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Constats liés aux motivations à intégrer le marché du travail par l’entremise du programme

6. Discussion des résultats

6.1 Constats liés aux motivations à intégrer le marché du travail par l’entremise du programme

Afin de répondre à la question de recherche, un des objectifs spécifiques qui avait au départ été fixé était de mieux comprendre les motivations qui mènent les personnes immigrantes peu scolarisées à intégrer le marché du travail par l’entremise d’un programme d’intégration socioprofessionnelle. Dans la théorie de la transition, les motivations réfèrent au concept d’élément déclencheur.

Bien qu’ils soient interdépendants, l’intégration au marché du travail et l’engagement dans un programme d’intégration socioprofessionnelle ont été présentés par les participants comme deux transitions distinctes. Suivant l’ordre chronologique de ces transitions pour les participants, les constats liés aux motivations des participants à intégrer le programme ISP seront présentés avant de poursuivre avec les constats liés à leurs motivations à intégrer le marché du travail.

Plusieurs participants voient leur engagement dans le Programme ISP comme une continuité naturelle à leur cheminement en francisation. Si certains n’avaient pas l’idée de continuer dans ce programme lorsqu’ils ont commencé la francisation au Centre Louis-Jolliet, les participants ont identifié les enseignants en francisation et les agents administratifs du Centre Louis-Jolliet comme des personnes clés les ayant informés et encouragés à s’inscrire au Programme. Les participants signalent également qu’ils développent un réseau de soutien avec les autres étudiants du Centre et que les échanges avec ceux-ci leur permettent d’obtenir des informations sur les expériences de leurs pairs. Plusieurs participants soulignent par ailleurs l’importance de la certification dans leur processus d’intégration au marché du travail, certains allant même jusqu’à affirmer qu’ils n’y parviendraient pas sans un tel programme. Le discours des participants rejoint donc l’idée développée par Pierson (1998) à l’effet que le marché de l’emploi exige aujourd’hui davantage d’années de scolarité, et ce même pour les emplois requérant peu de qualifications. Quant aux participants analphabètes, ceux-ci affirment que le Programme ISP est le seul cheminement leur garantissant l’accès à un emploi adéquat dans leur condition. Pour d’autres, le Programme est non seulement l’occasion d’améliorer leurs aptitudes dans leur domaine, mais également leurs conditions de travail en comparaison avec un emploi ne nécessitant pas de certification. Plus largement, la compétence de la communication semble être une préoccupation majeure pour la plupart des participants et ils perçoivent le Programme ISP comme une façon d’amenuiser l’écart entre ce qu’ils considèrent être les attentes du marché du travail en termes de niveau de français et leur propre niveau. Nos résultats corroborent donc la prédiction d’Holzer (1996) : les emplois n’exigeant que peu de scolarité requièrent aujourd’hui la capacité de communiquer dans bien plus de situations qu’auparavant. Le stage est d’ailleurs identifié comme une étape très importante du Programme, alors qu’ils pourront pratiquer leur français en contexte de travail avec des Québécois francophones. Les commentaires des participants concernant le programme ISP et leur progression sont généralement très positifs. Ainsi, la perception du programme ISP ne correspond pas aux idées avancées par Craats, Kurvers et Young-Scholten (2006) à l’effet que les méthodes d’enseignement dans les programmes pour les personnes immigrantes sont souvent en inadéquation avec les capacités et les stratégies d’apprentissage de ces derniers.

Quant aux motivations à intégrer le marché du travail, une majorité de participants et de participantes ont évoqué qu’un changement dans leur environnement, comme la rupture avec leur conjoint, a rendu nécessaire leur intégration au marché du travail en raison des nouvelles responsabilités que cela représente. De ce fait, ces participants perçoivent forcément l’entrée sur le marché du travail comme une amélioration des conditions financières de leur famille et une façon de réaliser des projets auxquels ils aspirent, dont une éducation adéquate pour leurs enfants. L’idée que le projet migratoire est souvent réfléchi en fonction du futur de la famille, particulièrement celui des enfants (Vatz-Laaroussi et Messe-Bessong, 2008), semble être avérée dans le cas des participants. Certains soulignent par ailleurs que le fait de travailler représente pour eux une amélioration de leur bien-être psychologique, ce qui confirme les propos de Le Goff, McAll et Montgomery (2005) indiquant que l’emploi est bien plus qu’un revenu. Les participants indiquent qu’il s’agit d’une forme d’organisation qui régule leurs habitudes de vie et leur permet de développer un réseau.

Enfin, le discours des participants véhicule une représentation de deux groupes dont l’attitude est aux antipodes, au point de créer des conflits entre les membres de chacun d’eux. Leur groupe d’appartenance est engagé positivement dans son intégration au marché du travail, alors que les membres de l’autre groupe manquent de courage, sont irresponsables et ne sont pas prêts à surmonter des obstacles afin de s’intégrer. Pour reprendre les termes de la typologie d’Herman et Réa (2017), les participants veulent à tout prix éviter une « carrière

de dépendance sociale ». Cet engagement se rapporte à une valeur importante de la société québécoise : l’autonomie financière. Ce clivage tracé par les participants montre qu’ils entretiennent un sentiment d’appartenance envers cette valeur. Le Goff, McAll et Montgomery (2005) indiquent à cet égard que le travail et l’autonomie financière sont des composantes importantes de l’identité et de l’estime que les personnes ont d’elles-mêmes. Les propos des participants montrent qu’ils actualisent ces valeurs en suscitant la culpabilité des personnes de leur groupe d’appartenance qui n’ont pas le même engagement envers celles-ci. Si Fortin (2000) souligne que la notion d’intégration peut revêtir une signification complètement différente d’une personne immigrante à une autre, les idées des participants semblent plutôt montrer une standardisation des perceptions quant à l’intégration. En effet,

ces derniers semblent simplement avoir adhéré au discours dominant concernant la primauté de l’insertion socioprofessionnelle sur le processus général d’intégration. Dans le cadre d'une autre étude, il serait intéressant de savoir si les personnes immigrantes peu scolarisées qui ne sont pas dans un processus d'intégration au marché du travail adhèrent également au discours dominant.

6.2 Constats liés aux caractéristiques personnelles et environnementales