrairement au processus conventionnel, dans le PCI les opérations des diverses parties prenantes s’influencent réciproquement et déterminent les choix ainsi qu’un échange proactif. Il s’agit donc d’un processus itératif dans lequel une équipe pluridisciplinaire collabore afin de mettre en place un processus participatif de façon à tenir compte des niveaux de performance économique, fonctionnelle et esthétique à atteindre.

L’adoption d’un modèle dans lequel les efforts sont anticipés le plus tôt possible à travers le partage des connaissances aurait ses avantages. La Figure 1-9, dite aussi courbe de MacLeamy (MacLeamy, 2004), illustre l’effet d’un changement de pratique. Cette représentation met en relation les étapes du processus de construction et les efforts réalisables par l’ensemble des acteurs. Les effets sur les coûts se réduisent en passant d’une approche traditionnelle (courbe 3 dans la figure), où les décisions sont prises dans les dernières phases du processus, à une approche innovante (courbe 4) où les actions sont réalisées en amont. En réalisant ce passage, l’effort maximal se fait dans une étape où la capacité à impacter sur la maîtrise des coûts (courbe 1) est encore élevée et où les coûts associés aux changements (courbe 2) ne sont pas trop importants.

Les avantages concernant l’utilisation de cette démarche sont documentés par la Roadmap sur le PCI (Busby Perkins & Will and Stantec Consulting, 2007). Parmi les exemples reportés dans ce rapport concernant l’application d’une approche de conception intégrée en phase de pré-design, nous retrouvons la conception de la City of white rock operations building (livré en 2003). La mise en place d’un PCI, a permis de déterminer une série de stratégies innovantes pour la réduction de l’utilisation d’eau in situ d’environ 90%, une réduction de la consommation d’eau du bâtiment d’au

6 En anglais ce terme est souvent considéré un synonyme de constructability et il est moins utilisé. En considérant deux significations différentes, nous faisons une distinction entre la constructability et constructibilité (constructibility)

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moins 30% et une réduction de la consommation d’énergie de 60% de mieux que celui exigé par le Code National de l’Energie du Canada.

Figure 1-9 - Comparaison entre une approche conventionnelle et une approche intégrée (MacLeamy, 2004). Un autre exemple est représenté par le centre médical de l’Université de Victoria (terminé en 2006). Cet ouvrage a été réalisé à travers un PCI visant à optimiser l’interface entre l’architecture et les équipements techniques. L’intégration des équipements dans la structure permet une flexibilité des espaces, ce qui donne aux usagers la possibilité d’apporter des changements de configuration à coûts et délais limités (Busby Perkins & Will and Stantec Consulting, 2007).

La mise en place du PCI n’est pas toujours aisée, c’est pourquoi les agences d’architecture qui l’adoptent ne sont pas nombreuses (Busby Perkins & Will and Stantec Consulting, 2007). En général, les agences d’architecture préfèrent une approche conventionnelle qui leur est plus familière et qu’elles maîtrisent mieux.

Les principales barrières d’application d’un PCI concernent :

- La résistance à l’innovation : l’industrie de la construction accepte lentement les changements de pratique pour ne pas risquer de prendre un parcours inconnu ;

- Le timing : très souvent la conception est réalisée dans une petite plage de temps et de façon rapide. Cela comporte de renvoyer toute sorte d’évaluation après le concours, quand par contre, c’est déjà trop tard ;

- Les divergences dans l’équipe de conception : la collaboration entre les diverses parties prenantes peut être mise en danger si les objectifs des participants demeurent contradictoires ;

- La priorité des compétences : chaque acteur considère son domaine prioritaire par rapport aux autres, cela comporte une situation de conflit s’il n’y a pas de médiation et de compréhension pour aboutir à un objectif commun

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D’un point de vue pratique, la synergie dans le processus s’est traduite, de façon sans doute trop simpliste, en une interopérabilité des modèles numériques. L’utilisation d’outils BIM comporte la définition d’un modèle virtuel incluant des informations et des données concertant les matériaux et les composants du bâtiment. Le BIM est utilisé pour plusieurs types d’applications, comme par exemple : pour visualiser le projet à travers une maquette virtuelle qui peut être partagée entre divers utilisateurs ; pour réaliser un contrôle de la qualité des documents techniques ; pour la gestion des interfaces entre la conception architecturale et technique ; pour réaliser des modèles 4D ou 5D intégrant la dimension du temps, à travers le planning des opérations de chantier et la dimension économique.

Il faut par contre toujours considérer que le BIM est un outil qui montre son potentiel dans les étapes avancées de la conception, quand les composants sont déjà figés. D’autre part, il peut se montrer limité par rapport au type d’interopérabilité (Negendahl, 2015).

1.3.2. « Les définitions » de constructibilité à l’international et les retours

d’expérience

Pour maitriser les risques de changement de la performance et donner une réponse concrète à l’industrie de la construction, la discipline de la Constructibilité propose des méthodes et des démarches innovantes.

Ce concept tient ses racines des termes anglais « Buildability » et « Constructability ».

Parfois, ces deux termes sont confondus en considérant que buildability est le terme utilisé par les anglo-saxons et constructability le terme plutôt employé par les Américains.

En réalité les deux définitions sont différentes. Kifokeris et Xenidis (Kifokeris & Xenidis, 2017) proposent un état de l’art assez exhaustif des travaux intégrant ces deux concepts et en clarifient le cadre d’application.

La buildability représentait, dans sa définition des années ’60 fournie par le Construction Industry Research and Information Association (CIRIA, 1983), l’effort accompli en phase de conception à travers la prise en compte des étapes de réalisation. Ce concept est lié à la qualité du produit, à la facilité de mise en œuvre et à l’efficacité et à la rentabilité de la construction.

Plus tard, l’exigence de prendre en compte l’ensemble du cycle de vie du bâtiment, a porté à la définition de constructability. Comme défini par le Constriction Industry Institut CII, elle est « l’utilisation optimale des connaissances et des expériences pendant les différentes phases du projet pour atteindre les objectifs fixés » (CII, 1986). Dans les années suivantes, la même notion a été présentée avec des définitions analogues. Le Constriction Industry Institut of Australia, CIIA, plus tard, la définie comme « l’intégration des connaissances de la construction dans la livraison du projet permettant de balancer les diverses contraintes, afin d’atteindre les objectifs du projet et un niveau de performance optimale du bâtiment. (CIIA, 1993).

Dans les recherches développées dans les années suivantes, les deux termes ont été souvent utilisés de façon interchangeable. Cela a porté à une confusion en termes de recherches et outils développés (Kifokeris & Xenidis, 2017).

Dans les années 2000 certaines études (Nima, et al., 2001) ont établi la différence de domaine d’intervention des deux notions. La constructability est un concept de recherche incluant la branche

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pratique de la buildability pour ce qui concerne une étape du processus (prise en compte de la réalisation en conception) (Figure 1-10).

Figure 1-10 – Relation entre constructability et buildability

Le CII présente la constructability comme une des meilleures pratiques à mettre en place en phase de planification et de conception pour la réalisation de projets de qualité. Selon le rapport rédigé par le CII qui rassemble les bonnes pratiques et leurs retours d’expérience (CII, 2012), les bénéfices dans l’utilisation de cette pratique concernent :

- la réduction des coûts des opérations d’environ le 4,3 % en moyenne ;

- la réduction du planning, et donc de la durée des opérations, d’environ 7,5 % ;

- une amélioration de la sécurité et de la sûreté du projet et des impacts environnementaux ; - une augmentation de la qualité du projet ;

- une amélioration des rapports des équipes de projet ;

- une minimisation des changements en termes de choix ou de planning ; - une amélioration dans la progression des travaux ;

- des résultats (une base de données) exploitables dans d’autres opérations.

Les avantages dans l’application de la pratique sont ainsi montrés dans l’étude portée par Yitmen et Akyel (Yitmen & Akyel, 2005). Les auteurs s’interrogent sur les défis et les opportunités dans la prise en compte de la constructability dans l’industrie de la construction des pays en développement. La mise en place des approches visant à la constructability permet une optimisation des coûts, de la sécurité et de la qualité de l’ouvrage et une minimisation des interférences dans les opérations de chantier. Ils constatent, ainsi, que l’intégration des concepts relatifs à cette pratique (qui seront mieux développés dans le chapitre 2), en amont de la conception, a une importance très élevée pour le bon déroulement du processus.

Constructability

Intégration des connaissances tout

au long du projet (programmation,

conception, réalisation, livraison)

Buildability

Intégration des connaissances en phase

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