• Aucun résultat trouvé

Mécanismes de rétention des ETM sur la MO du sol

CHAPITRE 4. MÉCANISMES DE RÉTENTION DES ETM SUR LA MO DU SOL 4.3 Les trois grands mécanismes de rétention des ETM sur la MO

4.4 Constantes de complexations typiques MO-Métaux

4.4.1 Formalisme de la complexation en solution aqueuse

Au niveau de l'analyse en chimie aqueuse, la question de la sorption des métaux se résume à déterminer la phase de l'espèce métallique, i.e. le cation est-il toujours dissout dans la phase aqueuse ou bien a-t-il quitté cette phase au prot de la phase solide (complexation de surface) ? Cette dé-nition, proposée par Sposito (1989) ne précise pas la nature de la réaction entre le métal sorbé et la surface réactive. En réalité, l'hypothèse initiale est la complexation de surface en sphère interne. Pourtant, rien ne permet d'armer a priori qu'il s'agisse du mécanisme de complexation prépondé-rant. La complexation réelle est probablement l'addition des diérents phénomènes (complexation en sphère interne et sphère externe), et seuls des outils spectroscopiques de pointe (EXAFS) per-mettant d'établir l'existence et la longueur des liaisons chimiques entre les centres métalliques et les ligands peuvent permettre de valider l'une ou l'autre des hypothèses. Ce débat théorique peut être important dans la compréhension des phénomènes d'adsorption de surface, et peut éventuellement expliquer la diérence de force de complexation entre deux substrats. Quoiqu'il en soit, même si la nature de la complexation n'est pas toujours connue, on pourra tout de même utiliser le forma-lisme de la chimie des solutions pour modéliser la complexation : l'équilibre thermodynamique et sa constante associée. Dans le cas d'une stœchiométrie équimolaire dans la formation d'un complexe monodentate, le formalisme suivant peut être employé :

Surf ace+M e+z *) Surf aceM e+z−1 (4.3) La constante thermodynamique d'équilibre est alors dénie par :

KM e = [Surf aceM e

+z−1]

[Surf ace]∗a(M e+z) et pKM e = LogKM e (4.4) avec a(Me+z) l'activité des cations métalliques et [SurfaceMe+z−1] et [Surface] les concentrations en sites de surface occupés et libres.

4.4.2 Condition préalable aux comparaisons des constantes thermodynamiques

Il paraît alors intéressant de comparer la force des ligands de la matière organique, en comparant la valeur de leur LogKM e. Avant de comparer les valeurs de LogKM e il est nécessaire de rappeler que cette comparaison n'a de sens que lorsque la spéciation prépondérante de l'ETM est celle du cation libre Me+z; c'est à dire que le pH auquel on travaille n'a pas engendré l'hydrolyse du métal par la

CHAPITRE 4. MÉCANISMES DE RÉTENTION DES ETM SUR LA MO DU SOL

Figure 4.2 Schématisation des principaux mécanismes d'adsorption d'un cation métallique bivalent hexa-coordonné sur les surfaces organiques négativement chargées en solution, d'aprèsSigg et al. (2000)

CHAPITRE 4. MÉCANISMES DE RÉTENTION DES ETM SUR LA MO DU SOL

formation d'hydroxydes : Me(OH)+z−1, Me(OH)2+z2, ... En pratique, ces limites de solubilités sont évaluées pour chaque expérience, et dépendent du pH ainsi que de la concentration en métal. D'une manière général, pour les métaux caractéristiques des pollutions urbaines (Zn, Pb, Cd, Cu), et pour des concentrations totales en métal inférieures à 1mM, on n'observe pas d'hydrolyse pour les pH<6, sauf dans le cas du Pb qui reste l'élément le moins soluble.

4.4.3 Constantes de complexation ligands organiques-métaux

Les tableaux 4.2 et 4.3 proposent une synthèse des constantes thermodynamiques de complexa-tion des métaux caractéristiques des pollucomplexa-tions urbaines (Zinc, Cadmium et Cuivre) sur des ligands organiques simples ou des substrats organiques : SH, bactéries, biolm. Plus la valeur de cette constante sera élevée, moins le métal sera susceptible d'être présent sous forme libre (Me+z) en solution. La détermination de ces constantes thermodynamiques est essentielle pour l'évaluation de la spéciation des polluants. La spéciation couplée au modèle de transferts permet de prédire le transport des polluants. Ils pourront se trouver dissouts dans la phase aqueuse, ou complexés à des colloïdes mobiles ou immobiles, ou encore complexés à la matrice solide immobile. Le tableau 4.2 montre que l'anité des ligands organiques simples pour les métaux augmente selon le sens :

LogKM e−acides carboxyliques< LogKM e−groupements phosphat´es < LogKM e−groupements amines´

Les ligands chelatants sont des ligands présentant plusieurs groupements complexants sur une même molécule. Ils peuvent donc créer plusieurs liaisons datives avec le centre métallique. Un ligand chelatant a une plus grande constante de complexation des métaux que les ligands simples ne pré-sentant qu'un site de xation des ETM par molécule (cf. tableau 4.2). Dans le cas de la présence de deux sites complexants aux extrémités d'une même molécule, l'organisation du complexe peut être cyclique. Les cycles à 5 ou 6 centres sont favorisés thermodynamiquement, puis plus la taille du cycle augmente, moins l'eet chelatant est observé (cf. gure 4.3). Pour une chaîne inniment longue comportant à ses deux extrémités un site de xation métallique, la probabilité de fermeture du cycle sur lui même devient de plus en plus faible. En pratique, pour les acides dicarboxyliques linéaires, l'eet chelatant est maximal pour l'oxalate et le malonate qui forment des cycles à 5 ou 6 centres avec les cations métalliques et les oxygènes des carboxyles impliqués dans la complexation (Guine et al.,2007), et il n'est pratiquement plus observé pour des longueurs de chaîne carbonées de plus de 6 carbones conduisant à des cycles improbables de 9 atomes (cf. gure 4.3 et tableau 4.2).

LogKM e−ligand simple < LogKM e−ligand chelatant

CHAPITRE 4. MÉCANISMES DE RÉTENTION DES ETM SUR LA MO DU SOL

Table 4.2 Constantes thermodynamiques de complexation des cations métalliques par des ligands organiques simples, d'aprèsMartell and Smith(2004). Avec L=Ligand, H=hydrogènes, M=cation métallique et I=Force Ionique.

CHAPITRE 4. MÉCANISMES DE RÉTENTION DES ETM SUR LA MO DU SOL

4.4.4 Constantes de complexation MO-métaux

Les études des réactions MO-métaux ont été explorées très tôt, tant sur la matière humique (Gamble et al.,1970) que sur les substances extracellulaires bactérienne (Brown and Lester,1979). Le tableau 4.3 présente les constantes de complexations par les principaux constituants de la MO du sol (bactéries, biolms, substances humiques). Les constantes de complexation des métaux par la MO sont supérieures à celles des ligands simples. Elles sont plus proches des constantes des ligands chelatants. Est-ce que les surfaces de la MO présentent des groupements chelatants, ou s'agit-il de la proximité de deux sites diérents jouant le même rôle qu'un chelatant ? Cette question est étudiée depuis une quinzaine d'année par spectroscopie EXAFS. D'autre part, il est très remarquable de voir que quelque soit la MO étudiée (bactérie, biolm, SH, boues activées), les constantes de complexation des cations métalliques sur les sites acides et neutres de la MO sont du même ordre de grandeur :

3 < LogKM e−M O < 5

Les constantes de complexation par les sites basiques des bactéries peuvent être très importantes (jusqu'à LogKCu−Bacillus lichenif ormis= 9.1 d'aprèsDaughney and Fein(1998)) mais en pratique, ces sites aminés interviennent peut dans la complexation des métaux du fait de l'hydrolyse des cations métalliques prépondérante à pH basique.

La synthèse des résultats proposés met également clairement en évidence la grande anité du cuivre avec la matière organique. En eet, pour tous les ligands organiques proposés, les constantes de complexation du cuivre sont toujours supérieures à celles du zinc ou du cadmium :

LogKCu−M O > LogKCd−M O > LogKZn−M O

De la même manière queBorrok et al.(2005) a introduit un modèle universel pour la réactivité des bactéries aux protons,Fein et al.(2001) a proposé une méthode permettant d'évaluer les constantes de liaison métal/bactérie par une corrélation linéaire entre LogKM e−acetateet LogKM e−bacterie. Les ré-sultats récents deJohnson et al.(2007) (cf. gure 4.4) valident cette méthode sur trois autres souches bactériennes. Ces études permettent en particulier d'établir des relations entres des constantes bien connues de la littérature (ligand Acétate + cation métallique) et les données expérimentales des constantes bactéries + cations métalliques. Les relations trouvées permettent de valider les extrapo-lations de ces données expérimentales, et ainsi d'estimer l'adsorption entre une souche bactérienne et un métal non encore étudié.

Johnson et al.(2007) précise même la corrélation linéaire liant LogKM e−acetateet LogKM e−bacterie (cf. gure 4.4) pour les diérents sites réactifs bactériens. D'une manière plus générale, nos synthèses de données des tableaux 4.2 et 4.3 permettent d'établir une règle générale : les valeurs des constantes de complexation par les substrats bactériens sont toujours supérieures d'au moins 1 à 2 ordre de grandeurs que les constantes des ligands simples :

LogKM e−bacterie ≥ LogKM e−ligand simple + 1 (ou +2)

4.4.5 Contribution des EPS à l'augmentation de réactivité des substrats bacté-riens ?

Guine et al.(2006) ont montré que la densité théorique de site à la surface des bactéries n'était pas assez importante pour expliquer les importantes quantités de métaux (Zn) adsorbées par trois souches bactériennes à gram négatif. Ces auteurs suggèrent que cette réactivité augmentée de complexation des métaux peut être due aux EPS bactériens. D'autre part Guine et al. (2007); Ngwenya (2007)

CHAPITRE 4. MÉCANISMES DE RÉTENTION DES ETM SUR LA MO DU SOL

Table 4.3 Constantes thermodynamiques de complexation des cations métalliques par des constituants de la MO du sol : SH, bactéries, biolm. D'après :Plette et al. (1995,1996);Daughney and Fein (1998);Fein et al.(2001);Yee and Fein(2001);Guibaud et al.(2003);Ngwenya et al.(2003);Muris (2004);Comte et al. (2006);Guine et al. (2006,2007);Johnson et al.(2007);Matynia et al. (2009)

CHAPITRE 4. MÉCANISMES DE RÉTENTION DES ETM SUR LA MO DU SOL

Figure 4.4 Corrélation linéaire entre les valeurs des logKM e−acetateet logKM e−bacterie, pour un consortium de bactéries extraites de rivières, de sols forestiers et de sols cultivés, d'aprèsJohnson et al.(2007)

ont montré que les bactéries âgées ou mortes (connues pour avoir une plus importante part de matrice extracellulaire par rapports aux bactéries en phase de croissance exponentielle) sont plus réactives aux métaux lourds : elles complexent plus de métal que les souches juvéniles. Est-ce que cette réactivité augmentée de complexation des métaux peut être due aux EPS bactériens ?

C'est cette question scientique que nous proposons d'aborder, à travers un système d'étude modèle entre un exopolysaccharide bactérien, le xanthane, et un cation métallique de référence : Cu2+. Le chapitre suivant détaillera le choix de ce système d'étude modèle.

CHAPITRE 4. MÉCANISMES DE RÉTENTION DES ETM SUR LA MO DU SOL