• Aucun résultat trouvé

Chapitre I : Les coproduits de l’industrie papetière, des matières riches en polyphénols

I. 1.3.4.2 Le bois de cœur

I.3. Les nœuds et les écorces d’arbres, sources de composés bioactifs

I.3.1. Les constituants de la matrice végétale

I.3.1.1.

Les constituants des parois végétales : cellulose,

hémicelluloses et lignines

Les polymères constitutifs de la paroi cellulaire sont la cellulose, les hémicelluloses et les lignines (Higuchi, 1997). Selon la proportion en ces constituants et leur répartition, les propriétés physico-chimiques de la matière et en particulier, les propriétés mécaniques et la résistance aux agents chimiques varient considérablement (Tableau I-5).

Tableau I-5 : Structure et fonction des principaux constituants pariétaux des cellules végétales (Barnoud, 1980; Joseleau, 1980; Monties, 1980; Guignard, 2000)

Constituant moyenne des Teneur plantes*

Rôle dans la

paroi Composition chimique Propriétés physico-chimiques Solidité mécanique

Résistance aux microbes et enzymes Insoluble

Hydrolysée par l'acide sulfurique concentré

Solubles dans les solutions basiques, le diméthylsulfonide et le

diméthylformamide Précipitées par les alcools Résistent moins que la cellulose à

l'action d'agents d'hydrolyse Insolubles dans l'acide sulfurique

concentré

Solubilisées principalement par la soude

Résistance aux microbes et enzymes Lignines 2,4-27,0 Polymères d'alcool coniférylique, alcool sinapylique et alcool coumarylique Rigidité, soutien Souplesse, flexibilité pour la croissance Résistance mécanique, rigidité, hydrophobie, protection Hémicelluloses 12,0-47,2 Polymères de glucose, xylose, arabinose, galactose, fucose, mannose, rhamnose Cellulose 20,0-51,5 Homopolymère linéaire d'unités de glucopyranose

liées par une liaison glucosidique (1-4)

* Teneur en g de fibres par 100 g de matière sèche

La répartition de ces constituants est différente entre les espèces d'arbres (Sudo, 1976) comme le montre le Tableau I-6. (Guidi et al., 2009), (Valette and De Choudens, 1992), (Fradinho et al., 2002), (Le Digabel-Houllier, 2004), (Sanchez, 1990)

Tableau I-6 : Composition en cellulose, hémicelluloses, lignines et matières minérales des écorces et du bois du pin maritime et du peuplier

Cellulose Hémicelluloses Lignines Matières minérales Référence

Bois de pin maritimea 47,1 25,2 25,6 N.D. Valette et De Choudens, 1992

Ecorces de pin maritimea 24,0 13,3 - 17,9 33,2 - 39,4 N.D. Fradinho et al., 2002

Bois de peuplierb 54,5 16,1 18,8 1,1 Guidi et al., 2009

Bois de peupliera 51,0 21,4 22,7 N.D. Valette et De Choudens, 1992

Ecorces de peuplierb 27,4 ± 0,6 11,2 ± 0,5 19,3 ± 0,9 6,2 ± 0,2 Guidi et al., 2009

Bois conifèresb 40,0-45,0 7,0-14,0 26,0-34,0 < 1,0 Le Digabel-Houllier, 2004

Bois de feuillusb 38,0-49,0 19,0-26,0 23,0-30,0 < 1,0 Le Digabel-Houllier, 2004

Teneurs en constituants pariétaux (g par 100g de matière sèche) Matière première

a Dosage des lignines par la méthode Klason, dosage de la cellulose et des hémicelluloses b Dosage des fibres par la méthode de Van Soest et Wine

Les arbres présentent une forte variabilité entre eux dans la teneur en cellulose, hémicelluloses et lignines. La fibre lignocellulosique des écorces, en particulier du pin, serait beaucoup plus ligneuse que les fibres de bois mais ce résultat peut être nuancé par la méthode de dosage employée. En effet, les lignines ont été dosées dans les écorces de pin maritime à l’aide de la méthode Klason. Cette méthode de dosage ne permet pas de distinguer les lignines, polymères polyphénoliques tridimensionnels, des autres polyphénols présents dans la matière, ce qui augmente la valeur de la teneur en lignines par rapport aux autres fibres (Carpita and McCann, 2000; Grabber, 2005).

Jusqu’à présent, aucune donnée chiffrée n’a été publiée concernant la teneur en fibre des nœuds de pin maritime et de peuplier. Néanmoins, du fait de sa fonction de soutien, il est possible d’émettre des hypothèses quant à sa composition en fibres. Le nœud est constitué d’un bois dit « de réaction » qui est provoqué par une orientation non verticale (Plomion et al., 2001). Chez les conifères, il s’agit d’un bois de compression qui se forme au niveau de la partie basse de la section du nœud par rapport à la moëlle et qui pousse la branche vers le haut (Timell, 1986). Ce bois sombre contient moins de lignines et plus de cellulose qu’un bois normal de façon à supporter une pression mécanique importante (Du and Yamamoto, 2007). Chez les feuillus, le bois de tension est formé sur la partie haute de la section du nœud par rapport à la moëlle et exerce une traction sur la branche. Ce bois, caractérisé par une couleur blanche, contient des fibres gélatineuses peu ou pas lignifiées et présente également un fort taux de cellulose (Raven et al., 1999).

I.3.1.2.

Les protéines et l’azote

L’azote organique est essentiel pour la croissance et le développement de l’arbre. L’azote, dans la matière végétale, se retrouve dans les composés minéraux et les oligo-éléments qui sont des éléments nutritifs puisés dans le sol, les enzymes qui interviennent dans les métabolismes des plantes, les protéines de structure et les protéines de réserve (Hopkins, 1999). Contrairement aux tissus des herbacés qui contiennent typiquement 1 à 5 % en masse sèche d’azote, les tissus des plantes ligneuses en contiennent 0,03 à 0,1 % (Cowling and Merrill, 1966). Selon ces derniers auteurs, les bois durs, composés de feuillus, contiennent un plus grand pourcentage massique d’azote que les bois tendres, comprenant essentiellement des conifères (Tableau I-7).

Tableau I-7 : Teneur en azote protéique du bois de diverses essences d'arbres

Essence (g par 100g de matière sèche)*Teneur en azote organique Référence

Pin Douglas 0,05-0,10 (Allison et al., 1963 ; Pingrey, 1976)

Pin de Monterey 0,09-0,15 (Wong and Wilkes, 1988)

Pin tordu 0,07 (Allison et al., 1963)

Pin argenté 0,11 (Allison et al., 1963)

Pin blanc 0,09 (Allison et al., 1963)

Sapin blanc 0,05 (Allison et al., 1963)

Sapin rouge 0,23 (Allison et al., 1963)

Cèdre rouge 0,14 (Allison et al., 1963)

Mélèze de l'ouest 0,18 (Allison et al., 1963)

Séquoia 0,06-0,10 (Allison et al., 1963 ; Pingrey, 1976)

Cyprès 0,06 (Allison et al., 1963)

Tsuga de l'est 0,11 (Allison et al., 1963)

Tsuga de l'ouest 0,04-0,10 (Pingrey, 1976 ; Veverka et al., 1993)

Peuplier jaune 0,09 (Allison et al., 1963)

Chataîgner 0,07 (Allison et al., 1963)

Noyer noir 0,10 (Allison et al., 1963)

Gommier de Camaldoli 0,06 (Allison et al., 1963)

Chêne blanc 0,10 (Allison et al., 1963)

Chêne rouge 0,10 (Allison et al., 1963)

Chêne noir 0,07 (Allison et al., 1963)

Erable 0,25 (Pingrey, 1976)

Bouleau européen 0,09-0,16 (Dill et al., 1984)

B ois t endre B ois du r

Par ailleurs, la teneur en azote diminue généralement à travers le tronc en fonction de l’éloignement par rapport à l’écorce (Madgwick and Frederick, 1988). L’azote du bois est généralement inclus dans les protéines et c’est pourquoi la zone cambiale, où a lieu la

non-protéique se situe dans des composés tels que des acides aminés libres, des uréides, des acides nucléiques, des alcaloïdes, et de l’azote inorganique. Les composés contenant de l’azote inorganique n’ont pas été détectés en grandes quantités.

I.3.1.3.

Les composés lipophiles et les résines

Les nœuds des espèces de Pinus sont des matières très riches en composés lipophiles tels que des acides gras, des acides résiniques et des terpènes (Pietarinen and Hotanen, 2011). De plus, la concentration en acides résiniques des nœuds est de 5 à 20 fois plus élevée que pour le bois (Karppanen et al., 2007). Le contenu en résines du nœud est plus élevé au centre du tronc et diminue fortement tout au long du nœud en direction de l’extérieur (Willför et al., 2003c). Ces substances sont sécrétées pour prévenir les attaques des agents pathogènes à la base de la branche, déjà fragilisée par des contraintes mécaniques (Lieutier et al., 1995). Les écorces de pin maritime, quant à elles, contiennent des acides gras, des acides résiniques et des stérols (Braga et al., 2008) qui représentent 1,5 % de la matière sèche (Nunes et al., 1996).

De même, les nœuds des espèces de Populus contiennent plus d’extractibles lipophiles que le bois : ils représentent entre 0,6 et 0,9 % en matière sèche des nœuds du peuplier à grandes dents (Populus grandidentata) et entre 1,2 et 2,0 % de matières sèches des nœuds du peuplier faux-tremble (Populus tremuloides) (Pietarinen et al., 2005a). Ces substances lipophiles sont des monoglycérides, des acides gras à longue chaine, des acides gras hydroxylés et des esters d’acide férulique. L’écorce de peuplier faux-tremble contient près de 4 fois plus de composés lipophiles que le bois en masse fraîche (Dunlop-Jones et al., 1991).

Pour l'élimination préalable de la résine insoluble dans l'eau, les solvants organiques tels que l'acétone, l'éther de pétrole, l'éther diéthylique et des alcools doivent être utilisés (Wegelius, 1940; Anderegg and Rowe, 1974; Karppanen et al., 2007). Néanmoins, la résine d’arbre peut contenir des extractibles hydrophiles tels que des lignanes, ce qui montre à quel point les extraits d’arbres sont des mélanges complexes (Yamamoto et al., 2004).

I.3.1.4.

Les extractibles hydrophiles

Les organismes végétaux, contrairement aux animaux, sont immobiles et ne peuvent pas fuir les conditions défavorables à leur développement. Ces conditions néfastes comprennent le stress hydrique ou salin, les températures extrêmes, la toxicité des polluants et le stress

oxydatif et causent des dégâts majeurs dans la production agricole et la végétation naturelle (Levitt, 1972). De ce fait, ces organismes ont développé des stratégies d’adaptation pour surpasser ces contraintes environnementales (Edreva et al., 2008). En effet, les plantes ont élaboré un éventail de molécules, appelées métabolites secondaires, qui sont présentes seulement dans certaines parties de la plante et sont produites dans certaines circonstances (Haslam, 1986). Ces composés, dont le nombre est supérieur à une centaine de milliers, sont issus de toutes les classes principales de composés organiques : aliphatiques, aromatiques et hétérocycliques (Hadacek, 2002).

La grande variété de structures chimiques des métabolites secondaires permet aux organismes végétaux d’assumer de nombreuses fonctions biologiques complexes telles que la transduction de signal (Yang et al., 2007), l’attraction de pollinisateurs (Kessler and Baldwin, 2007), l'allélopathie (Ruan et al., 2011), la photoprotection (Beggs et al., 1987), l'activité antioxydante (Erel et al., 2011), la cicatrisation des plaies (Bernards and Lewis, 1992) ou la protection contre les pathogènes (Dixon and Harrison, 1990).

Les voies de biosynthèse des métabolites secondaires, par exemple la voie des phénylpropanoïdes qui conduit à la formation des stilbènes, des flavonoïdes et des lignanes, sont stimulées en cas de stress (Fritz et al., 2006). Les arbres, caractérisés par de longues périodes de croissance, sont plus sévèrement touchés par ces stress et sont, par conséquent, plus productifs de ces métabolites secondaires (Osakabe et al., 2012). Les arbres sont les organismes ayant les plus grandes dimensions du règne végétal (largeur, hauteur, etc), et ils ont donc dû élaborer des réponses à des contraintes particulières telles que la charge des branches ou les attaques par les herbivores et les agents microbiens (Gunthardt-Goerg and Vollenweider, 2007). En raison de ces contraintes, les écorces, qui sont le dernier rempart physique entre l’arbre et le monde extérieur et les nœuds, c'est à dire les parties des branches encastrées dans le tronc, contiennent de grandes quantités de composés bioactifs, parmi lesquels les polyphénols occupent une place particulièrement importante.

I.3.1.5.

Polyphénols et antioxydants naturels, des composés

phytochimiques d’intérêt