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Les caractéristiques personnelles nécessaires à la réussite des transitions

5. Présentation des résultats

5.6 Les caractéristiques personnelles nécessaires à la réussite des transitions

Le discours des participants interviewés dans cette étude montre qu’ils sont relativement confiants quant à leur capacité d’intégrer le marché de l’emploi au Québec et que leur participation au programme ISP est une voie efficace afin de réaliser positivement cette transition. Au-delà de cette conviction, les participants ont régulièrement mis en évidence les caractéristiques personnelles qui, selon eux, permettent de réaliser une transition positive, soit en faisant part de leurs réflexions ou en relatant leur expérience personnelle. Du même souffle, certains révélaient les caractéristiques personnelles qui, selon eux, pouvaient entraver un processus de transition.

L’humilité et l’ouverture sont des ingrédients identifiés par plusieurs participants comme des incontournables à la réussite de leur transition vers le statut d’étudiant. En effet, l’intégration au marché du travail est un objectif que plusieurs participants avaient déjà atteint antérieurement au cours de leur vie. Ces participants, qui comptent souvent de nombreuses années d’expérience dans leur domaine, ont tout de même décidé de retourner sur un banc d’école en participant au programme ISP. Pour pleinement s’engager dans ce projet d’étude, ils doivent faire preuve d’ouverture envers de nouvelles idées et de nouvelles façons de faire, tout en se montrant humbles quant à leurs aptitudes dans leur domaine.

« Le travail, je crois que je peux m’améliorer beaucoup plus qu’avant quand je travaille, puisque je sais que je peux apprendre beaucoup et prendre de l’expérience. Il y a beaucoup de choses que je ne connais pas. Je peux l’apprendre ici, ça je le sais. […] Je pense que c’est ça la vie. C’est une partie de l’intégration. Tu ne peux pas arriver puis connais tout… non, non, non. Il faut commencer petit à petit, puis tu deviendras. »

L’expérience de certains participants indique par ailleurs que l’audace, ou encore le courage, est un trait de caractère qu’il est nécessaire de posséder afin de réussir leur projet d’intégration. Le fait de se retrouver dans un environnement différent dans lequel les participants sont habitués d'évoluer peut être inconfortable. À titre d’exemple, choisir d’évoluer dans un milieu de travail francophone plutôt que dans un milieu qui partage leur langue maternelle permet aux participants d’apprendre plus rapidement le français, mais est un défi d’autant plus difficile à relever. Les participants qui prennent délibérément cette décision manifestent un profond désir de changement et doivent être prêts à sortir de leur zone de confort.

« Avant, j’ai pensé : « Je vais trouver un stage dans un milieu où on parle ma langue maternelle. » Après, j’ai pensé : « Je dois sortir de ça. Je dois commencer. » Je vais apprendre plus, surtout le français. »

Dans le même ordre d’idées, les participants doivent faire preuve de détermination afin de mener à terme les différentes transitions qu’ils vivent. Ils indiquent que les personnes immigrantes qui ne sont pas engagées dans les transitions nécessaires à l’intégration n’affichent pas suffisamment de volonté et vont plutôt trouver des prétextes afin d’éviter de s’engager dans une transition. Selon ces participants, des personnes immigrantes peuvent réussir certaines transitions, mais ne pas être en mesure d’entreprendre les transitions subséquentes car ils ne sont pas assez tenaces. Un participant indique d’ailleurs qu’il a dû faire preuve de discipline afin de continuer à entretenir des liens avec des francophones et ainsi maintenir ses acquis. Selon lui, un effet boule de neige peut survenir : une perte de motivation a pour effet de freiner le processus de transition, et cette baisse de régime peut à son tour causer une perte de motivation encore plus importante.

très loin. » […] Il me dit « Tu es meilleure que moi ». Moi, je lui dis « Tu dois avancer tranquillement. Tu vas voir, quand tu avances un peu, c’est facile. Il faut pas arrêter, sinon on pense qu’on est pas capable ». Et là, lui, c’est qu’il reste seulement avec des personnes qui parlent sa langue et de sa culture… Là, si tu fais ça, tu oublies tout. Et il faut recommencer. Il faut rester connecté beaucoup avec les Québécois, parce que tu es ici, pas dans ton pays. Et si tu déconnectes, tu perds le courage. »

L’idée de ce dernier participant à l’effet qu’il est nécessaire de demeurer en action afin de nourrir la motivation rejoint le discours d’un autre participant qui, au cours de l’entrevue, avait prodigué un conseil aux futurs immigrants dans sa condition : se mettre en action le plus rapidement possible dès l’arrivée au Québec. Le fait d’être proactif serait donc à son avis une caractéristique personnelle qui permet d’entreprendre rapidement le processus de transition, sans quoi la motivation peut disparaître avant même que la personne ne se mette en action.

« (Il faut) commencer le plus rapidement possible la francisation et ISP. Parce que plus tu attends, plus c’est difficile. On a pas le courage plus on attend. »

Certains participants trouvaient d’ailleurs une source de motivation en évaluant leur condition actuelle avec gratitude. La transition vers l’emploi représente un défi considérable, mais ceux-ci prennent le temps de penser aux difficultés qu’ils ont éprouvées avant de se retrouver engagés dans cette nouvelle transition au Québec. Cette réflexion fait écho à l’impact d’expériences de transition similaires, tel que discuté dans la section 6.5. Avoir vécu de difficiles transitions antérieurement permet à des participants de relativiser la transition qu’ils vivent actuellement et d’être ainsi reconnaissants d’évoluer dans le contexte actuel. Certains se comptent simplement chanceux d’avoir l’occasion d’intégrer le marché de l’emploi dans une région qui jouit d’une paix sociale durable.

« Travailler au Québec, c’est bien. Dans mon pays, beaucoup de guerre, tous les mélanges de guerre, pas facile pour le travail. Il faut partir, aller, aller. C’est une bonne chance pour moi arriver au Canada. »

Si certains participants s'estiment heureux de vivre cette transition présentement, plusieurs difficultés doivent tout de même être surmontées pendant celle-ci. Des participants affirment à cet égard avoir été en contact avec plusieurs personnes leur ayant indiqué qu’ils seraient incapables de mener à terme leur intégration au marché du travail. À leur avis, il faut demeurer inébranlable, afficher une indépendance d’esprit par rapport à l’opinion des autres et user de patience afin de traverser les difficultés en cours de transition.

« Tout le monde pense qu’on peut pas réussir. Mais quand tu commences, et que tu continues et tu continues, ça va mieux, un peu, un peu. »

Les remises en question peuvent également provenir des étudiants eux-mêmes. Le discours de ceux qui relatent vivre des incertitudes montre néanmoins qu’ils sont en mesure de contrebalancer celles-ci par leur caractère optimiste. À titre d’exemple, côtoyer des personnes qui pratiquent leur métier depuis plusieurs années peut être intimidant pour un étudiant qui débute dans un milieu. Un participant explique que dans ce contexte, il se projette à la suite de tous ses efforts vers un futur prometteur :

« Je regarde les autres et ils travaillent vite et bien. Je me dis « Ouf, est-ce que je vais être capable? » Mais pour eux, c’est une habitude. Ils font ça depuis longtemps et un jour je serai comme eux. Et j’aime apprendre. À tous les jours, c’est un peu nouveau. »